Conseils lecture
Souvent on me demande si nous avons des « romans graphiques », ce à quoi je réponds systématiquement : « De la bande dessinée, mais bien sûr ! ». Vous l'aurez compris, pour moi ce terme est souvent inapproprié et est surtout employé pour se détacher du terme générique « bande dessinée » qui véhicule malheureusement encore aujourd'hui de nombreux clichés. Mais il arrive parfois qu'entre nos mains nous détenions un livre hybride, doté d'un délicat mélange de textes et d'illustrations, imbriqués les uns aux autres et ne pouvant exister l'un sans l'autre. « Radioactive » fait partie de ces livres qui sont le parfait exemple de ce qu'est le vrai « Roman graphique ». Son esthétisme, son partie pris graphique, composé de peintures, de photographies et de cyanotypes en fait une oeuvre éblouissante et inspirante. Son propos, une biographie de Marie et Pierre Curie, est passionnant. Nous suivons ce couple hors du commun, de leur rencontre jusqu'à leur mort. Nous réalisons la grandeur de leurs travaux, de leurs découvertes et comprenons pourquoi encore aujourd'hui, ils sont admirés dans le monde entier. Certes par moment, le texte peut paraître technique, scientifique, mais il reste tout de même abordable. Le fil conducteur de l'oeuvre est de mettre en parallèle deux forces invisibles, la radioactivité et l'amour, cela fonctionne plutôt bien, même si scientifiquement parlant, elles ne sont pas comparables. « Radioactive » est une oeuvre rare, exigeante et profondément humaine qui a été le premier roman graphique sélectionné dans la catégorie non-fiction du National Book Award.
Une petite fille s’apprête à toucher un papillon posé sur une fleur, mais l’auteur la prévient : elle risque de déclencher des catastrophes en séries ! on appelle ça l’effet papillon… Cet album très rythmé et plein de situations rocambolesques explique aux enfants comment un simple battement d’ailes de papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout de la planète. Si cette notion peut leur paraître floue, ils s’amuseront néanmoins de l’enchainement des circonstances, amenées avec humour. Les illustrations sont joyeuses et colorées, contrebalançant efficacement les situations catastrophiques qui s’enchainent avec fatalisme sur nos pauvres animaux (très expressifs). Le genre du conte de randonnée est exploité avec brio par Philippe Jalbert, qui clôt cet album avec une chute délicieuse. A déguster de toute urgence !
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite !
Julian voyage dans le métro avec sa Mamita quand soudain il voit passer trois magnifiques femmes habillées en sirène. Admiratif, il rêve alors lui aussi d’en devenir une. Arrivé chez sa Mamita, il entreprend de se confectionner un magnifique costume avec les rideaux et plantes d’intérieur, et Mamita le surprends ! Que va-t-elle penser de lui ? Elle pense qu’il est temps de l’amener à la grande parade des sirènes. Jessica Love nous offre un magnifique récit ancré dans la modernité et dans les questionnements actuels de la société. Julian, un petit garçon, qui rêve de s’habiller en sirène ? et pas d’adultes pour lui dire qu’il n’a pas le droit de le faire ? cela fait du bien ! Le message d’amour et de tolérance de la Mamita pour son petit-fils est touchant de tendresse. Les illustrations prennent vie sous nos yeux. Les postures et gestes des personnages sont magnifiquement illustrées et la vie d’un quartier afro-américain mis en scène avec humour, fourmillant de petits détails. Entre ces scènes de la vie quotidienne se glissent des pages plus oniriques, ou Julian donne libre cours à son imagination du monde aquatique. Cet album est un régal tant dans la justesse du récit que dans le thème abordé ; les illustrations elles, nous vont droit au cœur. Il est assurément, l’un de mes plus grands coups de cœur de cette année 2020.
Un ourson explore son univers et ses sens à quatre pattes : les herbes qui chatouillent, les graviers qui piquent, la flaque d’eau qui mouille…
Au fur et à mesure de son parcours, l’ourson s’aventure presque jusqu’au bout du monde : mais est-il si loin que ça ? Le retour va se faire sur deux jambes pour retrouver des bras réconfortants. A travers cet album, Gaëtan Dorémus nous livre une belle histoire sur l’apprentissage de la marche chez les jeunes enfants, avec toutes les découvertes et les appréhensions que cela entraîne. Les illustrations et les couleurs sont surprenantes car elles se démarquent de ce qu’on a l’habitude de voir dans un album pour les plus petits. Dans un environnement coloré, le petit ourson est superbement croqué dans ses attitudes tantôt pataudes, tantôt enjouées, tantôt déséquilibrées au gré de ses pérégrinations.
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Un album original et fort, qui aborde avec douceur ce moment charnière dans la vie des tout-petits.
Il était une fois Lou, jeune homme gringalet, parti en quête de la princesse Ronces. Après une première rencontre pleine de promesses, les deux jeunes gens s’étaient engagés à se retrouver, mais l’hiver et la forêt ont effacé toute trace de la princesse. Ronces connaît parfaitement les bois et ses habitants, parmi lesquels elle a grandi et règne. Aussi, pour retrouver sa dulcinée, Lou s’adjoint l’aide de la fée Margot. Cette dernière lui conte l’histoire de la princesse, convoitée par son père, le roi Lucane, et forcée à se cacher pour lui échapper. Vous aurez reconnu dans cette dernière phrase la trame de « Peau d’âne ». Et pourtant, c’est du côté de Grimm (et non de Perrault) que Stéphane Fert a puisé son inspiration : la princesse est futée, indépendante, forte, et se débrouille (elle) sans l’aide d’une fée… L’auteur livre ici sa version, féministe et terriblement sensuelle, du conte de notre enfance. Des touches d’humour bienvenues allègent cette histoire cruelle, enrichie et ponctuée de nombreux rebondissements. Pour la première fois à la plume et au dessin, Stéphane Fert déploie dans « Peau de mille bêtes » tout son talent. Il met à profit cette double casquette et creuse le récit aussi par ses choix graphiques et chromatiques. L’art qu’il déploie dans ses cases, magnifiques et inventives, illumine cette histoire déjà maintes fois racontée et ici brillamment réinterprétée. Bref, un gros coup de cœur pour cette petite merveille de bande dessinée ! Ados, adultes, retombez en enfance et succombez pour votre plus grand plaisir de lecture, au talent de conteur de Stéphane Fert. - Michaël
La Justice League, la célèbre équipe de super-héroïnes et de super-héros, a beaucoup de travail pour sauver le monde de terribles menaces. Cependant, par moment, ses membres trouvent un peu de temps pour regarder leurs mails et répondre à leurs nombreux admirateur·rices... « Chère Justice League » est un récit jeunesse de « super·es », cependant il n'est en rien comparable avec ce qui se fait habituellement. Oh bien sûr, il va être question d'une menace sur notre planète, d'une bataille pour notre civilisation, mais cette intrigue est relayée au deuxième, voire troisième plan. Le plus important pour nos personnages est de répondre aux questions des fans et surtout, de répondre sincèrement : Superman fait-il des erreurs ? A force de vivre sous l'eau, Aquaman sent-il le poisson ? Et bien d'autres questions et réponses à découvrir ! Ce titre humoristique ravira petit·es et grand·es lecteur·rices, car aussi drôle que soient les réponses, c'est surtout la façon de les amener qui l'est encore plus. Bien sûr, les illustrations jouent également un rôle majeur dans le rendu général. Wonder Woman, Batman et compagnie sont croqué·es avec un style « cartoon », les visages et les postures, sont légèrement exagéré·es pour donner un effet des plus caustiques. « Chère Justice League » est un titre à part dans ce genre états-uniens, léger et rafraîchissant, il ne procure que du bien-être. - Michaël
Depuis des dizaines d’années, le littoral breton est envahi d’étranges algues vertes. Ici et là, elles apparaissent, transformant d’innocentes promenades bucoliques en un combat de vie ou de mort. Ces algues, en se décomposant, diffusent de l’hydrogène sulfuré dont l’odeur d’œuf pourri est incommodante, mais pire que la gène olfactive, c’est un véritable poison pour toute créature l’inhalant. Depuis les années 80, elles font des victimes. Des femmes et des hommes ont alerté les autorités compétentes, mais - et c’est peut-être cela le véritable drame -, ils se heurtent à l’appareil d’État, bien désireux d’étouffer l’affaire et de protéger certains intérêts... Si cela avait été une fiction, nous serions devant un récit captivant et nous nous dirions, non ce n’est pas possible, c’est trop gros, pas en France... Malheureusement, tout est vrai. Cette enquête détaillée, minutieuse, nous plonge dans la honte, la colère et l’écœurement. Inès Léraud, journaliste et autrice de ce documentaire, nous dévoile les rouages d’un système gangréné par les connivences entre le monde politique et le monde industriel (ici agroalimentaire). L’un et l’autre se protégeant, l’un pour le pouvoir, l’autre pour le profit. Les questions environnementales et/ou de santé public sont balayées, relayées au second plan alors qu’elles devraient être la base de toutes les constructions, évolutions de la société. « Algues vertes » revient également sur l’histoire du monde agricole, qui a connu une transformation radicale après la Seconde Guerre mondiale. Le récit n’incrimine donc pas les agriculteurs et/ou éleveurs, qui sont également victimes d’un système qui les emprisonnent, les broient et dont nous, consommateurs, sommes complices. « La revue dessinée » réalise un travail remarquable de vulgarisation et d’information. Ces initiatives doivent être encouragées afin d’éveiller et d’éduquer à l’analyse et à la critique un public noyé dans l’information commerciale d’internet et des chaînes de télévision. Si nous souhaitons une société plus juste, éveiller les consciences comme le fait cette revue et son petit frère « Topo » est un enjeux majeur pour notre futur. - Michaël
Le rêve d’Hino est d’être admis dans l’un des nombreux clubs de sport de son lycée. N’importe lequel, du moment qu’il est considéré par les autres et surtout les filles, comme un sportif. Car oui, c’est bien connu, les filles aiment et sortent avec les sportifs (!). C’est bien ce qu’Hino désire le plus au monde : avoir une petite amie. Le seul problème, c’est que notre énergumène n’est pas très sportif, un peu maladroit et quelque peu glandeur : il est très rapidement viré de toutes les activités auquel il participe. Sa rencontre accidentelle avec la belle Ayako va le contraindre à s’essayer à une discipline encore inconnue pour lui : le rugby... "Full Drum" est un manga de type shônen, plus particulièrement destiné aux jeunes garçons, selon la nomenclature japonaise, mais n’ayez crainte il peut être lu par tous les publics ! De construction plutôt classique, le récit est dynamique et humoristique. Nous suivons Hino dans sa quête d’amour maladroite, mais ô combien jouissive. Notre personnage est animé d’un bel idéal, car ici rien de graveleux, simplement de nobles sentiments. Véritable comédie sentimentale, le récit laisse tout de même une place importante à l’action et au sport, en particulier au rugby qui devient le sujet principal de l’œuvre. Petit à petit, nous découvrons ce sport et nous familiarisons, sans que cela soit trop technique, au vocabulaire de la discipline. "Full Drum" est sans prétention, il parvient à nous faire passer un agréable moment de lecture grâce à son personnage attachant. On y y trouve un peu de tous les ingrédients pour séduire un large public et cerise sur le gâteau, ce manga sur le sport est, faut-il le signaler, complet en 5 volumes et traite d’un sport peu exploité en bande dessinée. Pour les amoureux de l’ovalie et bien plus encore. - Michaël
Dans un futur dévasté par les Super-vilains, Wolverine n'est plus que l'ombre de lui-même, fermier sans histoire courbant l'échine devant les tyrans locaux. Jusqu'au jour où un ami de longue date lui demande une faveur et l'entraîne dans une course effrénée contre la mort. Ce périple va faire ressurgir de douloureux souvenirs mais, plus dangereux encore, va réveiller en lui la bête si longtemps contenue... Wolverine, le X-man le plus connu au monde, nous entraîne ici dans un futur sans foi, ni loi, où les défenseurs de l'humanité ont disparu et où règne le mal absolu. Logan, transformé par ce qui est arrivé, n'est plus le guerrier d'antan. Miné par un lourd secret, il dénote complètement du personnage sauvage que l'on a connu dans de multiples aventures et dans des récits contant ses origines. Une fresque futuriste qui n'est pas sans rappeler le désespoir apocalyptique de La Route de Cormac McCarthy. - Michaël
Conseils lecture
Un joli jeu de cartes où il vous faudra compter vos points… à l’envers !
Cette mécanique particulière sera vite prise en main, et que vous ayez remporté la partie ou subi une défaite écrasante, vous n’aurez qu’une envie : faire mieux !
C’est un jeu stratégique, avec une part de hasard qui saura rétablir l’équilibre entre des joueurs d’âges différents.
En plus de ça, le jeu est très joliment illustré. Chaque carte est unique, pleine de détails que vous remarquerez peut-être au fil des parties.
De 2 à 6 joueurs et à partir de 10 ans.
Bee a dix-huit ans. Elle a décidé, pour l'été, de traverser les Etats-Unis à bicyclette. Mais après seulement une journée de voyage, elle est contrainte de s'arrêter dans un motel, son vélo réduit en miettes dans un accident. Elle rencontre alors Cyrus, mystérieux homme d'entretien aux curieuses habitudes : dérober des médicaments aux clients et retoucher les tableaux qui ornent les murs des chambres.
La traversée avortée d'un pays à vélo se transforme ici en récit initiatique nous faisant accompagner Bee dans son passage de l'adolescence à l'âge adulte. Des sentiments neufs, le sexe, la drogue, la vie en marge et le goût du risque : un voyage haut en couleurs ! - Michaël
Elle vit cachée, cloîtrée dans un océarium. Privée de liberté par son geôlier de père adoptif, qui l’utilise comme appât à touristes, elle rêve de plein air, d’une vie de jeune fille de son âge. Fish Girl est son nom, ou plutôt son nom de scène car elle n’est pas, au sens physique du terme, vraiment humaine, non, elle est sirène. Une rencontre impromptue va lui donner la force et le courage d’affronter son gardien et peut-être enfin, de savoir qui elle est réellement...
Ce roman graphique pour la jeunesse a été déniché par les éditions « Le Genévrier » peu habituées à publier de la bande dessinée. Grand bien leur en a fait, puisqu’ils ont déniché une véritable pépite. Loin des formats habituels avec humour, action et bastonnades à n’en plus finir, Fish Girl est écrit et mis en scène de façon calme et émouvante. Il y a bien sûr de l’action, mais le lecteur, enfant comme adulte, retiendra surtout les moments d’échanges, de contemplation et de liberté. Le duo scénariste/illustrateur atteint ici son paroxysme tant l’ensemble fonctionne à merveille : une heureuse plongée dans de la pure magie ! Lorsque l’on referme ce livre, on se sent plus apaisé et serein. -Michaël
Momo est une petite fille vive, turbulente mais attachante. Elle vit avec sa grand-mère et attend impatiemment le retour de son père, parti pêcher au grand large. Pour s'occuper, elle jouit de son imagination pour vivre des aventures. Hélas la réalité reprend toujours le dessus et sa vie va en être bouleversée... Un très beau titre jeunesse destiné à tous les publics. Tendre, mélancolique, mais plein d'humour, il est une réusite scénaristique. L'illustrateur, à la technique proche de Bastien Vives, dessine Momo avec brio et nous propose un personnage à la tronche adorable. Vous recherchez de la douceur dans ce monde, alors laissez-vous prendre par ce titre qui vous rechauffera le coeur. - Michaël
Un indien, un cowboy, face à face tendu pour un duel au soleil qui s’annonce sanguinaire... Enfin peut-être... À moins que... Sauf si... « Duel au soleil » est plutôt considéré comme un album jeunesse, mais je le place bien volontiers dans la catégorie de « Mes premières bandes dessinées ». Pourquoi ? Parce qu’il possède de nombreux codes narratifs des 9e et 7e arts. Je m’explique, lorsque l’on ouvre l’album, on découvre de très belles illustrations pleine planche dont les cadrages varient de page en page. Tantôt « plan d’ensemble », tantôt « gros plan », voire « très gros plan », Manuel Marsol dynamise son récit par cette narration particulière qui permet d’installer un certain suspense. Très peu de texte utilisé, placé à la manière de phylactère, mais sans la bulle. Tout est visuel et permet aux plus jeunes et aussi aux plus vieux de comprendre que la lecture n’est pas faite que de lettres et de mots : elle se trouve également dans l’organisation des différentes illustrations. Cette mise en scène technique pour raconter une histoire est une réussite. La trame narrative est quant à elle originale, ce duel tourne à l’absurde et nous sommes touchés par ces deux personnages, si différents et si proches à la fois... « Duel au soleil » est à découvrir car il vous fera rire et est par ailleurs une bonne approche pour comprendre l’art de la mise en scène, trop peu souvent étudié et pourtant sans doute bien plus important que l’illustration elle-même. - Michaël
Zoé est née. Clovis, le papa, est aux anges. Hélas, pour Marketa, la maman, c’est une tout autre histoire... Elle connaît une période difficile emplie de doutes et de peurs. Le diagnostic est sans appel, il s’agit d’une dépression post-partum. Sophie Adriansen, plus connue pour ses romans jeunesse, aborde avec cette bande dessinée un sujet délicat et sensible. Inspirée par sa propre histoire, elle livre un docu-fiction riche et instructif sur cet état psychologique souvent méconnu et/ou sous-estimé. Elle nous permet de comprendre, phase après phase, les mécanismes qui engendrent, puis alimentent cette dépression. Sophie Adriansen ne se focalise pas uniquement sur la maladie, elle parle également des aides existantes afin que ces femmes s’acceptent en tant que mère et toujours en tant que femme à part entière. Les illustrations de Mathou sont assez épurées. Elles permettent ainsi une bonne lisibilité de l’album, accentuant un peu plus, à la manière d’un blog, le côté réaliste. Ce livre est à prescrire à tous et toutes, mais surtout aux futures mamans pour les déculpabiliser et les aider à aller mieux. - Michaël
Maman manchot part chercher le dîner, pendant que bébé manchot reste avec son papa.
Bébé manchot est très impressionné par sa maman : elle est trop forte pour nager, pour sauter, ou pour escalader ! mais pour rentrer, il faut passer devant les phoques sans faire de bruit…va-t-elle y arriver ?
Nous n’avons plus besoin de présenter Chris Haughton tant il est devenu un auteur incontournable de la littérature jeunesse ces dernières années. Si les derniers albums qu’il a sortis m’avaient un peu lassé, ce « Bravo, maman manchot ! » me réconcilie avec son univers.
L’organisation sociétale des manchots est assez unique dans le règne animal : le mâle reste couver l’œuf tandis que la femelle s’en va chasser pour reconstituer ses réserves, et revenir nourrir son petit à son tour. C’est l’occasion pour l’auteur de montrer un nouveau schéma d’organisation familiale qui apporte beaucoup de fraîcheur.
Tous les ingrédients d’un album de Chris Haughton sont réunis : les mouvements des manchots, un peu maladroits et assez drôles dans la réalité, sont illustrés avec beaucoup de justesse et d’humour ; le suspense et la tension narrative atteint son paroxysme lorsque la maman doit passer devant les phoques.
Enfin, les illustrations accessibles et très colorées sont très présentes dans cet album comme dans tous les autres, pour le plus grand bonheur des lecteur·rices.
Alan, auteur en mal de reconnaissance, vient de perdre son ami d’enfance. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, sa compagne en profite pour lui annoncer qu’elle le quitte pour quelqu’un de plus mature et surtout de plus talentueux. Alors forcément au bord de la piscine de ses voisins, qu’il entretient pendant leurs vacances, Alan à la sensation, comme Isabelle Adjani dans son petit pull marine, d’avoir touché le fond.
Mais qu’à cela ne tienne il va rebondir et s’imposer une discipline de samouraï pour écrire le roman de sa vie et reconquérir l’être aimé ! Malheureusement, rien ne se passe comme prévu. Alan est aux antipodes d’un maître de guerre japonais et ses bonnes résolutions sont tout sauf faciles à tenir. Un peu maladroit, plutôt inadapté socialement, roi de la procrastination, habité par des tocs et angoisses multiples, il a plus du anti-héros que l’inverse.
Son existence guidée par les faux pas et les quiproquos devient vite décalée, totalement loufoque et hilarante sous la plume de Fabrice Caro. L’auteur nous livre un roman plein d’humour qui dépeint avec beaucoup de justesse l’incongruité et l’absurdité des rapports sociaux et affectifs qui régissent parfois nos vies.
Enfin c’est un réel plaisir d’accompagner le quotidien d’Alan, personnage plein d’autodérision et particulièrement attachant avec son côté bancal et désabusé.
Si vous avez encore envie de rire vous pouvez également découvrir les bandes dessinées de l’auteur disponibles pour la plupart à la médiathèque.
Vidal Balaguer est un peintre espagnol du 19ème siècle. Artiste talentueux, il n’a jamais souhaité vendre ses œuvres les plus personnelles prétextant qu’elles étaient une partie de lui. Son attitude, sa mystérieuse disparition et le peu de tableaux conservés à ce jour ont contribué à son oubli. Natures mortes nous fait découvrir ou redécouvrir cet artiste, au talent indéniable. Avec justesse et tendresse, Zidrou a concocté un récit captivant sur les affres de la création, aidé et sublimé par les peintures d’Oriol qui a su se hisser au niveau de l’artiste raconté. Un pur moment de magie qui a, en plus, le mérite de nous faire découvrir le milieu de la peinture espagnole du 19ème siècle.
Rebecca Dautremer est une autrice illustratrice que l’on ne présente plus. Son travail a été de multiples fois primé dans de nombreux salons, et la réputation de la maman de L’amoureux, de Princesses ou encore de Cyrano n’es pas galvaudée. Son travail, subtil, poétique, se reconnaît du premier coup d’œil. Elle signe avec son dernier album, Les riches heures de Jacominus Gainsborough, un véritable coup de maître. Dans cet album, Rebecca Dautremer nous donne à voir le récit d’une vie, celle de Jacominus Gainsborough. Ce petit lapin va grandir à son rythme et trouver sa place petit à petit dans le monde. Il traverse des joies et des peines, des moments de doutes, des blessures mais fait aussi de belles rencontres. A la manière d’une fresque philosophique, l'autrice nous brosse la vie bien remplie d’un héros ordinaire. Jacominus est bien entouré, d’une famille nombreuse, d’amis présents et de l’amour de sa vie. Il n’a pas vécu que des moments faciles, mais quand au crépuscule de sa vie, Jacominus se retourne, il peut être heureux du moment qu’il a passé auprès de ces êtres qui lui sont chers. Les illustrations sont d’une maîtrise incroyable et pleines de références picturales, littéraires qui pour certaines nous échappent certainement ; la mise en couleur, douce et équilibrée, les détails foisonnants font que nous pouvons nous plonger des heures dans cet album hors du commun, le relire 10 fois, nous aurions toujours quelque chose de nouveau à découvrir. L’équilibre avec le texte, empli de mélancolie, de mots justes, et bien sûr de poésie, fonctionne merveilleusement. Voici un album tel que vous aurez peu l’occasion d'en voir : tout un univers riche et foisonnant qui nous laisse un goût doux amer quand l’on referme, trop tôt, la dernière page du livre de la vie de Jacominus Gainsborough.
Dans un futur pas si éloigné que cela, la société « Tomorrow Foundation » met au point un procédé révolutionnaire dans l’intelligence artificielle : elle crée les premiers humanoïdes doués de conscience. Carbone et Silicium sont les premiers d’une longue série de robots, mais peut-on encore être considéré comme une machine lorsque l’on a des émotions et des envies de liberté ?... Mathieu Bablet s’attaque à un sujet maintes fois évoqué dans la littérature de science-fiction. Loin de s’en détacher, il tire pourtant son épingle du jeu en réalisant une œuvre dense et emplie d’une certaine sagesse. Pas de combats de genre ou d’intelligence artificielle collective, mais une réflexion sur ce qu’est l’humanisme. Il met en exergue notre nature profonde réfrénée, policée et en contradiction avec le concept sociétal du vivre ensemble. Carbone et Silicium vont, sur près de 300 ans, apprendre de leurs pairs, choisir chacun des chemins différents, mais pour quelle conclusion ? Mathieu Bablet est un auteur dit « complet », il réalise également les illustrations de ce pavé d’environ 260 pages. Son style est classique et réaliste et son découpage sobre. L’ensemble forme une œuvre remarquable rehaussée par le choix d’une édition de toute beauté au dos toilé. Bien plus qu’une fiction, cette œuvre est un vrai sujet de philo à méditer... - Michaël
« Retour à l’Eden » est l’histoire vraie d’une photo, ou plus précisément d’une femme, la mère de Paco Roca. En déménageant, une photo s’égare, un détail… et pourtant ce cliché, Antonia y tient comme à la prunelle de ses yeux. Dès lors, elle sombre dans un abîme de tristesse.
Il ne reste plus pour Paco et ses frères qu’à retrouver cette photo pour comprendre cet attachement.
Paco Roca est auteur de bandes dessinée, mais aussi un véritable historien des petites histoires qui font la grande. Une nouvelle fois, il nous livre un récit familial sensible et émouvant. Ce cliché égaré fonctionne comme une machine à remonter le temps jusque sous le régime franquiste. Nous y retrouvons Antonia, enfant, accompagnée de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs… Iels vont rire, s’aimer, se disputer comme dans n’importe quelle famille, mais ensemble, iels vont connaître la dictature, l’appauvrissement et la faim. Durant ces années sombres ou patriarcat et religion réservaient une place bien limitée aux femmes, Antonia connaîtra également les humiliations liées à son statut imposé.
Alors cette photographie… qu’a-t-elle de spécial me direz-vous ? Eh bien pour le savoir je vous invite chaudement à lire « Retour à l’Eden », une tranche de vies d’autrefois, intime et émouvante.
Le rêve d’Arno est de devenir astronaute, mais issu d’une famille sans un sou, les souhaits sont souvent bien plus difficiles à réaliser... « Arno », avant d’être un bel album jeunesse, est une leçon de courage, une leçon de vie. Celle d’aller au bout de ses rêves malgré les obstacles qui peuvent parsemer son chemin. Bien sûr, toutes les histoires sont différentes et n’ont pas la même fin, mais ne dit-on pas qu’il vaut mieux vivre de remords que de regrets ? Ce titre illustre ce propos à merveille car, malgré les difficultés, notre jeune ami garde espoir et fait une rencontre, la rencontre qui change une vie. Je ne parle pas d’âme sœur, mais de ces personnes qui vous tendent la main lorsque vous en avez le plus besoin. De ces personnes qui vous aident un temps et vous laissent prendre votre envol sans rien attendre en retour. Oui « Arno » est un très bel album sur ce que l’humanité a de plus beau à offrir. Ximo Abadia nous offre également de très belles illustrations. Artiste surréaliste espagnol, il excelle dans les compositions, mélanges de couleurs, de collages et de dessins. « Arno », ou « Toto » dans sa version originale, est tout simplement un livre qui fait du bien. - Michaël