Conseils lecture
Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est la tête de turc des gamins du quartier. Cela, il le cache à ses parents, de toute façon trop occupés par leurs incessantes disputes. Cette vie pas vraiment folichonne va vite devenir un grand n’importe quoi le jour où il remporte plus de 16 millions de livres en pariant sur une course hippique…
Si le script de départ à l’air assez classique, il n’en est pourtant rien. Ce récit, drame familial burlesque, est un régal de lecture. Les situations s’enchaînent à un rythme effréné et les dialogues ciselés fusent avec malice pour notre plus grand bonheur. Cette comédie dramatique est huilée comme il le faut, d’une fluidité et d’une limpidité d’orfèvre.
Cependant, ce qui fait la vraie originalité de ce titre, ce n’est pas son histoire, mais bien le traitement graphique choisi par son auteur. Oubliez le style franco-belge, japonais ou états-uniens, les aquarelles et autres lavis aux nuances infinies… Bienvenue à l’ère du « stylisé » ! Le récit est illustré d’un point de vue inhabituel : les scènes d’intérieur et d’extérieur nous sont rendues en mode aérien, où transitent des personnages réduits à un cercle de couleur, reliés par un trait à des zones de dialogues. Déroutant… peut-être un peu au début, mais le procédé fonctionne tellement bien que l’on se l’approprie rapidement.
Textes et illustrations sont étroitement liés, la mise en scène novatrice de Martin Panchaud est un tour de force bluffant !
Depuis 118 ans, un fantôme hante un immeuble parisien. C’est un travail à plein temps, d’être l’esprit frappeur de ce beau bâtiment. Il en a vu défiler, des choses étranges, émouvantes, des scènes de ménage, des cambriolages, des baisers passionnés, des ascenseurs coincés ! Rien ne changera jamais dans sa vie d’esprit. Jusqu’à… ce que quelqu’un d’autre meure et vienne s’installer dans l’immeuble ! C’est une jeune fille d’aujourd’hui, les cheveux pleins de soleil, qui dit hello aux résidents et fais des tope-là aux bébés. Notre fantôme tombe alors amoureux… mais lui, vieux de 118 ans, comment pourrait-il lui plaire ? Quelle belle histoire que ce fantôme parisien qui tombe amoureux ! Clémentine Beauvais et Gerald Guerlais nous offrent un magnifique tour de force : aborder le thème des fantômes avec légèreté, poésie, et joie. Le texte, facétieux, ne tarit pas de jeux de mots bien sentis autour de la mort et retranscrit avec force les émotions de notre héros bien maladroit. L’illustration, sublime, rend grâce à la beauté des toits haussmanniens et nous fait voyager tout droit vers Paris. Sous les crayons de Gérald Guerlais, les personnages tourbillonnent, virevoltent, se cherchent et se découvrent. "Les esprits de l’escalier" est un conte romantique plein d’amour, de tendresse, un moment de poésie suspendu.
C'est avec impatience qu’on ouvre le dernier roman de Maylis de Kerangal, tant nous étions nombreux à apprécier les précédents comme « Naissance d'un pont » , « Réparer les vivants » sans oublier « Tangeante vers l'Est »...Cette fois, ce sont 8 récits qu'elle nous livre dont « Mustang », le plus long , est le point d'orgue. Dans chacun de ces textes, il est question de la voix. Des voix de femmes dans des moments déstabilisants de leur vie. C'est par exemple cette maman qui s'installe au Colorado avec sa famille. Elle ressent un fort dépaysement, alors que son mari s'est formidablement adapté au point que le timbre de sa voix a changé. C'est aussi, dans une autre de ces nouvelles, une jeune fille qui prend un coach pour changer «sa voix de chiotte » trop aiguë. Il y a aussi des voix qui rappellent des souvenirs. Si, d'ailleurs, vous ne lisiez pas toutes ces nouvelles, je vous recommande « Un oiseau léger », à mon sens la plus belle, la plus émouvante.
Maylis de Kerangal, a une fois encore, réussi à nous séduire. Il ne faut pas chercher un début, une fin, mais plutôt se laisser porter d'un récit à l'autre, embarqué dans ces « canoës » et goûter cette plume qui saisit merveilleusement bien le flou des émotions, tout en finesse. Catherine
Un nouvel album du duo Leroy/Maudet est
toujours un bonheur. « Nous, quand on sera grands » ne
déroge pas à la règle. Il est drôle, inventif et magnifiquement
illustré. Á sa lecture,
nous ne savons pas où nous allons, jusqu'à cette formidable chute.
Alors, une fois terminé, on se dit, mais oui, mais bien sûr et
pourquoi pas ? Le début de tout... Bref j'adore ! -
Michaël
J’ai une passion pour Ernest Hemigway, à qui l’on attribue le plus court roman jamais écrit qui tiens en six mots : « For sale, baby shoes, never worn » (à vendre chaussure de bébé, jamais portées). Six mots qui ouvre le champ des possibles et racontent déjà une histoire, le bébé est mort ? Ou peut-être est-il né sans pieds ? A chacun de se construire son récit.
C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai découvert ce petit roman de trente-deux pages, qui paradoxalement, représentait pour moi la promesse d’une grande aventure. Et je n’ai pas été déçu. L’auteur y aborde un sujet d’une importance capitale, très peu présent dans la littérature et qui concerne pourtant 25% des hommes de plus de 65 ans, le cancer de la prostate et ses effets secondaires. Bon c’est sûr que dit comme ça ce n’est pas très vendeur, mais heureusement l’auteur est belge et non dénué d’humour.
Le temps d’une balade avec son chien Nietzsche, un long dialogue s’installe avec son fidèle compagnon, au terme duquel il devra prendre une décision cruciale, se fera-t-il ou non opérer de son cancer, au risque certain (99% de chances) de ne plus avoir d’érections.
Un livre d’une remarquable efficacité, à la fois drôle et touchant, sur le temps qui passe, la vie, la mort et la virilité. Vive la Belgique !
« Avec son frère Aman, Yémané a quitté son pays, l’Erythrée, dans l’espoir d’un avenir meilleur. » Mais la traversée est longue et douloureuse. L’arrivée à Calais est synonyme de nouveau départ. Yémané prend « un instant de silence », pour repenser à toutes les épreuves vécues.
Chaque double page présente à la fois l’avancée au sein du camp, les souvenirs de son Afrique natale ou encore le périple en mer…
L’autrice titre chaque page par un verbe : « pour me souvenir », « pour comprendre », « pour pleurer », « pour nous reconstruire » …et y pose un texte sobre. Le personnage principal est toujours représenté sans bouche, peut-être pour faire écho à ce passage : « Pourquoi certains peuvent-ils courir, rire, rêver, étudier, s’empiffrer et d’autres, juste se taire ». Enfin une longue lettre écrite aux parents restés au pays clôture le récit.
C’est un album poignant, très fort et touchant qui fait ressentir profondément et sans jugement le parcours de ceux/celles qui doivent tout quitter dans l’espoir d’une vie décente. La poésie, l’émotion et la sensibilité de l’écriture sont une belle manière d’aborder le sujet des migrants avec les enfants.
Dans certains récits, il arrive que des enfants disparaissent dans des mondes étranges et fantastiques où ils endossent le rôle de sauveur. Ils y deviennent des légendes et l’histoire ce termine en happy-end. Très bien... mais entre temps que s’est-il passé pour les parents, les proches de ces enfants disparus ?
« Ceux qui restent » est une histoire singulière et étonnante qui prend le contre-pied des œuvres fantastiques classiques. Cette fois, nous ne voyageons pas avec les enfants mais restons à quai avec ces parents morts d’inquiétude et suspectés de choses atroces par la police et une certaine presse à scandale. Tous les ingrédients d’une BD réussie sont réunis dans cette fable oscillant entre polar et fantastique. L’histoire est habillement écrite, ménageant des moments forts en suspense et émotions. Vous serez également charmé par les illustrations d’Alex Xöul, fluides et agréables, qui adoucissent l’atmosphère inquiétante du récit. Un récit envoûtant et inattendus en provenance de la belle Espagne. -Michaël
Shimura, est un quinquagénaire célibataire. Sa vie est trop bien ordonnée, réglée comme du papier à musique, entre travail et repos. Chez lui rien ne traîne, tout est bien rangé, classé et trié. Il y a une place pour chaque chose et chaque chose a sa place. Si bien que lorsqu’il s’aperçoit qu’il manque un yaourt dans le frigo, son quotidien en est bouleversé ! S’est-il trompé en achetant ses yaourts ? En a-t-il déjà mangé un ? Ou bien alors, quelqu’un.e se servirait dans son frigo durant son absence ?... Un brin mélancolique, mais passionnant de bout en bout, le récit Agnes Hostache est d’une rare sensibilité. Adaptation en bande dessinée du roman éponyme d’Éric Faye, lui même tiré d’un fait divers authentique, « Nagasaki » est bien plus qu’un récit. Il est notre société, prônant l’individualisme et l’individualité. Il est représentatif de nos craintes, de nos doutes, d’un système qui isole tout un chacun, plutôt que d’ouvrir au monde. Il questionne, interroge nos modes de vie : métro, boulot, dodo... Il pose également la question du savoir qui l’on est vraiment. Est-ce le travail qui fait qui l’on est ? Sans emploi ne sommes-nous plus ? Des problématiques qui ne trouveront pas les réponses dans l’ouvrage, ce n’est pas son ambition, juste et c’est déjà beaucoup, d’éveiller. La mise en scène de l’autrice est remarquable : nous suivons les deux protagonistes dans des récits séparés, mais qui se croisent timidement. Nous apprenons à les connaître, à les respecter, chacun avec leurs défauts et leurs faiblesses. Ils nous deviennent familiers et on se prend à imaginer une fin. Agnès Hostache n’est pas que remarquable dans sa mise en scène, c’est aussi une formidable illustratrice. Elles nous gratifie de peintures efficaces, aux tons doux et pastel. Elle varie les cadrages, les angles de vue, tout en diversifiant ses gaufriers. Cela permet de donner du rythme au récit, écrit à la première personne. Tout est parfait dans cette bande dessinée si ce n’est, que c’est la réalité... - Michaël
C’est l’heure de manger chez la famille Rat. Papa a préparé des pommes de terre.
Un vrai délice pour les enfants, mais ils sont cinq et il y a 6 pommes de terre…
Qui aura la chance de la manger en plus… Un véritable casse-tête pour papa Rat.
Simple, mais efficace, cet album pour les tout-petits est un délice.
Les illustrations à la « Disney » sont tout simplement très belles, et les rats trognons à souhait. L’auteur utilise une palette de couleurs réduite : de l'orange, du bleu et leurs nuances. Le tout est rehaussé par une touche de blanc.
Guillaume Bracquemond a également travaillé sur la mise en scène, des plans tantôt larges, tantôt moyens, donnant ainsi beaucoup de rythme à l’histoire.
L’auteur aborde, de façon humoristique, la notion de partage, mais aussi, au détour, la place du papa moderne.
Un album rat’fraîchissant.
Darrin Bell est un auteur et illustrateur américain. En 2019, il devient le premier Africain-Américain à recevoir le prix Pulitzer du dessin de presse.
Connu et reconnu outre-Atlantique pour ses créations engagées, il livre avec « The Talk » un récit plus intime, plus personnel, mais que, malheureusement, toutes les personnes de couleur connaissent : le racisme.
Le point de départ de cette œuvre est le souvenir d’une discussion avec sa mère, où il apprend qu’à cause de sa couleur de peau, il sera toujours, quoi qu’il fasse, considéré comme un danger et un être inférieur. Cette conversation, « The Talk », il devra aussi la transmettre à ses propres enfants.
Les années passent, et rien ne change : la haine et la bêtise restent présentes.
À travers ce témoignage, il nous livre une part de son histoire, façonnée par l’incompréhension, la peur, la colère, mais aussi beaucoup de courage.
Son parcours personnel chemine en parallèle à celui des États-Unis, où les faits divers scandaleux sont légion, illustrant une société qui peine encore à ouvrir les yeux et à guérir de ses blessures les plus profondes.
En 2011, le groupe terroriste ETA, prônant l'indépendance du Pays basque, a cessé sa lutte armée. Pour autant, l'Espagne n'a pas connu la paix puisque de nombreux personnages issus des milieux politique, journalistique, judiciaire etc... sont restés les cibles des terroristes. Mark Bellido, photojournaliste, nous livre un récit largement inspiré de son expérience. Du jour au lendemain, pour l'argent, il devient garde du corps, chargé de la protection d'un politicien. Sans expérience ni formation, il devra vivre dans le stress et la la peur quotidienne. Cette expérience le transformera à jamais. Témoignage saisissant de cette Espagne en guerre, nous restons secoués par le courage de ces hommes et femmes qui mettent leurs vies en jeux au nom d'un idéal ou plus trivialement pour s'assurer un revenu. Ce récit nous dévoile une facette inconnue de ce conflit à travers ces héros de l'ombre. A lire pour sa culture personnelle, mais également parce que c'est bien écrit. -Michaël
Conseils lecture
Alan, auteur en mal de reconnaissance, vient de perdre son ami d’enfance. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, sa compagne en profite pour lui annoncer qu’elle le quitte pour quelqu’un de plus mature et surtout de plus talentueux. Alors forcément au bord de la piscine de ses voisins, qu’il entretient pendant leurs vacances, Alan à la sensation, comme Isabelle Adjani dans son petit pull marine, d’avoir touché le fond.
Mais qu’à cela ne tienne il va rebondir et s’imposer une discipline de samouraï pour écrire le roman de sa vie et reconquérir l’être aimé ! Malheureusement, rien ne se passe comme prévu. Alan est aux antipodes d’un maître de guerre japonais et ses bonnes résolutions sont tout sauf faciles à tenir. Un peu maladroit, plutôt inadapté socialement, roi de la procrastination, habité par des tocs et angoisses multiples, il a plus du anti-héros que l’inverse.
Son existence guidée par les faux pas et les quiproquos devient vite décalée, totalement loufoque et hilarante sous la plume de Fabrice Caro. L’auteur nous livre un roman plein d’humour qui dépeint avec beaucoup de justesse l’incongruité et l’absurdité des rapports sociaux et affectifs qui régissent parfois nos vies.
Enfin c’est un réel plaisir d’accompagner le quotidien d’Alan, personnage plein d’autodérision et particulièrement attachant avec son côté bancal et désabusé.
Si vous avez encore envie de rire vous pouvez également découvrir les bandes dessinées de l’auteur disponibles pour la plupart à la médiathèque.
Fred virevolte dans la maison, tout nu. Il virevolte dans sa chambre, dans le couloir, dans la chambre de ses parents, toujours tout nu. Mais soudain, Fred cesse de virevolter. Il jette un coup d’œil dans le dressing, y rentre et découvre les tenues de son papa. Il choisit une chemise, une cravate, des chaussures, pour s’habiller comme lui, mais ça ne lui va pas du tout. Alors il regarde les vêtements de sa maman : il choisit une tunique, un foulard, des chaussures, et ça lui va très bien !
« Fred s’habille » nous montre un petit garçon qui aime se déguiser avec les vêtements de sa maman, en s’affranchissant de toutes les questions de genre. Le·la lecteur·ice adulte ne peut s’empêcher de se demander : que vont dire les parents de Fred en découvrant leur petit garçon habillé comme cela ? Et bien les parents ne disent rien, bien au contraire, et jouent le jeu également. Rapidement, toute la famille se déguise, se maquille et se pare de beaux bijoux : Fred, sa maman, mais aussi son papa et même le chien.
La simplicité avec lequel ce sujet est abordé est très apaisant et n’est pas sans nous rappeler un autre album : « Julian est une sirène » de Jessica Love. Que ce soit dans l’un ou dans l’autre, le verrou des stéréotypes de genre saute avec beaucoup de tendresse. Cela ne pose de problèmes à aucun·e des personnages de voir un petit garçon avec des vêtements féminins.
L’univers graphique est également un régal pour les yeux. Le trait est tout en rondeur, accessible aux enfants, et très coloré. Le rose fluo est omniprésent au fil des pages : encore une autre manière pour l’auteur de fracasser les codes genrés de la littérature jeunesse.
Il y a des formes : carrée, ronde… Il y a des couleurs : grise, rouge… Mais surtout il y a des animaux cachés, à découvrir au fur et à mesure de la lecture ! Richard Marnier et Aude Maurel nous proposent un merveilleux album au contenu classique, mais à l’approche somme toute originale. L’enfant, accompagné de l’adulte, découvre page après page différentes formes géométriques. Il apprend également à différencier les couleurs car ces structures sont toutes pleines d’un aplat de couleur distinct. Ce n’est pas tout, l’ensemble de l’œuvre est structurée par un fil conducteur qui nous pousse à feuilleter l’album jusqu’à sa fin. Les animaux sont ce lien, cachés dans un premier temps, ils se découvrent pour nous entraîner sur une autre scène, une autre forme, une autre couleur… Graphiquement très épuré, des formes de couleur sur fond blanc, les illustrations en vectoriel sont très efficaces pour permettre à l’enfant de concentrer son regard et ainsi obtenir une meilleure mémorisation. Une certaine magie, voire poésie, se dégage de ce livre ; la chute laisse libre cours à l’imagination et nous entraîne dans un récit « spirale ». - Michaël
Tout commence par un appel téléphonique, un jour de 2018, un numéro inconnu, Vladimir ne répond jamais aux numéros inconnus et pourtant ce soir-là, un soir de tristesse, un soir de cafard, il décroche. A l’autre bout du fil, une ancienne collègue de travail qu’il n’a pas vue depuis vingt ans, d’abord les banalités d’usage puis l’annonce inattendue : « J’ai chez moi un jeune américain, qui vous ressemble étrangement, je lui ai parlé de vous, il souhaiterait vous rencontrer ».
Flashback, 1984, un an avant la perestroïka, Vladimir fête son anniversaire, il reçoit en cadeau deux paires de pneus, évènement apparemment insignifiant, qui va changer sa vie. Entre ces deux dates, nous découvrons l’histoire, particulière de Vladimir, intimement liée à celle de son pays, à l’évolution de son modèle économique et politique. Nous remontons le cours de cette existence, tantôt déjeuner sur l’herbe, tantôt eaux troubles et tumultueuses, pour enfin répondre à cette question entêtante : qui est ce mystérieux sosie.
Un roman, qui nous plonge au cœur du système russe, et en décrit avec force ironie ses rouages. Mais aussi un récit aux moult rebondissements, qui vous maintient en haleine jusqu’à son dénouement. A la fois drôle, politique et sentimental cet ouvrage dépeint avec élégance des destins sacrifiés sur l’autel de l’oligarchie.
En 2011, le groupe terroriste ETA, prônant l'indépendance du Pays basque, a cessé sa lutte armée. Pour autant, l'Espagne n'a pas connu la paix puisque de nombreux personnages issus des milieux politique, journalistique, judiciaire etc... sont restés les cibles des terroristes. Mark Bellido, photojournaliste, nous livre un récit largement inspiré de son expérience. Du jour au lendemain, pour l'argent, il devient garde du corps, chargé de la protection d'un politicien. Sans expérience ni formation, il devra vivre dans le stress et la la peur quotidienne. Cette expérience le transformera à jamais. Témoignage saisissant de cette Espagne en guerre, nous restons secoués par le courage de ces hommes et femmes qui mettent leurs vies en jeux au nom d'un idéal ou plus trivialement pour s'assurer un revenu. Ce récit nous dévoile une facette inconnue de ce conflit à travers ces héros de l'ombre. A lire pour sa culture personnelle, mais également parce que c'est bien écrit. -Michaël
Cette bande dessinée sur la Corée du Nord fait
froid dans le dos. Elle s’inspire d’un ouvrage témoignant d’un homme né
dans un camp de travail en Corée du Nord qui finit, après de nombreuses années, par s’échapper (cf « Rescapé du camp 14 »). Bien documenté, Aurélien Ducoudray nous livre un récit qui a pour ambition de nous immerger dans ce pays à travers le regard d’un enfant. Pour lui l’art de la BD est un moyen comme un autre de nous faire prendre conscience du monde qui nous entoure : « J'ai l'impression, aujourd'hui, de faire davantage mon travail de journaliste en écrivant des fictions. J'étais photo-reporter
et ce qui me plaisait c'était de passer du temps avec les sujets. Et là
c'est pareil, je retrouve cela ; quand on est dans l'écriture pure, on
passe du temps avec les personnages. ». Le pari est réussi car à la
lecture de ce récit nous ne pouvons feindre une certaine tristesse vis à
vis de Jun Sang, protagoniste fictionnel de l’histoire, mais qui, de
toute évidence, est un porte-parole de toutes ces victimes inconnues. -
Michaël
Colette est une petite fille un peu timide qui vient d'emménager dans le quartier et a peur de sortir de la maison, d'aller vers l'inconnu. Pourtant, après une remontrance de sa mère, elle va devoir affronter sa peur et découvrir son nouvel univers. Douée d'une grande imagination, notre héroïne ne va pas tarder à faire de nombreuses rencontres. "L'oiseau de Colette" est un titre à classer dans "Mes premières bandes dessinées". Destiné aux plus jeunes, il est bâti pour le lectorat débutant : des illustrations pleine page agrémentées de bulles disposées de façon claire et précise. Bien sûr ce titre a d'autres qualités, à commencer par son récit. Une aventure pleine de surprises et de rebondissements, construite sur le mode de la randonnée, où l'on suit les péripéties de Colette avec enthousiasme. L'autre point fort de ce titre, ce sont ses illustrations : magnifiques. Elles sont pleines de tendresse, de douceur, cadrées à merveille et aux tons "crayon de bois" réhaussés, juste comme il faut, de deux ou trois couleurs. Encore un très bon titre jeunesse à lire et à partager. - Michaël
Entre 1850 et 2001, un siècle et demi d’histoire nous contemple. De la pébrine, maladie du ver à soie à l’attentat du 11 septembre, l’autrice dresse une fresque fantasque, celle des Aghulons. Un arbre généalogique où éclosent les prénoms des femmes de la famille : Eglantine, Marguerite, Rose, Camélia, Iris. Un arbre extravagant et poétique où résident aussi, cinq générations de chats philosophes et pince-sans-rire : Socrate, Erasme, Diogène… Un texte enlevé, drôle et lyrique, une aventure à la rencontre des grands évènements du vingtième siècle et de ses découvertes. Mais aussi une galerie de personnages souvent originaux, plus ou moins sympathiques mais toujours au caractère bien trempé…
Enfin un roman d’amour, celui qui unit tous les couples de cette famille passionnément, celui qui soude profondément ses membres : parents, enfants, grands-parents, frères et sœurs. L’amour qui permet de tout surmonter avec courage, l’amour qui rend la vie plus supportable, même quand elle est frappée par les drames.
Un texte enjoué comme une looping en avion où l’on est porté par l’allant de toutes ces femmes fantastiques aux noms de fleurs. Avec une tendresse particulière pour Margueritte, la trisaïeule, subtil mélange de douceur et de générosité relevé d’une volonté farouche.
Ceci est une histoire vraie, celle de son autrice qui est née homme, mais qui ne l'a jamais été. C'est l'histoire de son adolescence, une partie de sa vie livrée crue, sans fioriture, sans omission aucune. Sa souffrance, son mal-être passé, elle nous les confie dans cette bande dessinée, sans doute une forme d'exutoire, mais surtout, certainement, pour ouvrir les esprits sclérosés et aider jeunes et moins jeunes à vivre pleinement ce qu'iels sont.
Elle est née homme, elle est une femme à part entière. Son adolescence, nous la découvrons page après page et ce qui nous frappe, c'est son courage. De souffrance en humiliation, elle a traversé des épreuves au-delà du raisonnable. Tel le roseau, elle a plié mais n'a pas rompu. Elle s'est construite dans la douleur, mais aujourd'hui, elle est ce qu'elle a toujours été : une femme.
"Mon adolescence trans", témoignage sur la transidentité, œuvre pour l’acceptation de toutes les orientations sexuelles, ainsi que pour l’accès à l’identité de genre de son choix. A partager !
« Pour quelques degrés de plus » est une bande dessinée conceptuelle, dans sa construction, dans sa narration. On y suit trois histoires en parallèle, la même, mais avec pour différence une légère augmentation du degré de température à chaque récit.
Légère, peut-être pas, car si minime soit-il, ce degré entraîne d’effroyables modifications, certes climatologiques, mais aussi comportementales.
Pour Josh, le héros de ce titre et de ces récits, la vie, déjà difficile avec juste deux degrés de plus, devient franchement atroce si on y ajoute encore un puis deux degrés. Ces univers parallèles cohabitent par bande de trois sur chaque double page, cela permet une vision globale et en temps réel des différentes vies de Josh. Les histoires avancent en même temps, cloisonnées, mais dans de rares moments, les frontières deviennent poreuses et nos récits se répondent, s’entrecroisent, se mélangent, l’un permettant à l’autre d’avancer.
Cet album n’a aucune prétention documentaire ni même scientifique. Il s’agit purement d’une fiction, mais qui alerte tout de même sur les risques à venir pour quelques degrés de plus : sécheresse, famine, réfugiées climatiques, guerres et j’en passe…
Le rêve d’Hino est d’être admis dans l’un des nombreux clubs de sport de son lycée. N’importe lequel, du moment qu’il est considéré par les autres et surtout les filles, comme un sportif. Car oui, c’est bien connu, les filles aiment et sortent avec les sportifs (!). C’est bien ce qu’Hino désire le plus au monde : avoir une petite amie. Le seul problème, c’est que notre énergumène n’est pas très sportif, un peu maladroit et quelque peu glandeur : il est très rapidement viré de toutes les activités auquel il participe. Sa rencontre accidentelle avec la belle Ayako va le contraindre à s’essayer à une discipline encore inconnue pour lui : le rugby... "Full Drum" est un manga de type shônen, plus particulièrement destiné aux jeunes garçons, selon la nomenclature japonaise, mais n’ayez crainte il peut être lu par tous les publics ! De construction plutôt classique, le récit est dynamique et humoristique. Nous suivons Hino dans sa quête d’amour maladroite, mais ô combien jouissive. Notre personnage est animé d’un bel idéal, car ici rien de graveleux, simplement de nobles sentiments. Véritable comédie sentimentale, le récit laisse tout de même une place importante à l’action et au sport, en particulier au rugby qui devient le sujet principal de l’œuvre. Petit à petit, nous découvrons ce sport et nous familiarisons, sans que cela soit trop technique, au vocabulaire de la discipline. "Full Drum" est sans prétention, il parvient à nous faire passer un agréable moment de lecture grâce à son personnage attachant. On y y trouve un peu de tous les ingrédients pour séduire un large public et cerise sur le gâteau, ce manga sur le sport est, faut-il le signaler, complet en 5 volumes et traite d’un sport peu exploité en bande dessinée. Pour les amoureux de l’ovalie et bien plus encore. - Michaël
« Retour à l’Eden » est l’histoire vraie d’une photo, ou plus précisément d’une femme, la mère de Paco Roca. En déménageant, une photo s’égare, un détail… et pourtant ce cliché, Antonia y tient comme à la prunelle de ses yeux. Dès lors, elle sombre dans un abîme de tristesse.
Il ne reste plus pour Paco et ses frères qu’à retrouver cette photo pour comprendre cet attachement.
Paco Roca est auteur de bandes dessinée, mais aussi un véritable historien des petites histoires qui font la grande. Une nouvelle fois, il nous livre un récit familial sensible et émouvant. Ce cliché égaré fonctionne comme une machine à remonter le temps jusque sous le régime franquiste. Nous y retrouvons Antonia, enfant, accompagnée de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs… Iels vont rire, s’aimer, se disputer comme dans n’importe quelle famille, mais ensemble, iels vont connaître la dictature, l’appauvrissement et la faim. Durant ces années sombres ou patriarcat et religion réservaient une place bien limitée aux femmes, Antonia connaîtra également les humiliations liées à son statut imposé.
Alors cette photographie… qu’a-t-elle de spécial me direz-vous ? Eh bien pour le savoir je vous invite chaudement à lire « Retour à l’Eden », une tranche de vies d’autrefois, intime et émouvante.
Comme il est devenu coutume dans le futur, 9 lycéen.es ont été.es sélectionné.es pour un voyage scolaire dans l’espace. Elles et ils seront déposé.es et livré.es à eux-mêmes même durant 5 jours sur la planète McPA, où nos héros ne courent aucun danger. Le but de ce voyage est de créer du lien et pourquoi pas prendre goût à l’exploration spatiale. Malheureusement, alors que tout semble aller pour le mieux, nos jeunes explorateur.trices sont, par une sphère mystérieuse, téléporté.es accidentellement en plein espace... « Astra » est un récit de science-fiction au caractère bien trempé. 9 personnages, 9 personnalités à découvrir au fil de la série. Nos protagonistes, malgré leur jeune âge, ont une histoire, une blessure qu’elles et qu’ils traînent et en font des caractères uniques. Parfois pour le bien de tous.tes, mais parfois pour le malheur de l’équipe. On parle bien ici du vivre ensemble, d’accepter les compromis et d’en retirer le positif. Comme souvent dans les œuvres japonaises pour préados et ados, la tolérance, le courage sont mis en avant. Ce titre ne déroge pas à la règle. Le rythme est soutenu et à aucun moment nous ne nous ennuyons. La richesse des personnages permet à la fois des moments de tensions, d’émotions, mais aussi d’humour. Le suspense est également une source importante de la qualité de ce titre. L’illustration, de facture classique, est sans fouillis, très lisible. Les visages expressifs, mais cela n’est pas une surprise, car n’est-ce pas habituel dans les mangas ? Pour certain.es, ce titre rappellera certainement les séries TV « Perdus dans l’espace » ; je ne sais pas si Kenta Shinohara s’en est inspiré, mais en tout cas, « Astra » en est un bel hommage. - Michaël
« Le petit illustré de l’intimité » est une série de deux petits livres au contenu riche et instructif. Chaque volume présente un sexe : la vulve pour l’un, le pénis pour l’autre.
Ces titres permettent d’aborder librement et surtout sans tabous les questions de sexualité. Ils traitent aussi bien de l’organe en tant que tel, mais aussi du genre, du consentement et d’égalité.
Les illustrations, précises et détaillées permettent de connaitre son corps pour mieux le comprendre, mieux l’appréhender.
Deux titres importants, à lire, à faire lire, à discuter avec vos enfants pour certainement un meilleur épanouissement...
Hamet habite à Bamako, c'est un enfant plus malin que les autres qui se révolte contre un entourage qu'il trouve souvent trop arbitraire. Sa famille, oncles, tantes, cousins... pensent tous et toutes avoir leur mot à dire sur son éducation, puisque son père, absent, travaille en France. Cette famille où les qu'en-dira-t-on tordent le cou à la vérité, pour faire de lui un vaurien… il finit par lui voler dans les plumes. Quant à l'école, les punitions et les châtiments corporels y pleuvent comme à Gravelotte, si bien qu'à la fin il lui prend l'envie de la déserter. Mais le jour où son père vient à l'apprendre, il décide de l'expédier dans la brousse chez sa grand-mère, renouer avec les bonnes manières de ses ancêtres.
Là commence l'immersion dans un nouveau monde qu'il faut comprendre et apprivoiser.
Un très beau roman initiatique qui nous permet de mieux appréhender la culture africaine. Avec Hamet nous découvrons les parfums du Mali et apprenons à décrypter les coutumes d'une société patriarcale parfois injuste où le quotidien n'est pas toujours simple. Au-delà de l'histoire de ce petit garçon attachant, ce livre offre une analyse pertinente de la situation en Afrique et permet de mieux comprendre certaines raisons de l'exode de la jeunesse africaine, souvent au péril de sa vie.
Enfin ce roman est aussi l'occasion de s'immerger dans une très belle langue, la nôtre, délicieusement métamorphosée par la plume de Diadé Dembélé. Des métaphores hautes en couleurs, une écriture rythmée, un voyage en soi ! Vive la francophonie !
Je vous conseille également le très beau roman de Yamen Manaï "Bel Abime" et son regard affûté sur la société tunisienne.
Dans un village croate, le jeune Jacob vie une enfance des plus banale jusqu’au jour où son frère David disparaît.
Adapté d’une nouvelle de Olja Savicevic Ivancevic, « Les Pédés » est un drame familial. Entre non-dits et innocence, le récit nous entraîne dans une famille déchirée par l’incompréhension et les silences. Les auteurs nous livrent une œuvre forte, dure, mais ô combien nécessaire pour lutter contre les discriminations. Pour finir, un petit mot sur les magnifiques illustrations en noir et blanc de Danijel Zezelj qui valent à elles seules la peine d’ouvrir cet album. - Michaël