Conseils lecture
Il y a dans la vie des métiers que l'on choisit par dévotion, par passion. Le travail en unité de soins palliatifs fait partie de ceux-là. Cette bande dessinée de reportage réalisée à l'hôpital de Roubaix nous montre le quotidien de ces héros de l'ombre. Nous suivons pas à pas leurs actes médicaux, nous nous octroyons, le temps de souffler, une pause ensemble, nous partageons leurs doutes, leurs peines, mais aussi leurs espoirs. Bien sûr, nous voyageons également avec les patients et compatissons à leurs malheurs. Malgré tout, ce titre est loin d'être triste, car au-delà des drames, il illustre ce que l'homme a de meilleur : le courage et la bonté. - Michaël
Une pancarte annonce : « Chers amis insectes, montez donc ! Une surprise vous attend en haut. » Les amis insectes se mettent alors bien volontiers à grimper sur le mur, les uns à la suite des autres... Dans cet album au format original - vertical - Tomoko Ohmura retrouve son genre de prédilection : les séries, les accumulations, les files d’attente avec un final inattendu. Après avoir abordé les thèmes des véhicules ou encore du chantier, elle s’attaque à une autre passion des petits : les insectes. Ces derniers, numérotés et organisés du plus petit au plus grand, ont tous un petit commentaire à faire dans cette file d’attente pour le moins surprenante. Les illustrations, documentées, rendent très précisément l’aspect de chaque insecte, avec justesse. Les enfants, fins observateurs, auront plaisir à regarder cet album plusieurs fois afin de capter les fourmillants détails qui le composent.
Dans quartier ordinaire, on trouve une rue ordinaire, et dans cette rue ordinaire, des maisons les unes à côté des autres. Et dans chaque maison, il y a des habitants qui ne se connaissent pas. Au n°15, il y a Camille, chez qui il y a un boucan d’enfer, qui n’ose pas parler à M.Rivières, grand avocat prestigieux ; de l’autre côté il y a un énorme dragon, qui en réalité est une souris qui se déguise, effrayée par le voisin d’en face, un chat (végan). Mais un beau jour, une suite d’événements vont faire se rencontrer tous ces voisins remplis de craintes et de préjugés les uns sur les autres…
Merci voisin est un album dans l’aire du temps. Aujourd’hui, chacun d’entre nous vit sa petite vie, dans son petit chez soi, sans prendre le temps d’aller vers ceux que nous côtoyons au quotidien. Nous préférons nous juger les uns les autres plutôt que de tisser des liens.
Dans cette rue, chacun est un peu solitaire et malheureux dans son coin ; la méfiance que ressentent ces voisins les uns vis-à-vis des autres les isolent. Le jour où enfin, ils osent faire un pas vers l’autre, ils se rendent alors compte qu’ils peuvent être heureux tous ensemble.
Les illustrations, sans être très originales, sont accessibles et les personnages animaux plutôt attachants.
Cet album sympathique véhicule de belles valeurs sur l’entraide, la découverte des autres, les rencontres.
Dans un village de Pennsylvanie, Shana surprend sa petite sœur, Nessie, en train de quitter la maison en pleine crise de somnambulisme. Elle se rend vite compte qu'elle ne peut pas lui parler, et moins encore l'arrêter. Nessie avance, le regard vide, et elle est bientôt rejointe par d'autres somnambules… qui semblent tous avancer vers la même destination inconnue, suivis par leurs proches. Le cortège traverse les États Unis, témoin de la violence qui se réveille dans cette société suprémaciste…
Amateurs de randonnées sur des routes pavées de révélations, ce livre est fait pour vous !
Sans aucune longueur et sous une plume subtile et intelligente, l'auteur capte notre attention jusqu'à la fin du récit, au rythme de rebondissements et de révélations qui arrivent toujours à point nommé : quand on croit commencer à comprendre ce qu'il se passe (ce qui n’est pas toujours le cas). L'histoire et les enjeux s'intensifient page après page, tout est cohérent et bien ficelé, et Chuck Wendig se montre visionnaire sur bien des aspects - on peine à croire que ce roman sur les pandémies, le suprémacisme et l'IA a été écrit en 2019...
C'est d'ailleurs l'aspect sociétal du livre qui fait sa force : c'est un parfait reflet de la société américaine, et chaque nouvelle étape franchie dans la violence est percutante de réalisme.
L'humain est également au cœur de la narration, avec des personnages très bien écrits et crédibles, et l'auteur montre à quel pont tous réagissent différemment face à l'inconnu : curiosité, peur, haine…
Un roman destiné à devenir un grand classique de l'anticipation !
Shimura, est un quinquagénaire célibataire. Sa vie est trop bien ordonnée, réglée comme du papier à musique, entre travail et repos. Chez lui rien ne traîne, tout est bien rangé, classé et trié. Il y a une place pour chaque chose et chaque chose a sa place. Si bien que lorsqu’il s’aperçoit qu’il manque un yaourt dans le frigo, son quotidien en est bouleversé ! S’est-il trompé en achetant ses yaourts ? En a-t-il déjà mangé un ? Ou bien alors, quelqu’un.e se servirait dans son frigo durant son absence ?... Un brin mélancolique, mais passionnant de bout en bout, le récit Agnes Hostache est d’une rare sensibilité. Adaptation en bande dessinée du roman éponyme d’Éric Faye, lui même tiré d’un fait divers authentique, « Nagasaki » est bien plus qu’un récit. Il est notre société, prônant l’individualisme et l’individualité. Il est représentatif de nos craintes, de nos doutes, d’un système qui isole tout un chacun, plutôt que d’ouvrir au monde. Il questionne, interroge nos modes de vie : métro, boulot, dodo... Il pose également la question du savoir qui l’on est vraiment. Est-ce le travail qui fait qui l’on est ? Sans emploi ne sommes-nous plus ? Des problématiques qui ne trouveront pas les réponses dans l’ouvrage, ce n’est pas son ambition, juste et c’est déjà beaucoup, d’éveiller. La mise en scène de l’autrice est remarquable : nous suivons les deux protagonistes dans des récits séparés, mais qui se croisent timidement. Nous apprenons à les connaître, à les respecter, chacun avec leurs défauts et leurs faiblesses. Ils nous deviennent familiers et on se prend à imaginer une fin. Agnès Hostache n’est pas que remarquable dans sa mise en scène, c’est aussi une formidable illustratrice. Elles nous gratifie de peintures efficaces, aux tons doux et pastel. Elle varie les cadrages, les angles de vue, tout en diversifiant ses gaufriers. Cela permet de donner du rythme au récit, écrit à la première personne. Tout est parfait dans cette bande dessinée si ce n’est, que c’est la réalité... - Michaël
Lucia, Hortense, Max, Arsène et Joséphine viennent de recevoir une mystérieuse lettre de l’office de tourisme de Californie, les invitant à participer à une chasse au trésor. Ces cinq inconnu·es, venant d’univers différents, semblent cependant avoir un point commun, être à un tournant de leur vie.
Jim, un comédien en difficulté, a été sélectionné pour jouer le rôle du meneur de jeu.
Au cours de ce road-trip haletant, Les participant·es vont relever tous les défis, afin de trouver les indices menant au "Graal".
Des affinités se créent dans le groupe, mais très vite l'ambiance va se troubler, laissant place aux doutes et suspicions. Les masques tombent, révélant au fil des pages les secrets et failles de chacun·e.
Julien Sandrel nous entraîne dans une histoire pleine de rebondissements, explorant les relations humaines avec intensité.
Un roman tendre et touchant.
Jaromil, trompettiste, « nègre à moitié », a le Jazz à l’âme.
Un jour il reçoit dans sa boite aux lettres, un colis contenant : un courrier, des cassettes audio, un disque ‘’ Mo’ Better Blues’’ du groupe ‘’The Brandford M. Quartet’’, et la photo troublante d’un homme lui ressemblant trait pour trait.
Bouleversé par cet héritage du père qu’il n’a jamais connu, il part en quête de réponses et écrit à sa fille chérie pour lui dire, tout lui dire.
Marc Alexandre Oho Bambe, est poète, écrivain et slameur (connu sous le nom de Capitaine Alexandre).
Ces trois univers se retrouvent parfaitement dans la construction de ce livre.
La narration de l’histoire du musicien est entrecoupée de poèmes, de lettres pour Indira sa fille et des enregistrements de son père.
‘’Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé ‘’, aborde des sujets forts comme la paternité, l’absence, la solitude, l’amour, le racisme, la vie de tournée. Avec toujours en toile de fond le Jazz.
J’ai adoré cette lecture, entre roman et poésie. Je me suis laissée embarquée par le style atypique de l’auteur, ses personnages touchants, son ode à l’amour et à la musique.
Un magnifique récit puissant et émouvant.
Selon sa tante, Miyo est une bonne à rien, pourtant elle va réussir à décrocher un emploi dans la boutique de M. Momotoshi, un marchand excentrique spécialisé dans l’importation de toutes sortes de babioles. Une nouvelle vie commence donc pour la jeune orpheline qui va devoir apprendre de nouveaux codes de conduite mais également mettre à profit son talent de divination... Que voici un manga fort sympathique qui devrait trouver un plus large public que celui habitué au genre. Nous sommes sur un récit de type « seinen », destiné aux adultes, mais qui présentement peut être lu par un plus jeune public tant l’histoire est délicate et délicieuse. Nous suivons donc Miyo, tendre et attendrissante avec ses côtés un peu gauche et sa timidité propres aux personnes ayant été dévalorisées dans leur enfance. Même si cela ne constitue pas la trame principale, on devine que Miyo va s’épanouir en trouvant écoute et stimulation auprès de cet étrange M. Momotoshi. Cette intrigue, qui sera le fil conducteur de cette œuvre en 6 volumes, est distillée dans les nombreuses histoires que nous proposent le manga. Les différents chapitres proposent à chaque fois la découverte d’un objet occidental de la fin du 19e siècle et une fiche explicative de son fonctionnement. Loin d’avoir livré tous ses secrets dans ce premier volume, nous attendons avec impatience d’en savoir plus sur le don de divination de Miyo, qui devrait par la suite se montrer d’une extrême importance… - Michaël
Alice et Alex se rencontrent chez leur couturier alors qu’ils passent tous deux commande pour des vêtements d’été. Leurs regards se croisent, ils se sourient, et c’est le coup de foudre… « Revenez la semaine prochaine, à la même heure », dit le couturier. La semaine qui va passer va être, pour Alice et Alex, la plus longue de leur vie… Alice et Alex est de ces albums qui reste danser devant nos yeux bien après l’avoir refermé. Nous pourrions le relire 10 fois que nous n’aurions toujours pas tout exploré, tout découvert. Tout dans cet album est une invitation au voyage, à la poésie, à la rêverie : la beauté des illustrations, que ce soit dans la maîtrise du trait empreint de poésie ou dans la palette de couleurs utilisées, l’architecture dans laquelle les personnages évoluent et qui nous rappelle les plus beaux palais d’Orient... L’ambiance art déco et l’omniprésence végétale nous font tout de suite penser à des paysages lointains et merveilleux. Les costumes magnifiques d'Alice et Alex méritent à eux seuls une lecture attentive : ils sont si bien réalisés qu’on peut presque sentir la texture des étoffes à travers les pages. Nos deux élégants se sont bien trouvés : ils apprécient tous deux l’esthétique et la beauté des choses du monde. Les doubles pages se font face : celle de gauche pour Alice, celle de droite pour Alex. Et dans ce jeu de miroir, un doute s’immisce en eux : et si leur amour n’était pas réciproque ? Le texte utilise des phrases courtes, dont le rythme n’est pas sans rappeler le cœur qui s’emballe lorsque l’on voit un être aimé : comme un coup de foudre qui prendrait sa source dans un paradis rétro et luxuriant. Coup de cœur assuré pour ce magnifique album, aux illustrations et aux textes si poétiques, et qui nous parle d’un beau sentiment universel : l’amour ! - Nolwenn
Lorsque le jeune Bobby Bailey se présente au centre de recrutement de l’armée des USA, il ne s’attend pas à être envoyé vers un mystérieux programme top secret appelé "projet Prometheus", qui recherche des jeunes recrues sans attaches…
⠀
Débuté dans les années 1980, cette oeuvre monumentale de Barry Windsor-Smith trouve enfin sa conclusion dans un magnifique album d’environ 400 pages. Cet auteur, star dans son pays, reconnu pour son travail sur Conan le barbare et également pour ce qui restera comme l’un de ses chef d’œuvres : Wolverine : l’arme X, revient enfin en France avec ce titre dantesque. Pas de super-héros ici, « simplement » des personnes aux histoires différentes et pourtant liées. « Monstres » est un récit noir, dur, âpre sur l’humanité et cette face monstrueuse dont elle fait parfois, trop souvent, preuve. Cette monstruosité qui prend différentes formes et aux causes multiples. Ce récit brosse le portrait, chapitre après chapitre, de chaque protagoniste du drame qui se joue sous nos yeux. Nous voyageons dans le temps, apprenons à les connaître et lorsque le puzzle est enfin assemblé, à leur dire au revoir dans une fin absolument magnifique. Le scénario est intense et profond, captivant de bout en bout, il ne laisse absolument pas indifférent. Le dessin, tout de noir et blanc, est fidèle au style de l’artiste. Rude et hachuré, il est réalisé à l’encre et à la plume.
⠀
« Monsters » est donc un voyage épique couvrant deux générations d'histoire américaine dont les thèmes - traumatisme, destin, conscience et rédemption - se croisent dans un récit unique et singulier.
Conseils lecture
Vous êtes-vous déjà senti étranger dans votre propre pays ?
Ce livre raconte les histoires de celles et ceux qui ont dû faire face au racisme et à la discrimination en France.
"La France, tu l'aimes mais tu la quittes" : est un livre miroir tendu à notre société qui, à travers de bouleversants témoignages, interroge nos valeurs, nos aspirations et notre rapport à l'identité.
Un document poignant qui ne vous laissera pas indifférent.
Paris, rédaction de Gringoire, octobre 1933. Suite à la demande du rédacteur en chef, Xavier de Hauteclocque, journaliste germanophile, se voit confier une enquête sur la nouvelle Allemagne, celle qui a élu voilà six mois Hitler au rang de chancelier, et qui s’apprête à voter de nouveau aux législatives en novembre. L’ Allemagne, notre reporter la connaît très bien ; il en revient d’ailleurs, parle couramment la langue et y a un solide réseau d’indics. Dès son arrivée à Berlin, l’ambiance est nauséabonde : intimidation de la population, disparitions inquiétantes se multipliant, voyage encadré pour la presse étrangère… Une chape de plomb est tombée sur l’Allemagne en seulement quelques semaines. Difficile pour Xavier de Hauteclocque de mener son enquête : l’omerta règne. En quête de vérité, celui-ci persévère et prend des risques pour comprendre les rouages du nouveau régime nazi.La Tragédie brune, c’est avant tout le titre du récit publié dès 1934 par Xavier De Hautecloque, dans lequel il alerte sur le danger nazi. C’est aussi cette bande dessinée qu’en ont tiré Thomas Cadène et Christophe Gaultier où l’on suit un homme virevoltant au gré de ses investigations grâce au dessin incarné de Christophe Gaultier. Le trait, épais, souligne la noirceur de cet automne 1933, ô combien glaçant et annonciateur des malheurs à venir. Thomas Cadène se fait discret dans son récit sur la biographie de notre héros : il choisit de se concentrer sur l’enquête en s’appuyant sur le texte original (dont le début est reproduit en appendice). Hommage est ainsi rendu non seulement à un homme, mais aussi au journalisme d’investigation et à sa quête de vérité. Avis aux amateurs de L’Ordre du jour d’Eric Vuillard – et aux autres - : ne passez pas à côté de ce titre ! - Michaël
En pleine Seconde Guerre mondiale, Jérôme est porté déserteur par l’armée canadienne. Le jeune homme se cache en fait chez son grand-père, au milieu de la forêt. Le vieil homme bourru et cette maison au passé inquiétant vont transformer notre héros et peut-être l’emmener vers l’âge adulte. Petite perle québécoise, l’album « Jours d’attente » possède de nombreux atouts pour être l’un des titres phares de 2019. Le scénario est irréprochable, oscillant entre présent et passé, mélangeant plusieurs vies, plusieurs histoires sans nous perdre une seule minute. Un brin mélancolique, le récit nous plonge dans les affres de la Seconde Guerre mondiale, certes l’action se situe loin du champ de bataille, mais le spectre du conflit est omniprésent. La trame ne s’arrête pas là, un travail d’écriture important a été réalisé sur la psychologie des personnages. Les notions de culpabilité, de deuil, de liberté et de solitude sont abordées simplement et s’imbriquent parfaitement pour rendre l’histoire passionnante de bout en bout. L’illustrateur Simon Leclerc n’est pas en reste puisqu’il réalise une copie graphique irréprochable. Il combine à merveille un trait à l’encre noir plus ou moins fin, rehaussé par une mise en couleur originale, dont les essences d’ocre influent sur l’ambiance mélancolique de ce roman graphique. Il utilise également différentes brosses afin de donner du volume, du relief à ses magnifiques peintures numériques. Une première œuvre réussie pour ce duo d’artistes, qui espérons-le, continuera à nous éblouir. - Michaël
Dans un futur pas si éloigné que cela, la société « Tomorrow Foundation » met au point un procédé révolutionnaire dans l’intelligence artificielle : elle crée les premiers humanoïdes doués de conscience. Carbone et Silicium sont les premiers d’une longue série de robots, mais peut-on encore être considéré comme une machine lorsque l’on a des émotions et des envies de liberté ?... Mathieu Bablet s’attaque à un sujet maintes fois évoqué dans la littérature de science-fiction. Loin de s’en détacher, il tire pourtant son épingle du jeu en réalisant une œuvre dense et emplie d’une certaine sagesse. Pas de combats de genre ou d’intelligence artificielle collective, mais une réflexion sur ce qu’est l’humanisme. Il met en exergue notre nature profonde réfrénée, policée et en contradiction avec le concept sociétal du vivre ensemble. Carbone et Silicium vont, sur près de 300 ans, apprendre de leurs pairs, choisir chacun des chemins différents, mais pour quelle conclusion ? Mathieu Bablet est un auteur dit « complet », il réalise également les illustrations de ce pavé d’environ 260 pages. Son style est classique et réaliste et son découpage sobre. L’ensemble forme une œuvre remarquable rehaussée par le choix d’une édition de toute beauté au dos toilé. Bien plus qu’une fiction, cette œuvre est un vrai sujet de philo à méditer... - Michaël
Au XVIIIe siècle, l’Islande est une terre rude. Épidémies, famines, éruptions volcaniques et occupation danoise rendent ce pays invivable. Riche de sagas légendaires, l’Islande n’a plus d’espoir, si ce n’est de se trouver un guide, un héros. Grimr, jeune orphelin, pourrait être celui-ci, à moins qu’il ne devienne un fléau bien pire...
Faire de « La saga de Grimr » l’IDBD de la semaine, cela peut paraître facile puisque cet album a remporté le prix du meilleur album (Fauve d’Or) au festival de bandes dessinées d’Angoulême 2018. Mais sacrebleu ! Il le vaut bien et il serait fort regrettable de ne pas vous en parler. Jérémie Moreau livre une copie parfaite. Partant d’un contexte historique, il développe un récit riche en actions et en émotions. La tension va crescendo jusqu’au final magistral qui ne vous laissera pas indifférent. L’auteur réussit son pari en écrivant et en offrant une vraie saga, digne des plus belles, sublimée par les décors et les aquarelles de cet artiste hors norme. Maintenant, à vous d’aller conter la saga de Grimr ! - Michaël
Pénélope est médecin pour une organisation humanitaire, elle est régulièrement en mission pendant plusieurs mois dans des zones de combats ou règne la misère. Alors lorsqu’elle rentre chez elle, il n’est pas toujours facile de se replonger dans un quotidien banal, plutôt normal dirons-nous, une vie de famille ou les problèmes ne semblent être que futilités... À la lecture de cet ouvrage, on pense de suite à une bande dessinée de reportage, un récit témoignage livré par un médecin humanitaire : il n’en est rien, ce titre est une fiction, mais qui, sans nul doute, touche au plus près de la réalité tant il sonne et résonne juste. Nous suivons les préoccupations de Pénélope, qui à son retour pense à ceux qu’elle a laissés, à ceux qu’elle a perdus, des fantômes qui l’obsèdent et l’empêchent de vivre sa vie d’ici. Sa vie justement, quelle est-elle ? Cette question l’entête, elle qui navigue entre deux mondes. Bien sûr, sa famille, ses proches ont les mêmes interrogations : un mari qui ne voit jamais sa femme, une enfant qui grandit sans la présence physique de sa mère. Sont-ils tous des étrangers ? Il y a dans cette œuvre une remarquable leçon de choses, psychanalyse de l’être, du moi. Admirablement écrit, subtil et sensible, « Les deux vies de Pénélope » est une œuvre différente qui, à défaut de donner des réponses, met en lumière des femmes, des hommes, hors du commun. - Michaël
Dans ce livre, Laurent Gaudé revient sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. L'explosion au Stade de France, les attaques des terrasses de restaurants, la prise d'otage et la tuerie du Bataclan.
Chronologiquement, on replonge dans les faits, grâce à la mise en scène d'instants de vie, se déroulant du matin jusqu'au lendemain du drame.
Des moments ordinaires du quotidien, où certains deviendront héros ou martyrs au fil des heures.
L'auteur réussit à nous imprégner des émotions ressenties par les personnages, présents de près ou de loin.
On entre aussi bien dans les pensées des victimes, que dans celles des témoins, des proches, des secours ou des agents de nettoyage.
L'écriture est très touchante, voire poétique malgré la gravité de la situation. Quand on commence ce récit, on ne le lâche qu'à la dernière page.
Un roman bouleversant, puissant pour ne jamais oublier l'horreur. Mais également une ode à la vie et à la liberté.
« Je m’appelle Taylor Davis, je suis écrivain et il faut que tu saches que tu vis dans un roman... dans mon roman pour être exact... Tu es un personnage de fiction, Stella. » C’est ainsi que Taylor s’adresse à sa création, avec condescendance, jusqu’à ce qu’elle prenne vie et apparaisse devant lui... et tous les autres. Le romancier démiurge jusqu’ici coincé dans une impasse, ne parvenait pas à boucler son scénario. Grâce à l’apparition de Stella, il connaît un véritable succès littéraire et mondain. Mais dénuée d’identité civile et attisant la curiosité, Stella est pourchassée par les autorités. Elle trouve refuge auprès d’un organisme d’étude de la noosphère qui voit en elle un accès pur à la conscience collective. Sur qui peut-elle compter : son créateur qui l’a exposée et s’avère incapable de la protéger ou un organisme qui l’étudie ? Au début de cette lecture, on pense bien sûr à Pygmalion et on imagine une simple romance. C’est d’ailleurs ce qu’avait prévu Taylor Davis : clichés et ennui garantis. Fort heureusement, Cyril Bonin est bien plus malin que cela et nous livre un récit très original. Ayant pris soin de travailler tous ses personnages, jouant de leur intelligence, il donne une profondeur inattendue à l’histoire en multipliant les points de vue. On aurait cependant aimé que certains passages soient un peu plus développés : la question de l’identité ou la découverte de la noosphère par exemple. Malgré cela, on peut dire que l’auteur sait mener sa barque et n’est pas avare de rebondissements. Stella nous tient en haleine jusqu’à la dernière case, livrant une réflexion singulière sur les créateurs où les Galatée et Pygmalion sont protéiformes et surprenants. - Aurélie
« Le poids des héros » est un récit autobiographique dans lequel David Sala nous raconte son enfance dans les années 80, mais surtout sa réalisation de soi dans l’ombre des horribles récits racontés par ses grands-pères. Tous deux ont connu la dictature franquiste puis la Seconde guerre mondiale. Ils ont vécu et survécu à bien des cauchemars. Ils sont des survivants, mais pour les yeux d’un enfant, de véritables héros. Alors pour un jeune esprit, que penser de sa vie actuelle, si ce n’est qu’elle est bien facile, bien ordinaire comparée à celle de ces monstres sacrés. Ce trouble ne le quittera jamais, mais au lieu de l’enfermer, il puisera en lui pour créer, écrire, peindre une œuvre de mémoire, salutaire, afin de trouver au final sa place, son rôle : celui de conteur.
⠀
Tendre et mélancolique, cette œuvre aux peintures magnifiques possède un vrai ton, différent, comme un appel, à ne pas oublier.
Goliath n’est pas comme les autres enfants, il est grand, très grand, voir très très grand et cela le peine. Il est différent…
Ximo Abadía, auteur espagnol dont j’admire l’œuvre propose avec cet album un récit touchant empli de sagesse et de beaucoup de tendresse. Il évoque le thème de la différence, du mal être et de comment trouver sa place dans la société. Loin d’être triste, le récit se transforme en quête initiatique dont chaque scène est une impressionnante rencontre. En cela son travail graphique est remarquable, il juxtapose les formes, les matières pour rendre des tableaux d’une extrême efficacité. Très peu de couleurs sont utilisées, les mêmes page après page, savamment dosées et distillées afin d’offrir différentes ambiances, différentes émotions à l’histoire.
Goliath est un géant et heureusement pour nous, son amour aussi alors, il serait dommage de s’en priver !
Elle vit cachée, cloîtrée dans un océarium. Privée de liberté par son geôlier de père adoptif, qui l’utilise comme appât à touristes, elle rêve de plein air, d’une vie de jeune fille de son âge. Fish Girl est son nom, ou plutôt son nom de scène car elle n’est pas, au sens physique du terme, vraiment humaine, non, elle est sirène. Une rencontre impromptue va lui donner la force et le courage d’affronter son gardien et peut-être enfin, de savoir qui elle est réellement...
Ce roman graphique pour la jeunesse a été déniché par les éditions « Le Genévrier » peu habituées à publier de la bande dessinée. Grand bien leur en a fait, puisqu’ils ont déniché une véritable pépite. Loin des formats habituels avec humour, action et bastonnades à n’en plus finir, Fish Girl est écrit et mis en scène de façon calme et émouvante. Il y a bien sûr de l’action, mais le lecteur, enfant comme adulte, retiendra surtout les moments d’échanges, de contemplation et de liberté. Le duo scénariste/illustrateur atteint ici son paroxysme tant l’ensemble fonctionne à merveille : une heureuse plongée dans de la pure magie ! Lorsque l’on referme ce livre, on se sent plus apaisé et serein. -Michaël
Souvent on me demande si nous avons des « romans graphiques », ce à quoi je réponds systématiquement : « De la bande dessinée, mais bien sûr ! ». Vous l'aurez compris, pour moi ce terme est souvent inapproprié et est surtout employé pour se détacher du terme générique « bande dessinée » qui véhicule malheureusement encore aujourd'hui de nombreux clichés. Mais il arrive parfois qu'entre nos mains nous détenions un livre hybride, doté d'un délicat mélange de textes et d'illustrations, imbriqués les uns aux autres et ne pouvant exister l'un sans l'autre. « Radioactive » fait partie de ces livres qui sont le parfait exemple de ce qu'est le vrai « Roman graphique ». Son esthétisme, son partie pris graphique, composé de peintures, de photographies et de cyanotypes en fait une oeuvre éblouissante et inspirante. Son propos, une biographie de Marie et Pierre Curie, est passionnant. Nous suivons ce couple hors du commun, de leur rencontre jusqu'à leur mort. Nous réalisons la grandeur de leurs travaux, de leurs découvertes et comprenons pourquoi encore aujourd'hui, ils sont admirés dans le monde entier. Certes par moment, le texte peut paraître technique, scientifique, mais il reste tout de même abordable. Le fil conducteur de l'oeuvre est de mettre en parallèle deux forces invisibles, la radioactivité et l'amour, cela fonctionne plutôt bien, même si scientifiquement parlant, elles ne sont pas comparables. « Radioactive » est une oeuvre rare, exigeante et profondément humaine qui a été le premier roman graphique sélectionné dans la catégorie non-fiction du National Book Award.
Lumières tamisées, ou lumières crues Anne-Fleur Multon pose un éclairage franc et sensible sur une histoire d’amour naissante ; un regard contemporain essentiel sur l’amour en général et celui entre deux femmes en particulier.
En ce début de printemps les rues de Paris sont exceptionnellement vides, ses habitant·es confiné·es ont du temps à ne plus savoir qu’en faire, lion·nes en cage entre quatre murs. L’héroïne arrache quelques heures à l’ennui en pianotant sur son smartphone. Un peu désinvolte, elle envoie un message à une personne qu’elle avait croisée en soirée avant tout ça. Quelqu’une qu’elle n’aurait pas forcément recontactée, emportée dans le tourbillon du quotidien pré-pandémie. Bientôt ces instants partagés à distance deviennent de plus en plus profonds, importants, indispensables.
Ce sont ces émotions si particulières qui nous submergent à l’aube d’une nouvelle passion, que décrit l’autrice avec beaucoup de justesse. La fusion des corps exacerbée par le désir et les petits riens du quotidien qui à chaque instant font qu’on a envie de crier « JE L’AIME » à la face du monde.
Le roman nous plonge au cœur de la vie amoureuse de ces deux femmes et plus que leur passion nous partageons leur condition d’homosexuelles, la discrimination, le regard des hommes dans la rue, et le désir d’être mère qu’on leur refuse. Un texte plein d’émotions qui invite la société à plus de tolérance et de respect, car bien sûr chacun·e est libre d’aimer qui elle/il souhaite.
Enfin la forme très moderne du récit, en totale adéquation avec le fond, ajoute encore à la qualité de ce roman.
Tom Thomson : ce nom ne vous dit peut-être rien, c’est pourtant le plus célèbre peintre canadien. Une courte carrière, un style singulier, une influence décisive sur les générations postérieures, une mort mystérieuse… De très bons ingrédients pour en faire une légende et, pourquoi pas, une bande dessinée. Tom Thomson, jeune publicitaire, suit un chemin bien tracé le conduisant vers un emploi gratifiant et une vie maritale stable. C’est sans compter un don particulier, celui de donner vie à la nature à travers ses esquisses, et le courage de s’y adonner pleinement. Donc de passer à une vie 'simple' et de s'y consacrer, lire Thoreau, regarder les paysages qui l’entourent, en saisir l’esprit et peindre. Pour cela, il canote souvent avec un ami jusqu’à ce que celui-ci soit mobilisé en 1915. Tom, réformé, se déplace désormais seul pour peindre. Mais un jour, sa barque est retrouvée vide ; son corps émerge 7 jours plus tard. L’enterrement est rapide. Suicide, accident, homicide ?… Les versions divergent et le doute persiste. Près de quarante ans plus tard, deux hommes enquêtent. Que s’est-il réellement passé ? Seul Tom Thomson pourrait nous le dire. Sandrine Revel nous livre ici sa version de l’histoire, version passionnante qu’elle mène habilement. Elle contourne le genre rebattu de la biographie de peintre en l’entrecoupant d’une enquête policière… Il faut dire que la vie – et surtout la mort – de Tom Thomson s’y prêtent parfaitement. Quant à la référence picturale, incontournable, elle la cantonne aux pleines pages, sa mise en couleur s’en faisant graduellement l’écho dans les cases qui les précèdent. Une jolie découverte, celle de Tom Thomson, et du bien bel ouvrage, subtil à souhait. - Aurélie
Ce roman nous parle du cachemire qui est devenu une manne pour les chinois peu scrupuleux; Des coutumes ancestrales, de la culture des nomades mongols vouée à disparaître. L'écriture est sensible, et nous offre de très beaux passages à la hauteur de la beauté de la steppe, et de la beauté des belles matières, à l'image du cachemire. C'est aussi une belle histoire d'amitié, de reconnaissance et de liberté. Je vous invite donc à partir aux côtés de Bolormaa, l'héroïne de ce beau roman. - Catherine