Conseils lecture
La bande dessinée jeunesse est souvent, à tort, considérée comme de la sous-culture, de la non littérature. Cela est peut-être dû aux nombreuses séries humoristiques que nous proposent les éditeurs et surtout aux nombreux clichés qui sont encore hélas de nos jours toujours véhiculés par des incultes à propos de la BD. Pourtant si l’on prend la peine de regarder ces titres jeunesses, il y a certes les séries humoristiques, mais également des titres plus intimes, parlant de sujets sociétals, médicals, historiques... Rescapé de la Shoah est un de ces titres, au sujet grave et douloureux. Bien sûr certains parents ne souhaiteront pas que leurs enfants lisent un tel livre, ce serait bien dommage. Car pour appréhender le monde, ne faut-il pas le connaître ? Pour lutter contre les préjugés, ne faut-il pas éduquer ? Zane Whittingham et Ryan Jones l’ont bien compris et nous proposent un titre d’une forte émotion. Ces témoignages d’adultes, qui enfants ont échappé à la Shoah, sont bouleversant. La technique narrative et graphique est sans faille et restitue parfaitement le drame qui s’est joué durant ces années de honte. Un livre à lire, à faire lire pour prendre ensuite le temps d’échanger. - Michaël
« Ça va pas la tête ou quoi ? » est un album jeunesse au ton très humoristique, écrit par un habitué du genre qui en devient, album après album, le spécialiste de « l'humour pour les petit·es ».
Seulement pour les enfants ? Bien sûr que non ! Il arrive toujours à surprendre ses lecteur·rices quel que soit leur âge. Ici encore, il parvient à nous amuser avec trois fois rien : des yeux, un nez, une bouche et des formes multiples.
Cela fonctionne à merveille jusqu’au final, une chute savamment orchestrée.
Cet album est drôle, coloré, rythmé… et surtout plein d’intelligence. À lire, relire et partager sans modération !
Chaleur est un petit récit, 146 pages, mais grand par son intensité. Deux protagonistes que tout oppose sauf un but ultime : gagner le championnat du monde de Sauna. Chapitre après chapitre, se dévoilent nos héros, Niko, hardeur débridé, contre Igor, un ancien soldat russe d'une froideur méticuleuse. Ici pas de héros, pas de méchant, on ne peut prendre position pour l’un ou l’autre. Témoins, nous assistons à une course contre le temps, la vie et peut-être tout simplement à la rédemption de Niko et Igor.
Andrew et Suzie, sa petite sœur, accompagnent leur mère dans ce qui semble être davantage un pèlerinage familial que de véritables vacances. À Kingdom Fields, petite bourgade de bord de mer, il n’y a rien à faire, sinon tromper l’ennui en se créant ses propres souvenirs.⠀
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Lire les œuvres de Jon McNaught, c’est redécouvrir et réapprendre les codes de la bande dessinée. C’est se dire que ce média est tellement inspirant et libre qu’il est source d’innovation constante. Cet artiste est de cette trempe, celle des innovateurs : il a compris la force narrative du neuvième art, se l’est accaparé pour nous en proposer sa version, sa vision. Il offre ainsi des œuvres riches en émotions, contemplatives et/ou tout simplement méditatives. Elles sont rythmées par une gestion du temps anormalement lente, de la « slow attitude » pour ainsi dire. Attention, on ne s’ennuie pourtant dans ses histoires, à aucun moment. « L’été à Kingdom Fields » ne déroge pas à la règle et ce qu’on pourrait penser comme un banal récit de vacances est bien plus. Telle une madeleine de Proust, il ouvre une porte sur nos souvenirs, notre passé. Les personnages du récit parlent peu : un ado qui voudrait être ailleurs, une mère qui a besoin de se retrouver et une petite encore innocente, bref, des portraits que l’on connaît, qui nous parlent. Oui, il y a peu ou pas de dialogue, pourtant le récit n’est pas muet pour autant, la bande son est bien présente, sous forme d’onomatopées, elle occupe l’espace scénique à la manière d’un quatrième personnage. Comme dans la vraie vie où les sons et les bruits nous entourent, mais que nous n’entendons plus par habitude, l’auteur les retranscrit et accentue ainsi encore plus cet effet d’immersion. Jon McNaught utilise, pour dessiner son histoire, des gaufriers de 20 petites cases, entrecoupées par moment d’illustrations pleines pages. Il se permet de zoomer sur des détails, écouter des gouttes tomber de la paroi d’une grotte, afin de créer cette ambiance unique. Sa palette de couleur est limitée à un jeu d’ombres et de lumières, oscillant entre des nuances de bleu et de saumon. ⠀
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« L’été à Kingdom Fields » est une douceur à savourer autant de fois que possible. - Michaël
Au pays imaginaire, les créatures sont nombreuses. Elles attendent impatiemment d’être choisies par un.e enfant pour devenir leur meilleur ami. Beekle, lui, attend depuis longtemps et ça le rend triste. Si bien qu’un jour, il décide d’inverser les rôles et de trouver par lui même son enfant. Pour cela, il doit réaliser l’impensable : partir pour le monde réel... Little Urban nous propose de découvrir un personnage original et attachant : Beekle, l’ami imaginaire. Cette créature sensible et expressive, dont le graphisme « simplifié » permet à chacun de se l’approprier, pourrait devenir une référence jeunesse incontournable. Abordant des thématiques importantes de l’enfance - la solitude, l’amitié et sans en avoir l’air, la créativité - le récit nous plonge dans notre propre enfance et l’angoisse de se faire un tout premier ami. Subtil et efficace, cet album est magnifiquement illustré. Habile mélange de peinture digitale et traditionnelle, les planches de Dan Santat sont des fresques minutieuses dont la composition, la mise en scène sont bien pensées. Dans les premières pages de ses aventures, Beekle apparaît tout petit, souvent dans un coin de l’illustration, écrasé par le décor et certainement sa solitude. Puis au fur à mesure, il trouve sa place et le cadrage se resserre sur lui, montrant ainsi sa prise de confiance. Beekle à besoin d’un.e ami.e : et si vous veniez l’emprunter à l’Espace COOLturel ? - Michaël
Fraîchement arrivée de Russie, Véra a bien du mal à se faire des amies et à s’intégrer dans la communauté américaine. Pas assez cool, pas assez riche, trop différente... en un mot (deux en fait) : trop russe. L’église orthodoxe devient son refuge, moins par attrait pour la religion que pour le buffet servi en fin de cérémonie. Lorsqu’elle apprend que l’église organise un camp de vacances, Véra y voit l’occasion rêvée de se faire facilement des ami(e)s, russes comme elle. Sa maman l’envoie donc avec son petit frère passer deux semaines en colonie de vacances... De douces illustrations en bichromie, des touches d’humour, de l’amitié, des premières amours, un brin de méchanceté, mais aussi de la solidarité... Bref, un bien joli récit initiatique que l’on devine nourri de la propre expérience de l’autrice. Une bande dessinée à lire dès 8 ans, abrité sous la tente, pelotonné sous la couverture avec sa lampe torche, et surtout pendant les vacances ! - Michaël
Tom Thomson : ce nom ne vous dit peut-être rien, c’est pourtant le plus célèbre peintre canadien. Une courte carrière, un style singulier, une influence décisive sur les générations postérieures, une mort mystérieuse… De très bons ingrédients pour en faire une légende et, pourquoi pas, une bande dessinée. Tom Thomson, jeune publicitaire, suit un chemin bien tracé le conduisant vers un emploi gratifiant et une vie maritale stable. C’est sans compter un don particulier, celui de donner vie à la nature à travers ses esquisses, et le courage de s’y adonner pleinement. Donc de passer à une vie 'simple' et de s'y consacrer, lire Thoreau, regarder les paysages qui l’entourent, en saisir l’esprit et peindre. Pour cela, il canote souvent avec un ami jusqu’à ce que celui-ci soit mobilisé en 1915. Tom, réformé, se déplace désormais seul pour peindre. Mais un jour, sa barque est retrouvée vide ; son corps émerge 7 jours plus tard. L’enterrement est rapide. Suicide, accident, homicide ?… Les versions divergent et le doute persiste. Près de quarante ans plus tard, deux hommes enquêtent. Que s’est-il réellement passé ? Seul Tom Thomson pourrait nous le dire. Sandrine Revel nous livre ici sa version de l’histoire, version passionnante qu’elle mène habilement. Elle contourne le genre rebattu de la biographie de peintre en l’entrecoupant d’une enquête policière… Il faut dire que la vie – et surtout la mort – de Tom Thomson s’y prêtent parfaitement. Quant à la référence picturale, incontournable, elle la cantonne aux pleines pages, sa mise en couleur s’en faisant graduellement l’écho dans les cases qui les précèdent. Une jolie découverte, celle de Tom Thomson, et du bien bel ouvrage, subtil à souhait. - Aurélie
Momo est une petite fille vive, turbulente mais attachante. Elle vit avec sa grand-mère et attend impatiemment le retour de son père, parti pêcher au grand large. Pour s'occuper, elle jouit de son imagination pour vivre des aventures. Hélas la réalité reprend toujours le dessus et sa vie va en être bouleversée... Un très beau titre jeunesse destiné à tous les publics. Tendre, mélancolique, mais plein d'humour, il est une réusite scénaristique. L'illustrateur, à la technique proche de Bastien Vives, dessine Momo avec brio et nous propose un personnage à la tronche adorable. Vous recherchez de la douceur dans ce monde, alors laissez-vous prendre par ce titre qui vous rechauffera le coeur. - Michaël
Cléopâtre et Alexandre sont jumeaux. Depuis que leur père adoptif a disparu, ils doivent se débrouiller seuls et commettent de menus larcins pour le compte du gang du Crochet Noir. Cependant, une bien plus dangereuse menace les guette : le terrible pirate Felix Worley est à leur recherche et est bien décidé à trucider quiconque se mettra en travers de sa route. Les jumeaux semblent détenir la clé qui pourrait le mener jusqu’à un trésor inestimable... Roman graphique pour la jeunesse en seulement deux volumes, « Pile ou face » est un récit d’aventure efficace mené tambour battant. Pas de temps mort donc : intrigue et action s’entremêlent pour nous happer dans cette chasse au trésor. La réflexion et les sentiments ne sont pas absents pour autant. L’appartenance, l’amitié et la famille sont des sujets transversaux qui densifient le scénario et le rendent captivant. L’illustration est parfaitement maîtrisée, claire et dynamique, rehaussée de couleurs chatoyantes. Cette aventure est à mettre entre toutes les mains tant elle séduira un large public. - Michaël
Mallory, 15 ans, et son père se sont lancés un défi : faire ensemble l’ascension du mont Everest. Iels ont suivi une longue préparation en amont, notamment la montée du Qomolangma culminant à 8000 mètres. L’aventure commence dans le camp de base, au pied de la montagne, avec les différents allers-retours par palier afin d’acclimater le corps à l’altitude, à l’effort et au manque d’oxygène.
La jeune fille ne craint pas le vide ni les épreuves, mais elle ne se doute pas dans quoi elle s’est embarquée. L’expédition va lui réserver bien des surprises plus ou moins agréables.
« 8848 mètres » n’est pas uniquement la hauteur de l’Everest ou un roman sur la montagne et l’alpinisme, même si chaque étape de l’expédition est extrêmement bien documentée. Les personnages sont attachants et l’écriture fluide nous accroche à la cordée pour nous tenir en haleine tout au long de l’aventure.
L’autrice nous fait découvrir également l’autre facette du « Toit du Monde », les comportements de femmes et d’hommes peu scrupuleux·ses qui abandonnent leurs déchets, le travail des associations pour nettoyer et sensibiliser le public à l’écologie et au réchauffement climatique. C’est aussi une approche du bouddhisme et de la spiritualité. La confrontation à la mort est évoquée puisque chaque année des personnes périssent en montagne.
Silène Edgar nous offre un roman « vertigineux » , plein de courage, d’entraide et de persévérance.
En suivant la quête de Mallory, je suis passée par toutes sortes d’émotions. Je ressors de cette lecture avec des envies de défis et de sommets à atteindre.
À Rome, Ottavia Salvaggio a décidé d’être maîtresse de son destin.
Cette cheffe de cuisine passionnée va prendre la suite de son père, persuadée qu’elle peut faire mieux que lui et que son grand-père avant lui.
En ouvrant ses propres restaurants, elle se réapproprie ce savoir-faire familial, autrefois le domaine des femmes.
Nous retraçant le parcours d’Ottavia sur plusieurs décennies, Julia Kerninon réussit à nouveau un magnifique portrait de femme.
Comme « Liv Maria », l’héroïne est forte, déterminée, intense et résolue à ne jamais se laisser enfermer.
« Sauvage » est un roman gastronomique autour de la vie d’une femme, de ses amours, de ses relations familiales. Il nous questionne également sur la violence dans le milieu de la cuisine.
C’est toujours avec plaisir que je retrouve la plume sensuelle et rythmée de Julia Kerninon.
Un livre à dévorer sans modération.
À la mort de son père, un homme revient sur les terres qui l'ont vu grandir. Les odeurs, l'atmosphère et la maison familiale font ressurgir de nombreux souvenirs... De bons, mais également de plus sombres étrangement oubliés. Que s'est-il passé quelques années auparavant ? Quel est ce mystérieux secret, enfoui au plus profond de son âme, qui semble vouloir refaire surface ? Est-il lié à la maison des Hempstock et de cette vieille femme seule porteuse de la vérité ? Il y a parfois des portes qu'on ne devrait plus ouvrir, il n'en a pas tenu compte et va devoir faire face à une horrible réalité : le monde n'est pas ce qu'il semble être et les créatures démoniaques sont bien réelles.
Ce nouveau roman de Neil Gaiman est une merveille, il s'adresse aux adultes comme aux adolescents. Une écriture dynamique, vivante, associée à une intrigue complexe rendent ce récit fantastique captivant. Encore une pépite de Neil Gaiman qui n'en finit pas de nous surprendre et de produire des chefs d’œuvres.