Conseils lecture
L’histoire commence dans une bergerie, entre la plaine et les hauts sommets. Un homme, « Le berger », en soigne un autre, « L’assassin », blessé par balle à la cuisse. Des deux protagonistes, nous n’en saurons pas beaucoup plus, si ce n’est qu’ils vont devoir s’entraider pour survivre et traverser la montagne, sur fond de Seconde guerre mondiale.
Henri Meunier entraine les lecteur·rices dans un récit fort et poignant. Avec ses non-dits, il nous pousse aux questionnements sur la confiance en autrui, la notion de bien et de mal, et le fascisme. L’écriture et les dialogues sont empreints de poésie et d’une certaine philosophie.
Grâce à ses magnifiques illustrations pleine page, Régis Lejonc donne vie à un troisième personnage : « La montagne ». L’illustrateur la connait bien, puisqu’il y passé son enfance et son adolescence à la contempler au pied de La Tourette en Haute Savoie. Il la dessine ici sous tous ses différents aspects. Parfois verdoyante, rouge, enneigée, au clair de lune ou bien encore dans la pénombre menaçante.
L’atmosphère est particulière et pesante, on ressent la tension engendrée par la situation. La cordée formée par les deux héros symbolise l’équilibre qu’ils doivent maintenir entre eux. Si l’un fait un pas de travers, il entraine l’autre dans sa chute. Leurs destins sont liés.
« Le berger et l’assassin » est un très beau roman au format album A4, à couper le souffle. On y retrouve les thèmes de la confiance, du dépassement de soi et de l’instinct.
Je le conseillerai à partir de 10 ans pour des enfants déjà à l’aise avec la lecture, mais il plaira tout autant aux adultes, notamment aux amateur·rices de romans graphiques.
Perché au sommet d’une montagne, le hameau de Jakobsleiter abrite une communauté recluse, en harmonie avec la nature et les loups. C’est dans ce décor sauvage que Rebekka grandit, tout en rêvant de s’enfuir. Un jour, elle disparaît mystérieusement.
En contrebas, dans la vallée isolée, encerclée de forêts et de montagnes, les disparitions de femmes se succèdent, étrangement ignorées. Smilla, jeune stagiaire dans le journal local, n’a jamais surmonté la perte de sa meilleure amie, disparue dix ans plus tôt. Intimement convaincue que tout est lié, elle décide de mener l’enquête.
Avec Les enfants loups, Vera Buck nous entraîne dans une atmosphère dense et envoûtante. La nature y est omniprésente. À travers les voix entremêlées des nombreux personnages de ce roman choral, les pièces du puzzle s’assemblent peu à peu. La tension monte, et les rebondissements nous tiennent en haleine jusqu’à la dernière page.
Un thriller captivant qui ravira les amateurs de suspense sombre, d'histoires de secrets enfouis et de paysages aussi beaux qu’inquiétants.
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite ! - Michaël
Une mère s’adresse à son enfant tout au long de son premier jour de classe. Elle évoque leur séparation, et toutes les activités qu’elles feront chacune de leur côté. Toutefois, elles seront liées ensemble par le fil des pensées qu’elles s’enverront durant la journée.
Cet album permet d’aborder le sujet de la séparation avec beaucoup de poésie, et de rassurer l’enfant lors de son entrée à l’école. Il trouve son originalité dans le parallèle fait sur chaque double page : on y voit d’une part la maman au travail, et de l’autre, la petite fille dans sa classe.
Les illustrations au crayon de couleur et le choix des couleurs pastel apportent beaucoup de douceur à l’album. Cela crée une ambiance feutrée, comme un cocon, qui apaise et rassure. On ressent à travers les personnages de la maman et de la petite fille toute la tendresse et l’amour qui transcende les lieux et qui les lie tout au long du récit.
« Peu importe où tu seras… Je penserai à toi. Je t’enverrai un bisou. Tu me le renverras »
Voici un titre des plus étranges, difficile à classer ou à destiner à un public en particulier. Sa narration est composée de saynètes aux chutes rigolotes, mais parfois, voire les deux en même temps, mélancoliques. Nous découvrons donc Maya, une jeune fille de 8 ans qui vit avec son oncle (ses parents ayant disparu avec le vol BW 404). Personne ne sait s’iels ont survécu et cette question sera le fil conducteur de l’album. Cette question on la ressent en Maya, elle flirte avec le désespoir et l’espoir, ce dernier, pourtant si faible, l’empêche de sombrer.
Tout au long de l’album, elle se questionne sur le monde, comment il fonctionne, pourquoi sommes-nous là ? Elle interroge son oncle, son ami Léonardo, sur la place de l’humanité eu égard aux végétaux et autres formes de vies animales. Chacun·e apporte sa pensée, sa vision des choses, mais également des faits scientifiques. Ce mélange de science et de philosophie fonctionne à merveille, nous nous attachons à tous·tes les protagonistes jusqu’à cette fin, véritable claque scénaristique qui nous laisse sans voix, stupéfait, branlant et déjà en manque de la suite…
Ce sont des enfants, pour la plupart orphelins, mais tous sans le sou et dans la misère. Ils vont trouver en leur compagnon Colas, un espoir, un guide vers une vie meilleure. Ce nouvel horizon ne pourra cependant se faire sans sacrifices, car en l’année 1212, la foi est omniprésente et la seule « façon » d’atteindre le paradis est de partir en croisade défendre le tombeau du Christ. Ces enfants vont suivre un guide, mais peut-être pas celui qu’ils croyaient...
Inspiré de faits réels, ce fait divers dont très peu d’écrits subsistent, nous est conté par Chloé Cruchaudet et constitue un pan méconnu de l’histoire de France. Si la fin de cette croisade fait encore débat parmi les historiens, l’auteure s’en approprie une version et nous livre un récit épique à la dramaturgie parfaite. L’innocence et la naïveté des enfants sont un élément central de la trame et constituent le fil conducteur du récit. Un rejet du monde adulte, par qui tous les maux arrivent, est une des réflexions de l’œuvre. L’enfant serait-il supérieur à l’adulte du fait de son innocence ? Par delà cette question philosophique, la manipulation des masses du fait de l’ignorance et de l’inculture est également un sujet abordé qui fait écho encore aujourd’hui dans notre société. L’arc narratif est quant à lui savamment écrit, les personnages attachants nous font vivre différentes émotions : on s’attriste, on s’amuse et on s’inquiète. Le tout est parfaitement illustré par un trait fin et précis dont les volumes sont rehaussés d’une palette à l’ambiance « clair obscur » grâce à l’utilisation d’encres et de fusains. 172 magnifiques planches à découvrir dans un récit de haute tenue. - Michaël
En 2018 à Moscou, un père succombe sous les coups de ses trois filles âgées alors de 17, 18 et 19 ans. C’est le point de départ du roman de Laura Poggioli qui tout au long de son ouvrage, tente de comprendre comment trois jeunes femmes peuvent concevoir un tel acte et le mettre à exécution. Grâce à de nombreuses archives elle recompose le quotidien de ces trois filles et de leur mère depuis leur enfance jusqu’à ce jour fatidique où elles passent à l’acte. On découvre alors un père qui n’en a que le nom, tyrannique, abusif, violent, un monstre en quelque sorte et une société russe complice où patriarcat et tradition légitiment les violences faites aux femmes, où la corruption, la religion et le communautarisme murent les victimes dans le silence.
Le récit ne s’arrête pas là car il trouve une résonnance particulière dans l’histoire personnelle de l’autrice. Elle aime profondément la Russie pour y avoir vécu à plusieurs reprises, pour avoir appris sa langue, aimé ces habitants. Elle se souvient tout au long du roman des moments passés là-bas, de ses amis, du bonheur partagé, de cette société attachante et contradictoire. Elle se souvient aussi de ce petit ami violent « Mitia », comment avait-elle pu accepter son comportement ? Elle se souvient de toutes les violences dont elle a été victime, de celles qui ont été faites à ses aïeules dans une autre société, en France. Et c’est là toute la force de ce livre. Non, les violences faites aux femmes ne sont pas une pratique barbare d’un autre pays, d’une autre culture ! Elles existent partout, au quotidien, jamais anodines et toujours insupportables.
Un roman parfois dur mais absolument nécessaire, qui vous met en face de vos responsabilités, comme les trois regards qui vous fixent sur la couverture du livre. Ceux de ces trois jeunes Moscovites : Krestina, Maria et Angelina, si lointaines et si proches, sacrifiées comme tant d’autres sur l’hôtel du patriarcat.
Dans un royaume lointain, vit une petite princesse très intelligente. Elle passe ses journées enfermée dans sa tour à dévorer des livres. Ses parents s’en inquiètent : « qui va prendre en charge le royaume quand nous ne serons plus là ? et notre retraite ? ». Ils aimeraient lui présenter un prince à marier mais la petite princesse en baskets ne s’y intéresse pas. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que leur fille, dans ses livres, apprend beaucoup de choses, comme vaincre un dragon ou fabriquer un antipoison ! Bien vite, la princesse va devoir mettre ses compétences à profit car voilà qu’un énorme monstre poilu à 6 yeux débarque et attaque le château… « Encore une histoire de princesses » me direz-vous ; oui, mais originale ! Par le prisme de la passion pour la lecture et du féminisme, on s’attache particulièrement à notre héroïne. Cette princesse n’a pas besoin de prince pour l’aider à faire ses choix ou à prendre en charge le royaume ! Indépendante, sûre d’elle et pleine de ressources, c’est un beau modèle de personnage qui est proposé aux enfants dans cet album. Les illustrations de Tristan Gion sont un régal pour les yeux. On y retrouve une palette de couleurs vives et très harmonieuses en même temps ; son dessin est rempli de références à l’histoire ou à la mythologie nordique et nous fait voyager. De plus, avec ses cheveux bleus et sa clé à molette dans la poche, aucun doute, notre petite lectrice est vraiment ancrée dans l’ère du temps !
Cette belle histoire parlera assurément aux amoureu.se.s des livres, en tout cas, moi, elle me touche droit au cœur !
Evan mène une vie paisible avec son chien. Ils font tout à deux. Ils jouent, ils goûtent, ils partent à l’aventure, mais surtout, ils jardinent ensemble. Le jardin d’Evan et de son chien est magnifique, rempli de belles plantes et de juteux légumes. Mais un évènement tragique vient bouleverser le quotidien paisible d’Evan qui doit alors faire la terrible expérience du deuil. Ce bel album nous raconte avec simplicité l’histoire d’une belle amitié qui un jour prends douloureusement fin. Alors ce magnifique jardin devient une métaphore et se mets au diapason des émotions violentes et douloureuses qu’Evan ressent après la perte de son meilleur ami : douleur, colère, tristesse. Mais au bout du chemin, arrive la résilience et finalement la vie qui reprends son cours. Brian Lies nous offre un regard empli de mélancolie sur l’amitié si profonde que l’on peut entretenir avec nos boules de poils et sur le douloureux travail de deuil qu’il faut faire lorsque ceux-ci nous quittent. Les illustrations réalistes et délicates, à la texture onctueuse et remplies de couleurs sont un régal pour les yeux.
En pleine Seconde Guerre mondiale, Jérôme est porté déserteur par l’armée canadienne. Le jeune homme se cache en fait chez son grand-père, au milieu de la forêt. Le vieil homme bourru et cette maison au passé inquiétant vont transformer notre héros et peut-être l’emmener vers l’âge adulte. Petite perle québécoise, l’album « Jours d’attente » possède de nombreux atouts pour être l’un des titres phares de 2019. Le scénario est irréprochable, oscillant entre présent et passé, mélangeant plusieurs vies, plusieurs histoires sans nous perdre une seule minute. Un brin mélancolique, le récit nous plonge dans les affres de la Seconde Guerre mondiale, certes l’action se situe loin du champ de bataille, mais le spectre du conflit est omniprésent. La trame ne s’arrête pas là, un travail d’écriture important a été réalisé sur la psychologie des personnages. Les notions de culpabilité, de deuil, de liberté et de solitude sont abordées simplement et s’imbriquent parfaitement pour rendre l’histoire passionnante de bout en bout. L’illustrateur Simon Leclerc n’est pas en reste puisqu’il réalise une copie graphique irréprochable. Il combine à merveille un trait à l’encre noir plus ou moins fin, rehaussé par une mise en couleur originale, dont les essences d’ocre influent sur l’ambiance mélancolique de ce roman graphique. Il utilise également différentes brosses afin de donner du volume, du relief à ses magnifiques peintures numériques. Une première œuvre réussie pour ce duo d’artistes, qui espérons-le, continuera à nous éblouir. - Michaël
Dans ce livre, Laurent Gaudé revient sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. L'explosion au Stade de France, les attaques des terrasses de restaurants, la prise d'otage et la tuerie du Bataclan.
Chronologiquement, on replonge dans les faits, grâce à la mise en scène d'instants de vie, se déroulant du matin jusqu'au lendemain du drame.
Des moments ordinaires du quotidien, où certains deviendront héros ou martyrs au fil des heures.
L'auteur réussit à nous imprégner des émotions ressenties par les personnages, présents de près ou de loin.
On entre aussi bien dans les pensées des victimes, que dans celles des témoins, des proches, des secours ou des agents de nettoyage.
L'écriture est très touchante, voire poétique malgré la gravité de la situation. Quand on commence ce récit, on ne le lâche qu'à la dernière page.
Un roman bouleversant, puissant pour ne jamais oublier l'horreur. Mais également une ode à la vie et à la liberté.
Conseils lecture
« Le poids des héros » est un récit autobiographique dans lequel David Sala nous raconte son enfance dans les années 80, mais surtout sa réalisation de soi dans l’ombre des horribles récits racontés par ses grands-pères. Tous deux ont connu la dictature franquiste puis la Seconde guerre mondiale. Ils ont vécu et survécu à bien des cauchemars. Ils sont des survivants, mais pour les yeux d’un enfant, de véritables héros. Alors pour un jeune esprit, que penser de sa vie actuelle, si ce n’est qu’elle est bien facile, bien ordinaire comparée à celle de ces monstres sacrés. Ce trouble ne le quittera jamais, mais au lieu de l’enfermer, il puisera en lui pour créer, écrire, peindre une œuvre de mémoire, salutaire, afin de trouver au final sa place, son rôle : celui de conteur.
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Tendre et mélancolique, cette œuvre aux peintures magnifiques possède un vrai ton, différent, comme un appel, à ne pas oublier.
A la manière des grand·es explorateur·rices du 19ème siècle, Philibert Humm nous narre ici l’extraordinaire voyage qu’il entreprit en l’an de grâce 2018, afin de rallier Paris à Honfleur par voie fluviale. Comment au péril de sa vie lui, Philibert dit « le capitaine », et son magnifique équipage : Waquet dit « Major » et Adrian dit « l’Escopier », dit également « Bobby », s’en allèrent un beau matin d’été à la rencontre des peuplades sauvages qui habitent les bords de Seine.
Dans ce récit tout en second degré et en autodérision, nous suivons avec grande délectation les aventures rocambolesques de ces trois pieds nickelés de la génération Y. Nous découvrons au détour des méandres du fleuve une galerie de personnages attachants et atypiques, et nous nous enrichissons des multiples anecdotes historiques et géographiques toujours fort à propos (enfin non pas vraiment), dont l’auteur nous abreuve sans modération.
Un roman d’une grande fraicheur, décalé et particulièrement drôle. Un vent léger, assoupi au bord de l’eau, la nuque baignée par le cresson et au loin les oiseaux, qui rient, qui rient...
Pour poursuivre ce voyage je vous invite également à découvrir le magnifique film de Bruno Podalydès « Comme un avion ».
La chouette, le rouge-gorge, le mulot, le hérisson et l’écureuil sont des amis pour la vie, unis comme les cinq doigts d’une patte. Ils passent leur temps ensemble à jouer, à discuter. Mais à partir de novembre, le hérisson se mets en quête d’un nid pour hiberner tout l’hiver… et ses amis sont terriblement tristes de ne pas pouvoir passer noël avec lui ! plusieurs solutions vont être abordées mais finalement la meilleure reste encore de fêter Noël au printemps, tous les 5 réunis ! Ce grand et bel album de Thierry Dedieu nous plonge dans une belle atmosphère empreinte de vivre ensemble et surtout d’amitié, la vraie, celle pour qui on peut décaler Noël au printemps. Ces animaux ressentent tellement d’amitié que la séparation de l’un d’entre eux les plonge dans une grande tristesse. Ces 5 amis animaux, si attachants, sont magnifiquement mis en scène dans des illustrations au style très réaliste, si expressives que l’on croirait que des vrais animaux prennent vie sous nos yeux. Thierry Dedieu est un auteur illustrateur avec tant de styles différents que l’on peine à reconnaître ses travaux du premier coup : ici encore, il parvient à nous toucher avec la justesse de ses dessins. Tant l’histoire que les images en font un magnifique conte de noël, à déguster en attendant que le Père Noël passe à la maison… Même si ce n’est qu’au printemps ! Une possibilité qui aurait bien pu se présenter à nous en cette drôle d’année 2020…
Vous pensez connaître l’histoire de Blanche-Neige ? Vous croyez que la princesse serait assez naïve pour croquer dans une pomme offerte par une sorcière ou que ce prince, assez louche, embrasserait, sans son consentement, une jeune fille endormie ? Et les prénoms des sept nains, vous croyez réellement qu’une mère appellerait son enfant Atchoum, Grincheux ou Simplet ? Ce roman va faire fondre vos certitudes !
Le début de ce conte est le même : un chasseur à bien été envoyé par la méchante belle-mère pour tuer Blanche-Neige et lui rapporter son cœur. Pour le reste, on vous a menti !
Dans la version de Côme D’Onnio, Blanche-Neige est une cheffe d’entreprise qui se bat pour de meilleures conditions de travail. Elle est végétarienne et laisse les nains s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine. La belle-mère se retrouve cuisinière d’un « Déj-carriole » (l’ancêtre du food-truck), et espère bien réussir à empoisonner la princesse. Le prince charmant ? eh bien, il n’est finalement pas si important… Je ne vais pas vous en dévoiler plus : pour connaître toute la vérité, croquez vite dans ce livre à pleines dents !
C’est une lecture très drôle à l’humour décapant, avec une histoire originale et moderne qui aborde des thèmes importants comme l’écologie, le respect animal, les stéréotypes, le droit des femmes ou encore le monde social et économique. Les personnages revisités ont de la personnalité, de la persévérance et même la reine se révèle attachante.
En bonus, on trouve à la fin du roman les deux recettes inventées par la reine : « les croquettes de chou-fleur » et « le brownie au chocolat vegan rudement bon ». Miam !
1916, Elisabeth Freeman est une suffragette, elle milite pour le droit de vote des femmes états-uniennes. Lorsque le sociologue William Du Bois lui propose de profiter de son voyage à Waco pour enquêter en toute discrétion sur ce qui est arrivé au jeune Jesse Washington disparu après son interpellation par le shérif, Elisabeth n’hésite pas un instant… Son combat pour l’égalité et la liberté est universel !
Une nouvelle page d’histoire nous est proposée par l’excellente collection documentaire « Karma » de chez Glénat. Bien sûr, elle est peu reluisante : elle dénonce une société patriarcale violente envers les femmes désireuses d’émancipation, mais aussi les horreurs de ce sud états-unien, arriéré et sanglant, où la justice n’est qu’un vain mot. Pourtant, malgré cette brutale réalité, on ressort tout de même rassuré par ces femmes et ces hommes qui combattent au péril de leurs vies l’injustice et l’intolérance. Une lueur d’espoir, certes faible tant la bêtise semble omniprésente et contagieuse, mais bien présente et qu’il nous faut absolument entretenir.
Personnellement, je ne connaissais pas Elizabeth Freeman, maintenant si ! et j’en suis heureux car s’enrichir de modèles aux valeurs positives n’est que trop important pour donner le courage de faire de notre société un monde meilleur.
A partager à tous et toutes !
« Tout a commencé quand tout était au même endroit. », ainsi débute le récit de Catarina Sobral qui, par un album coloré, explique aux plus jeunes - mais aussi aux adultes - la naissance de l'univers, de notre planète et de la vie sur terre. Le sujet est ô combien périlleux car dense et compliqué, mais l'auteure, par un don inouï pour la vulgarisation, réussit à rendre la cosmologie digeste et à la portée de tous. Elle permet ainsi à tout-un-chacun de s'approprier les concepts scientifiques tels le Big Bang, l'infiniment petit ou encore l'infiniment grand. Le récit de nos origines est conté par deux personnages aux tronches humoristiques et qui, comme le récit à portée de tous, peuvent être aisément reproduits par nos chérubins. Ce documentaire est une totale réussite car il s'adresse vraiment à un très grand nombre de lecteurs, dès 5 ans. Il donne les bases, juste ce qu'il faut, et réussit à nous surprendre, nous émerveiller et, qui sait ?, suscitera peut-être des vocations. Un « must have ». - Michaël
Doruntine, Albanaise, s’est mariée il y a trois ans avec un homme d’une lointaine contrée de Bohême. Une nuit sans lune, elle réapparait dans son village natal, affirmant avoir fait le voyage avec son frère Konstantin, or celui-ci est mort depuis deux ans. Au cimetière, sa tombe est ouverte.
Stres, capitaine et dépositaire de l’autorité princière, est missionné pour résoudre ce mystère. Dans une atmosphère entre « Sleepy Hollow » (film de Tim Burton 1999) et « Le nom de la rose » (fim de Jean-Jacques Annaud, 1986), il va devoir faire la part des choses entre fantômes, rumeurs et pouvoir religieux.
A la fois roman policier et fantastique, cet ouvrage n’en est pas moins profondément politique. Il offre plusieurs niveaux de lectures. Au-delà du divertissement que constitue l’enquête menée par Stres, le livre pose des questions fondamentales : celle du libre arbitre, de la vérité et de son travestissement par le pouvoir, de la souveraineté d’un pays face aux puissances extérieures, mais aussi de l’ouverture au monde, de la rumeur et de la manipulation. Autant de sujets qui ont une forte résonnance dans le monde et la société actuelle.
Dernier point : alors que son action se déroule au Moyen Age, il a été écrit en 1979 dans un des pires régimes autoritaires de l’époque, et constitue une critique ouverte du totalitarisme. Il dénonce aussi la domination des pays du bloc soviétique par l’URSS et l’obligation pour les pays d’Europe au cours de la deuxième moitié du XXème siècle de choisir entre capitalisme et communisme, sans pouvoir inventer leur propre modèle.
Ce livre a été interdit à sa publication en Albanie jusqu’à la chute de la république populaire socialiste.
Dans ce très beau roman autobiographique Julia Kerninon nous dévoile sa vie de jeune femme et le cheminement particulier qui fait qu’un jour on se sent adulte.
Avec une grande liberté l’autrice aborde tour à tour ses amours, sa sexualité, ses amitiés, son travail d’écrivaine, et l’on voit peu à peu les contours du personnage qui s’affine pour nous livrer un portrait très sensible.
Être une femme, se construire, devenir une mère, accoucher d’un enfant et de soi-même, nous assistons à la métamorphose de Julia, pleine de subtilités et de contradictions, forte et fragile, volontaire et indécise.
Une écriture simple, dépouillée et fluide à l’image d’un récit sans fioriture qui respire la sincérité. Un texte touchant, courageux et sans concession dans lequel hommes et femmes peuvent se retrouver, car il nous parle, aussi, en filigrane, de la place des femmes dans la société et de leur rapport au sexe opposé.
C’est un véritable bonheur de pouvoir partager ne serait-ce que le temps d’un roman la vie de Julia Kerninon !
Je vous invite également à découvrir deux autres très beaux portraits de femme dans « Ce matin-là » de Gaëlle Josse et « Ultramarins » de Mariette Navarro.
Bernard Mélois, célèbre sculpteur sur émail, a fait de sa vie une œuvre d’art.
Se sachant condamné par un cancer, le père de famille compte bien orchestrer ses funérailles et en faire un ultime moment de fête.
Pendant quelques semaines, nous allons suivre Clémentine, ses sœurs et sa mère dans la préparation de ce départ. Commander un cercueil et le peindre en bleu, émailler la croix, vider l'atelier de tous ses objets émaillés pour que l'artiste puisse retourner une dernière fois dans son antre, choisir les musiques de la cérémonie d'enterrement…
En se lançant à corps perdu dans les dernières volontés de Bernard, ses proches souhaitent rendre hommage à l’artiste qu’il était, mais surtout au mari et père idéal.
Chaque détail des préparatifs est l’occasion de plonger dans l’histoire et les souvenirs de cette famille unie par l’amour et la joie.
Un récit intime, très touchant, qui aborde avec humour, simplicité et tendresse des thèmes profonds comme le deuil et la transmission à travers l’art.
« Alors c’est bien » est une lecture qui résonne avec chaleur et humanité, nous rappelant la beauté de la vie même dans les moments difficiles. Une belle invitation à réfléchir sur ce qui compte vraiment.
Entrez dans le journal de Piranèse, qui vit dans une maison tellement immense qu’il n’a pas réussi à compter le nombre de pièces qu’elle contient. Cette maison, il l’explore. Il note, il analyse, il cherche à comprendre ; et, de temps en temps, il y croise l’Autre, scientifique à la recherche du « grand savoir ». Un jour, Piranèse découvre l’existence d’un troisième habitant dans ce palais labyrinthique. Sa réalité et ses certitudes en sont bouleversées… Et de plus grandes questions subsistent pour nous lecteurs : Où vivent-ils ? Ce monde est-il réel ? Comment expliquer l’inexplicable ?
Susanna Clarke y répondra avec brio dans un récit très bien ficelé qui prendra une toute nouvelle dimension, un récit qui étonne sans cesse, décontenance, et même manipule parfois. L’autrice pose au passage quelques questions philosophiques passionnantes sur la vérité et la réalité. Un roman troublant, original, unique.
Amoureux de l’humour par l’absurde,
ce titre est fait pour vous ! Geoffroy Monde, nous régale se saynètes
toutes plus drôles les unes que les autres. Du duel insolite de deux cowboys,
en passant par la triste condition de vie des génies de lampes magiques et en n’oubliant
pas, clin d’œil à notre profession, de faire régner le silence dans les
bibliothèques, l’auteur nous surprend par une écriture décalée, dont la chute
tombe au bon moment, le tout sublimé d’illustrations atypiques. Un vrai moment
de joie pour passer l’automne. - Michaël
Durant la Grande Dépression, trouver un travail relève du miracle. Alors lorsque John Clark, jeune photographe, décroche un contrat pour la FSA (Farm Security Administration), sa joie est immense, d’autant qu’il associe ainsi passion et travail. Pourtant sa mission - aller photographier la misère qui règne dans la région sinistrée d’Oklahoma, ravagée par les tempêtes de poussière - va profondément le bouleverser et le pousser à se remettre en question. Cette œuvre de fiction à caractère historique focalise particulièrement notre attention sur une région des États-Unis très meurtrie par la crise économique des années 1930. Elle met en lumière la dramatique crise climatique provoquée par l’agriculture intensive, plus méconnue. La région du Dust Bowl (« bassin de poussière ») connaît à cette période une grande sécheresse qui aggrave et multiplie les tempêtes de poussière. Ces phénomènes hors norme, inimaginables dans nos contrées, sont dévastateurs. Les terres sont inexploitables et la vie, la survie, relève du miracle. La Farm Security Administration, l’agence gouvernementale américaine créée pour combattre la pauvreté rurale, a développé un programme de documentation photographique d’une ampleur unique, témoignage précieux de la vie des Américains de l’époque. Grâce à cela, Aimée De Jongh livre un récit dur, âpre, qui surprend, questionne et dénonce principalement la manipulation des médias, des images, toujours à la recherche du bon cliché, du sensationnel. Lorsque l’on ferme ce livre, une pensée émue nous traverse pour ces femmes, ces hommes, leur courage et résonnent en nous les mots de John Steinbeck : « ils ont le sang fort ». - Michaël
Momo est une petite fille vive, turbulente mais attachante. Elle vit avec sa grand-mère et attend impatiemment le retour de son père, parti pêcher au grand large. Pour s'occuper, elle jouit de son imagination pour vivre des aventures. Hélas la réalité reprend toujours le dessus et sa vie va en être bouleversée... Un très beau titre jeunesse destiné à tous les publics. Tendre, mélancolique, mais plein d'humour, il est une réusite scénaristique. L'illustrateur, à la technique proche de Bastien Vives, dessine Momo avec brio et nous propose un personnage à la tronche adorable. Vous recherchez de la douceur dans ce monde, alors laissez-vous prendre par ce titre qui vous rechauffera le coeur. - Michaël
Dans ce récit autobiographique, Aimée De Jongh nous raconte quatre histoires, quatre rencontres ayant pour point commun un chauffeur de taxi. Assise à l’arrière d’une voiture, elle nous fait parcourir le monde, de Paris à Los Angeles en passant par Washington ou encore Jakarta. Chacun de ces hommes délivre son histoire, tant bien que mal, à l’autrice pleine de vie et de gaieté. Des moments d’intimité rares ou se crée, au fil des conversations, un lien unique de confiance mutuelle.
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« Taxi ! » est un récit court, un huit clos empli d’humanité qui fait du bien ! - Michaël
La bande dessinée, riche en récits originaux, permet également, par le biais de l'adaptation, de faire découvrir des récits issus d'autres médias. "Le quatrième mur" est à la base un roman de Sorj Chalandon, que personnellement je n'aurais, je pense, jamais lu. Dommage, je serais passé à côté d'une oeuvre incroyable, ode héroïque célébrant tout à la fois la fraternité, le courage d'une jeune femme, l'art et la liberté. - Michaël