Conseils lecture
La lutte contre la maltraitance animale est un sujet qui alimente les débats dans notre société. Aussi juste soit-elle, elle remet en cause bons nombres de croyances et/ou de pratiques plus ou moins barbares.
Alors, à raison, if faut se demander ce qu’est la maltraitance animale et où commence-t-elle ? Le débat est ouvert…
« Sandrine et Flibuste » et « Les droits des animaux en questions » sont deux titres qui abordent le sujet. L’un par des minis récits en bande dessinée où avec humour et cynisme, l’autrice aborde des thèmes explosifs comme l’élevage intensif, le broyage à vif ou encore la chasse à courre. Elle interroge en cela le rapport de domination de l'humain sur l'animal.
L’autre titre a une approche plus scientifique et juridique. Il va nous conter l’histoire de l’humanité et son rapport avec ce monde animal dont elle oublie souvent qu'elle en est. Il va s’attarder également sur le cadre juridique, l’animal est-il une chose, un meuble ? Les avancées de ces dernières années en matière de droit et le chemin qu’il reste encore à parcourir pour offrir à l’ensemble du vivant la vie qu’il mérite.
Gandhi a dit : « On peut juger de la grandeur d'une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux. »… Alors où en est-on ?
Les dinosaures aussi ont des problèmes de santé : pour y remédier, ils se rendent à l’hôpital des dinosaures. Diplodocus, stégosaures et autres tyrannosaures viennent consulter le docteur Trodon qui leur fait passer une multitude d’examens, allant du scanner pour mesurer la taille de leur cerveau, aux radios pour voir comment leur squelette est constitué. Cet album, à la croisée de la fiction et du documentaire, mêle humour, petites histoires et informations passionnantes à propos de ces dinosaures qui fascinent toujours autant petits et grands. L’approche est extrêmement originale, ludique et mêle de manière totalement loufoque et avec succès jargon médical et univers des dinosaures. Hye-Won Kyung revient sur leur anatomie, expliquant par exemple pourquoi le stégosaure a des plaques sur le dos, ou bien pourquoi les maiasaura sont d’excellents parents. Les illustrations, très bien réalisées, donnent vie à ces animaux du Mésozoïque avec une mention spéciale pour les belles planches de squelettes dans lesquelles l’autrice-illustratrice s’en est donné à cœur joie.
Coup de cœur et coup de gueule !
Venez, venez ! approchez-vous Messieurs, Dames ! Venez découvrir ces trois petits livres monstrueux et cruels ! Vous verrez l’inimaginable et l’impensable, des créatures sorties de vos pires cauchemars !
Plongez-vous dans la lecture de deux romans noirs aux portes du fantastique, précurseurs du genre : « Les éperons » de Tod ROBBINS et « Le plus dangereux des hommes » de Richard CONNELL, et dans celle d’une histoire vraie, que l’on préfèrerait fausse tellement elle est féroce : « Elephant man » de Frederick TREVES.
Pourquoi, m’opposerez-vous, se faire du mal quand on pourrait se faire du bien ? Un bon roman feel-good ne ferait-il pas mieux l’affaire ? Pourquoi donc ?! Sûrement pour le suspense, pour les frissons et pour ce voyeurisme malsain qui fait que l’on aime bien regarder le différent, le moche, l’estropié, ne serait-ce que pour se rassurer sur notre normalité ?
L’intérêt de ces trois récits ne s’arrête cependant pas là, car leurs qualités sont multiples. D’abord ils sont redoutablement efficaces par leur simplicité et ils incarnent parfaitement le paradigme de Mies van der Rohe : « Less is more ». Ensuite ils constituent trois classiques du genre qui ont donné lieu à de remarquables adaptations cinématographiques « Freaks » de Tod Browning (1932), « Le plus dangereux des hommes » de Irving Pichel (1932) et « Elephant man » de David Lynch (1980). Personnellement j’y ai également retrouvé tout le talent déployé par Hitchcock dans sa série « Alfred Hitchcock présente » et aussi l’ambiance de la série culte des années soixante : « Twilight zone » (la quatrième dimension). Par ailleurs en nous plongeant dans l’univers d’êtres et de mondes étranges, ces trois histoires nous posent une question fondamentale : qu’est-ce que c’est qu’être humain ? Qui est le plus barbare, le plus cruel : celui qui ressemble à un animal, comme Elephant man ou celui qui ne se fie qu’à son apparence pour le juger et lui reconnaître ou non le droit d’appartenir à l’humanité. Qu’est-ce qui détermine un homme ? Sa couleur, sa taille, son handicap ou sa façon de se comporter avec les autres, son empathie ?
Enfin ces trois livres sont de très beaux petits objets de quinze centimètres par dix, ils sont très facilement transportables et peuvent être lus aisément et rapidement puisqu’ils comptent tous soixante-dix pages. Chacun d’entre eux comportent une préface ou postface particulièrement enrichissante qui retrace l’histoire de ces œuvres emblématiques et de leurs auteurs. Ils appartiennent à « La petite collection des Éditions du Sonneur » qui vous propose des textes inédits et des textes oubliés ou méconnus, dignes de vivre ou de revivre, d’être découverts ou retrouvés. Une belle invitation à laquelle je vous enjoins à répondre, vous ne serez pas déçus !
Si l’atmosphère de ces ouvrages vous séduit vous pourrez emprunter au rayon Bande-dessinée comics de votre médiathèque « Moi, ce que j’aime, c’est les monstres » d’Emil Ferris qui constitue un bestiaire de monstres prodigieusement illustré.
Jacques Peuplier est un homme étrange. Solitaire, peu bavard, voire un peu rustre, il gagne sa vie en retrouvant pour le compte de particuliers tout et n’importe quoi de perdu. Il est le meilleur dans son domaine, lorsqu’il daigne accepter une affaire. Son secret : il écoute et parle à toutes les choses matérielles qui sont des témoins privilégiés. L’étrange est son domaine, pourtant lorsqu’il accepte une affaire pour la famille Monk, il est loin de se douter qu’il s’apprête à franchir un nouveau pallier dans le monde du mystère... VilleVermine est un récit singulier et captivant. A l’image de son personnage principal, il est mystérieux à souhait. Son intrigue pour le moins originale nous entraîne dans une ville curieuse ou chaque coin de rue est propice à une histoire, à une intrigue, mais loin de nous perdre, Jacques Peuplier nous guide à travers ces dédales. Julien Lambert réussit avec cet album à créer un personnage fort attachant avec son don, mais également ses faiblesses, ses blessures, le rendant inadapté à la société. Auteur « complet », il illustre avec maestria cette saga. Son style particulier, son choix de couleurs et ses cadrages sont remarquables. Ils rendent un titre très dynamique et d’une très bonne lisibilité. En seulement deux volumes vous tomberez sous le charme de cette enquête peu banale qui a décroché cette année le Fauve « Polar SNCF » d’Angoulême. - Michaël
A la ferme, on va bientôt choisir un·e nouvelle·au chef·fe. Comme d’habitude les candidat·es sont des habitant·es : Pierre Cochon, Jeanne Poulette… Mais cette année, il y a un nouveau : Pascal Leloup. Sa candidature semble très appréciée. Il est drôle, rencontre tous les animaux, fait des photos avec les jeunes… Bref, il ferait le chef idéal. Il est intelligent et en plus, ce qui ne gâche rien, très beau. Pourtant qui se cache vraiment derrière ce personnage qui fait l’unanimité ?
Davide Cali aborde ici avec humour tous les stratagèmes utilisés par les politiques peu scrupuleux·ses pour se faire élire. Fausses promesses, apparence trompeuse… toute la panoplie est réunie.
Les dessins sont rigolos et truffés de petits détails pour les regards avisés.
Cet album amène petit·es et grand·es à réfléchir aux rouages de la politique tout en restant léger et drôle.
Il faut toujours se méfier de l’excès de confiance et surtout : l’habit ne fait pas le moine.
Élodie Font nous partage sa vie sentimentale dans cette bande dessinée grâce aux crayons de Carole Maurel.
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Les amateur·rices de podcast ont peut-être déjà écouté Élodie leur raconter une partie de son histoire sur Arte radio : celle de son long coming in. Coming in ?… Le coming out, c’est se déclarer homosexuel·le, le dire à ses ami·es, sa famille… le coming in, c’est le reconnaître, de soi à soi. Et pour Élodie Font, qui détestait le mot lesbienne, cette acception a été un cheminement difficile, parsemé d’idées noires, mais aussi terriblement lumineux. Elle nous le raconte ici avec beaucoup d’humour, faisant des allers retours entre les pensées et la vie de la jeune Élodie d’hier et celle d’aujourd’hui.
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L’adaptation graphique de ce récit de vie par Carole Maurel ajoute, à coups de couleurs savamment dosées, un surplus de vie et d’universalité à cette histoire très personnelle et touchante. Car si pour certain·es, s’aimer est inné, pour d’autres (et iels sont nombreux·ses) c’est le travail de toute une vie ou d’une grande partie de celle-ci, que d’apprendre à s’aimer…
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C’est aussi pourquoi nous avons parfois le plaisir de découvrir, de lire leurs histoires à la fois douloureuses, magnifiques et magnifiées, comme c’est le cas dans cette bande dessinée.
Comme tous les membres de sa famille, même le chien, Eliott a plusieurs ballons de couleurs. A l’intérieur on y trouve, des souvenirs : un anniversaire, un mariage, une partie de pêche…
Grand-père en possède énormément. Elliot est très proche de lui. Il aime beaucoup l’écouter raconter toutes les merveilleuses histoires contenues dans ses ballons.
Hélas, avec le temps, un à un, les ballons de Papi s’envolent. Elliot ne comprend pas ce qui se passe …
Jessie Oliveros aborde avec sensibilité, à travers la complicité de l’enfant et de son grand-père, le temps qui passe, la vieillesse et surtout la maladie d’Alzheimer. Les ballons tenus par un fil est une métaphore graphique des souvenirs, douce et bien adaptée au jeune public.
Dana Wulfekotte a choisi d’illustrer en noir et blanc, sauf pour les ballons, qui eux sont colorés. Cela renforce la tendresse éprouvée et la poésie de l’album.
Une très jolie histoire émouvante, remplie d’amour et bien sûr d’espoir, pour évoquer avec les enfants un sujet encore peu traité en littérature jeunesse.
« Les ballons du souvenir » m’a beaucoup touché sans être fataliste.
Il est des livres rares qu’il nous semble toujours avoir connus parce qu’on s’y sent bien et parce qu’ils ont quelque chose d’universel en eux. Le roman que je vous propose de découvrir aujourd’hui fait partie de ces livres.
Il est comme les premiers jours de printemps, la douceur et la liberté retrouvée. Une petite brise qui délicatement vous soulève et vous fait vous sentir léger, un élan du cœur qui vous donne des envies de voyages et d’évasion. Le doux sentiment de pouvoir faire ce que l’on veut sans avoir de compte à rendre. Un parfum d’école buissonnière.
« Fup, l’oiseaux canadèche » c’est l’histoire de trois personnages atypiques, un vieillard « Jake », son petit-fils « Titou » et un canard apprivoisé (ou presque) « Canadèche ». Des êtres hors norme qui justement n’en ont que faire de la norme, ce qui les rend particulièrement attachants.
Le grand-père fait du whisky de contrebande et va jouer au poker quand il a besoin d’argent. Le jeune garçon passe son temps à planter des piquets et à faire des clôtures pour son propre plaisir et sans but aucun. Quant au canard il ne vole pas, mange énormément et se prend pour un chien de chasse.
Trois héros, marginaux qui évoluent dans un cadre champêtre au gré de leurs envies, on est pas loin du jardin d’Eden et d’ailleurs si je devais adopter une religion, je pense que ce livre serait ma bible et les vitraux des églises, les magnifiques illustrations de Tom Haugomat qui mettent en couleurs cette belle histoire. Cerise sur le gâteau ou orange sur le canard ce livre est illustré de 100 magnifiques planches épurées et lumineuses (au sens propres comme au sens figuré).
Ce roman est une merveilleuse fable « sans la morale chiante et bien-pensante à la fin » ajouterait le vieux pépé Jake.
Pour poursuivre l’expérience je vous propose de regarder cette captation de la lecture à deux voix du livre par Jim Caroll et Nicolas Richard, illustrée en direct par Tom Haugomat et mise en musique par Rubin Steiner (un maître de la musique électronique française, durée 44 minutes).
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite !
Le titre, "Amour amour après quoi chacun court", résume parfaitement le livre.
Le jour à peine levé, chaque animal·e s’élance cherchant qui la/le cajolera, la/le bercera, l’apaisera… Une quête vers des gestes d’amour, de douceur, de tendresse. Construit comme un imagier, sur chaque page un·e animal·e, une bulle avec un texte court comme un poème ou une comptine. L’enfant suit ainsi au fil de la journée une ribambelle d’animaux varié·es tel que renarde, souris, ourson mais aussi cerf ou sanglier.
De grandes illustrations pleine page aux couleurs vives, un graphisme soigné qui illuminent notre regard.
Un magnifique album à regarder, lire, écouter et à partager avec tendresse. Une belle histoire du soir pour s’endormir remplie d’amour.
Conseils lecture
« Retour à l’Eden » est l’histoire vraie d’une photo, ou plus précisément d’une femme, la mère de Paco Roca. En déménageant, une photo s’égare, un détail… et pourtant ce cliché, Antonia y tient comme à la prunelle de ses yeux. Dès lors, elle sombre dans un abîme de tristesse.
Il ne reste plus pour Paco et ses frères qu’à retrouver cette photo pour comprendre cet attachement.
Paco Roca est auteur de bandes dessinée, mais aussi un véritable historien des petites histoires qui font la grande. Une nouvelle fois, il nous livre un récit familial sensible et émouvant. Ce cliché égaré fonctionne comme une machine à remonter le temps jusque sous le régime franquiste. Nous y retrouvons Antonia, enfant, accompagnée de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs… Iels vont rire, s’aimer, se disputer comme dans n’importe quelle famille, mais ensemble, iels vont connaître la dictature, l’appauvrissement et la faim. Durant ces années sombres ou patriarcat et religion réservaient une place bien limitée aux femmes, Antonia connaîtra également les humiliations liées à son statut imposé.
Alors cette photographie… qu’a-t-elle de spécial me direz-vous ? Eh bien pour le savoir je vous invite chaudement à lire « Retour à l’Eden », une tranche de vies d’autrefois, intime et émouvante.
Dans un poulailler tranquille, où la vie n’est pas compliquée et où chacun mange à sa faim, il n’y a rien à signaler. Jusqu’à l’arrivée des capybaras. Personne ne les connaît, ne sait d’où ils viennent et ils sont différents : trop poilus, trop mouillés, il n’y a pas la place pour eux. Mais ces derniers ne peuvent pas retourner d’où ils viennent ! La saison de la chasse a commencé. Alors, une drôle de cohabitation se mets en place, strictement encadrée par des règles, heureusement… A travers cet album, Alfredo Soderguit nous propose une allégorie puissante sur l’autre, les réfugiés de guerre et la liberté. Par cette proximité forcée, poules et capybaras vont apprendre à faire preuve de solidarité et d’entraide, car le danger le plus grand ne vient pas toujours d’où on le croit. Le texte est sobre et très complémentaire avec les illustrations qui ne racontent parfois pas la même chose. Les illustrations abordent des teintes de gris avec quelques touches de rouge, qui laisse totalement place à la métaphore qui se tisse sous nos yeux tout en nous rappelant la violence latente. Les animaux sont étonnements expressifs, les poules ont cet air hautain et un peu apeuré, tandis que les capybaras ont constamment l’air de se demander ce qu’ils font là. Cette fable animalière est percutante, juste, et ses multiples niveaux de lecture parlera à tous les lecteurs, enfants comme adultes.
En pleine Seconde Guerre mondiale, Jérôme est porté déserteur par l’armée canadienne. Le jeune homme se cache en fait chez son grand-père, au milieu de la forêt. Le vieil homme bourru et cette maison au passé inquiétant vont transformer notre héros et peut-être l’emmener vers l’âge adulte. Petite perle québécoise, l’album « Jours d’attente » possède de nombreux atouts pour être l’un des titres phares de 2019. Le scénario est irréprochable, oscillant entre présent et passé, mélangeant plusieurs vies, plusieurs histoires sans nous perdre une seule minute. Un brin mélancolique, le récit nous plonge dans les affres de la Seconde Guerre mondiale, certes l’action se situe loin du champ de bataille, mais le spectre du conflit est omniprésent. La trame ne s’arrête pas là, un travail d’écriture important a été réalisé sur la psychologie des personnages. Les notions de culpabilité, de deuil, de liberté et de solitude sont abordées simplement et s’imbriquent parfaitement pour rendre l’histoire passionnante de bout en bout. L’illustrateur Simon Leclerc n’est pas en reste puisqu’il réalise une copie graphique irréprochable. Il combine à merveille un trait à l’encre noir plus ou moins fin, rehaussé par une mise en couleur originale, dont les essences d’ocre influent sur l’ambiance mélancolique de ce roman graphique. Il utilise également différentes brosses afin de donner du volume, du relief à ses magnifiques peintures numériques. Une première œuvre réussie pour ce duo d’artistes, qui espérons-le, continuera à nous éblouir. - Michaël
Une saga familiale dans la Grèce de 1940 à la période contemporaine. Thémis, le personnage principal livre à ses petits-enfants son passé de combattante contre la dictature des "colonels". Eux qui la croyaient apolitique tant elle s'est fabriqué une autre vie pour protéger les siens. L'occasion de visiter cette période de la Grèce. Une réflexion sur l'engagement, les liens familiaux. Les personnages sont plus qu'attachants, la lecture fluide et passionnante, qu'on ne lâche pas, comme souvent avec la belle plume de Victoria Hislop. - Catherine
Le petit Arthur joue au bord du torrent quand de gros nuages noirs envahissent le ciel. Plic-ploc fait la pluie dans le bocal de l’enfant ! la pluie tombe de plus en plus fort et forme partout de petits ruisseaux. Arthur court sous l’averse en riant et vide son bocal dans le torrent. « L’eau de mon bocal se trouve quelque part dans ce tumulte », se dit Arthur. Il décide alors de la suivre, au gré du long voyage de l’eau qui va venir gonfler le lit de la rivière, traverser champs et campagnes, les villes où vivent les hommes et les femmes qui ont tant besoin d’elle et se jeter dans l’océan.
« Le rythme de la pluie » nous saisit tout d’abord par ses illustrations sublimes. Le travail de la couleur, tout d’abord, est incroyable : l’illustrateur arrive à rendre avec beaucoup de justesse les teintes subtiles que prend l’eau en fonction de son environnement. Il joue avec la transparence au fil des pages, utilise de nombreuses techniques (gouache, aquarelle) pour peindre au fil des pages un décor magnifique.
Ce livre aborde avec beaucoup de poésie le cycle de l’eau. Une goutte de pluie se forme, tombe dans la rivière, celle-ci parcours les paysages, et se jette dans l’océan. Là, sous l’effet de la chaleur du soleil, elle va s’évaporer puis devenir nuage, et enfin redevenir pluie. La boucle est bouclée. A travers son voyage on découvre que tout le monde a besoin d’eau. L’humanité, bien sûr : celles et ceux qui n’en prennent pas beaucoup soin, celles et ceux qui en manquent ; les animaux aussi, celles et ceux qui la boivent ou qui y vivent, comme la grande baleine bleue ; mais finalement c’est tout l’écosystème de la planète qui vit au fil de l’eau.
Après plusieurs lectures du rythme de la pluie, je ne me lasse pas d’en observer les illustrations et de replonger dans cet univers coloré, aquatique et onirique. Cet album est un véritable régal pour les yeux.
Doris et Tup Senter mènent une vie heureuse avec leurs trois enfants dans la ferme laitière familiale. Les tâches de l’exploitation et les petites joies du quotidien rythment les journées, suivant le cycle immuable de la terre et des saisons. Rien ne semble pouvoir ébranler cette famille soudée par des liens profonds. Cependant, un jour, un tragique évènement vient frapper leur havre de paix.
Ce récit choral s’étend sur près de vingt ans, de 1947 à 1965. L’autrice donne la parole à chaque personnage, explorant le panel des sentiments, des réactions et le chaos qui suivent un décès.
L’amour, qu’il soit filial, fraternel, parental ou passionnel, constitue le ciment entre les membres de cette histoire poignante.
Bien que des sujets graves soient abordés, l’écriture poétique et les descriptions des paysages font de « Plus grand que le monde » un roman lumineux tourné vers l’espoir.
Bouleversante et touchante, cette saga m’a évoqué avec nostalgie l’univers de « La petite maison dans la prairie », la série « culte » de mon enfance. Comme un retour aux sources vers mes premières émotions. Les choses les plus simples étant souvent celle qui nous marque durablement.
Trois frères et une sœur très viscéralement soudés vivent dans cette vallée perdue. Ils travaillent comme tous les autres habitants, en totale dépendance de la centrale électrique et du barrage. Le créateur de ce barrage, homme mystérieux et violent règne en tyran. Ses hommes de main font régner la peur et la soumission. Cette tragédie moderne nous questionne sur nos compromissions et sur l'effet de groupe face à une société refusant de remettre en cause ses principes. Mais il y aura toujours des insoumis. Ces courageux grains de sable, qui choisissent le risque plutôt que la peur. Dommage que Bouysse ne développe pas davantage. Malgré une fin écourtée, quel plaisir de lecture ! Une écriture puissante, parfois poétique, somptueuse et vraiment bien maîtrisée. - Catherine
Pauline se fait arrêter en 2014 à Tunis, à l’arrière d’un véhicule de police elle voit défiler la ville, quelques instants suspendus, derniers témoignages de liberté avant de longs mois de détention.
Des tâches de rouille, un mur rouge, lézardé de fissures et cinq bandes noires, larges, implacables : une couverture qui nous plonge immédiatement dans la dureté du monde carcéral. L’insalubrité, l’enfermement, la surpopulation étouffante et les autres dangers permanents, les crimes et le sang : voilà à quoi on s’attend ! Mais, derrière cette image il y a autre chose, un secret qui fait toute la grandeur de ce roman. Au fil des jours d’emprisonnement, des destins qui se dévoilent, ceux des codétenues de l’autrice, des verrous qui sautent au hasard des confessions et soudain, une profonde humanité.
Alors, les larges bandes noires se muent en silhouettes de femmes, plus de barreaux aux murs, des êtres solidaires qui défient l’oppression, celle des hommes, d’une société patriarcale qui les a jetées là, souvent à tort et de façon arbitraire. Dans le sang rouge des crimes on distingue de merveilleux reflets ceux de la lutte, de l’entraide, de la chaleur humaine et de l’amitié.
Plongée dans la torpeur suffocante des journées interminables, l’autrice, dépose sur nos peaux, un murmure, un souffle, une respiration : les récits des vies de chacune de ces femmes, des instants précieux volés à la détention.
Nicolas Keramidas, auteur de bande dessinée, délaisse, le temps d’un album, la fiction pour un récit autobiographique poignant et pédagogique. Alors âgé d’un an, il fut l’un des premiers bébés opérés à cœur ouvert pour malformation cardiaque. Quarante-trois ans plus tard, il doit repasser sur la table d’opération... Ces événements, surtout le dernier bien entendu, le poussent aujourd’hui à se confier, à décrire dans un journal de bord son hospitalisation présente. Livre exutoire, il dévoile sans pudeur, mais non sans humour, ses angoisses et cette peur de la mort omniprésente. Il nous parle de son enfance, de sa construction autour de sa maladie. Il décrit son quotidien, d’examens en opérations et nous livre aussi, en parallèle, les sentiments de ses proches, les peurs, les pleurs de ceux qui tiennent à lui. Nicolas Keramidas n’oublie pas non plus les services hospitaliers, présents tout au long du récit, qui réalisent chaque jour des miracles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « À cœur ouvert » n’est pas triste, au contraire, cette bande dessinée nous dit d’aimer la vie et c’est bien ce que nous allons faire... - Michaël
A la récré, les enfants ne parlent que d’une chose : de la maîtresse qui a un bébé dans le ventre ! Comment est-ce possible ? Comment a-t-il fait pour arriver jusque-là ? Bien évidemment certains enfants ont déjà la réponse, même si leur histoire semble quelque peu éloignée de la réalité. D’autres connaissent mieux le sujet, mais il reste quelques interrogations. Lou, quant à elle, sait, même si pour elle, l’histoire est un peu différente, mais c’est sa vraie histoire… De nombreux albums parlent de la conception et/ou de la naissance d’un enfant. Très rares sont ceux qui traitent de la PMA, la procréation médicalement assistée. « Am Stram Graine » fait partie de ces derniers. Efficacement et sobrement, Anne-Catherine Le Roux explique aux enfants le mystère de la conception, mais en plus, elle raconte son histoire à travers les mots de cette petite fille. Sans grand discours et avec des mots simples, elle aborde une thématique qu’elle connaît par cœur et qui est souvent très mal connue, même du public adulte. Grâce à son récit, son témoignage, elle met des mots, des images et des sentiments sur un parcours qui peut s’avérer compliqué lorsque l’on souhaite un enfant. Elle parle également d’identité, qui on est vraiment ? Que veut dire être parent ? La filiation ? Elle donne matière à réflexion, mais plus que tout, Anne-Catherine Le Roux, donne des clés de compréhension et d’ouverture d’esprit. Elle est accompagnée dans sa tâche par Jules, illustratrice au trait épuré et aux couleurs chatoyantes, dont les planches sont aussi efficaces que le texte. Voici un album rare et incontournable pour combattre les préjugés et rendre le monde plus ouvert. - Michaël
Darrin Bell est un auteur et illustrateur américain. En 2019, il devient le premier Africain-Américain à recevoir le prix Pulitzer du dessin de presse.
Connu et reconnu outre-Atlantique pour ses créations engagées, il livre avec « The Talk » un récit plus intime, plus personnel, mais que, malheureusement, toutes les personnes de couleur connaissent : le racisme.
Le point de départ de cette œuvre est le souvenir d’une discussion avec sa mère, où il apprend qu’à cause de sa couleur de peau, il sera toujours, quoi qu’il fasse, considéré comme un danger et un être inférieur. Cette conversation, « The Talk », il devra aussi la transmettre à ses propres enfants.
Les années passent, et rien ne change : la haine et la bêtise restent présentes.
À travers ce témoignage, il nous livre une part de son histoire, façonnée par l’incompréhension, la peur, la colère, mais aussi beaucoup de courage.
Son parcours personnel chemine en parallèle à celui des États-Unis, où les faits divers scandaleux sont légion, illustrant une société qui peine encore à ouvrir les yeux et à guérir de ses blessures les plus profondes.
A la ferme, on va bientôt choisir un·e nouvelle·au chef·fe. Comme d’habitude les candidat·es sont des habitant·es : Pierre Cochon, Jeanne Poulette… Mais cette année, il y a un nouveau : Pascal Leloup. Sa candidature semble très appréciée. Il est drôle, rencontre tous les animaux, fait des photos avec les jeunes… Bref, il ferait le chef idéal. Il est intelligent et en plus, ce qui ne gâche rien, très beau. Pourtant qui se cache vraiment derrière ce personnage qui fait l’unanimité ?
Davide Cali aborde ici avec humour tous les stratagèmes utilisés par les politiques peu scrupuleux·ses pour se faire élire. Fausses promesses, apparence trompeuse… toute la panoplie est réunie.
Les dessins sont rigolos et truffés de petits détails pour les regards avisés.
Cet album amène petit·es et grand·es à réfléchir aux rouages de la politique tout en restant léger et drôle.
Il faut toujours se méfier de l’excès de confiance et surtout : l’habit ne fait pas le moine.
Simon est psychanalyste depuis de nombreuses années. Un matin, au petit-déjeuner, il casse un bol. Cet acte en apparence anodin va être le déclencheur d’une remise en question profonde.
Simon écoute les problèmes des autres sans jamais penser aux siens. Bientôt, il prend conscience que le fil des maux de ses patients tisse une chrysalide, certes protectrice, mais qui l’empêche de se déployer.
L’idée d’un voyage se projette à l'horizon et Simon rejoint les rivages d'une île aux confins de la planète.
Immergé dans une nouvelle culture où tout est simplicité, grâce et délicatesse, il redécouvre l'essentiel. Un univers propice à l’introspection, ce qui lui permettra, peut-être, de s’ouvrir au monde.
Le rythme de ce livre vous emporte tendrement, les mots et les phrases de Jeanne Benameur tressent une étoffe chatoyante qui vous enveloppe et vous berce. Un très beau texte, où l'amitié, l'amour, l'art et la psychanalyse s'entremêlent harmonieusement.
"Ici" est un titre OVNI, mais ô combien jouissif.