Conseils lecture
Lorsqu’il apprend qu’il part vivre chez son père, Shigeo n’est pas très enthousiaste et il y a de quoi ! Lui et son père Hanao n’ont rien en commun. Shigeo est sérieux, studieux et ne pense qu’à son avenir. Hanao quant à lui est un joyeux flemmard de 30 ans, ne travaille pas, ne vit que pour son rêve, devenir joueur de baseball professionnel. Leurs retrouvailles vont être électriques car si Hanao est heureux de retrouver son fils, celui-ci lui voue un mépris considérable. Édité en 1998, ce manga du maître Matsumoto est un vrai plaisir de lecture. Considéré dans la bibliographie de l’artiste comme une œuvre transitoire, il est d’une fraîcheur surprenante et contenterait bon nombre d’auteurs aguerris. « Le rêve de mon père » n’est pas un manga sur le baseball, mais bien un récit familial. De ce fait, il touchera un large public, même peu ou pas habitué à la bande dessinée japonaise. Il touchera également les adultes comme les enfants, un véritable tour de force de notre auteur : écrire pour tous les publics. Ce récit sur les relations père/fils est unique, il retourne les codes en inversant la logique, ici l’enfant est l’adulte et l’adulte, l’enfant. On s’amuse de cette situation et on s’attache aux personnages. Nous sommes tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre. Le dessin, le style de Taiyô Matsumoto est testostéroné comme il se doit, les personnages sont authentiques et expressifs à l’extrême. Mention spéciale au père qui surjoue les scènes, les rendant délicieuses pour nous, mais extrêmement énervantes pour Shigeo. « Le rêve de mon père » est une série japonaise, mais soulignons-le, courte. En seulement trois volumes vous vous immergerez dans cette famille atypique et regretterez qu’il n’y en ait pas plus... - Michaël
Toni n’a pas de supers pouvoirs, n’est pas plus intelligent que la moyenne et n’a pas non plus de terrible secret. C’est un jeune garçon normal qui va à l’école, a des ami·es et aime beaucoup jouer au football. Il a pourtant un petit quelque chose, trois fois rien, vraiment rien, juste une obsession... posséder les « Renato Flash », une toute nouvelle chaussure de foot avec fonction clignotant, sensée permettre de marquer plus de buts. Hélas pour lui, ce modèle est cher, très cher... « Toni » est un album jeunesse, complet en un volume, plein d’humour et de fraîcheur. Il se démarque de la production actuelle, sagas fantastiques à rallonges, et cela fait vraiment du bien. Pas de « mystérieux mystères mystérieux », non, juste la vraie vie et beaucoup de débrouillardise de la part de notre héros. Les personnages, qu’ils soient de premier plan ou simples seconds couteaux, résonnent avec justesse. Découpé en différents chapitres, le récit, un brin enjolivé, sent le vécu. Il nous rappelle forcément nos enfants ou à défaut notre jeunesse. Nous suivons Toni dans sa quête de godasses et prenons plaisir à découvrir les différents stratagèmes qu’il met en place pour gagner de l’argent, encore plus lorsqu’il le perd trop facilement. Les illustrations sont minimalistes, mais étonnamment vivantes et font penser aux illustrations de Sempé sur le « Petit Nicolas », dont « Toni » est un digne descendant. Cette bande dessinée est bon enfant, un « feel good » pour la jeunesse. - Michaël
La lutte contre la maltraitance animale est un sujet qui alimente les débats dans notre société. Aussi juste soit-elle, elle remet en cause bons nombres de croyances et/ou de pratiques plus ou moins barbares.
Alors, à raison, if faut se demander ce qu’est la maltraitance animale et où commence-t-elle ? Le débat est ouvert…
« Sandrine et Flibuste » et « Les droits des animaux en questions » sont deux titres qui abordent le sujet. L’un par des minis récits en bande dessinée où avec humour et cynisme, l’autrice aborde des thèmes explosifs comme l’élevage intensif, le broyage à vif ou encore la chasse à courre. Elle interroge en cela le rapport de domination de l'humain sur l'animal.
L’autre titre a une approche plus scientifique et juridique. Il va nous conter l’histoire de l’humanité et son rapport avec ce monde animal dont elle oublie souvent qu'elle en est. Il va s’attarder également sur le cadre juridique, l’animal est-il une chose, un meuble ? Les avancées de ces dernières années en matière de droit et le chemin qu’il reste encore à parcourir pour offrir à l’ensemble du vivant la vie qu’il mérite.
Gandhi a dit : « On peut juger de la grandeur d'une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux. »… Alors où en est-on ?
David est un metteur en scène de théâtre dans le creux de la vague. Pour la énième fois, la pièce qu’il devait monter, La Tempête de Shakespeare, ne se fera pas. Un imprévu de la vie quotidienne, va lui éviter de sombrer encore plus dans sa tourmente. La halte-garderie est en grève et il doit garder Miranda, sa fille de deux ans. Pour occuper l’enfant, le père de famille, décide de lui jouer et expliquer sa pièce.
Dès la première scène, on est embarqué dans le récit. Pour capter l'attention de la fillette, le comédien incarne avec passion les personnages et les situations. Il y met du rythme, de la gestuelle, de la voix, de la surprise et de l'émotion.
La complicité entre David et Miranda est totale. L’enfant participe au jeu. Poupées, ours en peluche, figurines, dessins deviennent acteurs ou décors.
La tempête n’est pas que dans le texte, elle est également dans les pensées du père et comme pour intensifier l’atmosphère, dehors l’orage gronde.
Grâce à ces parallèles entre fiction et réalité, l'auteur explore les thématiques de la paternité, des relations parents/enfants, de la famille.
C’est aussi une réflexion sur la place de l’art et des artistes dans notre société. Être intermitent·es du spectacle est-il un vrai métier ? Comment se sentir utile quand nombre de personnes pensent que les professions artistiques ne sont que du loisir ?
« Ma tempête » est une véritable ode au théâtre ! Un roman audacieux en se permettant de puiser dans l’œuvre Shakespearienne. Le livre est court, l’écriture fluide, pas besoin d’être érudit·e pour apprécier cette lecture.
Une réussite.
Nana est une petite chienne toute gentille, toute mignonne, mais son maitre lui, est violent et maltraitant.
Un jour, aidée par l’esprit des louves, elle s’évade pour gagner la forêt et ainsi renouer avec ses lointaines origines…
Sous des airs de bande dessinée d’aventure, « la petite chienne et la louve », est avant tout un titre qui traite de la maltraitance animale. De cette violence, cette colère que certains hommes possèdent en eux et qu’ils expulsent sur plus faibles, plus fragiles. Attention, ce titre n’est pas violent, ni choquant, nous sommes bien sur un récit destiné à la jeunesse et dessiné de la sorte. Par la suite l’histoire se concentre sur la quête de liberté ou tout simplement de bonheur que recherche Nana. D’ailleurs, les enfants vont l’adorer, cette petite chienne est vraiment attachante. Le dessin de Marine Blandin y est pour beaucoup : expressif, Tantôt grave, tantôt rigolo.
Cette petite chienne va vivre un formidable voyage, se perdre, mais peut-être ainsi, se retrouver…
N’attendez pas plus longtemps, venez de toute urgence adopter la belle Nana 😊
Lire du Renaud Dillies c’est pénétrer un monde onirique et poétique. C’est faire la rencontre de personnages torturés, romantiques et bien souvent musiciens. Loupne déroge pas à cette règle, mais n’en est pas moins un récit original. Nous sommes transportés, baladés par le récit, doux et romanesque. Le personnage principal est torturé par sa mémoire et nous l’accompagnons dans son aventure jusqu’au dénouement. Les illustrations sont également au diapason de l’œuvre,bien souvent épurées, confinées dans un gaufrier de six images par age et cadrées en plan moyen, elles permettent de donner un rythme lent, lancinant et mélancolique. Renaud Dillies nous livre une nouvelle fois un récit riche et touchant, pour les grands romantiques.
Paul est fatigué de toujours se faire gronder par sa maman. Alors pour en finir avec cela, il décide de partir vivre seul dans une autre maison. Très vite la solitude et l’ennuie se pointent, aussi, lorsqu’un chat s’invite chez lui, Paul ne refuse pas de l’héberger, ni même pour le chien, encore moins pour le cochon et que dire à tous ceux qui arrivent… Les éditions Cambourakis nous proposent un charmant et amusant album suédois. L’autrice Barbro Lindgren écrit une histoire qui prend essence dans le quotidien et en fait un récit extraordinaire. Quel est l’enfant qui n’a pas rêvé un jour d’habiter seul sans avoir ses parents sur le dos ? L’autrice, maligne, ne donne pas pour autant victoire à ce garnement, mais conclut à merveille son texte par une mignonnette pirouette. Les illustrations d’Emma AdBage sont atypiques, son esthétisme va en faire hurler plus d’un car ici point de perspectives ou de décors majestueux, non, juste le principal et des personnages avec des « gueules », des tronches qui feront rire par leurs attitudes et leurs postures. Une vraie leçon de dessin, à l’apparence faussement enfantine et à la mise en scène irréprochable. Petit conseil, lorsque vous sentez la moutarde vous monter au nez et que vos enfants en ont assez de vous, venez passer un peu de temps à la médiathèque : il y a de beaux albums à lire ensemble, et les colères se transformeront en câlins (garantie à 75%). - Michaël
Jouer, aimer, câliner, grandir en découvrant le monde qui nous entoure est le quotidien des petit·es.
Cet album retrace toutes ces premières fois, ces moments de bonheurs simples partagés entre le bébé et ses proches. Sous forme d’imagier, chaque double page met en parallèle deux situations qui se répondent. D’un côté chez les animaux, de l’autre chez les humain·es. Le premier bain, le parfum d’une fleur, une balade…
Les illustrations sont très douces, avec une impression de relief et de brillance. Le texte simple et fluide accompagne subtilement l’ensemble. Le format cartonné s’adapte parfaitement aux manipulations des jeunes lecteur·ices.
C’est un très bel objet livre, attendrissant, touchant qui nous rappelle l’émerveillement des premières découvertes et émotions.
Angus est un chat aventurier. Il gagne sa vie en ratatinant des monstres et en réalisant des enquêtes pour les particuliers. Renfrogné, il mène une existence de solitaire jusqu'au jour où la fille de son ancien maître fait irruption dans sa vie. Afin de régler une ancienne dette, il devra faire de Liya une aventurière et lui enseigner tous les secrets du métier. Tâche qui s'annonce des plus délicates car l'apprentissage se fait sur le terrain et la nouvelle enquête qui se profile semble des plus périlleuses pour une novice...
Une série d'aventures débridées où la fantaisie est omniprésente et où les personnages sont attachants. Les seconds couteaux apportent un plus au récit et permettent ainsi des séquences pleines d'humour. Un très bon titre jeunesse qui s'adresse aux garçons comme aux filles. - Michaël
Toutes les terres ont disparu, ne reste désormais plus que le « Grand Océan ». Les rares survivants ont dû s’adapter et ne vivent dorénavant que sur de piteuses embarcations. La vie est bien difficile, rares sont les moments de réel bonheur entre l’angoisse d’une prochaine tempête et surtout l’attaque de monstres marins. Perdus au milieu de ce monde d’eau, un père et un fils survivent tant bien que mal en espérant des jours meilleurs... Il y a dans ce récit d’aventures un peu de Jules Verne, un peu d’Herman Melville, mais aussi beaucoup de mythologie. Fabien Grolleau réussit donc ce délicat mélange en nous offrant une histoire pleine de subtilité et de sensibilité. Il enchaîne moments intimes et scènes d’actions, rendant ainsi la lecture captivante. Il dévoile peu à peu le mystère de cette tragédie en y associant le destin de différents personnages, parfois épique, tantôt tragique, tantôt plein d’espoir. « Grand Océan » peut être considéré comme une fable humaniste et écologique. Cette œuvre est illustrée à l’encre noire par Thomas Brochard-Castex qui use de la technique de « l’éclosion », dite également de « la hachure » - ensemble de lignes droites ou courbes, pour produire des nuances de demi-teinte - donnant ainsi des effets de relief dans ses dessins. Ses illustrations d’animaux sont simplement remarquables, pleines de finesse et d’épaisseur à la fois. Elles dénotent sur les corps et visages des personnages humains, plus fades, voir naïfs. L’ensemble est parfaitement maîtrisé et en osmose avec le texte. « Grand Océan » est un album puissant qui vous fera chavirer ! - Michaël
et si on en parlait en BD
Le droit à la fin de vie
Depuis de nombreuses années déjà, les débats autour du droit à l'euthanasie et au suicide assisté sont présents dans notre société, mais ces pratiques restent illégales en France.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite loi « Léonetti ») affirme, sous certaines conditions, un droit au « laisser mourir » sans souffrance évitable et dans le respect de la dignité du patient. Cependant, pour beaucoup, cela ne suffit pas et iels souhaitent une nouvelle loi légalisant 'l'aide active à mourir'. Le débat reste donc ouvert...
Nous vous proposons de découvrir trois bandes dessinées ayant pour sujet le droit à la fin de vie choisie. Elles donnent matière à penser par leurs récits fictifs ou inspirés de faits réels, à comprendre ce sujet de grande importance. Des récits tendres, émouvants, et paradoxalement emplis d'espoir comme jamais.
En toute conscience
de Livio Bernado et Olivier Peyon
éd. Delcourt
La dame blanche
De Quentin Zuttion
éd. Le Lombard
Mes mauvaises filles
De Zelba
éd. Futuropolis
Conseils lecture
Une bande dessinée sur Gérard Depardieu ? Quelle drôle d'idée ! Bon d'accord, c'est l'un de nos monstres sacrés du 7e art, mais ici on est dans le 9e... Qui cela va-t-il intéresser ? Cela va-t-il m'intéresser ? Autrement dit, je partais à la lecture de cet ouvrage sans grand enthousiasme et avec beaucoup d'a priori.
Une page, deux pages, trois... et voilà : hapé par le récit, l'écriture, la mise en scène et bien sûr, la vie incroyable de ce bonhomme. Car de Gérard Depardieu je ne connais que quelques films ou frasques avec Poutine, pas plus. Ici Mathieu Sapin nous dévoile sans tricherie ni pudeur un morceau de la vie de "Gérard". Alors, on peut aimer ou détester le personnage, il n'en reste pas moins un formidable bon vivant à la philosophie unique et qui rend cet album passionnant. - Michaël
Il y a des formes : carrée, ronde… Il y a des couleurs : grise, rouge… Mais surtout il y a des animaux cachés, à découvrir au fur et à mesure de la lecture ! Richard Marnier et Aude Maurel nous proposent un merveilleux album au contenu classique, mais à l’approche somme toute originale. L’enfant, accompagné de l’adulte, découvre page après page différentes formes géométriques. Il apprend également à différencier les couleurs car ces structures sont toutes pleines d’un aplat de couleur distinct. Ce n’est pas tout, l’ensemble de l’œuvre est structurée par un fil conducteur qui nous pousse à feuilleter l’album jusqu’à sa fin. Les animaux sont ce lien, cachés dans un premier temps, ils se découvrent pour nous entraîner sur une autre scène, une autre forme, une autre couleur… Graphiquement très épuré, des formes de couleur sur fond blanc, les illustrations en vectoriel sont très efficaces pour permettre à l’enfant de concentrer son regard et ainsi obtenir une meilleure mémorisation. Une certaine magie, voire poésie, se dégage de ce livre ; la chute laisse libre cours à l’imagination et nous entraîne dans un récit « spirale ». - Michaël
Le rêve d’Hino est d’être admis dans l’un des nombreux clubs de sport de son lycée. N’importe lequel, du moment qu’il est considéré par les autres et surtout les filles, comme un sportif. Car oui, c’est bien connu, les filles aiment et sortent avec les sportifs (!). C’est bien ce qu’Hino désire le plus au monde : avoir une petite amie. Le seul problème, c’est que notre énergumène n’est pas très sportif, un peu maladroit et quelque peu glandeur : il est très rapidement viré de toutes les activités auquel il participe. Sa rencontre accidentelle avec la belle Ayako va le contraindre à s’essayer à une discipline encore inconnue pour lui : le rugby... "Full Drum" est un manga de type shônen, plus particulièrement destiné aux jeunes garçons, selon la nomenclature japonaise, mais n’ayez crainte il peut être lu par tous les publics ! De construction plutôt classique, le récit est dynamique et humoristique. Nous suivons Hino dans sa quête d’amour maladroite, mais ô combien jouissive. Notre personnage est animé d’un bel idéal, car ici rien de graveleux, simplement de nobles sentiments. Véritable comédie sentimentale, le récit laisse tout de même une place importante à l’action et au sport, en particulier au rugby qui devient le sujet principal de l’œuvre. Petit à petit, nous découvrons ce sport et nous familiarisons, sans que cela soit trop technique, au vocabulaire de la discipline. "Full Drum" est sans prétention, il parvient à nous faire passer un agréable moment de lecture grâce à son personnage attachant. On y y trouve un peu de tous les ingrédients pour séduire un large public et cerise sur le gâteau, ce manga sur le sport est, faut-il le signaler, complet en 5 volumes et traite d’un sport peu exploité en bande dessinée. Pour les amoureux de l’ovalie et bien plus encore. - Michaël
La bande dessinée jeunesse est souvent, à tort, considérée comme de la sous-culture, de la non littérature. Cela est peut-être dû aux nombreuses séries humoristiques que nous proposent les éditeurs et surtout aux nombreux clichés qui sont encore hélas de nos jours toujours véhiculés par des incultes à propos de la BD. Pourtant si l’on prend la peine de regarder ces titres jeunesses, il y a certes les séries humoristiques, mais également des titres plus intimes, parlant de sujets sociétals, médicals, historiques... Rescapé de la Shoah est un de ces titres, au sujet grave et douloureux. Bien sûr certains parents ne souhaiteront pas que leurs enfants lisent un tel livre, ce serait bien dommage. Car pour appréhender le monde, ne faut-il pas le connaître ? Pour lutter contre les préjugés, ne faut-il pas éduquer ? Zane Whittingham et Ryan Jones l’ont bien compris et nous proposent un titre d’une forte émotion. Ces témoignages d’adultes, qui enfants ont échappé à la Shoah, sont bouleversant. La technique narrative et graphique est sans faille et restitue parfaitement le drame qui s’est joué durant ces années de honte. Un livre à lire, à faire lire pour prendre ensuite le temps d’échanger. - Michaël
Toutes les terres ont disparu, ne reste désormais plus que le « Grand Océan ». Les rares survivants ont dû s’adapter et ne vivent dorénavant que sur de piteuses embarcations. La vie est bien difficile, rares sont les moments de réel bonheur entre l’angoisse d’une prochaine tempête et surtout l’attaque de monstres marins. Perdus au milieu de ce monde d’eau, un père et un fils survivent tant bien que mal en espérant des jours meilleurs... Il y a dans ce récit d’aventures un peu de Jules Verne, un peu d’Herman Melville, mais aussi beaucoup de mythologie. Fabien Grolleau réussit donc ce délicat mélange en nous offrant une histoire pleine de subtilité et de sensibilité. Il enchaîne moments intimes et scènes d’actions, rendant ainsi la lecture captivante. Il dévoile peu à peu le mystère de cette tragédie en y associant le destin de différents personnages, parfois épique, tantôt tragique, tantôt plein d’espoir. « Grand Océan » peut être considéré comme une fable humaniste et écologique. Cette œuvre est illustrée à l’encre noire par Thomas Brochard-Castex qui use de la technique de « l’éclosion », dite également de « la hachure » - ensemble de lignes droites ou courbes, pour produire des nuances de demi-teinte - donnant ainsi des effets de relief dans ses dessins. Ses illustrations d’animaux sont simplement remarquables, pleines de finesse et d’épaisseur à la fois. Elles dénotent sur les corps et visages des personnages humains, plus fades, voir naïfs. L’ensemble est parfaitement maîtrisé et en osmose avec le texte. « Grand Océan » est un album puissant qui vous fera chavirer ! - Michaël
Sandy est une jeune écolière un peu rêveuse. Sa passion, c’est le dessin et elle est plutôt très douée. Elle dessine tellement bien que l’on dirait que ses personnages sont vivants. Seule, elle arrive à créer tout un univers enchanteur. Hélas, ce monde aux merveilles va basculer dans l’horreur avec l’arrivée d’une nouvelle élève quelque peu étrange. Ce don pour le dessin ne sera plus une bénédiction, mais un fardeau, une malédiction... Petite pépite colombienne, Des lumières dans la nuit est destiné à la jeunesse, mais loin d’être simpliste ou édulcoré, le récit est dense et inquiétant comme il se doit. L’histoire nous plonge dans un univers onirique original. Il nous tient en haleine sans dévoiler, à aucun moment, une piste ou quelques indices sur la conclusion de l’œuvre. Alors impuissant, nous ne pouvons que ressentir cette crainte qui grandit et habite notre héroïne. Sans projection, nous ne pouvons plus que nous délecter des magnifiques illustrations de Lorena Alvarez qui manie avec brio les arts subtils que sont la mise en scène, le cadrage, le découpage et la colorisation. Sombre et efficace, ce récit s’adresse aux enfants en recherche de frissons, mais pas trop quand même... Michaël
On aborde ce récit par la découverte en plein terrain vague d'une épave de voiture dans laquelle reposent les cadavres d'un homme et de son chien. L'histoire qui s'achève si tristement nous est alors contée à travers le regard de ce chien, arrivé bébé au sein d'une famille heureuse, proche de son maître, unique personne à s'occuper réellement de lui, et content de partir avec cet homme pour un périple en voiture. Ce voyage, le dernier, est ponctué de rencontres, d'accidents, de joies simples et de douleurs brutes.
Outre l'histoire d'amour universelle qui peut lier un homme à son chien, c'est la mort de la société traditionnelle japonaise qui nous est ici contée : une société dans laquelle l'individualisme remplace petit à petit la force des liens familiaux, où le travail de toute une vie n'a plus de valeur et pour laquelle la maladie est devenue motif d'exclusion ; cette société (qui est aussi la nôtre) au cœur de laquelle un homme peut mourir seul, sans aide, sans soins et pour finir sans identité, mais entouré et rassuré par l'amour et la fidélité indéfectibles (par-delà la mort même) de son chien. - Michaël
Rose est un garçon doux et attentionné. Il a été élevé parmi les danseuses du cabaret « Le jardin » dont la propriétaire n’est autre que sa mère. Il est le chouchou de ces dames, leur petit bourgeon. Il aime porter de belles robes et par dessus tout, il aime la danse et se produire sur scène. Rose est beau et talentueux et ne va pas tarder à attirer le tout Paris... « Le jardin » est une œuvre à l’image de son personnage, douce et positive. Il en émane une sensation de bien-être indescriptible, sans nul doute véhiculée par des personnages tous et toutes bienveillant·es. L’histoire est simplement belle, ne verse jamais dans le mélodrame, bien au contraire. A l’opposé de nombreux titres, elle ne s’intéresse qu’à la meilleure version de l’humanité. Pas besoin de drame pour faire un récit fort et poignant, « Le jardin » nous le prouve de la plus belle des manières. Rose est un personnage transgenre dont la bonté et l’innocence rendent le monde meilleur. L’autrice, Gaëlle Geniller, n’explore pas l’intimité de son jeune héros, elle n’entre pas dans ce jeu d’où naissent inéluctablement les clichés. Chacun·e conclura comme elle/il le souhaite ce récit. Les illustrations, proches d’un film d’animation, sont magnifiques, pleines de détails et d’éléments directement sortis des années 20. Les couleurs, aux contrastes éclatants, rayonnent et mettent en lumière le trait fin et délicat de l’autrice. « Le jardin » s’adresse à un large public et va rapidement trouver sa place dans le cœur de chacun·e. - Michaël
Aujourd’hui, la médecine est une science au service du vivant, mais avant d’être guérisseuse, elle était néfaste. Aux États-Unis, au 19ème siècle, elle était appelée la médecine « héroïque » parce qu’il fallait beaucoup de courage pour supporter les traitements de l’époque, souvent bien pires que les maladies ou les accidents eux-mêmes : saignées, purges au calomel (considéré de nos jours comme du poison), morphine... Stéphane Piatzszek et Benoît Blary nous embarquent dans un voyage à travers le temps en pleine guerre de Sécession durant laquelle un homme, le médecin Andrew Taylor Still, las des morts qui l’entourent, décide de tourner le dos à cette médecine traditionnelle qui ne sauve pas et surtout n’évolue pas. Il va, par différentes rencontres et en étudiant inlassablement l’anatomie humaine, mettre au point une pratique de manipulation du corps permettant le rétablissement des flux internes et des postures. Il crée ce qu’il appellera plus tard l’ostéopathie. Le récit, souffrant peut-être d’un manque de rythme, est néanmoins riche d’informations. Nous apprenons beaucoup sur l’époque, la dureté de la vie et de ces médecins souvent plus charlatans que compétents. L’humanité est également mise à mal dans ce titre où ignorance et intolérance sont des maux bien difficiles à éradiquer et constituent malheureusement un socle à notre condition. Fort heureusement, il y aura toujours des femmes et des hommes pour faire avancer, progresser la société, mais à quel prix... Une bande dessinée documentaire dense et instructive à mettre entre toutes les mains. - Michaël
Raowl pourrait être un prince charmant, si ce n'est que sa véritable nature est d'être la Bête. Un peu comme dans le conte de Perrault, lui, ce qu'il souhaite avant tout, c'est d'être aimé par une princesse. Mais comment en trouver une ? Facile car c'est bien connu, il y a toujours quelque part une princesse dans la panade... « Raowl » est la nouvelle série humoristique de Tebo et une fois encore, cet auteur à l'humour corrosif frappe fort. Nous retrouvons tous les ingrédients déjantés et délirants de son univers : une succession de gags et de situations burlesques qui s'enchaînent à un rythme effréné, le tout au service d'une histoire originale se jouant des contes de notre enfance. Jeux de mots, situations burlesques font bon ménage et leur message est magnifié par les illustrations de Tebo. Son style, cartooniste, insuffle une énergie folle à nos héros par des gestuelles et des visages souvent distordus, mais désopilants. Il se permet également de très belles doubles-pages d'action, laissant ainsi parler tout son talent d'illustrateur. Une autre force de ce récit est qu'il n'y a point de sexisme : l'autre personnage principal est la Belle, qui comme son compère n’est pas la dernière pour en découdre. Tebo réussit une entrée fracassante dans le catalogue Dupuis, éditeur habitué à des titres jeunesse plus « gentils », mais soucieux de diversification et gage de qualité. - Michaël
La narratrice, jeune femme anglaise, est un modèle de réussite. Issue d’un milieu social modeste, elle a fait de remarquables études et occupe aujourd’hui un poste à responsabilité dans une grande banque de la City. A trente ans elle est propriétaire de son appartement et possède un capital financier conséquent. Son compagnon, héritier d’une longue lignée de politiciens, marche déjà dans les pas de ses aïeux. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes à un détail près, elle est noire et malgré une intégration parfaite, le poids du jugement des autres l’écrase. Elle ne supporte plus d’obéir à ces lois, à ce modèle de société établi par les blancs, où on l’enferme.
Natasha Brown nous livre ici un texte exigeant et précis, où elle dissèque à la fois les états d’âme de son héroïne et la société britannique. Un parcours intime qui nous plonge à l’intérieur de ce personnage particulièrement clairvoyant, qui décortique avec une grande intelligence les mécanismes de l’aliénation des personnes de couleurs par le système protestant, anglo-saxon et blanc. Un récit incisif mené à la pointe du scalpel, une bataille féroce pour échapper au déterminisme, qui va bien au-delà de la condition sociale de ses parents.
Le lieutenant Yamada n’est plus vraiment l’homme qu’il était. Après la mort accidentelle de sa fille et le départ de sa femme, il est devenu un personnage bien terne, mais comment lui en vouloir ?! Après une descente dans une maison close maquillée en salon de massage, il rencontre Shiori, une lycéenne fugueuse qui lui rappelle sa propre fille. Cette rencontre va le bouleverser et il n’aura de cesse dès lors de venir en aide à cette jeune désemparée... Keigo Shinzo, par le biais de la fiction, nous dépeint un pan peu reluisant de la société japonaise : celui de la prostitution estudiantine. Ces jeunes filles, fugueuses et/ou sans un sou, pour survivre ou continuer leurs études, sont abusées par des hommes peu scrupuleux. Problème social alarmant, le « JK business » (JK pour Joshi Kosei qui se traduit par lycéennes japonaises) attire malheureusement beaucoup de filles qui, dans l’idée de se faire beaucoup d’argent en peu de temps, tombent rapidement dans la prostitution, aux griffes de la mafia et mettent leur vie en danger. L’auteur alimente également le récit par un autre élément dramatique, celui du deuil et de l’absence. Chaque personnage incarne une forme de désespoir, d’appel au secours, qui, s’il est crié par l’un·e est entendu·e par l’autre. On ne tombe pas dans le misérabilisme, certainement pas, mais plutôt dans une forme d’espoir en la nature humaine. Car, ce qui ressort le plus, à la lecture de cette bande dessinée, c’est avant tout la bonté et l’amour. Les illustrations, en noir et blanc, sont classiques, mais l’auteur nous gratifie par moment de gros plans extrêmement expressifs des visages de nos personnages, changeant ainsi le rythme de l’histoire et accentuant aussi son aspect dramatique. « Mauvaise herbe » est un titre sociétal à l’aspect rude, mais profondément humain. - Michaël
Eunice Kathleen Waymon vint au monde le 21 février 1933, dans la petite ville de Tryon, en Caroline du Nord. Elle apprend à chanter avant de savoir marcher et à jouer du piano sur les genoux de son père. En grandissant elle se rend compte que son talent ne suffit pas. Sa couleur de peau lui ferme plusieurs portes, mais la jeune fille ne renonce pas. Eunyce se fait engager dans des bars comme pianiste, puis chanteuse. Elle trouve sa voix, se découvre un style original, mêlant musique classique et sacrée à des tubes du moment auxquels elle ajoute son timbre brut et parfois triste.
Traci N. Todd nous immerge dans l’histoire incroyable de Nina Simone, talentueuse chanteuse de jazz et ambassadrice de la lutte contre le racisme. L’écriture simple et fluide s’adapte bien aux jeunes lecteur·rices .
Christian Robinson illustre merveilleusement cet album en utilisant peinture et collages.
A la fin, on trouve un petit dossier complémentaire sur la vie de l’icône.
Un livre magnifique et puissant pour faire découvrir aux enfants la lutte contre le racisme à travers le destin d’une des plus grandes voix du jazz. Cet ouvrage ravira également les plus grand·es. Il ne manque plus à ce petit bijou, que le son, car il n’est jamais trop tôt, ni trop tard pour écouter ou réécouter Nina Simone.
Kaoru Fukazawa est mangaka. Il vient de terminer sa série à succès « Sayonara sunset ». Quinze tomes publiés à un rythme effréné qui l’a épuisé. Malgré les félicitations sur son travail, on lui demande déjà de penser à son prochain titre. Pourtant, ces années à vivre de son rêve ont laissé en lui un goût amer et petit à petit ont aspiré son inspiration. Le temps de la remise en cause est arrivé. Que veut-il vraiment ? Quelle vie doit-il choisir ? A lui de le découvrir… En quelques pages, Inio Asano, nous livre un récit poignant, un récit subtil sur la psychologie humaine. Il se questionne sur le bien-être, sur le bonheur et où le trouver. Il recherche l’épanouissement personnel à travers la vie professionnelle et/ou personnelle. Il interroge également sur les personnes qui vivent leur rêve à fond et délaissent par conséquent leur entourage. Enfin il parle de création, d’inspiration et des leviers pour la raviver. Attention, pas de prise de tête dans ce récit. Non, nous suivons les états d’âmes de Kaoru Fukazawa avec passion, nous nous invitons dans ses pensées, partageons parfois les mêmes car son histoire est universelle et nous touche tous. C’est brillant de justesse, le récit vous trottera dans la tête un petit moment, mais n’est-ce pas l’apanage des meilleurs œuvres littéraires ? L’illustration est également un pur plaisir, notre héros transpire la mélancolie. Chaque personnage, chaque attitude est parfaitement réalisé et renforce le récit. Les illustrations sont en noir en blanc, mais à la différence de nombreux titres japonais, rehaussées de lavis très réussis qui donnent de l’épaisseur aux crayonnés. Un des plus beaux titres de cette année pour un seinen (bande dessinée japonaise pour adulte) complet en un volume. - Michaël