Conseils lecture
Dans quartier ordinaire, on trouve une rue ordinaire, et dans cette rue ordinaire, des maisons les unes à côté des autres. Et dans chaque maison, il y a des habitants qui ne se connaissent pas. Au n°15, il y a Camille, chez qui il y a un boucan d’enfer, qui n’ose pas parler à M.Rivières, grand avocat prestigieux ; de l’autre côté il y a un énorme dragon, qui en réalité est une souris qui se déguise, effrayée par le voisin d’en face, un chat (végan). Mais un beau jour, une suite d’événements vont faire se rencontrer tous ces voisins remplis de craintes et de préjugés les uns sur les autres…
Merci voisin est un album dans l’aire du temps. Aujourd’hui, chacun d’entre nous vit sa petite vie, dans son petit chez soi, sans prendre le temps d’aller vers ceux que nous côtoyons au quotidien. Nous préférons nous juger les uns les autres plutôt que de tisser des liens.
Dans cette rue, chacun est un peu solitaire et malheureux dans son coin ; la méfiance que ressentent ces voisins les uns vis-à-vis des autres les isolent. Le jour où enfin, ils osent faire un pas vers l’autre, ils se rendent alors compte qu’ils peuvent être heureux tous ensemble.
Les illustrations, sans être très originales, sont accessibles et les personnages animaux plutôt attachants.
Cet album sympathique véhicule de belles valeurs sur l’entraide, la découverte des autres, les rencontres.
Aujourd’hui, Julian et sa grand-mère sont invité·es à un mariage. Le petit garçon rencontre Marisol, une petite fille venue avec sa grand-mère également. Un mariage, c’est pour fêter l’amour ! Les enfants s’amusent, jouent sous les tables, dans le jardin, et même avec le chien des mariées. Oh non, Marisol a sa robe toute tâchée ! mais Julian à une idée…
Après le très remarqué « Julian est une sirène », Jessica Love revient avec un autre album de Julian, tout aussi réussi que le premier opus. Les personnages, issu·es de la communauté afro-américaine, sont grandement inspiré·es par les influences culturelles de l’autrice. Le sujet du mariage homosexuel n’en est pas un tant le récit ne semble pas justifier ce choix. De la même manière, Julian aime mettre de jolies robes, et cela ne pose de problèmes à personne (c’était déjà le cas dans Julian est une sirène). Le message du récit est ouvert et chaleureux.
Du côté de l’illustration, les expressions faciales des personnages valent le détour. Iels sont croqué·es avec beaucoup de justesse, d’humour et de douceur. Le travail d’illustration autour des vêtements reste, comme dans le premier album, remarquable, que ce soit au niveau des couleurs ou bien des étoffes. Les protagonistes sont tous et toutes habillé·es avec beaucoup de style.
Cet album est une ode à la joie de vivre et à l’acceptation de l’autre : il fait beaucoup de bien.
Au pays imaginaire, les créatures sont nombreuses. Elles attendent impatiemment d’être choisies par un.e enfant pour devenir leur meilleur ami. Beekle, lui, attend depuis longtemps et ça le rend triste. Si bien qu’un jour, il décide d’inverser les rôles et de trouver par lui même son enfant. Pour cela, il doit réaliser l’impensable : partir pour le monde réel... Little Urban nous propose de découvrir un personnage original et attachant : Beekle, l’ami imaginaire. Cette créature sensible et expressive, dont le graphisme « simplifié » permet à chacun de se l’approprier, pourrait devenir une référence jeunesse incontournable. Abordant des thématiques importantes de l’enfance - la solitude, l’amitié et sans en avoir l’air, la créativité - le récit nous plonge dans notre propre enfance et l’angoisse de se faire un tout premier ami. Subtil et efficace, cet album est magnifiquement illustré. Habile mélange de peinture digitale et traditionnelle, les planches de Dan Santat sont des fresques minutieuses dont la composition, la mise en scène sont bien pensées. Dans les premières pages de ses aventures, Beekle apparaît tout petit, souvent dans un coin de l’illustration, écrasé par le décor et certainement sa solitude. Puis au fur à mesure, il trouve sa place et le cadrage se resserre sur lui, montrant ainsi sa prise de confiance. Beekle à besoin d’un.e ami.e : et si vous veniez l’emprunter à l’Espace COOLturel ? - Michaël
Michel est un riche dirigeant d’entreprise qui a taylorisé le bien-être pour se faire des parties génitales en or. Tout a l’air de lui réussir et il se surkiffe, pourtant en grattant bien, il semble quand même y avoir quelques ombres au tableau. Tout d’abord son entreprise est la propriété d’un groupe international qui refrène sa mégalomanie, ensuite il passe ses journées à biberonner du whisky, et enfin son principal partenaire sexuel s’avère être sa main droite. En réalité Michel dans sa tour d’ivoire est bien seul.
Cela lui fait deux point commun avec Lucas qui lui vit reclus dans sa chambre du pavillon de banlieue de ses parents. Lucas s’y est enfermé il y a 7 ans depuis que la pression sociale, la réussite à tout prix et le regard des autres lui sont devenus insupportables.
Quand à Mélanie, elle se remet difficilement d’une énième rupture, sa vie professionnelle stagne et elle zone un peu engluée dans ce marasme quotidien. Sa seule bouée de sauvetage : le « 365 », tiers-lieu altermondialiste où elle cherche vaguement à résoudre les problèmes des autres pour ne pas trop penser aux siens.
Waouh ! là on va bien se marrer pensez-vous et vous commencez à préparer la boîte de Xanax qui vous permettra peut-être d’atteindre la 235ème page. Mais que nenni nul besoin d’antidépresseurs où de Lagavulin 25 ans d’âge pour achever la lecture de cet ouvrage, car quand ces trois-là finissent par se rencontrer tout s’accélère. L’écriture rythmée de l’auteur, sa fine analyse de la société et du genre humain et enfin son excellent sens de l’humour, noir, très noir, rendent ce livre grinçant et sarcastique à souhait.
Un excellent premier roman et comme dirait Michel devant son miroir en paraphrasant Joe Star : « Ça c’est de la bombe bébé ! ».
Depuis l’ouverture, chez elles et eux, du plus grand accélérateur de particules au monde, surnommé « The Loop », les habitant·es de la campagne pastorale de Mälaröarna ont vu leur vie modifiée à jamais, désormais, elles et ils naviguent aux milieux des mondes, coincé·es entre rêve et réalité…
⠀
Pas vraiment une bande dessinée, « The Loop » est peut-être ce qui se rapproche le plus du terme de « roman graphique ». Il est avant tout autre chose, un recueil de peintures numériques de l’artiste suédois Simon Stålenhag qui aime, depuis sa plus tendre enfance, dessiner la campagne suédoise en y ajoutant des éléments étranges et futuristes. Ces illustrations, à la technique picturale irréprochable, connaissent un véritable succès à travers le monde. Il n’en fallait pas moins pour que notre artiste décide de rassembler ses planches pour y raconter un récit empreint, à la fois d’étrangeté, mais aussi, d’une certaine mélancolie. Chaque peinture est accompagnée d’un témoignage de l’auteur qui nous raconte ses souvenirs dans ce monde fictif. Ce mélange, entre vrai et faux, est parfaitement équilibré et assure ainsi un réalisme quasi troublant.
⠀
Pour découvrir cet univers sous un autre angle, les illustrations de Simon Stålenhag ont servi de base à la série télévisée de Tales from the Loop, diffusée par Prime Video en 2020.
⠀
« Tale from the Loop » est un album différent, beau et mystérieux, il se vraiment dommage de le « looper » !
Roman... Bande dessinée... Livre illustré... Thornhill est un titre difficile à classer, tant il revêt différentes formes. Peut-être pourrions-nous simplement le qualifier, pour le coup, de véritable roman graphique, tant il correspond à cette description ! Ce titre nous plonge dans le quotidien d’Ella, une jeune fille ordinaire dont la curiosité l’amène à observer depuis sa chambre l’étrange manoir voisin au doux nom de Thornhill. Abandonnée depuis des années, cette demeure était un orphelinat ou s’est joué un terrible drame. Depuis, réputée maudite, elle est laissée à l’abandon, mais entre ses murs une présence intrigue et attire Ella plus que de raison. Inquiétant et mystérieux, le récit se lit d’une traite. Il tient en haleine de bout en bout et nous gratifie d’une fin non conventionnelle. Il oscille entre deux époques, mais surtout deux formats narratifs. Textes et illustrations se croisent, se complètent, racontent le passé pour l’un, le présent pour l’autre et créent par cette danse, une atmosphère où la tension va crescendo. Derrière l’ambiance nappée d’étrangeté et de fantastique, se cache en réalité un récit âpre et fort en émotion. Une œuvre marquante et originale à découvrir. - Michaël
Sacha et Charlie sont frères, ils ne s’entendent pas très bien. Enfin, c’est surtout Sacha qui ne supporte pas la présence de son petit frère et lui fait bien savoir. Un accident va les séparer, tous deux vont se retrouver dans un monde étrange, peuplé de monstres, et où leur survie ne dépendra que d’une seule chose : le pardon...
A regarder cet ouvrage et principalement les illustrations, nous pourrions facilement penser qu’il s’agit d’un titre destiné à un jeune lectorat. Détrompez-vous : même si le duo d’auteurs a déjà œuvré avec brio pour la littérature jeunesse, ce titre est destiné à tous les publics. L’intrigue est extrêmement bien ficelée, jouant sur deux narrations : on suit l’errance de Sacha puis celle de Charlie, à tour de rôle. L’ambiance est inquiétante voir pesante, tant on sent que quelque chose de plus profond est sous-jacent. Chaque récit se lie à l’autre, chaque action influe sur la destinée de l’un pour au final, les réunir. Une fin qui nous fait sortir de l’imaginaire pour nous renvoyer la réalité en pleine face. Une fin qui aborde un thème difficile et nous propose, non pas une solution ou une réponse, mais une voie à suivre. Alors lorsque l’on regarde à nouveau les magnifiques aquarelles d’Anne Montel, on se dit que les auteurs ont sciemment proposé ce style juvénile pour lier le monde des adultes à celui des enfants afin de faire lecture commune et ainsi permettre le partage, le débat. Un récit maîtrisé de bout en bout qui ne vous laissera pas insensible par son rythme, ses illustrations et sa thématique. - Michaël
« Retour à l’Eden » est l’histoire vraie d’une photo, ou plus précisément d’une femme, la mère de Paco Roca. En déménageant, une photo s’égare, un détail… et pourtant ce cliché, Antonia y tient comme à la prunelle de ses yeux. Dès lors, elle sombre dans un abîme de tristesse.
Il ne reste plus pour Paco et ses frères qu’à retrouver cette photo pour comprendre cet attachement.
Paco Roca est auteur de bandes dessinée, mais aussi un véritable historien des petites histoires qui font la grande. Une nouvelle fois, il nous livre un récit familial sensible et émouvant. Ce cliché égaré fonctionne comme une machine à remonter le temps jusque sous le régime franquiste. Nous y retrouvons Antonia, enfant, accompagnée de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs… Iels vont rire, s’aimer, se disputer comme dans n’importe quelle famille, mais ensemble, iels vont connaître la dictature, l’appauvrissement et la faim. Durant ces années sombres ou patriarcat et religion réservaient une place bien limitée aux femmes, Antonia connaîtra également les humiliations liées à son statut imposé.
Alors cette photographie… qu’a-t-elle de spécial me direz-vous ? Eh bien pour le savoir je vous invite chaudement à lire « Retour à l’Eden », une tranche de vies d’autrefois, intime et émouvante.
1954, New York, deux âmes esseulées vivent en voisinage. Elle, Madeleine, sur sa terrasse, élève des abeilles et ne se remet pas de la disparition de son mari. Lui, Monsieur Days, réside dans l’immeuble en face, cloîtré avec une armée de gardes et des secrets inavouables. Ils ne sont pas du même milieu, pourtant un lien les unit et pourrait les rapprocher... Récit complet d’une efficacité implacable, « Gramercy Park » est un polar à l’atmosphère envoûtante. Les deux personnages principaux nous livrent leur histoire au compte-gouttes en devenant tour à tour narrateur de l’intrigue. Chacun de ces deux récits est bien ficelé et livré de façon chirurgicale, l’ensemble atteint son paroxysme en une conclusion surprenante.
Le texte de Timothée de Fombelle est sublimé par les illustrations de Christian Cailleaux, qui nous plongent littéralement au cœur des années cinquante. Rien n’est de trop, rien ne manque dans ce roman graphique, si ce n’est que vous le découvriez par vous-même.
Le 17 mars 2020, en pleine crise du COVID-19, le président de la République annonce pour des raisons sanitaires le confinement du peuple français, et cela pour une durée encore indéterminée. Pour José, Caro et leurs enfants va commencer une nouvelle expérience de vie, ou comment passer ensemble 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans perdre la tête.
⠀
Fortu, comme à son habitude, nous livre un témoignage très personnel sur son vécu de cet isolement. Bien évidemment, l’humour est le moteur de cette œuvre, mais sous des aspects « blaguaire », il pousse à la réflexion et nous interroge sur notre société et nos modes de consommation. Il nous met devant nos contradictions sans s’exclure lui même de l’équation. « Journal d’un confiné » est un titre humoristique qui peut être lu par tous. 55 gags réalisés en temps réel, une véritable performance d’auteur qui est à signaler. L’Espace COOLturel est heureux de vous faire découvrir ce titre en exclusivité. Nul doute qu’il sera au-delà, une œuvre de référence.
Le lieutenant Yamada n’est plus vraiment l’homme qu’il était. Après la mort accidentelle de sa fille et le départ de sa femme, il est devenu un personnage bien terne, mais comment lui en vouloir ?! Après une descente dans une maison close maquillée en salon de massage, il rencontre Shiori, une lycéenne fugueuse qui lui rappelle sa propre fille. Cette rencontre va le bouleverser et il n’aura de cesse dès lors de venir en aide à cette jeune désemparée... Keigo Shinzo, par le biais de la fiction, nous dépeint un pan peu reluisant de la société japonaise : celui de la prostitution estudiantine. Ces jeunes filles, fugueuses et/ou sans un sou, pour survivre ou continuer leurs études, sont abusées par des hommes peu scrupuleux. Problème social alarmant, le « JK business » (JK pour Joshi Kosei qui se traduit par lycéennes japonaises) attire malheureusement beaucoup de filles qui, dans l’idée de se faire beaucoup d’argent en peu de temps, tombent rapidement dans la prostitution, aux griffes de la mafia et mettent leur vie en danger. L’auteur alimente également le récit par un autre élément dramatique, celui du deuil et de l’absence. Chaque personnage incarne une forme de désespoir, d’appel au secours, qui, s’il est crié par l’un·e est entendu·e par l’autre. On ne tombe pas dans le misérabilisme, certainement pas, mais plutôt dans une forme d’espoir en la nature humaine. Car, ce qui ressort le plus, à la lecture de cette bande dessinée, c’est avant tout la bonté et l’amour. Les illustrations, en noir et blanc, sont classiques, mais l’auteur nous gratifie par moment de gros plans extrêmement expressifs des visages de nos personnages, changeant ainsi le rythme de l’histoire et accentuant aussi son aspect dramatique. « Mauvaise herbe » est un titre sociétal à l’aspect rude, mais profondément humain. - Michaël
Conseils lecture
Ecoline est une chienne de ferme issue d’une digne lignée de gardien. Alors, lorsque celle-ci n’arrive pas à protéger le foyer de ses maîtres d’un cambriolage, son père la répudie. Loin d’être abattue, elle voit dans cet exil forcé l’opportunité d’enfin réaliser son rêve : peindre…
⠀
Derrière cette charmante fiction animalière se cache, en réalité, une belle leçon de vie. Un espoir pour les doux·ces rêveur·euses, mais aussi pour celles et ceux qui ont pris, parfois ou souvent, des chemins contraires. Cette oeuvre parle de bonheur, de plénitude, via la réalisation de soi en vivant ses rêves. Elle y parvient parfaitement sans en peindre pour autant, un tableau idyllique, car quelle que soit la route que l’on prend, il y aura toujours des embûches. Alors du courage, oui, il en faut en soi pour changer de vie, et aussi le soutien d’autres personnes qui nous encouragent également, à être heureux·se différemment. Ce message est mis en image par de très belles peintures numériques inspirées par les artistes de la fin du 19e siècle.
⠀
« Ecoline » est une bande dessinée qui a du chien, adaptée aux enfants comme aux adultes, elle devrait rapidement trouver sa place dans vos doux foyers.
Dans « Femme rebelle », Peter Bagge retrace le parcours de Margaret Sanger, fondatrice du planning familial et militante radicale et controversée de la condition féminine. Le titre de cette bande dessinée biographique se réfère au journal fondé par cette infirmière en 1914, intitulé « The Women Rebel » et sous-titré « Ni dieux, ni maîtres ». Dans ces pages, Margaret Sanger s’adressait directement aux femmes en leur fournissant des informations sur le contrôle des naissances : culotté dans l’Amérique conservatrice du début du 20e siècle... au point pour l’autrice de devoir s’exiler quelques temps sous pseudonyme au Royaume-Uni. De retour aux USA, Margaret se servira de son influence médiatique, de ses déboires et malheurs personnels pour servir son combat - le contrôle du corps des femmes par elles-mêmes. Combat qu’elle parviendra à porter hors des frontières américaines, influençant par exemple la réflexion sur la création du planning familial en France... dans les années 1950. Il fallait bien le style et la verve satyriques de Peter Bagge pour retracer un tel parcours sans faire l’impasse sur les zones d’ombre de cette féministe. Il évite l’hagiographie en enrichissant son travail graphique d’un imposant propos complémentaire. Il y explicite ses choix (de son sujet jusqu’à la couverture de la BD), précise certains points et donne en dernier lieu la parole à la biographe française de Margaret Sanger, Angeline Durand-Vallot, qui situe historiquement l’apport du combat de Sanger et rappelle à quel point celui-ci demeure d’actualité... - Aurélie
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite ! - Michaël
En protégeant la Terre, Abraham Slam, Golden Gail, Barbalien, le Colonel Weird et son robot Talky-Walky, Madame Dragonfly et Black Hammer, ont trouvé la mort dans une terrible explosion. 10 ans après, ces super-héros ne sont plus qu’un lointain souvenir, des légendes urbaines, des histoires que l’on racontent aux enfants... Et pourtant, loin de notre monde, ils sont là, résignés, prisonniers d’un univers prison, n’espérant qu’une seule chose, qu’on vienne les délivrer... S’il y a un comics de super-héros à lire absolument en ce moment, c’est bien la série Black Hammer. Pourquoi ce titre et pas plutôt un issu du mainstream ? Parce qu’elle possède de nombreux atouts. Pour commencer, elle est écrite par Jeff Lemire qui est certainement l’un des plus, si ce n’est le plus talentueux, scénaristes de bandes dessinées de ces 10 dernières années. Chaque récit qu’il développe est un bijou d’actions et d’émotions. Black Hammer ne déroge pas à cette règle. L’histoire est captivante et se découvre d’album en album sous le prisme des différents personnages. Nous découvrons page après page la personnalité de nos héros, certain plus mystérieux et/ou inquiétants que d’autres. Chaque vie, destin est un récit dans le récit, des histoires qui alimentent l’Histoire. Nous retrouvons donc des personnages aux destins variés qui n’ont, à par être des super-héros, rien en commun, mais qui vont devoir apprendre à vivre ensemble pour le meilleur comme pour le pire. Voilà ce qui rend cette aventure unique. Loin d’être manichéenne, la trame est subtile et elle nous plonge dans la psyché humaine, une véritable analyse de nous-même. Cette série est, pour le lecteur averti, un hommage aux illustres séries de super-héros. On y retrouve un peu de l’âme de Spider-Man, de Daredevil, du Batman, de Swamp Thing et de bien d’autres encore. Des références disséminées par-ci par-là, mais qui ne nuisent pas à la compréhension de l’œuvre. Jeff Lemire s’est associé à Dean Ormston pour le dessin. Cet illustrateur fait des merveilles avec un style rétro, mais surtout un découpage dynamique et efficace. Pour terminer, Black Hammer a remporté en 2017 l’Eisner award de la meilleur nouvelle série aux Etat-Unis, preuve - s’il en est encore besoin - de sa qualité. Alors, si vous aimez les bandes dessinées de super-héros, vous allez adorer, et si vous n’aimez pas, vous allez adorer quand même. - Michaël
Être bandit de grand chemin n’est pas une sinécure, encore plus lorsque l’on est quelque peu distrait et assez gaffeur. Après un braquage réussi avec son frère, Chris a enterré leur butin, mais au petit matin, il ne se rappelle plus où. Du coup que faire, si ce n’est le retrouver coûte que coûte... Lancé comme un train à grande vitesse, ce western parodique ravira petits et grands. Le récit est truffé de scènes humoristiques et surtout inattendues. Nos personnages prennent indéniablement les mauvaises décisions, on le sait, on le sent et pourtant, ils nous surprennent. Graphiquement, le travail de Rémi Farnos est assez étonnant. Il multiplie les cases, offrant sur plusieurs pages des gaufriers chargés en mouvement. Par moment, pour calmer le tout, une illustration pleine page vient casser le rythme, permettant au lecteur un peu de répit et la possibilité de contempler les vastes étendues de l’Ouest américain. Chose rare, nos personnages n’ont pas de visages, leur expressivité vient de leur attitude, de leur comportement, presqu’à la manière des mimes, surjouant, mais jouissifs. « Calfboy » est un titre totalement loufoque que l’on dévore avec délectation et qui, pour ceux qui ont eu la chance de la voir, rappellera la mythique série d’animation « Panique au village ». Un album qui met de bonne humeur ne peut être qu’à partager ! - Michaël
Stress a 37 ans, il est réalisateur et a une idée en tête, concevoir un film sur son quartier « Le panier », ou plus exactement sur ce qu’il était avant la « gentrification », quand sa bande et lui zonaient sur un banc en fumant des joints, un quartier populaire. Celui qui accueillait toute la misère de Marseille, loin des clichés d’aujourd’hui, vitrine de l’office de tourisme.
Stress, il voudrait tirer le portrait de cette époque révolue, retrouver ses potes et leur demander de témoigner, avant que son ancien quartier ne devienne définitivement un Disneyland pour les touristes que vomissent les paquebots chaque jour. Seulement Stress passe ses soirées de fêtes en fêtes vaguement à la recherche de financements pour son projet, parce que le fond du problème c’est qu’il est trop intransigeant avec les autres et pas assez avec lui-même… En attendant, quand il a besoin de thune il filme des mariages orientaux dans les quartiers nord.
Un merveilleux voyage à Marseille et dans le temps, fait d’allers-retours entre la ville d’hier et celle d’aujourd’hui. Une écriture percutante à l’image de ce personnage sans concessions. Un récit qui vous emporte et une force narrative du quotidien, les odeurs, la bouffe, les fringues, la musique, des habitudes et des attitudes décryptées à la loupe. Deux sociétés antagonistes, celle des pauvres d’hier, sans papiers, et des riches d’aujourd’hui, bobos, artistes, Parisiens immigrés, qui cohabitent à quelques années de distance. Un travail d’ethnographe moderne et une grande histoire d’amour, celle du héros et de sa ville qu’il voit changer, comme lui à l’aube de la quarantaine, et peu à peu oublier son passé. Un magnifique roman empreint de la nostalgie de celui qui quitte son pays malgré lui.
Le héros Gerd est un homme partagé entre deux femmes, deux visions du monde. Dépassé par son destin, il déambule entre les deux Allemagnes, espion malgré lui, ne sachant pas à quels seins se vouer. Ceux de Käthe résistante communiste de la première heure, où ceux de Liz Américaine arrivée à Berlin sur les traces de son défunt mari.
Personnage au costume trop grand pour lui, c’est un pantin dégingandé, manipulé par des intérêts supérieurs, sacrifié à la cause. Nous suivons au fil des années qui s’égrènent cet homme un peu paumé, toujours avec un train de retard, en nous demandant qui tire les ficelles, qui est l’architecte de cette toile qui le mènera sûrement à sa perte.
Ici tout est joué d’avance, nous semble-t-il, l’être humain en tant qu’individu n’a pas sa place, il est insignifiant face aux intérêts antagonistes du capitalisme et du communisme. Pourtant dans ce monde de dupes, ce jeu de miroirs et de faux-semblants une seule vérité persiste, une vérité indispensable pour ne pas perdre pied : la pureté des sentiments qui relie ce triangle amoureux.
A la fois roman d’amour, roman historique et roman d’espionnage, cet ouvrage est une vraie poupée gigogne aux multiples rebondissements : un récit protéiforme et haletant.
Pour poursuivre l’expérience je vous propose aussi de découvrir la très bonne bande-dessinée « La patrie des frères Werner » de Philippe Collin et Sébastien Goethals, disponible à la médiathèque.
En 1973, Glenn a 13 ans lorsque ses parents décident, à cause de résultats scolaires moyens, de l’envoyer en pensionnat au manoir Chartwell, école privée reconnue pour son sérieux et sa rigueur. Là-bas il va apprendre la vie en collectivité, se faire des amis, mais également découvrir la face sombre de l’humanité. À l’instar de ses camarades, il sera victime de pédocriminalité : une proie bien trop facile pour le directeur d’établissement dont les boniments et le charisme n’éveilleront jamais aucun soupçon…
Il fallait beaucoup de courage à Glenn Head pour enfin dévoiler son histoire, son drame et tous ces drames. Il a eu cette force, cette volonté de révéler au monde entier son mal-être, cette blessure profonde qui ne guérira peut-être jamais. Œuvre exutoire, elle est aussi œuvre de salut public, puisqu’elle permet de comprendre, de mieux appréhender et donc de mieux aider les victimes de pédocriminalité. L’auteur nous parle du manoir et de son monstre, mais il ne s’arrête pas là puisqu’il continue son récit jusqu’à plus tard, en 2011, ou à cinquante ans, il trouve enfin un peu de repos dans son esprit et son corps meurtris. Voilà une des forces de ce témoignage, ne pas ce contenter d’un moment, mais bien de suivre au fil des années Glenn Head dans sa construction en tant qu’homme, en tant qu’individu. Il décrit ses relations avec ses parents et leur déni de toute cette histoire. Il nous parle de son mal-être qu’il oubliera régulièrement, à la faveur d’une bonne cuite. Il évoque, sans équivoque, ses relations avec la gente féminine, qu’il ne saura jamais vraiment aimer, accepter. Par moment, nous recroisons également d’anciens camarades de Glenn et tout comme lui, les années ont passé, sans la moindre flamme, éteinte trop rapidement.
Oui, il fallait du courage, mais aussi beaucoup de talent pour s’ouvrir de la sorte et partager ces horreurs dans un album sans voyeurisme et à la portée de tous et toutes.
A son grand désarroi, Aubépine est partie vivre à la montagne avec sa famille. Là-bas, sa mère est au plus près afin d’étudier la dévastatrice migration des oiseaux géants, mais pour notre jeune héroïne, c’est la désolation. Il y a pourtant une vieille bergère énigmatique et ses chiens laineux. Il y a aussi des monstres bizarroïdes et le Génie Saligaud. Sans oublier son nouvel ami, Pelade le chien. Alors pourquoi se plaindre lorsque tous les ingrédients sont réunis pour vivre de belles aventures ? « Aubépine » est une série jeunesse saupoudrée d’humour, d’aventure et de fantastique. Le tout enveloppé d’un suspense constant. Karensac, aidé par Thom Pico, nous fait découvrir un univers riche et varié. Chaque personnage, chaque chose détient un secret, une histoire étrange et magique. Chaque rencontre et/ou faits et gestes entraînent Aubépine vers l’inconnu et l’au-delà... C’est rythmé, drôle et parfaitement illustré par un style cartoon qui amplifie la dramaturgie. Cette saga comico-fantastique comptera plusieurs volumes et n’est pas sans rappeler « Hilda », l’œuvre de Luke Pearson. Sans aucune hésitation, plongez-vous au coeur de cette histoire aux personnages si attachants. - Michaël
Petit Wu est un bon et loyal soldat de la Chine communiste. Pour monter dans la hiérarchie, il faut faire preuve d’une loyauté et d’un dévouement exacerbés envers le parti. Petit Wu est vite remarqué par les gradés, et est missionné auprès du commandant afin de servir d’ordonnance (c’est-à-dire d’intendant) et de cuisinier. Cette ascension sociale rend sa femme et son village très fiers. Il est heureux de servir ainsi son peuple et son pays. Lorsque le colonel s’absente, il doit prendre soin de la maison de celui-ci et de Liu, la très jeune femme du colonel. Elle va demander à Petit Wu de « Servir le peuple » d’une bien étrange façon : assouvir ses désirs sexuels. Cette situation va perturber l’équilibre de Petit Wu et enfermer nos protagonistes dans un huis clos sexuel et amoureux. Adapté du roman éponyme de Yan Lianke, interdit à sa sortie en Chine en 2005, la relecture d’Alex W. Inker est un titre d’une rare force, rageuse et passionnée. Nous débutons dans un univers réglé comme du papier à musique, où la propagande maoïste distille ses idées et où le peuple ne vit que pour un seul et même devoir : « servir le peuple ». Puis la passion prend le dessus et fait voler en éclats un système, aussi dur soit-il. Une leçon de vie et de liberté. L’illustration est savamment pensée, travaillée à la manière de l’iconographie communiste chinoise : grandes cases horizontales telles les « lianhuanhua » (BD chinoises de propagande), gamme chromatique restreinte où le rouge prédomine, textures évoquant la gravure, visages aux expressions exagérées. Le rythme est également soutenu du fait de la construction même de l’ouvrage.
Cette œuvre, à réserver à un public adulte, se lit d’une traite, elle passionne tout comme elle questionne sur une société et ses codes différents. - Michaël
Jacques Peuplier est un homme étrange. Solitaire, peu bavard, voire un peu rustre, il gagne sa vie en retrouvant pour le compte de particuliers tout et n’importe quoi de perdu. Il est le meilleur dans son domaine, lorsqu’il daigne accepter une affaire. Son secret : il écoute et parle à toutes les choses matérielles qui sont des témoins privilégiés. L’étrange est son domaine, pourtant lorsqu’il accepte une affaire pour la famille Monk, il est loin de se douter qu’il s’apprête à franchir un nouveau pallier dans le monde du mystère... VilleVermine est un récit singulier et captivant. A l’image de son personnage principal, il est mystérieux à souhait. Son intrigue pour le moins originale nous entraîne dans une ville curieuse ou chaque coin de rue est propice à une histoire, à une intrigue, mais loin de nous perdre, Jacques Peuplier nous guide à travers ces dédales. Julien Lambert réussit avec cet album à créer un personnage fort attachant avec son don, mais également ses faiblesses, ses blessures, le rendant inadapté à la société. Auteur « complet », il illustre avec maestria cette saga. Son style particulier, son choix de couleurs et ses cadrages sont remarquables. Ils rendent un titre très dynamique et d’une très bonne lisibilité. En seulement deux volumes vous tomberez sous le charme de cette enquête peu banale qui a décroché cette année le Fauve « Polar SNCF » d’Angoulême. - Michaël
Nous sommes en 2042. Des catastrophes naturelles ont eu lieu et les autorités sont passées à une transition écologique radicale. A travers la vie de Lisa, on découvre la vie quotidienne régie par les nouvelles technologies : drônes absolument partout qui contrôlent les moindres faits et gestes. En parallèle, le journal intime de la mère qui ne s’est jamais remise d’un amour perdu d’adolescence .Lisa cherche ce qui se cache derrière la mélancolie de sa mère qui n’a jamais su l’aimer. Ce roman d’anticipation dénonce les systèmes totalitaires et les états policiers. Ce n’est pas sans rappeler le Big brother de 1984 mais quand le roman d’Orwell est paru en 1949 c’était de la science-fiction alors qu’à la lecture de La mer monte, au ton, malgré tout humoristique, on prend conscience qu’on est déjà propulsé dans ce monde connecté
A lire absolument - Catherine
Une pancarte annonce : « Chers amis insectes, montez donc ! Une surprise vous attend en haut. » Les amis insectes se mettent alors bien volontiers à grimper sur le mur, les uns à la suite des autres... Dans cet album au format original - vertical - Tomoko Ohmura retrouve son genre de prédilection : les séries, les accumulations, les files d’attente avec un final inattendu. Après avoir abordé les thèmes des véhicules ou encore du chantier, elle s’attaque à une autre passion des petits : les insectes. Ces derniers, numérotés et organisés du plus petit au plus grand, ont tous un petit commentaire à faire dans cette file d’attente pour le moins surprenante. Les illustrations, documentées, rendent très précisément l’aspect de chaque insecte, avec justesse. Les enfants, fins observateurs, auront plaisir à regarder cet album plusieurs fois afin de capter les fourmillants détails qui le composent.
Une jolie petite princesse, tout de rose vêtue, à côté de son élégant carrosse assorti à sa tenue, est en pleine réflexion : « il est joli, mais… ».
Notre héroïne y apporterait bien quelques modifications. Un changement de couleur, du bleu par exemple, des roues plus adaptées aux chemins boueux… La fillette prend ses outils et n’hésite pas à se lancer elle-même dans les travaux. Au fil des pages nous assistons à la transformation du véhicule en un engin volant tout terrain.
Les illustrations sont drôles et bien détaillées, le texte simple convient parfaitement à la compréhension des tout·es petit·es.
Séverine Huguet nous offre un album qui balaye les stéréotypes de genre.
Qui a dit que les princesses ne savent pas bricoler ?
Dans la même collection et le même esprit vous aimerez aussi « Ma poupée » de Annelise Heurtier.