Conseils lecture
Tendre, mélancolique, le récit de Frantz Duchazeau résonne tel le souvenir d'une enfance, peut-être la sienne, peut-être la nôtre, à jamais envolée. Le récit, et surtout le petit Pierre, sont attachants. Nous les suivons, sans les déranger, dans le périple pour devenir adulte. Limpide et juste, l'histoire est magnifiée par les illustrations de l'auteur, un noir et blanc délicat, limpide et sans fioriture.
Un récit court qui se déguste tranquillement et qui reste en nous en s'éteignant lentement. - Michaël
Momo est une petite fille vive, turbulente mais attachante. Elle vit avec sa grand-mère et attend impatiemment le retour de son père, parti pêcher au grand large. Pour s'occuper, elle jouit de son imagination pour vivre des aventures. Hélas la réalité reprend toujours le dessus et sa vie va en être bouleversée... Un très beau titre jeunesse destiné à tous les publics. Tendre, mélancolique, mais plein d'humour, il est une réusite scénaristique. L'illustrateur, à la technique proche de Bastien Vives, dessine Momo avec brio et nous propose un personnage à la tronche adorable. Vous recherchez de la douceur dans ce monde, alors laissez-vous prendre par ce titre qui vous rechauffera le coeur. - Michaël
Lapin aimerait bien cueillir des pommes, mais vu sa taille, cela est bien compliqué. A moins que toi, ami lecteur, ne lui donne un petit coup de main... Voici une excellente idée développée par Claudia Rueda qui, sur la base d’une histoire assez classique, casse les codes habituels de la narration et comme au théâtre, « brise le quatrième mur ». Le personnage de l’histoire s’adresse au lecteur en lui parlant pour lui demander de l’aide par des actions sur le livre, bien précises. Ce procédé fait son petit effet immersif, il force notre empathie envers Lapin. Le lecteur reste lecteur, mais devient acteur de cette charmante histoire. Les illustrations sont elles aussi réalisées de façon à nous inclure dans cet univers. Pour cela, l’autrice utilise un seul angle de vue, horizontal, le personnage est quant à lui toujours dessiné à la même échelle. De cette manière, nous avons une impression de discussion, face à face, avec Lapin. Tout a vraiment été pensé pour créer cette interactivité. « Attrape, Lapin ! » est un album original qui amusera petits et grands lecteurs et leur donnera assurément envie de tartes aux pommes. Miam ! - Michaël
Devenir zombie n’est pas forcément un état voulu, lorsque cela vous arrive, ainsi qu’à toute votre famille, il faut l’accepter et faire au mieux pour s’intégrer dans un monde de vivant·es… si appétissant·es…
Fortu, auteur aux multiples registres narratifs, livre cette fois une comédie noire, grinçante, aux portes de l’horreur. Rassurez-vous, rien de bien méchant si ce n’est que le récit nous raconte la difficile intégration d’une famille de zombies dans un monde où le cannibalisme n’est, espérons-le, plus à la mode. Ne voyez pas pour autant en ce titre une quelconque métaphore et/ou parabole cherchant à dénoncer notre société, mais plutôt une approche à la « What if… », et si cela arrivait ? Une des réponses est dans « La vie de ma mort », où Fortu, en quelque pages et quelques gags, nous propose sa vision. Les mini histoires de deux pages s’enchaînent chronologiquement liées par un fil conducteur, un événement important et véritable générateur de suspense. Les scènettes se succèdent et avec elles, bon nombre de quiproquos et de situations de non-sens.
« La vie de ma mort » est une farce, une blague qui sait jouer sur les différents registres de l’humour : le comique de situation, l’exagération, ou encore le trait d’esprit…
Ce titre donne donc le sourire et fait ainsi passer un bon moment, et cela, dans le monde des vivants, bien entendu !
Beaucoup de tensions sur l’île où vit Léni. Sa femme l’a quitté, emmenant leur fille avec elle, l'entreprise où il travaille bat de l'aile et... un pont va relier l'île au continent. Cette nouvelle scinde la population en deux, les pro et les anti pont. L'auteur dresse un portrait de ces hommes de la mer dont le métier devient précaire et qui aiment se retrouver après le travail au bar du village, au son de l’accordéon. Le pont, on ne parle que de ça ! Ce « monstre » divise, attise les colères, fait craindre le changement, la fin du ferry, les invasions de touristes sur leurs terres préservées. Léni ne s'implique pas, il a aussi d'autres tourments. Heureusement il y a la mer, qui console, qui lui donne un sentiment de liberté !
L’atmosphère marine est prégnante. La construction du pont, en cinq phases structure le récit, en est le fil conducteur. Au fur et à mesure de l’avancée des travaux, les tensions montent avec en toile de fond, la symbolique du pont entre deux rives, qui, en amour comme en amitié, peut apporter le bon comme le mauvais.
Un roman plaisant, aux nombreux dialogues. A sa lecture, on ne peut s'empêcher de penser à ce qu'on dû vivre les insulaires de l’île de Ré en pareille situation !
Les scènes où les habitants se retrouvent dans ce café chaleureux m'ont rappelé Les déferlantes de Claudie Gallay. Catherine
Elan et sa famille habitent une maison dans la forêt. Tous les soirs après le repas, Elan leur raconte une histoire. Un jour, il se trouve à court d’idée. « Et si tu nous lisais un livre ? » propose sa femme. Mais Elan n’a pas de livre ! Ni Ourse, sa voisine, ni Blairelle, ni Renard, ni aucun autre animal de la forêt. Elan se rend à la bibliothèque municipale et revient avec une belle pile de livres. Tous les animaux de la forêt viennent écouter les histoires d’Elan, mais bientôt sa maison est trop petite. Alors, une idée germe dans sa tête…
Le bibliobus est un album très mignon qui célèbre le plaisir de lire. Nous faisons un petit bon dans le passé à travers l’illustration vintage, des animaux anthropomorphes, tous ces éléments qui nous rappellent telle une madeleine de Proust, les albums de notre enfance.
Inga Moore nous rappelle à quel point la lecture est un loisir agréable, à consommer sans modération. Le récit porte des belles valeurs comme l’entraide, la solidarité, l’amitié. certain·e·s trouveront peut-être l’histoire un peu mièvre, mais je dirais plutôt qu’elle offre une petite pause pleine de douceur, tel un bonbon réconfortant et apaisant.
Le bibliobus est un bel hommage aux bibliothèques et aux bibliothécaires : il était difficile pour moi de passer à côté !
Julian voyage dans le métro avec sa Mamita quand soudain il voit passer trois magnifiques femmes habillées en sirène. Admiratif, il rêve alors lui aussi d’en devenir une. Arrivé chez sa Mamita, il entreprend de se confectionner un magnifique costume avec les rideaux et plantes d’intérieur, et Mamita le surprends ! Que va-t-elle penser de lui ? Elle pense qu’il est temps de l’amener à la grande parade des sirènes. Jessica Love nous offre un magnifique récit ancré dans la modernité et dans les questionnements actuels de la société. Julian, un petit garçon, qui rêve de s’habiller en sirène ? et pas d’adultes pour lui dire qu’il n’a pas le droit de le faire ? cela fait du bien ! Le message d’amour et de tolérance de la Mamita pour son petit-fils est touchant de tendresse. Les illustrations prennent vie sous nos yeux. Les postures et gestes des personnages sont magnifiquement illustrées et la vie d’un quartier afro-américain mis en scène avec humour, fourmillant de petits détails. Entre ces scènes de la vie quotidienne se glissent des pages plus oniriques, ou Julian donne libre cours à son imagination du monde aquatique. Cet album est un régal tant dans la justesse du récit que dans le thème abordé ; les illustrations elles, nous vont droit au cœur. Il est assurément, l’un de mes plus grands coups de cœur de cette année 2020.
Le rêve d’Hino est d’être admis dans l’un des nombreux clubs de sport de son lycée. N’importe lequel, du moment qu’il est considéré par les autres et surtout les filles, comme un sportif. Car oui, c’est bien connu, les filles aiment et sortent avec les sportifs (!). C’est bien ce qu’Hino désire le plus au monde : avoir une petite amie. Le seul problème, c’est que notre énergumène n’est pas très sportif, un peu maladroit et quelque peu glandeur : il est très rapidement viré de toutes les activités auquel il participe. Sa rencontre accidentelle avec la belle Ayako va le contraindre à s’essayer à une discipline encore inconnue pour lui : le rugby... "Full Drum" est un manga de type shônen, plus particulièrement destiné aux jeunes garçons, selon la nomenclature japonaise, mais n’ayez crainte il peut être lu par tous les publics ! De construction plutôt classique, le récit est dynamique et humoristique. Nous suivons Hino dans sa quête d’amour maladroite, mais ô combien jouissive. Notre personnage est animé d’un bel idéal, car ici rien de graveleux, simplement de nobles sentiments. Véritable comédie sentimentale, le récit laisse tout de même une place importante à l’action et au sport, en particulier au rugby qui devient le sujet principal de l’œuvre. Petit à petit, nous découvrons ce sport et nous familiarisons, sans que cela soit trop technique, au vocabulaire de la discipline. "Full Drum" est sans prétention, il parvient à nous faire passer un agréable moment de lecture grâce à son personnage attachant. On y y trouve un peu de tous les ingrédients pour séduire un large public et cerise sur le gâteau, ce manga sur le sport est, faut-il le signaler, complet en 5 volumes et traite d’un sport peu exploité en bande dessinée. Pour les amoureux de l’ovalie et bien plus encore. - Michaël
C’est l’hiver à Soksho, station balnéaire de Corée du sud. L’héroïne, une jeune femme, employée dans un hôtel, laisse doucement s’écouler sa vie, tout est plus lent hors-saison. Un matin, un touriste français arrive et bouleverse peu à peu la longue monotonie de son existence.
Un fil ténu se tisse entre les deux personnages. Il est auteur de bande dessinée et à mesure qu’il esquisse ses premières pages, se dessine aussi le portrait sensible de la jeune femme.
Un récit délicat, où à travers la description épurée du quotidien, Elisa Shua Dussapin dévoile par petites touches l’histoire et la psychologie d’une femme tout en retenue et particulièrement attachante.
Un roman pudique et délicat, dans lequel se frôlent deux existences, quelques jours en sourdine dans le coton hivernal, parenthèse, émotions éphémères.
Pour prolonger la belle atmosphère de cet ouvrage, vous pouvez aussi visionner les films « L’anguille » de Shôhei Imamura (1997), « In the Mood for love » de Wong Kar-Wai (2000) et enfin « Lost in Translation » de Sophia Coppola (2003).
Evan mène une vie paisible avec son chien. Ils font tout à deux. Ils jouent, ils goûtent, ils partent à l’aventure, mais surtout, ils jardinent ensemble. Le jardin d’Evan et de son chien est magnifique, rempli de belles plantes et de juteux légumes. Mais un évènement tragique vient bouleverser le quotidien paisible d’Evan qui doit alors faire la terrible expérience du deuil. Ce bel album nous raconte avec simplicité l’histoire d’une belle amitié qui un jour prends douloureusement fin. Alors ce magnifique jardin devient une métaphore et se mets au diapason des émotions violentes et douloureuses qu’Evan ressent après la perte de son meilleur ami : douleur, colère, tristesse. Mais au bout du chemin, arrive la résilience et finalement la vie qui reprends son cours. Brian Lies nous offre un regard empli de mélancolie sur l’amitié si profonde que l’on peut entretenir avec nos boules de poils et sur le douloureux travail de deuil qu’il faut faire lorsque ceux-ci nous quittent. Les illustrations réalistes et délicates, à la texture onctueuse et remplies de couleurs sont un régal pour les yeux.
Nana est une petite chienne toute gentille, toute mignonne, mais son maitre lui, est violent et maltraitant.
Un jour, aidée par l’esprit des louves, elle s’évade pour gagner la forêt et ainsi renouer avec ses lointaines origines…
Sous des airs de bande dessinée d’aventure, « la petite chienne et la louve », est avant tout un titre qui traite de la maltraitance animale. De cette violence, cette colère que certains hommes possèdent en eux et qu’ils expulsent sur plus faibles, plus fragiles. Attention, ce titre n’est pas violent, ni choquant, nous sommes bien sur un récit destiné à la jeunesse et dessiné de la sorte. Par la suite l’histoire se concentre sur la quête de liberté ou tout simplement de bonheur que recherche Nana. D’ailleurs, les enfants vont l’adorer, cette petite chienne est vraiment attachante. Le dessin de Marine Blandin y est pour beaucoup : expressif, Tantôt grave, tantôt rigolo.
Cette petite chienne va vivre un formidable voyage, se perdre, mais peut-être ainsi, se retrouver…
N’attendez pas plus longtemps, venez de toute urgence adopter la belle Nana 😊
Conseils lecture
Le roi avait tout. Mais vraiment vraiment tout. Tous les jours, il commençait de nouvelles collections puis les rangeait, les classait et les numérotait pendant des heures. Il ne lui manquait presque rien. Ou plutôt, il lui manquait RIEN. Mais où pourrait-il trouver RIEN ?
Dans « Le roi et rien », Olivier Tallec répond avec humour et philosophie à la question : « qu’est-ce que rien ? » Une interrogation bien épineuse sur laquelle adultes et enfants se sont cassés les dents !
A travers ce roi qui a tout et qui veut avoir absolument ce qu’il n’a pas (Rien), l’auteur questionne la société de consommation et notre capacité à accumuler objets et biens qui ne nous sont bien souvent pas très utiles.
C’est un thème qu’il avait déjà abordé lors de ces précédents albums, notamment « C’est mon arbre » et « Un peu beaucoup ». Ici, il trouve un nouvel angle pour aborder ce sujet.
Les illustrations d’Olivier Tallec sont reconnaissables du premier coup d’œil et on retrouve son style caractéristique, accessible et drôle. J’ai aimé le personnage du roi, tout petit, habillé en survêtement jaune et bleu.
Cet album nous offre un message assez limpide : nous possédons bien assez de choses comme ça !
Nana est une petite chienne toute gentille, toute mignonne, mais son maitre lui, est violent et maltraitant.
Un jour, aidée par l’esprit des louves, elle s’évade pour gagner la forêt et ainsi renouer avec ses lointaines origines…
Sous des airs de bande dessinée d’aventure, « la petite chienne et la louve », est avant tout un titre qui traite de la maltraitance animale. De cette violence, cette colère que certains hommes possèdent en eux et qu’ils expulsent sur plus faibles, plus fragiles. Attention, ce titre n’est pas violent, ni choquant, nous sommes bien sur un récit destiné à la jeunesse et dessiné de la sorte. Par la suite l’histoire se concentre sur la quête de liberté ou tout simplement de bonheur que recherche Nana. D’ailleurs, les enfants vont l’adorer, cette petite chienne est vraiment attachante. Le dessin de Marine Blandin y est pour beaucoup : expressif, Tantôt grave, tantôt rigolo.
Cette petite chienne va vivre un formidable voyage, se perdre, mais peut-être ainsi, se retrouver…
N’attendez pas plus longtemps, venez de toute urgence adopter la belle Nana 😊
Avec Ivanhoé Backus, Nicolas André nous livre une farce viticole succulente. Doté d’humour et d’une certaine réflexion sur les méandres de l’âme humaine, ce titre, aux illustrations colorées, est une réelle surprise. L’utilisation des couleurs est millimétrée, chaque chapitre est doté d’un ton chromatique lié à la situation. Le trait de Nicolas André est précis, sans fioriture, déformé à l’envi, et influence le récit en le rendant plus fort. Cette histoire originale navigue entre comédie et drame et ne nous laisse pas indifférent. Sans la dévoiler, la fin vous surprendra et vous refermerez le livre apaisé. - Michaël
Iron Man (littéralement l'Homme de Fer) est un super-héros créé par Stan Lee et appartenant à l'univers Marvel. Depuis plus de 50 ans, Anthony Stark - son vrai nom - livre des combats titanesques pour que justice soit faite. A proprement parler, il n'a pas de super pouvoir, juste une intelligence hors norme qui lui sert à innover, à inventer tout et n'importe quoi, mais surtout des armes. Car avant d'être le héros adulé de tous, il n'était qu'un marchand de mort. Suite à de tragiques circonstances, il va prendre conscience de son don unique et le mettre au service du bien en créant Iron Man.
Iron Man : au commencement était le Mandarin nous présente la première rencontre entre notre héros et l'un de ses plus farouches adversaires : Le Mandarin. Un récit original sur fond de conquête du monde, dessiné différemment mais remarquablement. A découvrir. - Michaël
Demi sang, second titre de l'univers Les Ogres-Dieux est comme le précédent volume Petit, une claque ! Un scénario en béton où les personnages évoluent dans des intrigues qui vous tiennent en haleine jusqu'au bout. Et que dire du dessin de Bertrand Gatignol, une pure merveille de précision, qui comme l'intrigue, est sans faille. Les Ogres-Dieux est un univers étrange peuplé de géants et d'un mystère qui enfle album après album, pour à n'en pas douter, un dénouement qui ne saurait nous laisser de marbre.
Le petit Arthur joue au bord du torrent quand de gros nuages noirs envahissent le ciel. Plic-ploc fait la pluie dans le bocal de l’enfant ! la pluie tombe de plus en plus fort et forme partout de petits ruisseaux. Arthur court sous l’averse en riant et vide son bocal dans le torrent. « L’eau de mon bocal se trouve quelque part dans ce tumulte », se dit Arthur. Il décide alors de la suivre, au gré du long voyage de l’eau qui va venir gonfler le lit de la rivière, traverser champs et campagnes, les villes où vivent les hommes et les femmes qui ont tant besoin d’elle et se jeter dans l’océan.
« Le rythme de la pluie » nous saisit tout d’abord par ses illustrations sublimes. Le travail de la couleur, tout d’abord, est incroyable : l’illustrateur arrive à rendre avec beaucoup de justesse les teintes subtiles que prend l’eau en fonction de son environnement. Il joue avec la transparence au fil des pages, utilise de nombreuses techniques (gouache, aquarelle) pour peindre au fil des pages un décor magnifique.
Ce livre aborde avec beaucoup de poésie le cycle de l’eau. Une goutte de pluie se forme, tombe dans la rivière, celle-ci parcours les paysages, et se jette dans l’océan. Là, sous l’effet de la chaleur du soleil, elle va s’évaporer puis devenir nuage, et enfin redevenir pluie. La boucle est bouclée. A travers son voyage on découvre que tout le monde a besoin d’eau. L’humanité, bien sûr : celles et ceux qui n’en prennent pas beaucoup soin, celles et ceux qui en manquent ; les animaux aussi, celles et ceux qui la boivent ou qui y vivent, comme la grande baleine bleue ; mais finalement c’est tout l’écosystème de la planète qui vit au fil de l’eau.
Après plusieurs lectures du rythme de la pluie, je ne me lasse pas d’en observer les illustrations et de replonger dans cet univers coloré, aquatique et onirique. Cet album est un véritable régal pour les yeux.
Il y a le souvenir d’enfant, le burger, les frites et le jouet, le rêve américain en quelques sortes. Puis dix ans plus tard, l’envers du décor, un premier boulot, le monde des adultes, l’aliénation par le travail. De l’entretien de recrutement jusqu’à son dernier jour, l’autrice décrit méticuleusement son emploi dans un fast-food. Elle dissèque l’organisation du travail, les rapports de force et peu à peu le glissement dans le système, lutter pour la meilleure place, accepter les frustrations, les petites brimades, les conditions exécrables et l’oubli du corps, corps qui rapidement s’efface au détriment de la machine, de ses cadences…
En parallèle, avec la même minutie, Claire Baglin dépeint son enfance, se souvient des petits détails du quotidien qui forment un grand tout. Une existence heureuse, dans un milieu modeste et en filigrane la vie du père, un ouvrier spécialisé. La même pénibilité du travail, le même manque de moyens avec lequel il faut composer, les mêmes dangers, mais malgré tout le sentiment d’appartenir à quelque chose et une certaine fierté de son travail. L’héroïne, elle, n’appartient à rien : c’est un simple rouage dans la grosse machine à hamburgers. Dépossédée d’elle-même, pourrions-nous croire, si tout au long du récit elle ne gardait pas ce formidable recul, ce regard critique qui la rend profondément humaine.
Par ces incessants retours à l’enfance du personnage, au-delà de la dégradation d’une génération à l’autre des conditions de travail des plus défavorisés, ce que nous raconte l’autrice, c’est comment se forge une personnalité. Qu’est-ce qui fait que face à l’avilissement, à la violence d’un monde professionnel déshumanisant, on puisse garder son libre arbitre, on puisse rester vivant ?
Dans ce magnifique roman, épuré et pudique, Claire Baglin réussi à exprimer par une description finement ciselée du quotidien et de ses gestes, des émotions d’une grande profondeur.
Quelque part en Amérique, aux portes de la ville de New-York, se trouve un lieu qui s’appelle Jamaica Bay. C’est une baie qui aurait pu être un joli lieu de promenade, si certain·es n’avaient pas décidé d’en faire une décharge géante à ciel ouvert. A l’entrée de cette décharge se trouve un petit cabanon et dans ce cabanon se trouve Monsieur Johnson. Cette décharge pue, pollue, les ordures tombent dans l’océan : cela rend Monsieur Johnson très malheureux. Un dimanche, il décide de se rendre au grand marché aux fleurs de la ville de New York, et il se met à planter des graines sur les montagnes d’ordures. Et peu à peu, Jamaica Bay va se transformer en réserve merveilleuse pour faune et flore extraordinaires…
« La bonne idée de Monsieur Johnson » donne à découvrir ce personnage discret, et peu connu du grand public. Cette histoire n’a pas fait le tour du monde, et pourtant Herbert Johnson, petit pas après petit pas, dans son coin, a beaucoup œuvré pour l’écologie et la biodiversité.
Les illustrations de Rémi Saillard sont très parlantes, et le lecteur voit bien la dualité entre l’avant (la décharge est illustrée dans les tons gris, noirs, avec des couleurs sombres) et l’explosion de couleurs qu’on retrouve sur les plantes et les oiseaux qui reviennent nicher à Jamaica Bay après le travail engagé par Monsieur Johnson.
Le thème de l’écologie est un sujet abondamment traité ces dernières années en littérature jeunesse, mais cet album se distingue par son ton nullement moralisateur, au contraire, et véhicule le message que chacun·e, à sa hauteur, peut apporter sa pierre à l’édifice de la sauvegarde de la biodiversité.
Dans ce roman autobiographique, Maria Larrea, fille d’immigré·es espagnoles, nous invite à grimper dans son arbre généalogique. Une ascension, pas toujours simple mais au combien passionnante, où il faut se frayer un chemin entre les parcours tumultueux et rugueux de ses aïeul·les. Où l’on côtoie la misère, terreau d’ancêtres mauvais·es comme du chiendent. Un arbre dans lequel les branches sont parfois brisées comme les destins ; où l’on porte souvent son héritage comme un fardeau.
C’est de cette histoire, de la rencontre de deux êtres mal-aimés, qu’éclos Maria un beau jour de 1979 sous le soleil de Bilbao. Elle grandit dans la petite loge de ses parent·es, concierges au théâtre de la Michodière à Paris et c’est un vrai plaisir d’assister au spectacle de cette enfant devenant adulte et à son tour mère. Maria a fait des études prestigieuses, elle est maintenant installée, mais persiste en elle une petite faille, qu’elle ne parvient pas à s’expliquer. Comme une question restée sans réponse qui résonne en elle. Puis soudain tout bascule !
Un très beau roman, sur l’identité où l’on découvre page à page qui est Maria, un voyage introspectif, rythmé et émouvant et enfin pour les natifs des années 70, dont je fais partie, une belle Madeleine de Proust.
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite ! - Michaël
Selon sa tante, Miyo est une bonne à rien, pourtant elle va réussir à décrocher un emploi dans la boutique de M. Momotoshi, un marchand excentrique spécialisé dans l’importation de toutes sortes de babioles. Une nouvelle vie commence donc pour la jeune orpheline qui va devoir apprendre de nouveaux codes de conduite mais également mettre à profit son talent de divination...
Que voici un manga fort sympathique qui devrait trouver un plus large public que celui habitué au genre. Nous sommes sur un récit de type « seinen », destiné aux adultes, mais qui présentement peut être lu par un plus jeune public tant l’histoire est délicate et délicieuse. Nous suivons donc Miyo, tendre et attendrissante avec ses côtés un peu gauche et sa timidité propres aux personnes ayant été dévalorisées dans leur enfance. Même si cela ne constitue pas la trame principale, on devine que Miyo va s’épanouir en trouvant écoute et stimulation auprès de cet étrange M. Momotoshi. Cette intrigue, qui sera le fil conducteur de cette œuvre en 6 volumes, est distillée dans les nombreuses histoires que nous proposent le manga. Les différents chapitres proposent à chaque fois la découverte d’un objet occidental de la fin du 19e siècle et une fiche explicative de son fonctionnement. Loin d’avoir livré tous ses secrets dans ce premier volume, nous attendons avec impatience d’en savoir plus sur le don de divination de Miyo, qui devrait par la suite se montrer d’une extrême importance…
Qu’il y a-t-il sur la lune ? Il y a un guichet, et derrière ce guichet, il y a Jean. Régulièrement, des pensées en tout genre apparaissent : une trompette biscornue, un 10 sur 10, un souvenir de vacances ou un avion tout neuf. Alors Jean les classe, les range, en prend bien soin. Un jour, une petite fille apparait. « Elle n’a rien à faire sur la lune », se dit Jean, « elle doit repartir ». Mais il a beau la catapulter, la coller dans une fusée, l’accrocher à une étoile filante, rien à faire, la petite fille revient toujours ! Alors, petit à petit, Jean va apprendre à cohabiter et à transmettre son drôle de métier…
Le guichet de la lune est un bel album mélancolique et onirique. Il pose la question : où s’en vont les pensées lorsque les gens sont dans la lune ? Cette histoire pourrait sortir tout droit de l’imagination d’un enfant, et c’est en cela que le texte de Charlotte Bellière est très touchant.
Dès le départ, le·la lecteur·rice est intrigué par Jean, et ce qu’il fabrique sur la lune. Au fil des pages, le mystère se délie et ses activités deviennent fascinantes. Le guichetier semble toutefois chagriné d’être parfois désœuvré, car les humains rêvent de moins en moins. C’est pourtant essentiel, de prendre le temps de souffler, s’évader, laisser ses pensées filer !
Les illustrations de Ian de Haes sont douces et la colorisation est magnifique. Le choix des nuances de jaune et bleu est très réconfortant et nous rappelle bien sûr notre beau satellite, la lune.
Cette histoire est parfaite pour les enfants qui aiment passer du temps dans la lune et la tête dans les étoiles, qui aiment rêver, tout simplement.
Durant la Grande Dépression, trouver un travail relève du miracle. Alors lorsque John Clark, jeune photographe, décroche un contrat pour la FSA (Farm Security Administration), sa joie est immense, d’autant qu’il associe ainsi passion et travail. Pourtant sa mission - aller photographier la misère qui règne dans la région sinistrée d’Oklahoma, ravagée par les tempêtes de poussière - va profondément le bouleverser et le pousser à se remettre en question. Cette œuvre de fiction à caractère historique focalise particulièrement notre attention sur une région des États-Unis très meurtrie par la crise économique des années 1930. Elle met en lumière la dramatique crise climatique provoquée par l’agriculture intensive, plus méconnue. La région du Dust Bowl (« bassin de poussière ») connaît à cette période une grande sécheresse qui aggrave et multiplie les tempêtes de poussière. Ces phénomènes hors norme, inimaginables dans nos contrées, sont dévastateurs. Les terres sont inexploitables et la vie, la survie, relève du miracle. La Farm Security Administration, l’agence gouvernementale américaine créée pour combattre la pauvreté rurale, a développé un programme de documentation photographique d’une ampleur unique, témoignage précieux de la vie des Américains de l’époque. Grâce à cela, Aimée De Jongh livre un récit dur, âpre, qui surprend, questionne et dénonce principalement la manipulation des médias, des images, toujours à la recherche du bon cliché, du sensationnel. Lorsque l’on ferme ce livre, une pensée émue nous traverse pour ces femmes, ces hommes, leur courage et résonnent en nous les mots de John Steinbeck : « ils ont le sang fort ». - Michaël
Hervé, un sexagénaire fraîchement retraité, s’ennuie ferme et dépérit dans sa petite vie morose avec comme seule perspective un caveau au fond de l’allée du cimetière. Faut dire qu’Hervé il en a des raisons de déprimer ! Heureusement il y a ses deux bouées, son amour d’une vie, sa femme Elisabeth et son bichon qui l’aide à avaler cette pilule amère : ce quotidien sans but ni illusion. Les jours se succèdent, ainsi, monotones, jusqu’au décès de la petite vieille du dessus qu’un jeune couple avec enfants va remplacer.
C’est une immersion au cœur de ce personnage fragile et cabossé que nous propose l’autrice. Elle décrit avec finesse sa psychologie et ses états d’âme. Peu à peu nous comprenons pourquoi Hervé en est là aujourd’hui, on comprend aussi qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il bascule, et que d’autres, sûrement, l’auraient déjà fait à sa place.
Tout au long du roman nous accompagnons ce personnage, sur un fil, en équilibre en nous demandant s’il va tomber. Un homme attachant (ou presque) qui se débat avec son quotidien et son passé. Un très beau roman noir bouleversant, mené de main de maître, où à la finesse de l’analyse psychologique, répond la justesse de l’analyse sociale. Une intrigue très bien menée servie par un style à la fois fluide et rythmé, loin des stéréotypes du polar.
Une merveilleuse découverte, un coup de maître pour un premier roman.
Attention ! Je vous déconseille fortement de lire la quatrième de couverture qui en dit beaucoup trop de mon point de vue.