Conseils lecture
La terre des fils fait incontestablement partie des meilleurs titres 2017. Gipi (pourtant pas habitué au genre) nous conte une histoire post-apocalyptique d’une rare efficacité. Les personnages sont abrupts, directs, violents, mais pas dénués de réflexion. Dans un univers âpre, ils agissent pour leur survie sans laisser paraître de sentiments. Pourtant les sentiments sont bien présents, sous-jacents, et inéluctablement jailliront… L’illustration est magnifique, désespérée, sans couleur, sans aplat, au trait vif, hachuré et élégant. Un petit joyau de la bande dessinée italienne à découvrir. - Michaël
Une héroïne naïve, maladroite et très attachante, entourés de personnages nuancés et intriguants : tous évoluent dans un univers imaginaire si bien construit qu'on ne veut plus le quitter, porté par une intrigue rythmée et implacable. Tous ces ingrédients font de ce livre un excellent "page turner", à découvrir d'urgence.
Nolwenn
Rien ne va plus dans le manoir familial ! Le coucher s'annonce périlleux pour la baby-sitter en charge des enfants. Heureusement, elle peut compter (ou pas) sur l'aide de la mamie et du majordome. Car pour garder Tiffany, Hugo et Maxime, il faut beaucoup de courage. Les enfants, à l'imagination débordante, ont créé un univers de princesses, de monstres et de doudous qui parlent. Mais ces chérubins sont-ils vraiment à l'origine de tout ce fatras ? Panda, Brütor et Kokoala, les soi-disant doudous, ne sont-ils pas eux aussi responsables ? Car dans un monde qui n'a pas de règles, la question la plus importante est de savoir qui, des enfants ou des créatures, est le doudou de l'autre ?
Jardins sucrés est « un drôle de récit drôle » constitué de saynètes. On suit chaque enfant et son doudou, à moins que ce ne soit chaque créature et son doudou, dans des aventures qui leur sont propres, jusqu'à un final en apothéose. - Michaël
Entrez dans le journal de Piranèse, qui vit dans une maison tellement immense qu’il n’a pas réussi à compter le nombre de pièces qu’elle contient. Cette maison, il l’explore. Il note, il analyse, il cherche à comprendre ; et, de temps en temps, il y croise l’Autre, scientifique à la recherche du « grand savoir ». Un jour, Piranèse découvre l’existence d’un troisième habitant dans ce palais labyrinthique. Sa réalité et ses certitudes en sont bouleversées… Et de plus grandes questions subsistent pour nous lecteurs : Où vivent-ils ? Ce monde est-il réel ? Comment expliquer l’inexplicable ?
Susanna Clarke y répondra avec brio dans un récit très bien ficelé qui prendra une toute nouvelle dimension, un récit qui étonne sans cesse, décontenance, et même manipule parfois. L’autrice pose au passage quelques questions philosophiques passionnantes sur la vérité et la réalité. Un roman troublant, original, unique.
Selon sa tante, Miyo est une bonne à rien, pourtant elle va réussir à décrocher un emploi dans la boutique de M. Momotoshi, un marchand excentrique spécialisé dans l’importation de toutes sortes de babioles. Une nouvelle vie commence donc pour la jeune orpheline qui va devoir apprendre de nouveaux codes de conduite mais également mettre à profit son talent de divination...
Que voici un manga fort sympathique qui devrait trouver un plus large public que celui habitué au genre. Nous sommes sur un récit de type « seinen », destiné aux adultes, mais qui présentement peut être lu par un plus jeune public tant l’histoire est délicate et délicieuse. Nous suivons donc Miyo, tendre et attendrissante avec ses côtés un peu gauche et sa timidité propres aux personnes ayant été dévalorisées dans leur enfance. Même si cela ne constitue pas la trame principale, on devine que Miyo va s’épanouir en trouvant écoute et stimulation auprès de cet étrange M. Momotoshi. Cette intrigue, qui sera le fil conducteur de cette œuvre en 6 volumes, est distillée dans les nombreuses histoires que nous proposent le manga. Les différents chapitres proposent à chaque fois la découverte d’un objet occidental de la fin du 19e siècle et une fiche explicative de son fonctionnement. Loin d’avoir livré tous ses secrets dans ce premier volume, nous attendons avec impatience d’en savoir plus sur le don de divination de Miyo, qui devrait par la suite se montrer d’une extrême importance…
New-York fin des années cinquante, Carney est marié, il a une fille et dirige tant bien que mal un magasin de meubles à Harlem. Tout n’est pas évident, mais vu d’où il vient, il s’en sort pas si mal. Père truand, mère décédée, il a poussé dans la misère, comme les mauvaises herbes qui se frayent un chemin à travers le bitume fissuré des trottoirs d’Harlem.
Carney a des principes, il s’est accroché pour faire des études, et il reste dans le droit chemin : tout sauf ressembler à son escroc de père, violent et absent. Seulement dans son quartier, les dés sont tous un peu pipés, et personne n’est irréprochable. Alors si on veut grimper, il faut s’arranger avec son honnêteté, et surtout graisser la patte aux bonnes personnes pour qu’elles vous fassent la courte-échelle.
C’est cet homme attachant, entre deux mondes, côté pile honnête marchand de meuble, côté face un peu receleur, un peu magouilleur, dont nous suivons le parcourt au fil des années. Une baignade dans les eaux saumâtres de l’Hudson, avec quelques beaux spécimens de poissons carnassiers et une déambulation dans les rue de New-York, ville magique, dont le souffle vous porte.
Un roman qu’on lit en apnée, emporté par le flot des mots, avec l’index qui frénétiquement égrène les pages. Plus encore qu’un hommage au récit de gangsters, l’histoire intimement liées d’un homme, de sa famille et de son quartier, un homme fier, droit, qui ne renonce pas et qui l’aime sa putain de ville d’escrocs.
Un voyage trop cool dans la jungle de béton d’Harlem, à condition de ne pas terminer les deux pieds coulés dedans !
David est un metteur en scène de théâtre dans le creux de la vague. Pour la énième fois, la pièce qu’il devait monter, La Tempête de Shakespeare, ne se fera pas. Un imprévu de la vie quotidienne, va lui éviter de sombrer encore plus dans sa tourmente. La halte-garderie est en grève et il doit garder Miranda, sa fille de deux ans. Pour occuper l’enfant, le père de famille, décide de lui jouer et expliquer sa pièce.
Dès la première scène, on est embarqué dans le récit. Pour capter l'attention de la fillette, le comédien incarne avec passion les personnages et les situations. Il y met du rythme, de la gestuelle, de la voix, de la surprise et de l'émotion.
La complicité entre David et Miranda est totale. L’enfant participe au jeu. Poupées, ours en peluche, figurines, dessins deviennent acteurs ou décors.
La tempête n’est pas que dans le texte, elle est également dans les pensées du père et comme pour intensifier l’atmosphère, dehors l’orage gronde.
Grâce à ces parallèles entre fiction et réalité, l'auteur explore les thématiques de la paternité, des relations parents/enfants, de la famille.
C’est aussi une réflexion sur la place de l’art et des artistes dans notre société. Être intermitent·es du spectacle est-il un vrai métier ? Comment se sentir utile quand nombre de personnes pensent que les professions artistiques ne sont que du loisir ?
« Ma tempête » est une véritable ode au théâtre ! Un roman audacieux en se permettant de puiser dans l’œuvre Shakespearienne. Le livre est court, l’écriture fluide, pas besoin d’être érudit·e pour apprécier cette lecture.
Une réussite.
Benoît Cohen, réalisateur de films et de séries, vit depuis environ un an à New York. Afin de s’immerger totalement dans cette nouvelle culture et pourquoi pas aussi, en tirer un scénario, il décide de devenir chauffeur de taxi. Loin de se douter vers quelle destination le mènera cette aventure, il découvre un monde de rudesse, de stress, mais fait aussi des rencontres improbables, inspirantes…
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« Yellow Cab » est une bande dessinée adaptée du roman éponyme et de l’histoire vraie du réalisateur français Benoît Cohen qui s’est immergé pendant plus de trois mois dans le quotidien d’un chauffeur de taxi à New York. Le résultat est édifiant par le contraste qui existe entre la réalité et l’image « romantique » que l’on en a tous. Peut-être quelques belles histoires de temps en temps, mais non, le plus souvent, un milieu sans humanité où les seuls maîtres mots sont pour les uns, le profit et pour les autres, le mépris. Passionnant et instructif, le récit est une critique acerbe de notre société, mais aussi une approche des moyens de développer son imagination, sa créativité par le mode de l’immersion. Deux thématiques s’entrecroisent donc, se complètent pour restituer un témoignage unique.
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Christophe Chabouté adapte avec brio cette oeuvre. Il la met en scène, en vie par des illustrations en noir et blanc de toute beauté et aux cadrages vertigineux. Il y distille par sa réécriture différentes couleurs, tantôt mélancoliques, tantôt pleines d’espoir.
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« Yellow Cab » est une bande dessinée documentaire qui, grâce aux tableaux de Christophe Chabouté, nous fait voyager dans cette ville tant fantasmée. Bonne balade et n’oubliez pas le pourboire ! - Michaël
C’est l’heure de manger chez la famille Rat. Papa a préparé des pommes de terre.
Un vrai délice pour les enfants, mais ils sont cinq et il y a 6 pommes de terre…
Qui aura la chance de la manger en plus… Un véritable casse-tête pour papa Rat.
Simple, mais efficace, cet album pour les tout-petits est un délice.
Les illustrations à la « Disney » sont tout simplement très belles, et les rats trognons à souhait. L’auteur utilise une palette de couleurs réduite : de l'orange, du bleu et leurs nuances. Le tout est rehaussé par une touche de blanc.
Guillaume Bracquemond a également travaillé sur la mise en scène, des plans tantôt larges, tantôt moyens, donnant ainsi beaucoup de rythme à l’histoire.
L’auteur aborde, de façon humoristique, la notion de partage, mais aussi, au détour, la place du papa moderne.
Un album rat’fraîchissant.
« Goupil ou face » est l’histoire vraie de Lou Lubie, autrice/illustratrice qui se bat chaque jour contre sa maladie : la cyclothymie. Ce trouble de l’humeur est de la famille des maladies bipolaires. Avec pudeur, mais sans compromission, elle nous dévoile son quotidien, que beaucoup aurait dissimulé, jonglant constamment entre euphorie et dépression. Le récit débute à ses 16 ans, aux premières manifestions de ce mal qui ne sera alors que peu considéré par le corps médical, et se termine par sa vie d’aujourd’hui, diagnostiquée et soignée. Elle nous parle d’elle, de ses émotions, de son comportement, de son évolution dans la société. Au travail, en famille ou encore en couple, tout est abordé avec clarté et limpidité. Le récit intimiste est par ailleurs complété par des explications médicales, ici encore le travail de vulgarisation est remarquable. « Goupil ou face » est une bande dessinée instructive et passionnante racontée avec beaucoup d’humour et dont les illustrations sont expressives et limpides. - Michaël
Au XVIIIe siècle, l’Islande est une terre rude. Épidémies, famines, éruptions volcaniques et occupation danoise rendent ce pays invivable. Riche de sagas légendaires, l’Islande n’a plus d’espoir, si ce n’est de se trouver un guide, un héros. Grimr, jeune orphelin, pourrait être celui-ci, à moins qu’il ne devienne un fléau bien pire...
Faire de « La saga de Grimr » l’IDBD de la semaine, cela peut paraître facile puisque cet album a remporté le prix du meilleur album (Fauve d’Or) au festival de bandes dessinées d’Angoulême 2018. Mais sacrebleu ! Il le vaut bien et il serait fort regrettable de ne pas vous en parler. Jérémie Moreau livre une copie parfaite. Partant d’un contexte historique, il développe un récit riche en actions et en émotions. La tension va crescendo jusqu’au final magistral qui ne vous laissera pas indifférent. L’auteur réussit son pari en écrivant et en offrant une vraie saga, digne des plus belles, sublimée par les décors et les aquarelles de cet artiste hors norme. Maintenant, à vous d’aller conter la saga de Grimr ! - Michaël
Dans un monde peuplé de créatures de toutes sortes, il existe un marteau magique qui apparaît de temps en temps et celui ou celle qui arrive à le brandir fera un voyage qui changera à jamais le cours de sa vie. Nombreu·ses sont celles et ceux qui s’y sont essayé·es, malheureusement il y a peu d’élu·es et pour la personne choisie, une quête mystérieuse à laquelle elle ne peut échapper commence dès lors. Melina, petite fille d’à peine une dizaine d’années, en est aujourd’hui la détentrice. Malgré son jeune âge, elle doit quitter sa famille pour vivre son aventure, il ne peut en être autrement… « Hammerdam » est un énième récit fantastique pour la jeunesse, mais avec un je ne sais quoi en plus, le petit truc qui le place au dessus de tous. Le récit principal est somme toute classique et c’est grâce à l’apport des histoires parallèles des seconds couteaux que ce titre prend tout son relief. Elles et ils sont d’une richesse et d’une originalité folle, aux caractéristiques étonnantes. Cet ensemble éclectique forme une bande détonnante qui fonctionne à merveille. Le personnage principal semble pour le moment bien calme, voir terne, mais on y décèle tout de même une force interne qui pourrait bien se faire jour dans le prochain tome. On ne sait rien du voyage à venir, mais ce n’est pas grave tant ce premier volume est complet, riche de trouvailles fort amusantes. Les illustrations d’Enrique Fernández sont également épatantes. Case après case, il crée un univers aux teintes feutrées, tantôt épuré, tantôt fourmillant de milles détails. Maintenant, hélas, il nous faut attendre le tome deux, mais rassurez-vous nous ne l’oublierons pas. - Michaël