Conseils lecture
Professeur Goupil a tout ce qu'il veut : une grande maison, une piscine privée, une bibliothèque privée, une salle de cinéma privée, dont il profite à loisir durant la journée. De plus, le professeur Goupil est un "chercheur", et donc, il doit chercher. Pour trouver, il se livre à toutes sortes d'experiences bizarres, jusqu'au jour où tout dérape...
Le professeur Goupil est un personnage particulièrement attachant, qui va apprendre rapidement que la vie est plus jolie lorsqu'on a des amis avec qui la partager. Les illustrations sont douces et maîtrisées, le texte est original : nous n'en attendions pas moins du talentueux duo de la très belle bande-dessinée "le temps des mitaines"... Nolwenn
Mohammed, d’origine tchadienne, a 14 ans lorsqu’il décide de quitter l’Arabie Saoudite pour étudier l’anglais et l’informatique au Pakistan. Pour lui et sa famille, à la recherche de meilleures conditions de vies et de reconnaissance sociale, il va faire ce voyage vers son Eldorado. Malheureusement, les attentats du 11 septembre 2001 vont bouleverser à jamais ses plans et assombrir son nouvel horizon. Les forces américaines sont prêtes à tout pour obtenir le moindre renseignement : une aubaine pour les policiers pakistanais qui capturent sans scrupule ni vergogne toute personne originaire du Moyen-Orient, qu’ils déclarent terroriste et monnaient 5000 dollars par tête. Mohammed sera ainsi arrêté, vendu et transféré vers la base militaire américaine de Guantánamo Bay, à Cuba. Huit ans de tortures, d’humiliations et de combats s’écouleront avant qu’il ne soit jugé et - enfin - déclaré innocent.
Véritable témoignage choc d’un rescapé de Guantánamo, ce récit nous glace les sangs par sa violence et son inhumanité. « La violence engendre la violence », voici ce qu’affirmait Eschyle en son temps (né vers 525 av. J.-C., mort en 456 av. J.-C.), et qui se vérifie malheureusement encore de nos jours. L’être humain a certes progressé, mais pas à tous les niveaux... La recherche de coupables, de vérité, peut-elle excuser toutes ces exactions ? Non, certainement pas. Mais soumis à la douleur, la peine intense, serions-nous plus fort que la haine ? Tant de questions se posent à la lecture de cet album, qu’il est en soi une source philosophique à étudier.
L’histoire vraie de Mohammed El-Gorani est triste, mais peut-être salutaire, qui sait ? Merci M. El-Gorani d’avoir trouvé la force de raconter votre histoire et espérons que vous ayez trouvé la paix dans votre nouvelle vie. - Michaël
Il y a trois ans, la ville de Poughkeepsie fut l’objet d’une mystérieuse catastrophe. Depuis, la ville est mise en quarantaine. Là-bas la réalité a été altérée et les dangers sont multiples. Malgré cela, Addison est l’une des rares à braver l’interdiction et y pénétrer. Elle prend des clichés de la zone afin de les monnayer à de riches collectionneurs. Vénale, elle ne l’est pourtant pas, cet argent sert à aider sa sœur, une des rares survivantes de la « Spill Zone ». Pourtant Addison va accepter un dernier contrat qui, si elle le réussit, les mettra à l’abri du besoin. La « Spill zone », il est si facile d’y entrer... mais de plus en plus hostile et difficile d’en sortir. Récit complet en deux volumes « Spill zone » est une des bonnes surprises de cette année. L’œuvre est très bien écrite, étrange, inquiétante et pleine de suspense et de rebondissements. A aucun moment on ne s’ennuie, on tourne les pages de l’album avec frénésie tant il est difficile de se détacher du récit. Cette intrigue, si bien ficelée, si bien amenée, est une réussite en terme d’écriture de de narration. L’illustration est également un pan important de l’œuvre puisqu’elle intensifie la tension du récit par son trait unique et une mise en couleur alternant des tons sombres et criards. Voici donc un comics de haute qualité, complet en deux volumes, qui saura séduire le lecteur exigeant. - Michaël
Dans « L’ennui des après-midi sans fin », Gaël Faye nous replonge dans les souvenirs de son enfance. On le découvre petit garçon, quand le mercredi tantôt était sans école. A cette époque dans sa maison il n’y avait pas de télévision, ni d’écran. Alors pour occuper ses heures libres pas d’autre choix que l’imagination. L’enfant trouve mille et une activités, des parties de foot avec les copains, des figurines et des jouets pour s’inventer des univers, un grand jardin…
C’est un très bel album dont l’histoire est en fait la reprise d’une des chansons de l’auteur. C’est un texte poétique, une voix tout en douceur, une mélodie qui nous entraîne à la rêverie et des illustrations pleines pages retraçant avec justesse une atmosphère empreinte de nostalgie.
Dans notre société où il faut toujours aller de plus en plus vite, c’est un réel plaisir de se poser un instant avec ce livre CD.
C’est l’occasion de retrouver avec nos enfants le goût de prendre son temps, de profiter du moment présent, de ne rien faire et de réapprendre à s’ennuyer.
« L’ennui des après-midi sans fin » figure sur le premier album de Gaël Faye : « Pili pili sur un croissant au beurre » sorti en 2014. Il est aussi l’auteur de « Petit pays » publié en 2016 chez Grasset. Ce roman a été récompensé notamment par le Goncourt des lycéens et adapté au cinéma en 2020.
Aujourd’hui, la médecine est une science au service du vivant, mais avant d’être guérisseuse, elle était néfaste. Aux États-Unis, au 19ème siècle, elle était appelée la médecine « héroïque » parce qu’il fallait beaucoup de courage pour supporter les traitements de l’époque, souvent bien pires que les maladies ou les accidents eux-mêmes : saignées, purges au calomel (considéré de nos jours comme du poison), morphine... Stéphane Piatzszek et Benoît Blary nous embarquent dans un voyage à travers le temps en pleine guerre de Sécession durant laquelle un homme, le médecin Andrew Taylor Still, las des morts qui l’entourent, décide de tourner le dos à cette médecine traditionnelle qui ne sauve pas et surtout n’évolue pas. Il va, par différentes rencontres et en étudiant inlassablement l’anatomie humaine, mettre au point une pratique de manipulation du corps permettant le rétablissement des flux internes et des postures. Il crée ce qu’il appellera plus tard l’ostéopathie. Le récit, souffrant peut-être d’un manque de rythme, est néanmoins riche d’informations. Nous apprenons beaucoup sur l’époque, la dureté de la vie et de ces médecins souvent plus charlatans que compétents. L’humanité est également mise à mal dans ce titre où ignorance et intolérance sont des maux bien difficiles à éradiquer et constituent malheureusement un socle à notre condition. Fort heureusement, il y aura toujours des femmes et des hommes pour faire avancer, progresser la société, mais à quel prix... Une bande dessinée documentaire dense et instructive à mettre entre toutes les mains. - Michaël
Ce sont des enfants, pour la plupart orphelins, mais tous sans le sou et dans la misère. Ils vont trouver en leur compagnon Colas, un espoir, un guide vers une vie meilleure. Ce nouvel horizon ne pourra cependant se faire sans sacrifices, car en l’année 1212, la foi est omniprésente et la seule « façon » d’atteindre le paradis est de partir en croisade défendre le tombeau du Christ. Ces enfants vont suivre un guide, mais peut-être pas celui qu’ils croyaient...
Inspiré de faits réels, ce fait divers dont très peu d’écrits subsistent, nous est conté par Chloé Cruchaudet et constitue un pan méconnu de l’histoire de France. Si la fin de cette croisade fait encore débat parmi les historiens, l’auteure s’en approprie une version et nous livre un récit épique à la dramaturgie parfaite. L’innocence et la naïveté des enfants sont un élément central de la trame et constituent le fil conducteur du récit. Un rejet du monde adulte, par qui tous les maux arrivent, est une des réflexions de l’œuvre. L’enfant serait-il supérieur à l’adulte du fait de son innocence ? Par delà cette question philosophique, la manipulation des masses du fait de l’ignorance et de l’inculture est également un sujet abordé qui fait écho encore aujourd’hui dans notre société. L’arc narratif est quant à lui savamment écrit, les personnages attachants nous font vivre différentes émotions : on s’attriste, on s’amuse et on s’inquiète. Le tout est parfaitement illustré par un trait fin et précis dont les volumes sont rehaussés d’une palette à l’ambiance « clair obscur » grâce à l’utilisation d’encres et de fusains. 172 magnifiques planches à découvrir dans un récit de haute tenue. - Michaël
Lip dip paint : la technique du marquage aux lèvres. C’est le refrain qu’entonne chaque nouvelle ouvrière de l’usine de montres de luxe USRC afin de peindre le cadran de ces petites merveilles. Edna entonne avec insouciance et confiance ce nouveau mantra lorsqu’elle rejoint les établis de l’usine en 1918 auprès de Grace, Katherine et de quelques autres. Une osmose se crée entre les « ghost girls », silhouettes luminescentes dansant au sein de la nuit et de la prohibition. Phosphorescentes, elles le sont devenues car la peinture fournie par leurs patrons est composée de radium, qui lentement les empoisonne. Facile de les suivre dans la nuit... Edna, dont la santé commence à vaciller, trouve de l’aide auprès du médecin de l’usine testant de nouvelles prophylaxies et de quelques beaux esprits indépendants. L’occasion de s’interroger sur le système d’exploitation mis en place sans le consentement de ses petites mains. Avec ses crayons de couleurs, savamment limités à un camaïeu vert radium (forcément !) et violet, Cy nous plonge dans l’univers de ces jeunes ouvrières américaines sacrifiées sur l’autel du ‘progrès’. La beauté des planches alliée à la fraîcheur de ces jeunes femmes offrent un contraste saisissant avec le cauchemar qui s’annonce et envahit les pages au fil du récit. Un bel hommage qui rend justice à ces femmes bien souvent mortes dans la misère et l’indifférence collective parce qu’anonymes et pauvres.
Quatre canards vont se baigner au lac. L’un d’entre eux, Eric, n’est pas rassuré : « Il y a un monstre dans le lac », alerte-il ses camarades. « Un monstre ? bien sûr que non ! » répondent ses trois compagnons. « Ce ne sont que des histoires, Eric. Il y a juste des poissons et des grenouilles sans intérêt. » Mais ont-ils bien prêté attention à ce qui vit au fond ?
Leo Timmers est vraiment constant dans sa production d’albums tous aussi réussis. Nous retrouvons tous les ingrédients qui font la recette d’histoires savoureuses : Son humour grinçant, ces personnages un peu bêtes et suffisants, les illustrations colorées au style bien identifiable de l’auteur.
Dans cet album, une fois encore, les personnages ne font attention à rien de ce qui les entoure. L’auteur se fait complice des jeunes lecteur.ices car en réalité, c’est tout un monde qui vit sous le lac : il y a bien des monstres, ils sont même très nombreux ! Mais ils ne semblent vraiment pas agressifs.
Le foisonnement des illustrations sous-marines est un régal à observer. Le.la lecteur.ice pourra s’amuser à étudier longuement tout cet écosystème qui fourmille de détails. Les illustrations colorées parleront également aux plus petit.e.s.
Il est possible qu’un jour, je me lasse des histoires hilarantes de Leo Timmers ; mais ce jour-là n’est pas encore arrivé !
Demi sang, second titre de l'univers Les Ogres-Dieux est comme le précédent volume Petit, une claque ! Un scénario en béton où les personnages évoluent dans des intrigues qui vous tiennent en haleine jusqu'au bout. Et que dire du dessin de Bertrand Gatignol, une pure merveille de précision, qui comme l'intrigue, est sans faille. Les Ogres-Dieux est un univers étrange peuplé de géants et d'un mystère qui enfle album après album, pour à n'en pas douter, un dénouement qui ne saurait nous laisser de marbre.
Mars 1956, un enfant vient au monde, un garçon. Avril 2026, il s’éteint, laissant derrière lui une vie bien remplie... Voilà comment on pourrait résumer très rapidement l’œuvre de Tom Haugomat, mais ce serait lui faire injustice au regard des multiples qualités de cet album. Sur près de 180 pages et environ 70 doubles pages, nous sommes les témoins privilégiés de la vie d’un homme sans nom. Chaque année de sa vie est représentée par un moment décisif qui va définir ses choix et influer sur son destin. Ces moments tantôt joyeux, tantôt dramatiques, s’enchaînent : s’égrène devant nos yeux le fil d’une existence en mode accéléré. Les points de vue narratifs alternent : nous sommes à la fois des témoins extérieurs de cette vie et le personnage principal, assistant aux mêmes scènes, à sa vie, « à travers » ses yeux. Une prouesse graphique et scénariste qui nous laisse admiratif, tant le travail est remarquable. Pas de texte, ou si peu : ce récit est contemplatif. L’idée est étonnante et à mettre en place, d’une complexité absolue. Pourtant l’artiste rend un travail d’une lisibilité et d’une fluidité absolument parfaites, tant et si bien qu’il peut être lu également par des enfants. Cette œuvre est une réflexion sur la vie en générale, elle est catalyseur de méditation et de bien-être. Les illustrations de Tom Haugomat sont très d’une grande beauté, colorées dans une palette restreinte aux tons primaires, bleu, rouge et jaune. « À travers » est un album unique, et en un mot, beau. - Michaël
Lorsqu’elle se réveille, Hilda n’est plus chez elle, ni vraiment elle-même. Elle est dans une grotte, chez les monstrueux Trolls. Pourtant, elle n’est pas en danger. Son corps s’est transformé, elle est devenue l’une de ces créatures effrayantes et passe totalement inaperçue. Que s’est-il passé ? Quelle est la raison de sa présence ici ? Et si l’occasion lui était donnée d’apprendre à connaître un peu mieux ce peuple dont on ignore tout ? Sixième et à priori dernier volume de la série Hilda, et comme dans les précédents tomes, on se régale à la lecture de ses aventures. Comme toujours, Luke Pearson nous plonge dans un univers étrange, mais toujours teinté de bienveillance. Cela est la force de ses récits, nul ne sait comment il y arrive, mais ouvrir un Hilda est une expérience à part. Peut-être cela est-il dû à un délicat mélange d’humour, de fantaisie, de fantastique et peut-être de mélancolie, mais toujours est-il que ses histoires, et celle-là encore plus, sont captivantes. Nous assistons à la fin d’une série, ou peut-être, espérons-le, simplement d’un cycle. Un clap de fin qui met en exergue la différence, la tolérance et la force de l’amitié. Tant de messages à transmettre à nos enfants, tant de messages dont on peu s’inspirer pour nous ouvrir aux autres. Les illustrations sont toujours aussi belles, même si depuis 2011 le trait de l’artiste anglais à quelque peu évolué, je vous encourage vivement à reprendre le premier tome. La gamme de couleurs pastels employée ajoute une atmosphère de douceur, de calme, de bien-être. « Hilda » est sans conteste l’une des meilleurs séries jeunesse de ces dix dernières années, alors partagez-là. Pour info, Hilda existe également en série animée sur la plateforme « Netflix ». - Michaël
Conseils lecture
« Chaque soir en allant au lit, Mia faisait la même demande : Papa raconte-moi la mer. »
Alors, son père laissait de côté ses tâches quotidiennes pour se lancer dans des récits parlant d’océans. Avec émotion et entrain, il lui faisait découvrir des aventures et des personnages, en mimant les scènes. L’enfant s’endormait la tête remplie de rêves merveilleux. Le papa de Mia travaillait dur pour faire vivre dignement sa famille, mais surtout pour pouvoir offrir une jolie surprise à Mia.
Jaime Gamboa nous emmène dans un voyage autour de la mer, ses profondeurs, ses marins… Elle évoque les souvenirs, la perte d’êtres chers, la transmission, une vie de labeur où chaque chose se mérite. Mais avant tout elle retranscrit la complicité et l’immense amour entre un père et sa fille.
Les illustrations façon peinture se marient parfaitement avec la poésie de l’histoire.
Un album sensible et touchant inspiré de la chanson « Llevarte al mar » de Guillermo Anderson.
Au XVIIIe siècle, l’Islande est une terre rude. Épidémies, famines, éruptions volcaniques et occupation danoise rendent ce pays invivable. Riche de sagas légendaires, l’Islande n’a plus d’espoir, si ce n’est de se trouver un guide, un héros. Grimr, jeune orphelin, pourrait être celui-ci, à moins qu’il ne devienne un fléau bien pire...
Faire de « La saga de Grimr » l’IDBD de la semaine, cela peut paraître facile puisque cet album a remporté le prix du meilleur album (Fauve d’Or) au festival de bandes dessinées d’Angoulême 2018. Mais sacrebleu ! Il le vaut bien et il serait fort regrettable de ne pas vous en parler. Jérémie Moreau livre une copie parfaite. Partant d’un contexte historique, il développe un récit riche en actions et en émotions. La tension va crescendo jusqu’au final magistral qui ne vous laissera pas indifférent. L’auteur réussit son pari en écrivant et en offrant une vraie saga, digne des plus belles, sublimée par les décors et les aquarelles de cet artiste hors norme. Maintenant, à vous d’aller conter la saga de Grimr ! - Michaël
Après 3 ans d’absence, l’auteur du très remarqué « Saudade », nous revient avec un album d’une toute autre teneur. « Faille temporelle » est un recueil d’illustrations atypiques réalisées à l’origine pour un challenge personnel : faire 200 dessins en 200 jours. Ce défi, Fortu l’a brillamment relevé en y apportant une touche supplémentaire, distillant à chacune de ses toiles une âme unique, rendant le tout indépendant, mais pourtant indissociable. Grâce à ses scénettes, Fortu nous interpelle, nous interroge et nous questionne sur le monde et notre humanité. C’est par moment drôle, quelquefois offusquant, souvent absurde, mais toujours écrit avec subtilité et intelligence. Chaque illustration, d’un noir et blanc sobre et au trait photographique épuré, est un appel à la réflexion. « Faille temporelle » est album qui fait réfléchir et qui est présenté pour la première fois dans une médiathèque, votre Espace COOLturel. - Michaël
Raowl pourrait être un prince charmant, si ce n'est que sa véritable nature est d'être la Bête. Un peu comme dans le conte de Perrault, lui, ce qu'il souhaite avant tout, c'est d'être aimé par une princesse. Mais comment en trouver une ? Facile car c'est bien connu, il y a toujours quelque part une princesse dans la panade... « Raowl » est la nouvelle série humoristique de Tebo et une fois encore, cet auteur à l'humour corrosif frappe fort. Nous retrouvons tous les ingrédients déjantés et délirants de son univers : une succession de gags et de situations burlesques qui s'enchaînent à un rythme effréné, le tout au service d'une histoire originale se jouant des contes de notre enfance. Jeux de mots, situations burlesques font bon ménage et leur message est magnifié par les illustrations de Tebo. Son style, cartooniste, insuffle une énergie folle à nos héros par des gestuelles et des visages souvent distordus, mais désopilants. Il se permet également de très belles doubles-pages d'action, laissant ainsi parler tout son talent d'illustrateur. Une autre force de ce récit est qu'il n'y a point de sexisme : l'autre personnage principal est la Belle, qui comme son compère n’est pas la dernière pour en découdre. Tebo réussit une entrée fracassante dans le catalogue Dupuis, éditeur habitué à des titres jeunesse plus « gentils », mais soucieux de diversification et gage de qualité. - Michaël
Zoé est née. Clovis, le papa, est aux anges. Hélas, pour Marketa, la maman, c’est une tout autre histoire... Elle connaît une période difficile emplie de doutes et de peurs. Le diagnostic est sans appel, il s’agit d’une dépression post-partum. Sophie Adriansen, plus connue pour ses romans jeunesse, aborde avec cette bande dessinée un sujet délicat et sensible. Inspirée par sa propre histoire, elle livre un docu-fiction riche et instructif sur cet état psychologique souvent méconnu et/ou sous-estimé. Elle nous permet de comprendre, phase après phase, les mécanismes qui engendrent, puis alimentent cette dépression. Sophie Adriansen ne se focalise pas uniquement sur la maladie, elle parle également des aides existantes afin que ces femmes s’acceptent en tant que mère et toujours en tant que femme à part entière. Les illustrations de Mathou sont assez épurées. Elles permettent ainsi une bonne lisibilité de l’album, accentuant un peu plus, à la manière d’un blog, le côté réaliste. Ce livre est à prescrire à tous et toutes, mais surtout aux futures mamans pour les déculpabiliser et les aider à aller mieux. - Michaël
Au départ il y a un objet étrange, un album regroupant 369 photos d’identité d’un homme caméléon. Parfois moustachu, parfois barbu, en costume de ville, puis en tenue de stewart, souriant ou le cheveu hirsute et le visage déformé, ce personnage semble brouiller les pistes, nous perdre dans un labyrinthe de miroirs où ses mille facettes se répondent à l’infini.
Immanquablement son mystère et son originalité éveille notre intérêt, il est magnétique, il nous attire, on veut connaître l’histoire de cet homme et comprendre sa démarche. Qui est-il ? d’où vient-il ? quel est sa profession et qu’est-ce qui l’a poussé à concevoir ce projet ?
C’est à toutes ces questions que va tenter de répondre l’auteur, il aura la tâche ardue, à partir de ce simple objet, de remonter le fil de l’existence de son sujet : Jacob. Il devra trouver la réalité qui se cache derrière ces photos qui laissent entrapercevoir un personnage hors du commun.
C’est dans cette aventure que nous suivons avec entrain Christophe Boltanski. Avec acharnement à la manière d’un naturaliste, il va tout au long du récit, récolter les caractéristiques d’un spécimen si particulier « Jacob ». Mais arrivera-t-il pour autant à retisser le lien entre toutes ces photos qui constituent le puzzle de sa vie et surtout percera-t-il le mystère de cet étrange album ? Autant de questions auxquelles vous trouverez une réponse, où pas, en lisant ce roman immersif au cœur de « Jacob » ?
Au-delà de l’enquête haletante que mène l’auteur, par ailleurs journaliste, ce roman délivre un très beau message : aucune vie n'est insignifiante ou dérisoire, sous la patine du temps, des habitudes et du quotidien se cache la force d'un combat de l'instant qui fait de chacun·e de nous un·e être d'exception, un·e être particulier·e qui met à contribution tous les moyens dont elle·il dispose pour survivre et exister, ce qui constitue en soi un acte héroïque et louable.
Halfdan Pisket est fils d’immigré. S’il vit aujourd’hui au Danemark et réalise des bandes dessinées sans craindre la censure et/ou la prison, c’est en grande partie grâce à son père. Turc-arménien ou Arméno-turc, son père a quitté il y a longtemps son village natal situé dans la zone frontalière instable entre la Turquie et l’Arménie. A une époque, toutes les religions et coutumes y cohabitaient en paix. Depuis le génocide arménien, un climat de défiance et d’instabilité s’est installé. Des évènements dramatiques se sont enchaînés et ont rendu son père amer et haineux. Cette situation l’a poussé à partir vers d’autres cieux où de meilleurs lendemains lui semblaient promis, mais ailleurs et exilé, sera-t-il mieux considéré ? Élaborée à partir d’interviews du père de l’auteur et d’anecdotes de sa vie dans les années 60-70, cette histoire difficile dépeint le quotidien d’un homme déchiré par la guerre et l’occupation d’une part et ses convictions et sa soif de liberté d’autre part. Avec ce témoignage, il dénonce les maltraitances subies par les minorités et l’accueil difficile réservé aux peuples déracinés. Un témoignage choc et prenant, appuyé par un dessin expressif au noir profond. Récit complet en 3 volumes. - Michaël
Lapin aimerait bien cueillir des pommes, mais vu sa taille, cela est bien compliqué. A moins que toi, ami lecteur, ne lui donne un petit coup de main... Voici une excellente idée développée par Claudia Rueda qui, sur la base d’une histoire assez classique, casse les codes habituels de la narration et comme au théâtre, « brise le quatrième mur ». Le personnage de l’histoire s’adresse au lecteur en lui parlant pour lui demander de l’aide par des actions sur le livre, bien précises. Ce procédé fait son petit effet immersif, il force notre empathie envers Lapin. Le lecteur reste lecteur, mais devient acteur de cette charmante histoire. Les illustrations sont elles aussi réalisées de façon à nous inclure dans cet univers. Pour cela, l’autrice utilise un seul angle de vue, horizontal, le personnage est quant à lui toujours dessiné à la même échelle. De cette manière, nous avons une impression de discussion, face à face, avec Lapin. Tout a vraiment été pensé pour créer cette interactivité. « Attrape, Lapin ! » est un album original qui amusera petits et grands lecteurs et leur donnera assurément envie de tartes aux pommes. Miam ! - Michaël
Andrew et Suzie, sa petite sœur, accompagnent leur mère dans ce qui semble être davantage un pèlerinage familial que de véritables vacances. À Kingdom Fields, petite bourgade de bord de mer, il n’y a rien à faire, sinon tromper l’ennui en se créant ses propres souvenirs.⠀
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Lire les œuvres de Jon McNaught, c’est redécouvrir et réapprendre les codes de la bande dessinée. C’est se dire que ce média est tellement inspirant et libre qu’il est source d’innovation constante. Cet artiste est de cette trempe, celle des innovateurs : il a compris la force narrative du neuvième art, se l’est accaparé pour nous en proposer sa version, sa vision. Il offre ainsi des œuvres riches en émotions, contemplatives et/ou tout simplement méditatives. Elles sont rythmées par une gestion du temps anormalement lente, de la « slow attitude » pour ainsi dire. Attention, on ne s’ennuie pourtant dans ses histoires, à aucun moment. « L’été à Kingdom Fields » ne déroge pas à la règle et ce qu’on pourrait penser comme un banal récit de vacances est bien plus. Telle une madeleine de Proust, il ouvre une porte sur nos souvenirs, notre passé. Les personnages du récit parlent peu : un ado qui voudrait être ailleurs, une mère qui a besoin de se retrouver et une petite encore innocente, bref, des portraits que l’on connaît, qui nous parlent. Oui, il y a peu ou pas de dialogue, pourtant le récit n’est pas muet pour autant, la bande son est bien présente, sous forme d’onomatopées, elle occupe l’espace scénique à la manière d’un quatrième personnage. Comme dans la vraie vie où les sons et les bruits nous entourent, mais que nous n’entendons plus par habitude, l’auteur les retranscrit et accentue ainsi encore plus cet effet d’immersion. Jon McNaught utilise, pour dessiner son histoire, des gaufriers de 20 petites cases, entrecoupées par moment d’illustrations pleines pages. Il se permet de zoomer sur des détails, écouter des gouttes tomber de la paroi d’une grotte, afin de créer cette ambiance unique. Sa palette de couleur est limitée à un jeu d’ombres et de lumières, oscillant entre des nuances de bleu et de saumon. ⠀
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« L’été à Kingdom Fields » est une douceur à savourer autant de fois que possible. - Michaël
Enfant, ses parents s'occupaient d'elle. Aujourd'hui adulte, c'est elle qui doit s'occuper d'eux. Ils sont âgés, fatigués, dépassés par un monde qui n'est plus vraiment le leur et qui va beaucoup trop vite. Ils ne veulent pas quitter leur doux foyer pour une place en maison de retraite. Alors, régulièrement, elle va les voir, elle prend soin d'eux, elle vérifie que tout se passe bien. Quelquefois, tels des enfants, il faut les sermonner, les cajoler et réparer ce qui semble être irréparable.
Dans ce récit authentique sur la vieillesse, Joyce Farmer nous livre son témoignage sur la difficulté rencontrée lorsque des personnes âgées refusent l'inéluctable : la maladie et la perte d'autonomie. Dure et touchante à la fois, cette histoire dépeint le quotidien de ces familles qui, au jour le jour, vivent dans l'angoisse d'un malheur. Une belle leçon d'humanisme. - Michaël
Jean Doux est employé dans une entreprise spécialisée dans les broyeuses. Sa vie "pépère" bascule le jour ou il découvre l'existence du célèbre modèle de niveau 12, qui permet la découpe à l'echelle moléculaire, et qui n'était jusqu'alors qu'un mythe de bureau. Cette découverte va l'entraîner dans une aventure périlleuse où il pourrait bien perdre la vie ! Bon, disons les choses sérieusement : cette bande dessinée est à mourir de rire. Le récit est complètement loufoque, truffé de jeux de mots, de dialogues décalés et de situations absurdes. Philippe Valette s'est déchaîné dans cette oeuvre qui a déjà reçu de nombreuses récompenses : en 2017, le prix Landerneau BD et en 2018 le Fauve Polar SNCF d'Angoulême. Cela est mérité tant on savoure page après page les péripéties de Jean Doux, de Jean-Yves, de Jean-Daniel, de Jean-Pierre, de Jean-Pat... Le style graphique est tout aussi réussi, les illustrations sont percutantes, démonstratives et on se demanderait presque à la fin si la moustache n'est pas l'avenir de l'homme. Du pur délire ! - Michaël
Les dinosaures aussi ont des problèmes de santé : pour y remédier, ils se rendent à l’hôpital des dinosaures. Diplodocus, stégosaures et autres tyrannosaures viennent consulter le docteur Trodon qui leur fait passer une multitude d’examens, allant du scanner pour mesurer la taille de leur cerveau, aux radios pour voir comment leur squelette est constitué. Cet album, à la croisée de la fiction et du documentaire, mêle humour, petites histoires et informations passionnantes à propos de ces dinosaures qui fascinent toujours autant petits et grands. L’approche est extrêmement originale, ludique et mêle de manière totalement loufoque et avec succès jargon médical et univers des dinosaures. Hye-Won Kyung revient sur leur anatomie, expliquant par exemple pourquoi le stégosaure a des plaques sur le dos, ou bien pourquoi les maiasaura sont d’excellents parents. Les illustrations, très bien réalisées, donnent vie à ces animaux du Mésozoïque avec une mention spéciale pour les belles planches de squelettes dans lesquelles l’autrice-illustratrice s’en est donné à cœur joie.
Godan Stankovic n’est pas un mauvais bougre, il souhaite travailler, se faire un peu d’argent pour aider la famille et surtout gâter sa petite fille chérie à la santé fragile. Cependant, malgré toute sa bonne volonté, les portes se ferment : son permis de conduire n’étant plus en règle, il ne trouve plus de travail. Sauf un petit plan facile, sans risque avec un max de blé à la clé, mais avouons-le, ce n’est pas très légal. Malheureusement pour Godan, le plan tourne au fiasco et il est arrêté par la PJ. Cet événement va dès lors marquer un tournant dans sa vie. Sous la pression, il n’a d’autre choix que de devenir... un indic’, au péril de sa vie... « GoSt111 » a remporté cette année le Fauve Polar SNCF, il le mérite bien tant le récit est solide et réaliste. Normal, me direz-vous, puisque le scénario a été coécrit avec un ancien commissaire. Son savoir, ses connaissances donnent une véritable authenticité à cette histoire de flics et de truands, dont l’atmosphère prenante, pesante vous embarque littéralement dans un monde empli de « survivants ». Le ton et les dialogues sont justes, pas de diatribe dithyrambique à n’en plus finir pour cacher la faiblesse d’un scénario, non ici tout est à sa place, les mots, les répliques, les silences... On s’attache bien sûr à Goran, qu’aurions-nous fait à sa place ? Comment donner un sens à une vie si difficile, sans espoir ? Marion Mousse, l’illustrateur, réalise quant à lui des planches somme toute d’aspect classique, sobre, mais très efficace, donnant encore plus de réalisme à ce destin. « GoSt111 » est un polar, une fiction, une œuvre qui étend, sans peut-être le vouloir à la base, son rôle de pure divertissement à celui d’étude sociologique et/ou philosophique de notre société. Alors ne serait-ce que pour cela, félicitations ! - Michaël
Dans un village croate, le jeune Jacob vie une enfance des plus banale jusqu’au jour où son frère David disparaît.
Adapté d’une nouvelle de Olja Savicevic Ivancevic, « Les Pédés » est un drame familial. Entre non-dits et innocence, le récit nous entraîne dans une famille déchirée par l’incompréhension et les silences. Les auteurs nous livrent une œuvre forte, dure, mais ô combien nécessaire pour lutter contre les discriminations. Pour finir, un petit mot sur les magnifiques illustrations en noir et blanc de Danijel Zezelj qui valent à elles seules la peine d’ouvrir cet album. - Michaël
C’est l’histoire d’un homme et d’une femme. Tous deux connaissent des troubles de la personnalité et sont de ce fait de tristes marginaux. Le destin va les réunir, leur redonner goût à la vie, mais d’une façon bien déroutante... Étrange et originale, « Les petites distances » est une comédie romantique teintée d’un brin de fantastique. Nous suivons les personnages dans leur quotidien jusqu’au moment où l’inexplicable surgit. Et de là, l’histoire se démarque et nous entraîne dans un monde sans logique, mais captivant. L’illustratrice Camille Benyamina traite le sujet avec finesse et délicatesse. Grâce à l’aquarelle, elle déploie des tons doux et légers, voir transparents... Un très beau titre à lire le soir pour faire de doux rêves. - Michaël
Cinq minutes, c'est long. Surtout quand il faut attendre pour entrer au parc d'attractions ou que maman ait fini à la poste. Mais cinq minutes c'est si vite passé, quand on patiente avec angoisse chez le dentiste ou quand on s'amuse bien ! A travers cet album rempli d'humour, les auteurs donnent à voir la relativité du temps qui passe, parfois très lentement, parfois trop rapidement. Cette expression qui revient comme une ritournelle au fil des pages, « dans 5 minutes » ou bien « juste 5 minutes », les adultes l'utilisent toute la journée, parfois sans même s'en apercevoir ! Les illustrations nous montrent des situations du quotidien dans lesquelles tous les enfants vont se reconnaître. Olivier Tallec fait naître dans les gestes et sur le visage de son petit héros toutes les émotions liées au temps : la frustration, l'ennui, ou encore l’excitation et le trépignement lors d'une attente insoutenable. On retrouve avec beaucoup de justesse et d'humour ces postures parfois étranges que prennent les enfants lorsqu'ils patientent. Le temps est avant tout une histoire de perception... et cet album nous le montre bien !