Conseils lecture
Depuis quelques temps, le papy de Théo ne dit plus rien. Théo lui, parle pour deux mais Papy jardine sans l’écouter. Théo aime par-dessus tout faire des top trois et va donc questionner son grand-père à ce sujet : quel est son top trois des meilleures tartines ? Des plus belles méduses ? De ses animaux préférés du zoo ? Petit à petit, le lien va se recréer entre nos deux protagonistes, qui trouveront en l’évocation de la mamie décédée depuis peu, des souvenirs doux et réconfortants. Cet album très poétique nous touche par sa subtilité et sa façon douce, enfantine aussi, de parler du deuil et d’aborder les sujets de la vieillesse, de l’amour et du poids du chagrin. Le lien intergénérationnel qui se tisse entre ces deux personnages est extrêmement touchant. Théo, à travers ses tops trois et avec sa naïveté d’enfant, donne l’occasion à son papy de partager de beaux moments avec son petit-fils, ainsi que de raviver des souvenirs émouvants de sa mamie. D’exprimer ainsi sa tristesse et aussi son amour à l’égard de cette personne qui a tant compté dans leurs vies. Les illustrations appuient le propos : délicates, elles sont le théâtre d’une palette d’émotions qui s’expriment sur le visage du grand-père de Théo. Daniel Egneus, grand artiste suédois largement reconnu, s’exprime à travers une technique d’illustration qui lui est propre, le « quotidiano straordinario », à la croisée du collage et de l’aquarelle. Les jeux d’ombre et de lumière sont tout à fait remarquables. Cette histoire aborde des thèmes bouleversants mais toujours avec luminosité et tendresse : c’est un album qui nous met les larmes aux yeux, mais qui fait du bien ! - Nolwenn
Quand son papa n’est pas là, petit renard trouve la vie moins belle. Le chocolat est moins bon quand il n’est pas préparé par son papa. La balançoire va moins haut quand elle n’est pas poussée par son papa et qui va le réconforter quand il fait un cauchemar ? Heureusement, maman renard est là pour sauter dans les flaques, faire des ricochets où encore préparer de supers anniversaires… en attendant la fin de la semaine, qu’il revienne !
A travers cet album plein de douceur, Joris Chamblain (Les carnets de Cerise) et Lucile Thibaudier (Enola et les animaux extraordinaires) abordent un thème récurrent en littérature jeunesse, mais néanmoins incontournable : la séparation. A travers les pages, le lecteur s’émeut de la relation très forte qui lie le petit renard et son papa. Petit à petit, on se rends compte qu’il n’est malgré tout pas seul et que grâce à sa maman, la semaine passe relativement vite, avant le week-end tant attendu.
Les illustrations en aquarelle de Lucile Thibaudier retranscrivent les émotions de petit renard, sa tristesse et sa mélancolie, de manière très touchante. Le cadre automnal des décors apporte un sentiment de « cocon » vis-à-vis du lien fort qui existe entre le petit renard et sa maman, qui fait tout pour lui rendre le sourire.
Cet album parlera beaucoup aux familles dont un des parents doit s’absenter pour raisons professionnelles et permettra d’aborder le sujet avec beaucoup de délicatesse. - Nolwenn
Une procession s’engage dans la sombre forêt : rhinocéros, lièvre, lion ou ours. Ils sont tous différents et se dirigent vers cet ailleurs meilleur, ils ont un bagage dans la main, sur le dos. Ces animaux anthropomorphes, déracinés, accablés par la fatigue, fuyant leur pays, symbolisent les migrants : un mot bien vaste – et vague – pour parler de ces individus aux multiples trajectoires de vies qui en font partie. Un squelette, montant un ibis bleu, les talonne, les accompagne : il s’agit de la mort, omniprésente à chaque pas de ces si dangereux voyages. Le sujet n’est pas bien gai mais cet album arrive avec une force percutante à nous parler d’un sujet essentiel, et bien souvent oublié, relégué au second plan de cette actualité changeante. A travers son album sans texte, Issa Watanabe nous livre un discours métaphorique aux multiples niveaux de lecture, et c’est là, toute la force de son récit : il s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes, à travers des images qui parlent d’elles-mêmes. Une lecture accompagnée par un adulte permettra de répondre aux questions des enfants et d’engager un dialogue avec eux. Le fonds de ce décor est noir comme le désarroi et la douleur de chacun mais chaque personnage porte sur son dos un tissu coloré, comme s’il avait apporté avec lui un peu de ces racines, de son pays, qui donne un peu de baume au cœur. Les illustrations sont si riches de détails et de métaphores qu’il faut plusieurs lectures pour réussir à en capter tout le sens ; mais n’est-ce pas là, aussi, le sens de la littérature : donner à réfléchir pour mettre en évidence cette misère ce que l’on a sous les yeux depuis tant de temps ? Cet album fait partie, selon moi, des incontournables en littérature jeunesse. « Migrants, réfugiés, déplacés, bombardés, apeurés, violentés, affamés, exilés, rescapés, noyés, sans-papiers, apatrides, disparus… Silence. » - Nolwenn
Qu’il y a-t-il sur la lune ? Il y a un guichet, et derrière ce guichet, il y a Jean. Régulièrement, des pensées en tout genre apparaissent : une trompette biscornue, un 10 sur 10, un souvenir de vacances ou un avion tout neuf. Alors Jean les classe, les range, en prend bien soin. Un jour, une petite fille apparait. « Elle n’a rien à faire sur la lune », se dit Jean, « elle doit repartir ». Mais il a beau la catapulter, la coller dans une fusée, l’accrocher à une étoile filante, rien à faire, la petite fille revient toujours ! Alors, petit à petit, Jean va apprendre à cohabiter et à transmettre son drôle de métier…
« Le guichet de la lune » est un bel album mélancolique et onirique. Il pose la question : où s’en vont les pensées lorsque les gens sont dans la lune ? Cette histoire pourrait sortir tout droit de l’imagination d’un·e enfant·e, et c’est en cela que le texte de Charlotte Bellière est très touchant.
Dès le départ, le·la lecteur·rice est intrigué par Jean, et ce qu’il fabrique sur la lune. Au fil des pages, le mystère se délie et ses activités deviennent fascinantes. Le guichetier semble toutefois chagriné d’être parfois désœuvré, car les humains rêvent de moins en moins. C’est pourtant essentiel, de prendre le temps de souffler, s’évader, laisser ses pensées filer !
Les illustrations de Ian de Haes sont douces et la colorisation est magnifique. Le choix des nuances de jaune et bleu est très réconfortant et nous rappelle bien sûr notre beau satellite, la lune.
Cette histoire est parfaite pour les enfant·es qui aiment passer du temps dans la lune et la tête dans les étoiles, qui aiment rêver, tout simplement.
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Karen Reyes, une gamine de dix ans, tient un journal intime et y dessine sa fascination pour les monstres. Elle grandit dans le Chicago des années 1960 entourée de sa mère et son frère Deeze, qu’elle adore. Lorsque sa voisine, Anka, est retrouvée morte d’une balle dans le cœur le jour de la Saint-Valentin, Karen décide d’enquêter. Elle finit par découvrir des cassettes dans lesquelles Anka Silverberg raconte son enfance et des monstres d’une toute autre nature se font jour.
Difficile de résumer les 400 pages de cette bande dessinée en forme de journal intime. Les histoires se superposent et se croisent dans cet objet littéraire et graphique fascinant. La première chose qui frappe, c’est bien sûr sa forme. Imaginez une feuille blanche et un tout bête stylo bic : voici les outils utilisés par Emil Ferris pour dessiner et composer son récit. Certains portraits sont magnifiques et émouvants, d’autres pages plus simplement griffonnées au gré du récit. Pour autant, ce qui reste en mémoire à la lecture de cette œuvre, ce n’est pas tant cette prouesse artistique que la profondeur et l’ampleur du récit. Emil Ferris nous embarque dans son monde et brasse des références artistiques, mythologiques et populaires avec aisance pour mener à bien son propos, dont on attend de lire la suite et fin avec grande impatience... Merci Monsieur Toussaint Louverture, heureux éditeur de ce succès monstre, de nous faire. découvrir ce fabuleux roman graphique. - Michaël
Souvent on me demande si nous avons des « romans graphiques », ce à quoi je réponds systématiquement : « De la bande dessinée, mais bien sûr ! ». Vous l'aurez compris, pour moi ce terme est souvent inapproprié et est surtout employé pour se détacher du terme générique « bande dessinée » qui véhicule malheureusement encore aujourd'hui de nombreux clichés. Mais il arrive parfois qu'entre nos mains nous détenions un livre hybride, doté d'un délicat mélange de textes et d'illustrations, imbriqués les uns aux autres et ne pouvant exister l'un sans l'autre. « Radioactive » fait partie de ces livres qui sont le parfait exemple de ce qu'est le vrai « Roman graphique ». Son esthétisme, son partie pris graphique, composé de peintures, de photographies et de cyanotypes en fait une oeuvre éblouissante et inspirante. Son propos, une biographie de Marie et Pierre Curie, est passionnant. Nous suivons ce couple hors du commun, de leur rencontre jusqu'à leur mort. Nous réalisons la grandeur de leurs travaux, de leurs découvertes et comprenons pourquoi encore aujourd'hui, ils sont admirés dans le monde entier. Certes par moment, le texte peut paraître technique, scientifique, mais il reste tout de même abordable. Le fil conducteur de l'oeuvre est de mettre en parallèle deux forces invisibles, la radioactivité et l'amour, cela fonctionne plutôt bien, même si scientifiquement parlant, elles ne sont pas comparables. « Radioactive » est une oeuvre rare, exigeante et profondément humaine qui a été le premier roman graphique sélectionné dans la catégorie non-fiction du National Book Award.
Le colonel, militaire de carrière, exécuteur des basses tâches, exécuteur tout court, ne dort plus. Dans la nouvelle ville, sur la ligne de front où il vient d’être affecté, peu à peu son image disparaît. Il faut dire qu’après les bombes qui ont méthodiquement rasé les bâtiments, maintenant la pluie qui tombe sans discontinuer, en rideau, efface les paysages, l’horizon, les âmes.
Les jours passent, et sa silhouette, son visage deviennent de plus en plus flous, délavés. Lessivé par les guerres, pour un camp où pour l’autre, sans convictions, mis à part celle du travail bien fait, car militaire c’est son métier et comme le plombier répare les tuyaux, il torture les corps.
C’est dans la peau de ce personnage peu recommandable que l’autrice nous transpose, un être complexe, pris au piège du système, effroyable mais pas entièrement méprisable. Une rencontre qui vous bouscule les entrailles, mais qui vous arrache aussi quelques sourires tant l’invraisemblance du conflit, poussée à son exergue par certaines métaphores, rendent les personnages et les situations drolatiques.
Un récit d’une grande profondeur, un roman magnifiquement sombre et indispensable, qui dépeint avec maestria la folie et l’absurdité de la guerre. La confirmation du très grand talent d’Emilienne Malfatto dont l’écriture précise et poétique vous emporte.
Rebecca Dautremer est une autrice illustratrice que l’on ne présente plus. Son travail a été de multiples fois primé dans de nombreux salons, et la réputation de la maman de L’amoureux, de Princesses ou encore de Cyrano n’es pas galvaudée. Son travail, subtil, poétique, se reconnaît du premier coup d’œil. Elle signe avec son dernier album, Les riches heures de Jacominus Gainsborough, un véritable coup de maître. Dans cet album, Rebecca Dautremer nous donne à voir le récit d’une vie, celle de Jacominus Gainsborough. Ce petit lapin va grandir à son rythme et trouver sa place petit à petit dans le monde. Il traverse des joies et des peines, des moments de doutes, des blessures mais fait aussi de belles rencontres. A la manière d’une fresque philosophique, l'autrice nous brosse la vie bien remplie d’un héros ordinaire. Jacominus est bien entouré, d’une famille nombreuse, d’amis présents et de l’amour de sa vie. Il n’a pas vécu que des moments faciles, mais quand au crépuscule de sa vie, Jacominus se retourne, il peut être heureux du moment qu’il a passé auprès de ces êtres qui lui sont chers. Les illustrations sont d’une maîtrise incroyable et pleines de références picturales, littéraires qui pour certaines nous échappent certainement ; la mise en couleur, douce et équilibrée, les détails foisonnants font que nous pouvons nous plonger des heures dans cet album hors du commun, le relire 10 fois, nous aurions toujours quelque chose de nouveau à découvrir. L’équilibre avec le texte, empli de mélancolie, de mots justes, et bien sûr de poésie, fonctionne merveilleusement. Voici un album tel que vous aurez peu l’occasion d'en voir : tout un univers riche et foisonnant qui nous laisse un goût doux amer quand l’on referme, trop tôt, la dernière page du livre de la vie de Jacominus Gainsborough.
Sam n’a pas de travail, c’est un artiste, un peu rêveur, un peu glandeur aussi... Pour l’aider à reprendre sa vie en main, sa mère lui trouve un poste de commercial auprès d’un cousin éloigné. Il fera désormais équipe avec cet étrange Keith Nutt, qui a placé le travail au cœur de sa vie. Une bien étrange relation va naître, pleine de partages et d’incompréhensions... Petit bijou de sensibilité, « Courtes distances » est une œuvre remarquable autant par son fond que par sa forme. Par sa forme car, l’objet livre est d’un format inhabituel, un grand carré jaune, avec de belles illustrations aux allures de crayonnés. Par son fond, par les propos qu’elle véhicule. Véritable satire sociale sur l’opposition transgénérationnelle, elle nous immerge dans le quotidien de personnalités que tout oppose, mais qui ont ce point commun d’être en marge de la société du fait d’un manque : celui d’un père, d’un fils, d’une cellule familiale structurante. L’opposition des protagonistes n’est pas manichéenne, chacun des deux hommes tentant d’intégrer l’autre à son univers, sans jamais vraiment y parvenir. Une œuvre fine et forte sur la différence, à lire et à faire lire à tous. - Michaël
Conseils lecture
Dans un royaume lointain, vit une petite princesse très intelligente. Elle passe ses journées enfermée dans sa tour à dévorer des livres. Ses parents s’en inquiètent : « qui va prendre en charge le royaume quand nous ne serons plus là ? et notre retraite ? ». Ils aimeraient lui présenter un prince à marier mais la petite princesse en baskets ne s’y intéresse pas. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que leur fille, dans ses livres, apprend beaucoup de choses, comme vaincre un dragon ou fabriquer un antipoison ! Bien vite, la princesse va devoir mettre ses compétences à profit car voilà qu’un énorme monstre poilu à 6 yeux débarque et attaque le château… « Encore une histoire de princesses » me direz-vous ; oui, mais originale ! Par le prisme de la passion pour la lecture et du féminisme, on s’attache particulièrement à notre héroïne. Cette princesse n’a pas besoin de prince pour l’aider à faire ses choix ou à prendre en charge le royaume ! Indépendante, sûre d’elle et pleine de ressources, c’est un beau modèle de personnage qui est proposé aux enfants dans cet album. Les illustrations de Tristan Gion sont un régal pour les yeux. On y retrouve une palette de couleurs vives et très harmonieuses en même temps ; son dessin est rempli de références à l’histoire ou à la mythologie nordique et nous fait voyager. De plus, avec ses cheveux bleus et sa clé à molette dans la poche, aucun doute, notre petite lectrice est vraiment ancrée dans l’ère du temps !
Cette belle histoire parlera assurément aux amoureu.se.s des livres, en tout cas, moi, elle me touche droit au cœur !
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Karen Reyes, une gamine de dix ans, tient un journal intime et y dessine sa fascination pour les monstres. Elle grandit dans le Chicago des années 1960 entourée de sa mère et son frère Deeze, qu’elle adore. Lorsque sa voisine, Anka, est retrouvée morte d’une balle dans le cœur le jour de la Saint-Valentin, Karen décide d’enquêter. Elle finit par découvrir des cassettes dans lesquelles Anka Silverberg raconte son enfance et des monstres d’une toute autre nature se font jour.
Difficile de résumer les 400 pages de cette bande dessinée en forme de journal intime. Les histoires se superposent et se croisent dans cet objet littéraire et graphique fascinant. La première chose qui frappe, c’est bien sûr sa forme. Imaginez une feuille blanche et un tout bête stylo bic : voici les outils utilisés par Emil Ferris pour dessiner et composer son récit. Certains portraits sont magnifiques et émouvants, d’autres pages plus simplement griffonnées au gré du récit. Pour autant, ce qui reste en mémoire à la lecture de cette œuvre, ce n’est pas tant cette prouesse artistique que la profondeur et l’ampleur du récit. Emil Ferris nous embarque dans son monde et brasse des références artistiques, mythologiques et populaires avec aisance pour mener à bien son propos, dont on attend de lire la suite et fin avec grande impatience... Merci Monsieur Toussaint Louverture, heureux éditeur de ce succès monstre, de nous faire. découvrir ce fabuleux roman graphique. - Michaël
L'action se déroule dans le Transsibérien. Des conscrits sont emmenés en Sibérie mais ne savent pas où exactement. L'un d'eux, Aliocha cherche à déserter, il tente de fuir et se cache. Deux personnages embarqués dans une histoire où la question de la confiance est sans cesse en jeu. A chaque arrêt dans une nouvelle gare, la tension monte. Fort suspens de cette traque dans l'environnement clos du Transsibérien. C'est aussi le rythme de ce train mythique traversant les paysages de steppe, puis de taïga.
Un style qui va à l'essentiel à la fois poétique et brutal. Une très belle écriture. Ce petit livre court mais vraiment intense est un vrai bijou de lecture !
Kenji est un jeune moine appartenant au temple du Souffle Sacré. Son temps, il le passe à s'entraîner aux arts martiaux et à méditer. Mais cette vie monacale ne lui convient pas. Il rêve d'aventures et de combats. Il veut devenir un valeureux ninja. Maître Yapluka, lui, ne veut rien entendre, et fait tout son possible pour garder son disciple dans le droit chemin. Pourtant, des évènements tragiques vont obliger le vieil homme à lui apprendre les rudiments de cet art et à lui révéler de terribles secrets... Un récit énergique, appuyé par un dessin rond et des couleurs éclatantes, qui ravira les enfants comme les adultes. Une belle leçon sur les rêves et les moyens de les réaliser. - Michaël
Elle vit cachée, cloîtrée dans un océarium. Privée de liberté par son geôlier de père adoptif, qui l’utilise comme appât à touristes, elle rêve de plein air, d’une vie de jeune fille de son âge. Fish Girl est son nom, ou plutôt son nom de scène car elle n’est pas, au sens physique du terme, vraiment humaine, non, elle est sirène. Une rencontre impromptue va lui donner la force et le courage d’affronter son gardien et peut-être enfin, de savoir qui elle est réellement...
Ce roman graphique pour la jeunesse a été déniché par les éditions « Le Genévrier » peu habituées à publier de la bande dessinée. Grand bien leur en a fait, puisqu’ils ont déniché une véritable pépite. Loin des formats habituels avec humour, action et bastonnades à n’en plus finir, Fish Girl est écrit et mis en scène de façon calme et émouvante. Il y a bien sûr de l’action, mais le lecteur, enfant comme adulte, retiendra surtout les moments d’échanges, de contemplation et de liberté. Le duo scénariste/illustrateur atteint ici son paroxysme tant l’ensemble fonctionne à merveille : une heureuse plongée dans de la pure magie ! Lorsque l’on referme ce livre, on se sent plus apaisé et serein. -Michaël
Paul est fatigué de toujours se faire gronder par sa maman. Alors pour en finir avec cela, il décide de partir vivre seul dans une autre maison. Très vite la solitude et l’ennuie se pointent, aussi, lorsqu’un chat s’invite chez lui, Paul ne refuse pas de l’héberger, ni même pour le chien, encore moins pour le cochon et que dire à tous ceux qui arrivent… Les éditions Cambourakis nous proposent un charmant et amusant album suédois. L’autrice Barbro Lindgren écrit une histoire qui prend essence dans le quotidien et en fait un récit extraordinaire. Quel est l’enfant qui n’a pas rêvé un jour d’habiter seul sans avoir ses parents sur le dos ? L’autrice, maligne, ne donne pas pour autant victoire à ce garnement, mais conclut à merveille son texte par une mignonnette pirouette. Les illustrations d’Emma AdBage sont atypiques, son esthétisme va en faire hurler plus d’un car ici point de perspectives ou de décors majestueux, non, juste le principal et des personnages avec des « gueules », des tronches qui feront rire par leurs attitudes et leurs postures. Une vraie leçon de dessin, à l’apparence faussement enfantine et à la mise en scène irréprochable. Petit conseil, lorsque vous sentez la moutarde vous monter au nez et que vos enfants en ont assez de vous, venez passer un peu de temps à la médiathèque : il y a de beaux albums à lire ensemble, et les colères se transformeront en câlins (garantie à 75%). - Michaël
Ernest, joli petit garçon de 10 ans d’une sagesse rare, traverse la vie au rythme régulier d’un métronome bien huilé. Il grandit sans bruit auprès de sa grand-mère, la bien-nommée Précieuse, et de Germaine, la gouvernante. Mais ça, c’était avant l’arrivée de Victoire, sa voisine de classe pétillante, qui bouscule son quotidien et l’amène à voir la vie autrement. Il en vient à se poser des questions nouvelles, sur le rythme si tranquille qui berce sa vie ou la permanence des silences entourant ses origines. La présence de son amoureuse lui donne des ailes et assez de courage pour prendre la plume et espérer changer ce qui lui pèse. « Lettres d’amour de 0 à 10 ans » est une (énième) pépite de madame Morgenstern. Un charme suranné et irrésistible se dégage de cette bande dessinée. Les aquarelles de Thomas Baas distillent une douce atmosphère au gré des pages que l’on tourne avec gourmandise. Les enfants tiennent le beau rôle dans cette histoire : ce sont eux les vrais héros qui, grâce à leur innocence et bienveillance naturelles, parviennent à retrouver la petite musique du bonheur là où elle était mise en sourdine. Une réflexion fine sur le rôle des parents (qui semblent absents de l’histoire mais y jouent un rôle central dans la transmission de valeurs aussi importantes que la générosité, l’attention à l’autre, la confiance) jouxte celle sur la présence et l’amour. Car il y a bien des façons d’être présent au monde, à soi et autres, et il arrive que l’absence ne soit pas synonyme de désamour, au contraire. Après tout, ne serait-ce pas la raison d’être des lettres d’amour ? Une lecture en forme de valse où trois temps amoureux s’enchaînent, à conseiller à tous dès huit ans. - Aurélie
Le roi a vu un dragon, non loin d’ici. Tant qu’on ne l’a pas vaincu, il ne voudra pas aller au lit. Alors trois de ses chevaliers s’en vont le chasser. Mais ces valeureux personnages ne voient pas très bien dans la nuit et confondent le féroce dragon avec tout ce qu’ils peuvent croiser : des lapins, des oiseaux ou même des ours…
L’humour de cet album réside dans un jeu d’illustrations en ombres chinoises et dans les erreurs à répétition que commettent nos courageux, mais pas très malins, chevaliers. En effet, la nature a décidé de leur jouer des tours et la nuit, tout prend la forme d’un dragon. Le niveau de lecture simple et accessible est à hauteur d’enfants pour les faire rire aux éclats aux dépends de nos trois énergumènes.
Les illustrations, tantôt sombres, tantôt colorées, offrent un rythme joyeux à l’ensemble. Elles fourmillent de petits détails à observer, qui ajoutent de la profondeur à l’histoire, comme les accessoires que tiennent nos chevaliers par exemple.
Si le concept des ombres chinoises a déjà été bien exploité dans la littérature jeunesse, cet album utilise cette technique avec beaucoup de justesse, tout en dépoussiérant par la même occasion les histoires de chevaliers ; pour le plus grand bonheur des petits et des grands.
Nolwenn
José est graphiste dans une agence de communication. Immature, gentil moqueur, il n'est jamais le dernier à faire une farce ou à lancer une bonne blague à Caro, la femme qui partage sa vie. Une nouvelle va pourtant le laisser pantois : José va devenir papa. Finie l'insouciance, finies les parties de foot interminables sur console, fini de faire le joli cœur... Fini ? Vous croyez ? Chassez le naturel, il revient au galop...
Une bande dessinée humoristique sur le thème de la paternité, mais pas seulement : sur le couple, les petits riens de la vie quotidienne, qui nous font rire et sourire. Le Saumurois Fortu nous offre ici les pages les plus anciennes de son blog dans une bande dessinée pêchue. A découvrir sans plus attendre ! - Michaël
La naissance de Tom, le petit frère de Juliette, a profondément bouleversé le quotidien de toute sa famille. Tom, le petit rêveur, est né lourdement handicapé…
Subtil mélange de fiction et de faits réels, « Le petit astronaute » est un récit tendre et poignant. Au travers des souvenirs d’une adolescente, le sujet du handicap est abordé sans complexes, ni pathos. L’histoire de Tom, mais aussi de ses parents, dépeint la triste réalité des difficultés rencontrées par ces familles souvent abandonnées par la société. Tout est limpidement abordé, sans concessions. L’auteur parle de la souffrance des parents, de leur monde qui s’écroule d’un coup. Il dénonce le système qui n’offre pas suffisamment d’aide, de ressources pour soulager ces familles souvent démunies. La notion d’« acceptation » est très présente et est une des forces du récit : accepter son enfant, sa différence pour ensuite accepter le regard des autres, celui qui fait tant de mal.
Pourtant, après tout cela, ce que l’on ressent le plus une fois le livre refermé, est très certainement de la quiétude, car au final, nous avons vécu une pure et belle histoire d’amour.
Stress a 37 ans, il est réalisateur et a une idée en tête, concevoir un film sur son quartier « Le panier », ou plus exactement sur ce qu’il était avant la « gentrification », quand sa bande et lui zonaient sur un banc en fumant des joints, un quartier populaire. Celui qui accueillait toute la misère de Marseille, loin des clichés d’aujourd’hui, vitrine de l’office de tourisme.
Stress, il voudrait tirer le portrait de cette époque révolue, retrouver ses potes et leur demander de témoigner, avant que son ancien quartier ne devienne définitivement un Disneyland pour les touristes que vomissent les paquebots chaque jour. Seulement Stress passe ses soirées de fêtes en fêtes vaguement à la recherche de financements pour son projet, parce que le fond du problème c’est qu’il est trop intransigeant avec les autres et pas assez avec lui-même… En attendant, quand il a besoin de thune il filme des mariages orientaux dans les quartiers nord.
Un merveilleux voyage à Marseille et dans le temps, fait d’allers-retours entre la ville d’hier et celle d’aujourd’hui. Une écriture percutante à l’image de ce personnage sans concessions. Un récit qui vous emporte et une force narrative du quotidien, les odeurs, la bouffe, les fringues, la musique, des habitudes et des attitudes décryptées à la loupe. Deux sociétés antagonistes, celle des pauvres d’hier, sans papiers, et des riches d’aujourd’hui, bobos, artistes, Parisiens immigrés, qui cohabitent à quelques années de distance. Un travail d’ethnographe moderne et une grande histoire d’amour, celle du héros et de sa ville qu’il voit changer, comme lui à l’aube de la quarantaine, et peu à peu oublier son passé. Un magnifique roman empreint de la nostalgie de celui qui quitte son pays malgré lui.
Doruntine, Albanaise, s’est mariée il y a trois ans avec un homme d’une lointaine contrée de Bohême. Une nuit sans lune, elle réapparait dans son village natal, affirmant avoir fait le voyage avec son frère Konstantin, or celui-ci est mort depuis deux ans. Au cimetière, sa tombe est ouverte.
Stres, capitaine et dépositaire de l’autorité princière, est missionné pour résoudre ce mystère. Dans une atmosphère entre « Sleepy Hollow » (film de Tim Burton 1999) et « Le nom de la rose » (fim de Jean-Jacques Annaud, 1986), il va devoir faire la part des choses entre fantômes, rumeurs et pouvoir religieux.
A la fois roman policier et fantastique, cet ouvrage n’en est pas moins profondément politique. Il offre plusieurs niveaux de lectures. Au-delà du divertissement que constitue l’enquête menée par Stres, le livre pose des questions fondamentales : celle du libre arbitre, de la vérité et de son travestissement par le pouvoir, de la souveraineté d’un pays face aux puissances extérieures, mais aussi de l’ouverture au monde, de la rumeur et de la manipulation. Autant de sujets qui ont une forte résonnance dans le monde et la société actuelle.
Dernier point : alors que son action se déroule au Moyen Age, il a été écrit en 1979 dans un des pires régimes autoritaires de l’époque, et constitue une critique ouverte du totalitarisme. Il dénonce aussi la domination des pays du bloc soviétique par l’URSS et l’obligation pour les pays d’Europe au cours de la deuxième moitié du XXème siècle de choisir entre capitalisme et communisme, sans pouvoir inventer leur propre modèle.
Ce livre a été interdit à sa publication en Albanie jusqu’à la chute de la république populaire socialiste.
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite ! - Michaël