Conseils lecture
Dans un village croate, le jeune Jacob vie une enfance des plus banale jusqu’au jour où son frère David disparaît.
Adapté d’une nouvelle de Olja Savicevic Ivancevic, « Les Pédés » est un drame familial. Entre non-dits et innocence, le récit nous entraîne dans une famille déchirée par l’incompréhension et les silences. Les auteurs nous livrent une œuvre forte, dure, mais ô combien nécessaire pour lutter contre les discriminations. Pour finir, un petit mot sur les magnifiques illustrations en noir et blanc de Danijel Zezelj qui valent à elles seules la peine d’ouvrir cet album. - Michaël
Nicolas Keramidas, auteur de bande dessinée, délaisse, le temps d’un album, la fiction pour un récit autobiographique poignant et pédagogique. Alors âgé d’un an, il fut l’un des premiers bébés opérés à cœur ouvert pour malformation cardiaque. Quarante-trois ans plus tard, il doit repasser sur la table d’opération... Ces événements, surtout le dernier bien entendu, le poussent aujourd’hui à se confier, à décrire dans un journal de bord son hospitalisation présente. Livre exutoire, il dévoile sans pudeur, mais non sans humour, ses angoisses et cette peur de la mort omniprésente. Il nous parle de son enfance, de sa construction autour de sa maladie. Il décrit son quotidien, d’examens en opérations et nous livre aussi, en parallèle, les sentiments de ses proches, les peurs, les pleurs de ceux qui tiennent à lui. Nicolas Keramidas n’oublie pas non plus les services hospitaliers, présents tout au long du récit, qui réalisent chaque jour des miracles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « À cœur ouvert » n’est pas triste, au contraire, cette bande dessinée nous dit d’aimer la vie et c’est bien ce que nous allons faire... - Michaël
Quand son papa n’est pas là, petit renard trouve la vie moins belle. Le chocolat est moins bon quand il n’est pas préparé par son papa. La balançoire va moins haut quand elle n’est pas poussée par son papa et qui va le réconforter quand il fait un cauchemar ? Heureusement, maman renard est là pour sauter dans les flaques, faire des ricochets où encore préparer de supers anniversaires… en attendant la fin de la semaine, qu’il revienne !
A travers cet album plein de douceur, Joris Chamblain (Les carnets de Cerise) et Lucile Thibaudier (Enola et les animaux extraordinaires) abordent un thème récurrent en littérature jeunesse, mais néanmoins incontournable : la séparation. A travers les pages, le lecteur s’émeut de la relation très forte qui lie le petit renard et son papa. Petit à petit, on se rends compte qu’il n’est malgré tout pas seul et que grâce à sa maman, la semaine passe relativement vite, avant le week-end tant attendu.
Les illustrations en aquarelle de Lucile Thibaudier retranscrivent les émotions de petit renard, sa tristesse et sa mélancolie, de manière très touchante. Le cadre automnal des décors apporte un sentiment de « cocon » vis-à-vis du lien fort qui existe entre le petit renard et sa maman, qui fait tout pour lui rendre le sourire.
Cet album parlera beaucoup aux familles dont un des parents doit s’absenter pour raisons professionnelles et permettra d’aborder le sujet avec beaucoup de délicatesse. - Nolwenn
Selon sa tante, Miyo est une bonne à rien, pourtant elle va réussir à décrocher un emploi dans la boutique de M. Momotoshi, un marchand excentrique spécialisé dans l’importation de toutes sortes de babioles. Une nouvelle vie commence donc pour la jeune orpheline qui va devoir apprendre de nouveaux codes de conduite mais également mettre à profit son talent de divination... Que voici un manga fort sympathique qui devrait trouver un plus large public que celui habitué au genre. Nous sommes sur un récit de type « seinen », destiné aux adultes, mais qui présentement peut être lu par un plus jeune public tant l’histoire est délicate et délicieuse. Nous suivons donc Miyo, tendre et attendrissante avec ses côtés un peu gauche et sa timidité propres aux personnes ayant été dévalorisées dans leur enfance. Même si cela ne constitue pas la trame principale, on devine que Miyo va s’épanouir en trouvant écoute et stimulation auprès de cet étrange M. Momotoshi. Cette intrigue, qui sera le fil conducteur de cette œuvre en 6 volumes, est distillée dans les nombreuses histoires que nous proposent le manga. Les différents chapitres proposent à chaque fois la découverte d’un objet occidental de la fin du 19e siècle et une fiche explicative de son fonctionnement. Loin d’avoir livré tous ses secrets dans ce premier volume, nous attendons avec impatience d’en savoir plus sur le don de divination de Miyo, qui devrait par la suite se montrer d’une extrême importance… - Michaël
L'idée d'une rencontre improbable entre deux êtres que tout oppose paraît d'un romanesque bien banal.
Mais ce serait réducteur de résumer ce beau roman ainsi. Les sentiments des personnages sont si finement décrits qu'on est plus que séduits.
Le rythme s'accélère pour s'approcher du thriller; l'humour cotoie la gravité comme souvent avec Serge Joncour qui ne se prive pas ici de dénoncer les affres du monde de l'entreprise et le pouvoir de la loi du marché. Un roman à la fois intimiste et captivant . Un très bon moment de lecture C.
En ces temps moyenâgeux, « l’Âge d’Or » n’est devenu pour beaucoup qu’une légende. Ce mythe abolissait les classes et rendait tous les êtres libres et égaux, prônait le partage et l’entraide. Ce monde a peut-être existé ou pourrait exister, mais quelles en seraient les conséquences pour ceux qui détiennent le pouvoir et l’argent ? Aussi, lorsque certains se mettent en quête d’une preuve de son existence, la tyrannie s’organise. Pendant ce temps, Tilda, l’héritière légitime, a perdu son royaume et pour ne pas perdre également la vie, doit fuir accompagnée de ses fidèles en direction du pays d’Ohman. Selon feu son père, un fabuleux trésor d’une puissance redoutable l’y attend. Quête de liberté pour quelques-uns, quête de pouvoir pour d’autres, les discordances naîtront et engendreront fatalement l’ultime affrontement. Le premier volume de ce diptyque est un véritable pavé de 228 pages. Il en fallait bien autant pour nous narrer la formidable épopée écrite par Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil. Les deux artistes nous proposent un récit fictif moyenâgeux à forte densité émotionnelle. Nous suivons, page après page, de nombreux personnages, chacun charismatique à sa façon et appartenant à des classes sociales différentes. Tous ont un combat, des valeurs à défendre, d’égalité et/ou de privilèges. Récit fictif ? Peut-être pas complètement ! Cette œuvre est une parabole de notre société actuelle et aborde très intelligemment les maux de notre quotidien : l’égoïsme et la paranoïa. Elle traite de l’égalité femme/homme et de l’égalité en générale. Elle prône le partage et l’entraide dans un monde où le système imposé nous rend de plus en plus individualistes. Réflexion politique, le récit questionne sur la démocratie et la place du citoyen. Voilà ce qui fait la force de ce roman graphique, association savamment équilibrée de fiction et de thématiques actuelles. Cyril Pedrosa, co-scénariste, signe également les illustrations, réussite picturale à signaler tant les planches proposées sont d’une incroyable beauté. La mise en couleur est puissante et est à elle seule un personnage à part entière du récit. Des tons vifs, tantôt chauds, tantôt froids, parfois psychédéliques, rehaussent le trait fin et délicat de l’artiste. L’utilisation de planches muettes, ô combien expressives, permet de reposer le récit et laisse libre court à la réflexion personnelle. Tous ces éléments, mesurés, équilibrés, font de ce récit une réussite totale et lui prédisent le plus bel avenir. - Michaël
Certainement, un des plus beaux livres de cette année !
« Jim » de François Schuiten est une œuvre bouleversante, sincère et précieuse.
« Jim » est, était le chien de M. Schuiten, il est mort cette année. L’auteur, par ce livre exutoire, nous parle de son deuil. De cette absence omniprésente qui vous colle à chaque moment de la journée, un vide bien trop pesant.
Avec justesse et simplicité, M. Schuiten évoque sa tristesse, sa soudaine solitude. Il partage avec nous son désarroi, un dernier au revoir à celui qui a partagé sa vie durant ces 13 dernière années.
Toutes celles et ceux qui ont eu un chien et l'ont aimé, se reconnaitront dans cette œuvre aux magnifiques illustrations.
Toutes celles et ceux qui ne comprennent pas que l’on puisse pleurer un animal de compagnie, pourront s'ils/elles le souhaitent prendre le temps de se plonger dans cet album qui en quelques pages seulement, explique à lui seul ce deuil, souvent malheureusement balayé d’un revers de main par la société.
Cette œuvre n’est pas triste pour autant, est simplement juste et belle.
Rose est un garçon doux et attentionné. Il a été élevé parmi les danseuses du cabaret « Le jardin » dont la propriétaire n’est autre que sa mère. Il est le chouchou de ces dames, leur petit bourgeon. Il aime porter de belles robes et par dessus tout, il aime la danse et se produire sur scène. Rose est beau et talentueux et ne va pas tarder à attirer le tout Paris... « Le jardin » est une œuvre à l’image de son personnage, douce et positive. Il en émane une sensation de bien-être indescriptible, sans nul doute véhiculée par des personnages tous et toutes bienveillant·es. L’histoire est simplement belle, ne verse jamais dans le mélodrame, bien au contraire. A l’opposé de nombreux titres, elle ne s’intéresse qu’à la meilleure version de l’humanité. Pas besoin de drame pour faire un récit fort et poignant, « Le jardin » nous le prouve de la plus belle des manières. Rose est un personnage transgenre dont la bonté et l’innocence rendent le monde meilleur. L’autrice, Gaëlle Geniller, n’explore pas l’intimité de son jeune héros, elle n’entre pas dans ce jeu d’où naissent inéluctablement les clichés. Chacun·e conclura comme elle/il le souhaite ce récit. Les illustrations, proches d’un film d’animation, sont magnifiques, pleines de détails et d’éléments directement sortis des années 20. Les couleurs, aux contrastes éclatants, rayonnent et mettent en lumière le trait fin et délicat de l’autrice. « Le jardin » s’adresse à un large public et va rapidement trouver sa place dans le cœur de chacun·e. - Michaël
Lou a 50 ans. Antiraciste, bouddhiste et ancien professeur d’université, il est aujourd’hui chauffeur de taxi dans le Mississippi protestant et conservateur du Ku Klux Klan. Bien sûr Lou a tout du anti-héros, il est forcément aigri (on le serait pour moins que ça), légèrement tendu (faut dire qu’il s’enquille des journées de 12 à 15 heures dans une caisse pourrie en buvant du Redbull) et passe donc son temps à faire des doigts d’honneur à tout-va (ce qui vous me direz n’est pas très politiquement correcte pour un bouddhiste).
Donc Lou pourrait-être un abruti lambda vulgaire, détestable et violent car sa situation personnelle n’est vraiment pas reluisante et qu’il faut bien trouver un exutoire quelque part. Mais Lou est tout l’inverse car il est plein de paradoxes et que fondamentalement il est dépourvu de méchanceté mais pas de dérision. C’est ce qui rend ce personnage fort attachant et c’est pour ça que je vous invite à partager quelques courses avec lui.
Partez à la rencontre de passagers plus déglingués les uns que les autres, à la découverte de l’Amérique ultra-libérale et de ses laissés-pour-compte ! Laissez-vous conduire par Lee Durkee, à la manière d’un John Fante ou d’un William Faulkner contemporain, sur les routes désargentées du Sud des Etats-Unis !
Dans le même esprit je vous invite, également, à découvrir l’œuvre de John Fante et notamment « demande à la poussière » et à voir « Taxi Driver » de Martin Scorsese ou « Taxi Blues » de Pavel Lounguine. Enfin, Rayon BD vous pouvez aussi emprunter à la Médiathèque « Taxi ! » d’Aimée De Jongh et « Yellow Cab » de Chabouté (adapté du roman éponyme de Benoît Cohen).
Bon voyage au pays de Donald et Mickey sous méthamphétamine (âmes sensibles s’abstenir).
En cette année 68, le Portugal vit depuis plus de 40 ans sous la dictature de Salazar. La « Police internationale et de défense de l'État », la PIDE, fait régner la terreur dans tout le pays en éliminant systématiquement les opposants. Fernando Pais, médecin à la patientèle aisée, supporte cette situation d’une façon très détachée, voire avec fatalisme. Pourtant, une rencontre accidentelle va réveiller en lui de vieux souvenirs, ceux d’une jeunesse oubliée, aux allants de liberté, mais surtout d’amour… Il est très rare que l’on parle de la dictature subie par le Portugal de 1926 jusqu’à la révolution des Œillets en 1974. Pourtant, cela n’est pas si vieux et ce pays est très proche du nôtre. Alors, même si cette oeuvre est une fiction divertissante, elle n’en demeure pas moins, par son fond, une formidable source d’instruction et d’éveil. Portée par une écriture fine et délicate, le récit vous transporte littéralement dans le Portugal des années 1960. Aidés par de très belles illustrations aux teintes sépias, nous réalisons un voyage dans le temps et pouvons aussi ressentir les senteurs ensoleillés de ce beau pays. « Sur un air de fado » est une oeuvre à découvrir et partager, qui nous touche et redonne du sens au mot dictature. - Michaël
Conseils lecture
Souvent en écoutant avec délectation les chroniques de Clara Dupond-Monod sur France-Inter, je me disais qu’il faudrait que je lise un de ses livres mais j’hésitais toujours de peur d’être déçu par ses romans et que cela ne me gâche le plaisir de l’entendre. Comme son dernier ouvrage « S’adapter » avait eu le prix Femina, je me suis finalement lancé.
Au départ je dois dire que la perspective de passer 170 pages en compagnie d’un enfant souffrant d’un lourd handicap, lui interdisant de voir, de bouger et de parler, ne suscitait pas en moi un enthousiasme de dingue, mais que nenni ! c’était sans compter sur le talent de l’autrice qui vous accompagne avec délicatesse dans ce bouleversement familial.
Au rythme lent de la montagne cévenole de sa flore et de sa faune omniprésentes, Clara Dupont-Monod nous dépeint avec justesse et pudeur comment la naissance d’un enfant handicapé va déconstruire une cellule familiale et comment chacun de ses membres va être impacté par cette arrivée. Puis comment au fil du temps le puzzle de ces vies contrariées va doucement se réassembler pour que chacun trouve ou retrouve une place.
Un livre particulièrement bien construit, sensible et fragile qui vous emporte dans un tourbillon d’émotions.
Béatrice est une jeune femme bien seule dont l’existence est rythmée par des habitudes et un quotidien très banal. D’un naturel discret, elle rêve secrètement de passion, d’aventure et du grand amour. Malheureusement la vie n’est pas vraiment une comédie romantique, c’est pourquoi, pour pimenter ce morne quotidien, elle décide de chaparder discrètement un sac rouge délaissé, abandonné en plein milieu de la gare. Dans ce sac, elle va découvrir un album photo qui va la plonger dans une vie de rêve, mais à quel prix... « Béatrice » est un album étrange, aux frontières du réel et de l’imaginaire. L’histoire, a priori classique et sans surprise, se transforme vite en conte étrange et captivant. Joris Mertens nous balade (littéralement) dans un univers aux multiples facettes, à la fois romantique, poétique, énigmatique et surnaturel. Il distille les ingrédients au fur et à mesure, accentuant ainsi la tension et le mystère tout au long du récit. Il parvient à nous tenir en haleine et surtout, à conclure son histoire par une fin qui nous laisse sans voix, comme cet album dont une des particularité est de ne comporter ni texte ni didascalie. Les illustrations sont juste magnifiques. L’auteur crée ses planches au crayon de papier rehaussé de couleurs vives, qui se révèlent techniques et pleines de détails. Un travail minutieux à saluer comme il se doit. Lire « Béatrice », c’est comme regarder un épisode de « La quatrième dimension » : « Apprêtez-vous à entrer dans une nouvelle dimension, qui ne se conçoit pas seulement en terme d’espace, mais où les portes entrebâillées du temps peuvent se refermer sur vous à tout jamais… ». Bon voyage !
Aaron est un jeune étudiant à l’histoire a priori banale. Bien élevé et entouré de ses proches, il ne fait pas d’histoire, ne fait parler de lui. On pourrait presque dire qu’il a tout pour être heureux. Cependant, en silence, il souffre d’un mal inavouable…
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« Aaron » est un titre dérangeant, troublant. Prise de risque indéniable de la part de l’éditeur et de son auteur, le récit traite avec beaucoup de pudeur de déviance sexuelle. Le sujet, certes malaisant, est amené avec beaucoup de délicatesse grâce à une construction narrative d’une extrême lenteur. Les illustrations, cloisonnées dans un gaufrier pour l’essentiel de 12 cases par page, sont d’une remarquable réalisation. Tout en finesse et en précision, elles insufflent dès les premières pages une atmosphère particulière à l’album, une tranquillité, un calme avant la tempête.
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L’auteur ne juge pas, ne questionne pas, ne donne pas de remède, il nous permet simplement d’être les témoins d’un instant de vie déchirée. Aussi nous ne connaîtrons ni les prémices, ni la fin de l’histoire d’Aaron, simplement ce bref aperçu d’un homme qui se perd.
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Brillant de bout en bout, cette bande dessinée est puissante, intelligente et interpelle. À lire tout simplement.
Lorsque les parents se séparent, il n’est pas toujours facile pour un enfant de trouver sa place, surtout quand on a deux maisons pour deux nouvelles vies… Melanie Walsh, par cet album tendre et réfléchi, décrit simplement, en quelques mots, la vie des enfants de parents séparés. Les thèmes habituels de la douleur ou de l’absence sont volontairement absents de ce récit qui se concentre sur des aspects plus « prosaïques », mais pas moins importants.
Du coup, ce titre n’est pas plombant, au contraire, il est même positif et rassurant pour l’enfant. Par un système de rabats-surprises, l’autrice joue à nous faire découvrir la vie chez l’un, puis chez l’autre, sans jamais donner un jugement de valeur. Elle conclut son histoire avec douceur et laisse entrevoir la multitude de facettes que peut prendre l’amour familial. « Chez papa et chez maman » est un album incontournable sur la thématique de la séparation qui ne l’expliquera pas, mais qui saura rassurer nos enfants sur le quotidien, leur avenir et l'amour que leur portent leurs parents. Et c’est bien cela le plus important. - Michaël
Petit crabe et Très grand crabe vivent paisiblement dans une simple mare, mais aujourd’hui, ils ont décidé de partir découvrir l’océan. Pour cette aventure il va leur falloir parcourir un long chemin semé d’embûches. Parviendront-ils à affronter la houle ?
Chris Haughton nous offre encore un très bel album aux illustrations vivantes et colorées dans des nuances vives de bleu et rose. Au travers des dialogues entre les deux personnages, il évoque l’excitation de la découverte, la peur de l’inconnu, la confiance et l’entraide. Le suspense est présent à chaque page avec les hésitations du petit face aux vagues immenses, et les encouragements du grand qui le rassure et le guide afin d’avancer un peu plus loin en anticipant le danger.
Cette histoire d’aventures et de tendresse ravira à la fois, sans aucun doute, les jeunes et moins jeunes lecteur·ices. A lire aussi de façon théâtralisée, ou bien à deux voix, pour accentuer le plaisir, le partage, et se dire : « Je suis dans l’océan ! ».
Vous découvrirez plusieurs autres titres de Chris Haughton dans votre Espace COOLturel.
« Pas de panique petit crabe » a été plébiscité par les élèves de l’école Notre-Dame de Divatte-sur-Loire : livre préféré de la sélection maternelle du prix des incorruptibles 2021/2022.
Le rêve d’Hino est d’être admis dans l’un des nombreux clubs de sport de son lycée. N’importe lequel, du moment qu’il est considéré par les autres et surtout les filles, comme un sportif. Car oui, c’est bien connu, les filles aiment et sortent avec les sportifs (!). C’est bien ce qu’Hino désire le plus au monde : avoir une petite amie. Le seul problème, c’est que notre énergumène n’est pas très sportif, un peu maladroit et quelque peu glandeur : il est très rapidement viré de toutes les activités auquel il participe. Sa rencontre accidentelle avec la belle Ayako va le contraindre à s’essayer à une discipline encore inconnue pour lui : le rugby... "Full Drum" est un manga de type shônen, plus particulièrement destiné aux jeunes garçons, selon la nomenclature japonaise, mais n’ayez crainte il peut être lu par tous les publics ! De construction plutôt classique, le récit est dynamique et humoristique. Nous suivons Hino dans sa quête d’amour maladroite, mais ô combien jouissive. Notre personnage est animé d’un bel idéal, car ici rien de graveleux, simplement de nobles sentiments. Véritable comédie sentimentale, le récit laisse tout de même une place importante à l’action et au sport, en particulier au rugby qui devient le sujet principal de l’œuvre. Petit à petit, nous découvrons ce sport et nous familiarisons, sans que cela soit trop technique, au vocabulaire de la discipline. "Full Drum" est sans prétention, il parvient à nous faire passer un agréable moment de lecture grâce à son personnage attachant. On y y trouve un peu de tous les ingrédients pour séduire un large public et cerise sur le gâteau, ce manga sur le sport est, faut-il le signaler, complet en 5 volumes et traite d’un sport peu exploité en bande dessinée. Pour les amoureux de l’ovalie et bien plus encore. - Michaël
« Goupil ou face » est l’histoire vraie de Lou Lubie, autrice/illustratrice qui se bat chaque jour contre sa maladie : la cyclothymie. Ce trouble de l’humeur est de la famille des maladies bipolaires. Avec pudeur, mais sans compromission, elle nous dévoile son quotidien, que beaucoup aurait dissimulé, jonglant constamment entre euphorie et dépression. Le récit débute à ses 16 ans, aux premières manifestions de ce mal qui ne sera alors que peu considéré par le corps médical, et se termine par sa vie d’aujourd’hui, diagnostiquée et soignée. Elle nous parle d’elle, de ses émotions, de son comportement, de son évolution dans la société. Au travail, en famille ou encore en couple, tout est abordé avec clarté et limpidité. Le récit intimiste est par ailleurs complété par des explications médicales, ici encore le travail de vulgarisation est remarquable. « Goupil ou face » est une bande dessinée instructive et passionnante racontée avec beaucoup d’humour et dont les illustrations sont expressives et limpides. - Michaël
Kenji est un jeune moine appartenant au temple du Souffle Sacré. Son temps, il le passe à s'entraîner aux arts martiaux et à méditer. Mais cette vie monacale ne lui convient pas. Il rêve d'aventures et de combats. Il veut devenir un valeureux ninja. Maître Yapluka, lui, ne veut rien entendre, et fait tout son possible pour garder son disciple dans le droit chemin. Pourtant, des évènements tragiques vont obliger le vieil homme à lui apprendre les rudiments de cet art et à lui révéler de terribles secrets... Un récit énergique, appuyé par un dessin rond et des couleurs éclatantes, qui ravira les enfants comme les adultes. Une belle leçon sur les rêves et les moyens de les réaliser. - Michaël
Eté 1913, Valdas a 15 ans, dans une riche demeure du bord de mer, sa vie se dessine. Le monde des adultes, auquel il n’appartient pas tout à fait, lui paraît être un vaste théâtre où tout n’est que faux-semblants, alors la nuit il s’enfuit renifler la côte, ses embruns, un parfum de liberté. Il y vit ses premiers émois et se confronte au monde extérieur, plus pauvre, plus dépouillé loin du confort de sa classe bourgeoise vaguement contestataire.
De retour à St Pétersbourg la vie s’emballe, une promesse de fiançailles, l’armée, la guerre, la révolution, le choix du mauvais camp, puis l’exil, Paris, la misère, une autre guerre et la solitude. Un siècle de barbarie dont il est le témoin, et au milieu de cet océan de cruauté, un écrin de beauté, une île où affleure l’amour. Une parenthèse de vingt jours d’un bonheur intense qui lui permettront toute sa vie de résister.
Voilà ce que raconte merveilleusement ce livre, comment un amour même éphémère peut être éternel. Comment dans un monde sauvage et violent, il vous donne la force d’être juste et bon, de rester humain.
Encore, un magnifique roman, tout en pudeur, d’Andreï Makine, dont la langue, si belle, si douce à l’oreille est un enchantement.
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite ! - Michaël
Roman... Bande dessinée... Livre illustré... Thornhill est un titre difficile à classer, tant il revêt différentes formes. Peut-être pourrions-nous simplement le qualifier, pour le coup, de véritable roman graphique, tant il correspond à cette description ! Ce titre nous plonge dans le quotidien d’Ella, une jeune fille ordinaire dont la curiosité l’amène à observer depuis sa chambre l’étrange manoir voisin au doux nom de Thornhill. Abandonnée depuis des années, cette demeure était un orphelinat ou s’est joué un terrible drame. Depuis, réputée maudite, elle est laissée à l’abandon, mais entre ses murs une présence intrigue et attire Ella plus que de raison. Inquiétant et mystérieux, le récit se lit d’une traite. Il tient en haleine de bout en bout et nous gratifie d’une fin non conventionnelle. Il oscille entre deux époques, mais surtout deux formats narratifs. Textes et illustrations se croisent, se complètent, racontent le passé pour l’un, le présent pour l’autre et créent par cette danse, une atmosphère où la tension va crescendo. Derrière l’ambiance nappée d’étrangeté et de fantastique, se cache en réalité un récit âpre et fort en émotion. Une œuvre marquante et originale à découvrir. - Michaël
Russ Hidebrandt, pasteur à Chicago, est en pleine crise de la quarantaine . Déçu par son travail, sa femme et sa famille, une seule chose le préoccupe désormais : son nombril et sa libido. Il emploie le plus clair de son temps à échafauder des stratégies pour séduire Frances, une ravissante paroissienne, tout en sauvant la face.
Cependant personne n’est dupe ni sa progéniture, ni son épouse, loin en réalité de la femme docile qu’elle semble incarner. Nous sommes en 1971, l’Amérique oscille entre conservatisme et mouvement hippie, guerre et paix, sexe, drogues et Rock’n’roll. Rien ne va plus dans la famille Hidebrandt et le jeu de massacre peut commencer !
Jonathan Franzen dresse ici une très belle galerie de portraits en proie aux errements de leur foi où à la recherche d’un idéal qui leur échappe. Une critique sociale, sarcastique à souhait, qui dépeint des personnages sensibles, lâches, attachants, psychotiques, tour à tour généreux et égoïstes, loin des stéréotypes d’une quelconque bien-pensance moralisatrice. La vraie vie quoi !
Un style sans concession ni fioritures, réaliste et fluide, au service d'un récit prenant. Sachant qu'il s'agit du premier volume d’une trilogie, on a hâte de connaître la suite !
Durant la Grande Dépression, trouver un travail relève du miracle. Alors lorsque John Clark, jeune photographe, décroche un contrat pour la FSA (Farm Security Administration), sa joie est immense, d’autant qu’il associe ainsi passion et travail. Pourtant sa mission - aller photographier la misère qui règne dans la région sinistrée d’Oklahoma, ravagée par les tempêtes de poussière - va profondément le bouleverser et le pousser à se remettre en question. Cette œuvre de fiction à caractère historique focalise particulièrement notre attention sur une région des États-Unis très meurtrie par la crise économique des années 1930. Elle met en lumière la dramatique crise climatique provoquée par l’agriculture intensive, plus méconnue. La région du Dust Bowl (« bassin de poussière ») connaît à cette période une grande sécheresse qui aggrave et multiplie les tempêtes de poussière. Ces phénomènes hors norme, inimaginables dans nos contrées, sont dévastateurs. Les terres sont inexploitables et la vie, la survie, relève du miracle. La Farm Security Administration, l’agence gouvernementale américaine créée pour combattre la pauvreté rurale, a développé un programme de documentation photographique d’une ampleur unique, témoignage précieux de la vie des Américains de l’époque. Grâce à cela, Aimée De Jongh livre un récit dur, âpre, qui surprend, questionne et dénonce principalement la manipulation des médias, des images, toujours à la recherche du bon cliché, du sensationnel. Lorsque l’on ferme ce livre, une pensée émue nous traverse pour ces femmes, ces hommes, leur courage et résonnent en nous les mots de John Steinbeck : « ils ont le sang fort ». - Michaël