Conseils lecture
Le personnage principal du roman est un jeune homme issu de la classe populaire du nord de la France. Dans sa famille, les études c’est pour les autres ; aussi, après une expérience avortée à la fac, parce qu’il faut bien gagner sa vie et surtout pour échapper au garage miteux de son oncle, il devient livreur à domicile. Il enchaîne les courses à vélo, de moins en moins bien payées, accélère la cadence, grille les feux, les stops, tout en ravalant sa dignité face aux clients pour obtenir sa note de 5 étoiles, condition sine qua non pour que l’algorithme de la plateforme informatique vous donne du travail. Les jours s’enchaînent à écraser les pédales dans la nuit, sous la pluie, jusqu’au risque de trop : le crash, éparpillé sur la chaussée.
Désormais le vélo c’est fini pour lui. Alors en convalescence, il rumine, tourne en rond, cherche une solution, jusqu’à la révélation : un soir devant la pâleur bleutée de son écran, un reportage à Marseille, où une femme chargée de vérifier la qualité d’un restaurant est cliente mystère. Commencent alors pour le jeune homme une nouvelle carrière, puis les rêves d’ascension sociale et la spirale infernale s’enclenche, avec en point de mire une myriade de questions : jusqu’où peut-on aller pour satisfaire son ambition ? Qu’est-ce que la morale ? Peut-on échapper à sa conscience ? Et surtout ne sommes-nous pas tous des pions écrasés par les rouages du grand capital ?
Une critique de la société et de la dérive actuelle du monde du travail très pertinente. Un style singulier à la fois rapide, incisif et poétique, où tout est décortiqué par l’œil, une vision exacerbée du quotidien et parfois des fulgurances de beauté. Un premier roman très réussi dans lequel fond et forme sont parfaitement en osmose. Pour prolonger l’expérience je vous conseille, également, la lecture du roman « En salle » de Claire Baglin, ayant fait l’objet d’un autre coup de cœur.
Juin 1940, Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, comte de Champignac, coule des jours heureux dans sa petite commune de Belgique jusqu’au jour où il reçoit un bien étrange message crypté. Il est invité à rejoindre au plus vite l’Angleterre pour y apporter toute son aide de scientifique et d’inventeur. Sans en savoir plus, il quitte son beau pays pour cette mystérieuse mission. Arrivé, non sans encombre, à destination, sa tâche lui est enfin dévoilée : aider Allan Turing à percer les secrets de Énigma, machine dont se sert l’Allemagne afin de crypter ses messages et réputée inviolable… Et si la fiction était le meilleur support pour enseigner l’Histoire ? Et si dans l’Histoire, on y ajoutait un peu de notre patrimoine bédéique ? On obtiendrait sûrement une œuvre intéressante, riche et captivante. Une œuvre multigénérationnelle s’adressant ainsi à un large public et inculquant avec douceur différents savoirs. Voici ce que nous propose « Champignac », les auteurs nous racontent, en utilisant un personnage récurrent de l’univers de Spirou, des événements encore trop peu connus du grand public. Ils nous relatent, de façon simple et précise, comment Allan Turing, a réussi à percer les secrets de la machine allemande Énigma, comment grâce à ce génie, la coalition a pu sauver des milliers de vie et remporter la victoire finale. Une belle leçon d’Histoire servie par des illustrations au style franco-belge classique, proche par moment du travail de caricaturiste. Un récit captivant et éducatif, mettant en valeur le génie humain et à mettre entre toutes les mains. - Michaël
"Mourir (ça n'existe pas)" est un titre particulier, à l'atmosphère étrange, mais qui prend aux tripes et tout son sens à chaque page lue.
Un village vit au milieu des plaines enneigées, meurtri par le souvenir de la grande guerre, qui a opposé l’hiver dernier les hommes contre les loups affamés. Aucun loup n’a été revu depuis, mais hélas aucun homme n’est jamais revenu de cette terrible bataille. Lorsqu'un jour, un hurlement retentit par-delà la forêt, dans le village tout le monde tremble d’effroi.
Milo, l’apprenti archer le plus courageux, sait ce qu'il lui reste à faire : aller traquer ce dernier loup, par-delà les forêts et la montagne. Un voyage long et initiatique s’engage alors pour Milo. Le dernier des loups est un très beau conte sur la peur de l’inconnu, le respect de la vie sauvage et la cause animale. Cet album est l’occasion de rappeler subtilement qu’il n’y a pas si longtemps, les loups ont failli disparaître du territoire français et qu’encore aujourd’hui, ils ne sont pas toujours vus d’un très bon œil. Les illustrations de Justine Brax sont à couper le souffle : l’omniprésence du bleu et de l’argenté nous rappelle le froid de ce pays lointain et imaginaire, nous dépaysant à chaque page. La couleur rouge apparaît au fur et à mesure que la chasse se joue. Le grand format de cet album permet de se plonger avec grand plaisir et un peu d’appréhension au cœur de la forêt glacée qu’arpente le héros. Cette fable écologique aux textes poétiques, poignants et aux illustrations exceptionnelles feront le bonheur et l’émerveillement des enfants (à partir de 6 ans). - Nolwenn
Faith est une jeune fille particulière qui partage son existence entre deux mondes. Un monde imaginaire peuplé d’amis animaux anthropomorphes où elle se sent heureuse et celui de la réalité, avec ses soucis familiaux et sa maladie qui l’isole de plus en plus. Chaque jour qui passe est une victoire sur la mort, mais la maladie progresse et les deux mondes en sont bouleversés, se chevauchant dangereusement... Les éditions Delcourt nous proposent un titre très étrange, voire déroutant par moment, mais si intrigant qu’il nous tient à la lecture jusqu’à la dernière page. Même une fois le livre refermé, la magie opère encore, questions et interprétations jaillissent. Chacun avec sa sensibilité, son histoire pourra entrevoir sa vérité, mais il s’agit bien avant tout d’un récit sur la perte d’innocence lorsque l’on entre dans l’âge adulte. « Dans la forêt des lilas » est un récit initiatique qui se situe à la frontière entre deux étapes de la vie. Il traite de la peur de perdre ceux qu’on aime, de l’apprentissage des limites et de la solitude. Les illustrations au style onirique sont magnifiques de délicatesse. Un roman graphique pour les plus de 12 ans, émouvant et saisissant. - Michaël
Quelle drôle de petite fille ! Elle ne parle pas, se déplace bizarrement et rêve, derrière le grand portail de l'école, de liberté. Elle se prénomme Victorine, mais parce qu'elle n'arrive pas à le prononcer, on l'appelle Vivi. Elle n'a pas d'amis, elle est trop sauvage. Mais quoi d'anormal pour une petite fille qui, il n'y a encore pas si longtemps, vivait au milieu des bêtes, seule dans la forêt. C'est une sauvageonne, capturée par des chasseurs et confiée à une charmante dame qui doit se charger de son éducation. Alors, rien n'est facile, même les plus simples gestes du quotidien. Allez donc faire porter une culotte à une enfant qui a toujours vécue nue... Bon courage ! Mené à un rythme effréné, ce récit au dessin minimaliste est un agréable divertissement, grâce notamment à de cocasses situations. - Michaël
Sam n’a pas de travail, c’est un artiste, un peu rêveur, un peu glandeur aussi... Pour l’aider à reprendre sa vie en main, sa mère lui trouve un poste de commercial auprès d’un cousin éloigné. Il fera désormais équipe avec cet étrange Keith Nutt, qui a placé le travail au cœur de sa vie. Une bien étrange relation va naître, pleine de partages et d’incompréhensions... Petit bijou de sensibilité, « Courtes distances » est une œuvre remarquable autant par son fond que par sa forme. Par sa forme car, l’objet livre est d’un format inhabituel, un grand carré jaune, avec de belles illustrations aux allures de crayonnés. Par son fond, par les propos qu’elle véhicule. Véritable satire sociale sur l’opposition transgénérationnelle, elle nous immerge dans le quotidien de personnalités que tout oppose, mais qui ont ce point commun d’être en marge de la société du fait d’un manque : celui d’un père, d’un fils, d’une cellule familiale structurante. L’opposition des protagonistes n’est pas manichéenne, chacun des deux hommes tentant d’intégrer l’autre à son univers, sans jamais vraiment y parvenir. Une œuvre fine et forte sur la différence, à lire et à faire lire à tous. - Michaël
A Attrape-Flèche petite ville du Mississippi, tout le monde est au mieux un peu original, au pire bien cintré. Hydro, jeune homme simplet, tient son surnom de la taille démesurée de sa tête, orphelin de mère, il a pour meilleur ami Louis, enfant au physique porcin délaissé par ses parents.
Sa mère alcoolique invétérée, trompe son mari avec le Kid petit homme à la beauté ravageuse, roi de la gâchette et lui-même abandonné à la naissance. Quant à Léonard, un autre personnage, il soigne sa solitude dans les bras des routiers de passage à la station service du village. Rien de bien reluisant dans le Bayou, on se croirait à Roubaix, jusqu’au jour où deux tueurs décident de braquer la supérette du coin. Cet élément déclencheur, va comme un jeu de domino, révéler en chacun une dose d’amour et de bienveillance à laquelle jamais on ne se serait attendu. Ceux que l’on prenait pour des fous, s’avèrent être des personnes capables d’une grande tolérance et l’on se prête à rêver d’un monde sans jugement où les différences de chacun·e cohabitent en bonne intelligence.
Ce très bel ouvrage, drôle et tendre, barré et original à souhait, nous aide merveilleusement à faire le deuil de nos préjugés. Une occasion de souligner le magnifique travail de la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture qui redonne vie en langue française à des romans américains inédits.
Ce voyage en voiture semble durer une éternité pour le jeune Oskar, surtout qu’à l’avant ses parent·es ne cessent de se disputer ! Alorspour tromper l’ennui et peut-être un mal-être bien plus profond, il se réfugie dans son imaginaire assez sinistre…
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Il aura fallu plus de 8 ans à Brandon Jelinek pour réaliser cette oeuvre monumentale. Huit années d’un travail acharné, entre écriture et illustration, pour construire un récit psychologique et métaphorique. Au final, grand bien lui en a fait, puisqu’il remportera le "Grand prix" du festival international de bande dessinée de Pologne en 2015 et les prix Muriel Awards dans les catégories "Meilleur livre original" et "Meilleur scénario original 2016". Cependant, la lecture de cette bande dessinée n’est pas chose aisée, son côté sombre, voire glauque, pourra être rédhibitoire pour certain·es lecteur·rices, de même que la frontière entre rêves et réalité est souvent ténue, et au final un trouble persiste. Quoi du vrai, quoi du faux ? Peut-être que l’important n’est pas là, peut-être qu’il ne faut y voir qu’un moment onirique dont l’essence est l’imagination du personnage, mais aussi et surtout la nôtre…
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Quoi qu’il en soit, « Oskar Ed » ne laisse pas indifférent. Ce road trip nous entraîne dans un voyage surprenant, allant de surprises en révélations. L’histoire est addictive et nous scotche totalement avec sa conclusion.
Comment un gladiateur devait-il s'équiper pour affronter les bêtes sauvages dans l'arène ? Que signifiait la crête sur le casque d'un légionnaire ? Pourquoi les Romains avaient-ils un si fort attachement au dieu de la guerre, Mars ?
Toutes les réponses à ces questions sont à découvrir dans ce livre, en images et en grand format, sous la forme d'une collection d'objets rares et étonnants.
Avec une attention particulière portée aux détails, chaque trésor est fidèlement représenté, accompagné de quelques anecdotes incroyables. Une fiche descriptive présente le lieu où l’objet a été découvert, ainsi que son lieu d’exposition actuel.
Découvrez ce livre fourni d’informations claires et intéressantes., mêlant archéologie, mythologie, et art. Vous voyagerez à travers la Rome antique grâce aux magnifiques illustrations présentes tout au long de la lecture.
En cette année 68, le Portugal vit depuis plus de 40 ans sous la dictature de Salazar. La « Police internationale et de défense de l'État », la PIDE, fait régner la terreur dans tout le pays en éliminant systématiquement les opposants. Fernando Pais, médecin à la patientèle aisée, supporte cette situation d’une façon très détachée, voire avec fatalisme. Pourtant, une rencontre accidentelle va réveiller en lui de vieux souvenirs, ceux d’une jeunesse oubliée, aux allants de liberté, mais surtout d’amour… Il est très rare que l’on parle de la dictature subie par le Portugal de 1926 jusqu’à la révolution des Œillets en 1974. Pourtant, cela n’est pas si vieux et ce pays est très proche du nôtre. Alors, même si cette oeuvre est une fiction divertissante, elle n’en demeure pas moins, par son fond, une formidable source d’instruction et d’éveil. Portée par une écriture fine et délicate, le récit vous transporte littéralement dans le Portugal des années 1960. Aidés par de très belles illustrations aux teintes sépias, nous réalisons un voyage dans le temps et pouvons aussi ressentir les senteurs ensoleillés de ce beau pays. « Sur un air de fado » est une oeuvre à découvrir et partager, qui nous touche et redonne du sens au mot dictature. - Michaël
« L'extrême droite est aux portes du pouvoir. Dans les urnes comme dans les esprits, ses thèmes, son narratif et son vocabulaire s'imposent. Il est encore temps d'inverser cette tendance, à condition de comprendre les rouages de cette progression et de réagir rapidement. »
Dans cet essai, la journaliste Salomé Saqué expose avec clarté le danger que représente l'extrême droite en France et décrypte les moyens qu'utilise le parti pour imposer ses thèmes de prédilection.
Elle aborde la question de la neutralité journalistique et invite à réfléchir en profondeur sur la source des informations que l’on consomme à travers les différents médias.
Résister amène des idées et des actions concrètes pour mener un des combats du siècle en condamnant la banalisation ou la minimisation du danger que représentent les idées du RN.
Un livre court, précis, accessible à tous et très bien documenté.
Par les temps qui courent, il est essentiel de partager largement cet ouvrage, afin de réveiller nos consciences, éviter le pire et garder l’espoir d’un monde plus humaniste.