Conseils lecture
Cette bande dessinée est la biographie — enfin, une partie de la vie — du célèbre journaliste américain Randy Shilts, qui fut le premier journaliste américain à exercer en défendant ouvertement son homosexualité.
Son combat contre les rédactions homophobes de l’époque (années 70/80) est abordé, mais ne constitue pas le sujet principal du récit, qui n’est autre que l’apparition de cette effroyable maladie appelée à l’époque le « cancer gay » : le SIDA.
Ce titre retrace donc l’enquête menée par Randy Shilts, qui découvre accidentellement l’existence de cette maladie et des pressions exercées par le gouvernement américain afin de dissimuler la pandémie aux médias et au public.
Il va se heurter à l’indifférence, la censure et aux pouvoirs politiques.
Sa déontologie va le mener dans un combat titanesque pour que la vérité éclate au grand jour, jusqu’à se renier lui-même en utilisant l’arme de la fake news.
Fraîchement arrivée de Russie, Véra a bien du mal à se faire des amies et à s’intégrer dans la communauté américaine. Pas assez cool, pas assez riche, trop différente... en un mot (deux en fait) : trop russe. L’église orthodoxe devient son refuge, moins par attrait pour la religion que pour le buffet servi en fin de cérémonie. Lorsqu’elle apprend que l’église organise un camp de vacances, Véra y voit l’occasion rêvée de se faire facilement des ami(e)s, russes comme elle. Sa maman l’envoie donc avec son petit frère passer deux semaines en colonie de vacances... De douces illustrations en bichromie, des touches d’humour, de l’amitié, des premières amours, un brin de méchanceté, mais aussi de la solidarité... Bref, un bien joli récit initiatique que l’on devine nourri de la propre expérience de l’autrice. Une bande dessinée à lire dès 8 ans, abrité sous la tente, pelotonné sous la couverture avec sa lampe torche, et surtout pendant les vacances ! - Michaël
« Goupil ou face » est l’histoire vraie de Lou Lubie, autrice/illustratrice qui se bat chaque jour contre sa maladie : la cyclothymie. Ce trouble de l’humeur est de la famille des maladies bipolaires. Avec pudeur, mais sans compromission, elle nous dévoile son quotidien, que beaucoup aurait dissimulé, jonglant constamment entre euphorie et dépression. Le récit débute à ses 16 ans, aux premières manifestions de ce mal qui ne sera alors que peu considéré par le corps médical, et se termine par sa vie d’aujourd’hui, diagnostiquée et soignée. Elle nous parle d’elle, de ses émotions, de son comportement, de son évolution dans la société. Au travail, en famille ou encore en couple, tout est abordé avec clarté et limpidité. Le récit intimiste est par ailleurs complété par des explications médicales, ici encore le travail de vulgarisation est remarquable. « Goupil ou face » est une bande dessinée instructive et passionnante racontée avec beaucoup d’humour et dont les illustrations sont expressives et limpides. - Michaël
Jacques Peuplier est un homme étrange. Solitaire, peu bavard, voire un peu rustre, il gagne sa vie en retrouvant pour le compte de particuliers tout et n’importe quoi de perdu. Il est le meilleur dans son domaine, lorsqu’il daigne accepter une affaire. Son secret : il écoute et parle à toutes les choses matérielles qui sont des témoins privilégiés. L’étrange est son domaine, pourtant lorsqu’il accepte une affaire pour la famille Monk, il est loin de se douter qu’il s’apprête à franchir un nouveau pallier dans le monde du mystère... VilleVermine est un récit singulier et captivant. A l’image de son personnage principal, il est mystérieux à souhait. Son intrigue pour le moins originale nous entraîne dans une ville curieuse ou chaque coin de rue est propice à une histoire, à une intrigue, mais loin de nous perdre, Jacques Peuplier nous guide à travers ces dédales. Julien Lambert réussit avec cet album à créer un personnage fort attachant avec son don, mais également ses faiblesses, ses blessures, le rendant inadapté à la société. Auteur « complet », il illustre avec maestria cette saga. Son style particulier, son choix de couleurs et ses cadrages sont remarquables. Ils rendent un titre très dynamique et d’une très bonne lisibilité. En seulement deux volumes vous tomberez sous le charme de cette enquête peu banale qui a décroché cette année le Fauve « Polar SNCF » d’Angoulême. - Michaël
À Rome, Ottavia Salvaggio a décidé d’être maîtresse de son destin.
Cette cheffe de cuisine passionnée va prendre la suite de son père, persuadée qu’elle peut faire mieux que lui et que son grand-père avant lui.
En ouvrant ses propres restaurants, elle se réapproprie ce savoir-faire familial, autrefois le domaine des femmes.
Nous retraçant le parcours d’Ottavia sur plusieurs décennies, Julia Kerninon réussit à nouveau un magnifique portrait de femme.
Comme « Liv Maria », l’héroïne est forte, déterminée, intense et résolue à ne jamais se laisser enfermer.
« Sauvage » est un roman gastronomique autour de la vie d’une femme, de ses amours, de ses relations familiales. Il nous questionne également sur la violence dans le milieu de la cuisine.
C’est toujours avec plaisir que je retrouve la plume sensuelle et rythmée de Julia Kerninon.
Un livre à dévorer sans modération.
Nicolas Keramidas, auteur de bande dessinée, délaisse, le temps d’un album, la fiction pour un récit autobiographique poignant et pédagogique. Alors âgé d’un an, il fut l’un des premiers bébés opérés à cœur ouvert pour malformation cardiaque. Quarante-trois ans plus tard, il doit repasser sur la table d’opération... Ces événements, surtout le dernier bien entendu, le poussent aujourd’hui à se confier, à décrire dans un journal de bord son hospitalisation présente. Livre exutoire, il dévoile sans pudeur, mais non sans humour, ses angoisses et cette peur de la mort omniprésente. Il nous parle de son enfance, de sa construction autour de sa maladie. Il décrit son quotidien, d’examens en opérations et nous livre aussi, en parallèle, les sentiments de ses proches, les peurs, les pleurs de ceux qui tiennent à lui. Nicolas Keramidas n’oublie pas non plus les services hospitaliers, présents tout au long du récit, qui réalisent chaque jour des miracles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « À cœur ouvert » n’est pas triste, au contraire, cette bande dessinée nous dit d’aimer la vie et c’est bien ce que nous allons faire... - Michaël
L’automne est là ! Pour notre héroïne, une femelle ourse, il est temps de se préparer au long et froid hiver qui arrive... « L’ourse » est un album contemplatif. L’auteur José Ramón Alonso utilise très peu de texte pour nous conter une tendre et belle histoire. En une trentaine de pages, il réussit à nous émouvoir, enfant comme adulte, à nous captiver, faisant de nous les témoins privilégiés du cycle de la vie et de la nature. Cette réussite il la doit également aux magnifiques illustrations à l’acrylique de sa consœur espagnole Lucía Cobo. Avec minutie elle peint chaque détail, chaque poil de notre plantigrade, la rendant tellement vivante et expressive ! En utilisant une gamme de tons pastels et automnaux, Lucía crée une atmosphère douce et poétique. Elle varie les plans, les axes de vue donnant ainsi un dynamisme à l’ensemble et un effet de surprise lorsque l’on découvre, page après page, ses magnifiques tableaux. Si l’on est suffisamment attentif on découvre par moment dans ses compositions des indices permettant d’envisager la suite du récit. Cet album est un excellent moyen d’évoquer avec les enfants le cycle des saisons, mais également celui de la vie et de la nature. Avant tout il sera pour vous un excellent moment de lecture à partager avec vos chérubins. - Michaël
Michel, 19 ans, commence son apprentissage en coiffure dans le salon de Gérard. Il apprend les gestes et savoir faire de son métier auprès de Carole, une jolie blonde peu farouche. Le jeune homme inexpérimenté qu’il est, succombe évidemment à son charme...Etre coiffeur lui vaut quelques moqueries dans la cité, mais lui permet de se rapprocher facilement de la gent féminine et d’apprendre à la connaître. Notre jeune homme va donc découvrir – avec quelques difficultés mais surtout beaucoup de bonheur – qu’il n’a pas besoin d’être un apollon ou un séducteur pour toucher le cœur des femmes. Et surtout de celle qui - à son grand étonnement – lui plaît de plus en plus (malgré sa couleur ratée). Sylvain Cabot signe ici un titre plein de tendresse à l’atmosphère rétro. Un petit morceau de vie – de quartier et de jeune adulte – dans un lieu on ne peut plus banal, mais où chacun à force de petites attentions portées à l’autre, trouve sa place et se sent bien. Sylvain Cabot et son héros Michel partagent ceci : savoir enjoliver la vie à coup de couleur et de pinceau. N’hésitez donc pas, au salon Dolorès & Gérard, vous passerez un doux moment en bien agréable compagnie. - Michaël
Des enfants, des adultes, quoi de plus banal. Tout le monde paraît être heureux, mais il n’en est rien. Les silences règnent, les silences pèsent. Certains adultes font du mal aux enfants et dans ce monde, qui ressemble beaucoup au nôtre, les cris de détresse sont rendus inaudibles par une étrange usine, qui s’appelle Grand Silence… « Grand Silence » est un conte pour adultes au sujet tabou, mais dont la médiatisation est de la plus haute importance afin de libérer la parole : celui des violences sexuelles commises sur les enfants. Les autrices, par ce récit poignant, illustrent parfaitement les travers de notre société en révélant les mécanismes moraux et sociaux qui engendrent le mutisme et le déni. Elles dénoncent et expliquent simplement par la métaphore comment une société peut fermer les yeux sur de tels actes et comment, on l’espère, y remédier. Ce titre est une réussite dans le message qu’il transmet. Alors oui, certes, le sujet est difficile, mais voilà, prendre conscience d’une chose, c’est déjà admettre son existence, le premier pas pour faire avancer notre civilisation qui, par certains égards, reste toujours inhumaine. Félicitations donc à ces autrices pour nous offrir matière à réflexion par un récit habilement mené et également illustré de façon remarquable.
Apprentie voleuse, Lilya n’est employée par la guilde que pour de menus larcins. Ce qu’elle voudrait par dessus tout, c’est une vraie mission, périlleuse et pleine de mystères ! Le maître des voleurs ne l’estime guère et ne lui montre aucune confiance, alors pour montrer ses aptitudes, elle prend l’initiative de mener à bien une mission qui ne lui était pas destinée. Bien que courageuse et dégourdie, elle va vite comprendre que le monde est empli de sombres mystères et qu’il y a des forces obscures à ne pas réveiller si l’on n’y est pas préparé, sous peine d’anéantir toute forme de vie sur terre... De l’action et encore de l’action sont les fers de lance de cette série jeunesse qui nous vient tout droit de Finlande, le pays des « Mounines ». Elle s’installe sans contestation possible parmi les titres d’aventures les plus efficaces du moment. Le récit est haletant, ménageant des ambiances tour à tour inquiétantes et rassurantes, des scènes de réflexion suivies de pure bastonnade. La trame de fond nous tient en haleine, car comme notre jeune héroïne nous enchaînons les événements sans en connaître les répercussions, souvent disproportionnées. Janne Kukkomen distille également beaucoup d’humour en Lilya, rêveuse au grand cœur et au caractère bien trempé, les enfants vont l’adorer ! L’illustration est maîtrisée, mais de facture plutôt classique. L’originalité vient du découpage et du peu de case par planche. Ce procédé permet ainsi à l’auteur de donner du rythme et d’aérer son récit, facilitant la lecture et la compréhension de l’œuvre. Voici un « page turner » façon bande dessinée jeunesse à dévorer, mais sans vous presser... - Michaël
Durant la Grande Dépression, trouver un travail relève du miracle. Alors lorsque John Clark, jeune photographe, décroche un contrat pour la FSA (Farm Security Administration), sa joie est immense, d’autant qu’il associe ainsi passion et travail. Pourtant sa mission - aller photographier la misère qui règne dans la région sinistrée d’Oklahoma, ravagée par les tempêtes de poussière - va profondément le bouleverser et le pousser à se remettre en question. Cette œuvre de fiction à caractère historique focalise particulièrement notre attention sur une région des États-Unis très meurtrie par la crise économique des années 1930. Elle met en lumière la dramatique crise climatique provoquée par l’agriculture intensive, plus méconnue. La région du Dust Bowl (« bassin de poussière ») connaît à cette période une grande sécheresse qui aggrave et multiplie les tempêtes de poussière. Ces phénomènes hors norme, inimaginables dans nos contrées, sont dévastateurs. Les terres sont inexploitables et la vie, la survie, relève du miracle. La Farm Security Administration, l’agence gouvernementale américaine créée pour combattre la pauvreté rurale, a développé un programme de documentation photographique d’une ampleur unique, témoignage précieux de la vie des Américains de l’époque. Grâce à cela, Aimée De Jongh livre un récit dur, âpre, qui surprend, questionne et dénonce principalement la manipulation des médias, des images, toujours à la recherche du bon cliché, du sensationnel. Lorsque l’on ferme ce livre, une pensée émue nous traverse pour ces femmes, ces hommes, leur courage et résonnent en nous les mots de John Steinbeck : « ils ont le sang fort ». - Michaël
Dans un village de Pennsylvanie, Shana surprend sa petite sœur, Nessie, en train de quitter la maison en pleine crise de somnambulisme. Elle se rend vite compte qu'elle ne peut pas lui parler, et moins encore l'arrêter. Nessie avance, le regard vide, et elle est bientôt rejointe par d'autres somnambules… qui semblent tous avancer vers la même destination inconnue, suivis par leurs proches. Le cortège traverse les États Unis, témoin de la violence qui se réveille dans cette société suprémaciste…
Amateurs de randonnées sur des routes pavées de révélations, ce livre est fait pour vous !
Sans aucune longueur et sous une plume subtile et intelligente, l'auteur capte notre attention jusqu'à la fin du récit, au rythme de rebondissements et de révélations qui arrivent toujours à point nommé : quand on croit commencer à comprendre ce qu'il se passe (ce qui n’est pas toujours le cas). L'histoire et les enjeux s'intensifient page après page, tout est cohérent et bien ficelé, et Chuck Wendig se montre visionnaire sur bien des aspects - on peine à croire que ce roman sur les pandémies, le suprémacisme et l'IA a été écrit en 2019...
C'est d'ailleurs l'aspect sociétal du livre qui fait sa force : c'est un parfait reflet de la société américaine, et chaque nouvelle étape franchie dans la violence est percutante de réalisme.
L'humain est également au cœur de la narration, avec des personnages très bien écrits et crédibles, et l'auteur montre à quel pont tous réagissent différemment face à l'inconnu : curiosité, peur, haine…
Un roman destiné à devenir un grand classique de l'anticipation !