Conseils lecture
Alan, auteur en mal de reconnaissance, vient de perdre son ami d’enfance. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, sa compagne en profite pour lui annoncer qu’elle le quitte pour quelqu’un de plus mature et surtout de plus talentueux. Alors forcément au bord de la piscine de ses voisins, qu’il entretient pendant leurs vacances, Alan à la sensation, comme Isabelle Adjani dans son petit pull marine, d’avoir touché le fond.
Mais qu’à cela ne tienne il va rebondir et s’imposer une discipline de samouraï pour écrire le roman de sa vie et reconquérir l’être aimé ! Malheureusement, rien ne se passe comme prévu. Alan est aux antipodes d’un maître de guerre japonais et ses bonnes résolutions sont tout sauf faciles à tenir. Un peu maladroit, plutôt inadapté socialement, roi de la procrastination, habité par des tocs et angoisses multiples, il a plus du anti-héros que l’inverse.
Son existence guidée par les faux pas et les quiproquos devient vite décalée, totalement loufoque et hilarante sous la plume de Fabrice Caro. L’auteur nous livre un roman plein d’humour qui dépeint avec beaucoup de justesse l’incongruité et l’absurdité des rapports sociaux et affectifs qui régissent parfois nos vies.
Enfin c’est un réel plaisir d’accompagner le quotidien d’Alan, personnage plein d’autodérision et particulièrement attachant avec son côté bancal et désabusé.
Si vous avez encore envie de rire vous pouvez également découvrir les bandes dessinées de l’auteur disponibles pour la plupart à la médiathèque.
« Avec son frère Aman, Yémané a quitté son pays, l’Erythrée, dans l’espoir d’un avenir meilleur. » Mais la traversée est longue et douloureuse. L’arrivée à Calais est synonyme de nouveau départ. Yémané prend « un instant de silence », pour repenser à toutes les épreuves vécues.
Chaque double page présente à la fois l’avancée au sein du camp, les souvenirs de son Afrique natale ou encore le périple en mer…
L’autrice titre chaque page par un verbe : « pour me souvenir », « pour comprendre », « pour pleurer », « pour nous reconstruire » …et y pose un texte sobre. Le personnage principal est toujours représenté sans bouche, peut-être pour faire écho à ce passage : « Pourquoi certains peuvent-ils courir, rire, rêver, étudier, s’empiffrer et d’autres, juste se taire ». Enfin une longue lettre écrite aux parents restés au pays clôture le récit.
C’est un album poignant, très fort et touchant qui fait ressentir profondément et sans jugement le parcours de ceux/celles qui doivent tout quitter dans l’espoir d’une vie décente. La poésie, l’émotion et la sensibilité de l’écriture sont une belle manière d’aborder le sujet des migrants avec les enfants.
« Tout a commencé quand tout était au même endroit. », ainsi débute le récit de Catarina Sobral qui, par un album coloré, explique aux plus jeunes - mais aussi aux adultes - la naissance de l'univers, de notre planète et de la vie sur terre. Le sujet est ô combien périlleux car dense et compliqué, mais l'auteure, par un don inouï pour la vulgarisation, réussit à rendre la cosmologie digeste et à la portée de tous. Elle permet ainsi à tout-un-chacun de s'approprier les concepts scientifiques tels le Big Bang, l'infiniment petit ou encore l'infiniment grand. Le récit de nos origines est conté par deux personnages aux tronches humoristiques et qui, comme le récit à portée de tous, peuvent être aisément reproduits par nos chérubins. Ce documentaire est une totale réussite car il s'adresse vraiment à un très grand nombre de lecteurs, dès 5 ans. Il donne les bases, juste ce qu'il faut, et réussit à nous surprendre, nous émerveiller et, qui sait ?, suscitera peut-être des vocations. Un « must have ». - Michaël
Wilfrid Lupano, connu pour ses récits à destination des adultes, nous livre une « charmante » histoire sur le totalitarisme. Écrit pour la jeunesse, mais avec subtilité, il dépeint en quelques pages le grotesque de ces régimes despotiques. Aux pinceaux, Stéphane Fert est parfait. Son style, savant mélange de gouache et de peinture numérique (Photoshop), est tout simplement une merveille et colle parfaitement à la loufoquerie du récit. La collection Les enfants gâtés s’enrichit une nouvelle fois d’une belle pépite. - Michaël
Alice et Alex se rencontrent chez leur couturier alors qu’ils passent tous deux commande pour des vêtements d’été. Leurs regards se croisent, ils se sourient, et c’est le coup de foudre… « Revenez la semaine prochaine, à la même heure », dit le couturier. La semaine qui va passer va être, pour Alice et Alex, la plus longue de leur vie… Alice et Alex est de ces albums qui reste danser devant nos yeux bien après l’avoir refermé. Nous pourrions le relire 10 fois que nous n’aurions toujours pas tout exploré, tout découvert. Tout dans cet album est une invitation au voyage, à la poésie, à la rêverie : la beauté des illustrations, que ce soit dans la maîtrise du trait empreint de poésie ou dans la palette de couleurs utilisées, l’architecture dans laquelle les personnages évoluent et qui nous rappelle les plus beaux palais d’Orient... L’ambiance art déco et l’omniprésence végétale nous font tout de suite penser à des paysages lointains et merveilleux. Les costumes magnifiques d'Alice et Alex méritent à eux seuls une lecture attentive : ils sont si bien réalisés qu’on peut presque sentir la texture des étoffes à travers les pages. Nos deux élégants se sont bien trouvés : ils apprécient tous deux l’esthétique et la beauté des choses du monde. Les doubles pages se font face : celle de gauche pour Alice, celle de droite pour Alex. Et dans ce jeu de miroir, un doute s’immisce en eux : et si leur amour n’était pas réciproque ? Le texte utilise des phrases courtes, dont le rythme n’est pas sans rappeler le cœur qui s’emballe lorsque l’on voit un être aimé : comme un coup de foudre qui prendrait sa source dans un paradis rétro et luxuriant. Coup de cœur assuré pour ce magnifique album, aux illustrations et aux textes si poétiques, et qui nous parle d’un beau sentiment universel : l’amour ! - Nolwenn
Notre petite héroïne vit dans un lotissement avec ses parents et son petit frère. Pour s'occuper, elle va jouer avec lui dans une décharge de voitures et les soirs d'été, ils ne dérogent pas au rituel du marchand de glace ambulant. Une vie en apparence simple, mais c'est sans compter sur la violence omniprésente au sein du couple parental, de la famille et de chacun de ses membres : le père chasseur, rempli de rancoeur, une mère mutique et dépressive, un petit frère dévoré par une "hyène" intérieure depuis qu'il a assisté a un évenement tragique et traumatique. Cette violence, qui finira par exploser et tout emporter sur son passage, est très efficacement restranscrite dans ce roman percutant et efficace qui tient le lecteur en haleine de la première page à la dernière. Nolwenn
Les parents de Travis sont séparés, mais du haut de ses 6 ans, il ne comprend pas grand-chose à ces histoires de grands. La plupart du temps il vit avec sa mère et passe quelques rares week-ends avec son père. Cela aurait pu fonctionner ainsi, un bonheur à eux, leur normalité, mais hélas, il en a été autrement : Dave, le père, a en lui un profond désespoir qu'il ne parvient à oublier que par la consommation d'héroïne. Nous n'avons malheureusement pas entre les mains une fiction, mais bel et bien le récit autobiographique de l'auteur qui dès son plus jeune âge a fait face aux ravages de la drogue. Victime innocente et impuissante, il a assisté a des scènes qu'un enfant de son âge ne devrait pas connaître. Il a grandi, s'est construit avec cette enfance cassée, volée. Aujourd'hui, Travis Dandro est devenu auteur et par la puissance du médium bande dessinée, il réussit à évacuer cette souffrance trop longtemps contenue. Il livre ainsi un témoignage rare, sans apitoiement, sans larmoiement sur toutes les victimes de la drogue. Non manichéen, le récit dépeint la vie, composée d'espoirs, mais aussi de désillusions. « Mon père, cet enfer » est une oeuvre riche, écrite et dessinée avec certes le coeur, mais aussi les tripes. - Michaël
Être bandit de grand chemin n’est pas une sinécure, encore plus lorsque l’on est quelque peu distrait et assez gaffeur. Après un braquage réussi avec son frère, Chris a enterré leur butin, mais au petit matin, il ne se rappelle plus où. Du coup que faire, si ce n’est le retrouver coûte que coûte... Lancé comme un train à grande vitesse, ce western parodique ravira petits et grands. Le récit est truffé de scènes humoristiques et surtout inattendues. Nos personnages prennent indéniablement les mauvaises décisions, on le sait, on le sent et pourtant, ils nous surprennent. Graphiquement, le travail de Rémi Farnos est assez étonnant. Il multiplie les cases, offrant sur plusieurs pages des gaufriers chargés en mouvement. Par moment, pour calmer le tout, une illustration pleine page vient casser le rythme, permettant au lecteur un peu de répit et la possibilité de contempler les vastes étendues de l’Ouest américain. Chose rare, nos personnages n’ont pas de visages, leur expressivité vient de leur attitude, de leur comportement, presqu’à la manière des mimes, surjouant, mais jouissifs. « Calfboy » est un titre totalement loufoque que l’on dévore avec délectation et qui, pour ceux qui ont eu la chance de la voir, rappellera la mythique série d’animation « Panique au village ». Un album qui met de bonne humeur ne peut être qu’à partager ! - Michaël
En ces temps de fête et de post-confinement, envie de se (re)faire une beauté ? Eh bien lisez cet album destiné aux plus petits et qui présente un ours polaire jardinier maniant la cisaille comme un pro. Sa tâche du jour le conduit dans sa belle auto orange jusqu'au parc municipal... Grâce à une intrigue narrative originale et à un humour décalé, les enfants comme les parents se reconnaîtront dans les personnages que croise notre ours bonhomme. Les illustrations sont expressives, colorées d'aplats de couleurs restreintes à quelques nuances.
« En beauté ! » est un bel album, tout en simplicité, mais au charme indéniable. Et en plus, c'est une création de l'un de vos bibliothécaires préférés...
Solange et Albert grandissent sans amour dans un monde cruel et stupide où les adultes comme les enfants les rejettent et pire parfois, les maltraitent. Ils poussent comme ils peuvent, sans tuteur, un peu bancals jusqu’au jour où ils se rencontrent. Adossés l’un à l’autre, puis enlacés, ils puisent dans cette union le courage et la force nécessaires pour vivre.
Ils grandissent essayant tant bien que mal de s’intégrer, avec le peu de moyens qu’ils ont, dans cette société qui n’a jamais voulu d’eux. Jusqu’à ce jour, au bord de la mer, où une énième provocation fait basculer leur existence, car Solange et Albert se sont construits seuls, à l’écart, avec leurs propres valeurs, leurs propres règles et leur propre justice.
L’histoire bouleversante de la fuite en avant ou plutôt en arrière de ce couple, à la recherche, désespérément, de ce qui leur a toujours manqué : l’amour d’un parent.
Un récit entraînant et surprenant, entre ombre et lumière, dans lequel alternent la délicatesse des sentiments et la violence meurtrière. Un magnifique roman noir qui nous plonge avec maestria dans la psychologie de ses deux êtres sacrifiés.
Mais l’expérience ne s’arrête pas là, le roman fait partie intégrante d’un projet plus large constitué également d’une série. Une œuvre complète qui nous permet de retrouver dans le téléfilm les personnages du livre et son auteur, quelques années plus tard. Une mise en abîme géniale qui offre un nouvel éclairage à l’intrigue. C’est à la fois très bien écrit et merveilleusement joué, par des acteurs de talent : Niels Arestrup, Sami Bouajila, Alice Belaïdi… Une grande réussite !
Un dernier conseil : lisez le roman avant de regarder la série, la découverte en sera d’autant plus belle.
Le colonel, militaire de carrière, exécuteur des basses tâches, exécuteur tout court, ne dort plus. Dans la nouvelle ville, sur la ligne de front où il vient d’être affecté, peu à peu son image disparaît. Il faut dire qu’après les bombes qui ont méthodiquement rasé les bâtiments, maintenant la pluie qui tombe sans discontinuer, en rideau, efface les paysages, l’horizon, les âmes.
Les jours passent, et sa silhouette, son visage deviennent de plus en plus flous, délavés. Lessivé par les guerres, pour un camp où pour l’autre, sans convictions, mis à part celle du travail bien fait, car militaire c’est son métier et comme le plombier répare les tuyaux, il torture les corps.
C’est dans la peau de ce personnage peu recommandable que l’autrice nous transpose, un être complexe, pris au piège du système, effroyable mais pas entièrement méprisable. Une rencontre qui vous bouscule les entrailles, mais qui vous arrache aussi quelques sourires tant l’invraisemblance du conflit, poussée à son exergue par certaines métaphores, rendent les personnages et les situations drolatiques.
Un récit d’une grande profondeur, un roman magnifiquement sombre et indispensable, qui dépeint avec maestria la folie et l’absurdité de la guerre. La confirmation du très grand talent d’Emilienne Malfatto dont l’écriture précise et poétique vous emporte.
Airnadette, est un groupe réputé d’air musique et de playback qui déchaîne les foules durant les concerts, en France, en Europe et également aux Etats-Unis. A travers cette comédie musicale, Airnadette a décidé d’initier les enfants aux plaisirs de la scène. C’est ainsi qu’est né « Du rock dans ton salon », l’histoire romancée de la formation du groupe composé de Scotch Brit, Château Brutal, Moche Pitt, Gunther Love, Jean-Françoise et M’Rodz.
Tu adores la musique, chanter, tu rêves de monter un spectacle avec tes ami·es, alors n’hésite plus ce livre est pour toi. Pas besoin de talents particuliers, tout est parfaitement expliqué pour vivre une expérience délirante et pleine d’humour. Quelques accessoires suffiront pour entrer dans la peau d’un·e musicien·e de rock.
Les dialogues sont pointus et rigolos et retranscrits avec des indications de mises en scène dans des fiches de répétition. Le cd du show est intégralement joué et chanté par le groupe Airnadette en personne. Un code permet aussi de télécharger une version mp3 sur le site de l’éditeur, où l’on trouve pleins de bonus et tutos pour apprendre les chorégraphies.
Découpé en huit scènes, le livre-spectacle est rempli de blagues pour faire rire les petit·es, et de références rock qui raviront les plus grand·es.
Conseils lecture
Tout droit venue des Etats-Unis, "Beverly" est une oeuvre atypique. On y découvre le quotidien des habitants d'une banlieue aisée américaine. Les personnages défilent, se croisent, se connaissent ou pas et nous faisons preuve de voyeurisme en nous insinuant dans leur vie de tous les jours. De là réside la force de l'album : nous faire devenir le témoin de différentes existences qui en forme une seule et même entité, la banlieue, cette banlieue.
Les histoires se succèdent, rebondissent, de personnage en personnage et deviennent comme dans la vraie vie, des racontars. Nick Drnaso livre donc un récit cru sur les relations humaines, qui nous unissent et parfois nous séparent. Il utilise un dessin épuré tout en rondeur, comme du Botero. Les couleurs, utilisées en aplat, sont froides, comme pour rappeler notre rôle et nous exhorter à laisser de côté nos émotions, ne pas juger, être de simples témoins. - Michaël
Ce grand album traite de nos peurs enfantines, de ces frayeurs qui lorsqu'elles nous pénétraient nous rendaient les nuits impossibles. Simplement, mais intelligemment, les auteurs nous entraînent, par le biais de quatre cauchemars, dans monde de l'enfance torturée. Ils apportent à leur façon un antidote salvateur pour apaiser notre repos. A première vue cette œuvre est destinée aux enfants, mais la force narrative du récit trouvera chez l'adulte un écho certain. - Michaël
A la nuit tombée, les monstres sortent de leurs cachettes, mais ce que l’on ignore, c’est que ces pauvres créatures, à l’instar des enfants, ont elles aussi peur du noir... Michaël Escoffier nous gratifie d’une bien agréable histoire. Ce monsieur a le don d’aborder des thématiques liées à l’enfance en sortant des sentiers battus. Ici, par une approche tendre et humoristique, il évoque les peurs nocturnes des marmots, leur imagination fertile et par un effet de projection, tend à transformer les monstres en nos propres enfants. Cela fonctionne à merveille puisque le petit s’identifie aux personnages, se prend d’affection pour eux et en devient le protecteur. Inconsciemment et par le dialogue, cela le rassure et le rend plus hardi. Le récit est illustré par la talentueuse Kris Di Giacomo qui mélange avec brio différentes techniques d’illustration : crayonnés, collages, lavis... Une vraie artiste aux multiples facettes. Les tons utilisés sont sombres, mais quoi de plus normal lorsque l’on veut représenter la nuit. Pourtant paradoxalement, la large palette de gris et de texture utilisée éclaire l’œil et nous en met plein la vue. Si je devais trouver un défaut à ce titre, c’est qu’il n’est pas fait pour être lu le soir : finies les peurs nocturnes... et plutôt que de trouver le sommeil, vos enfants préfèreront garder un œil ouvert pour attraper l’un de ces petits monstres « trop mignons » !... - Michaël
Ce voyage en voiture semble durer une éternité pour le jeune Oskar, surtout qu’à l’avant ses parent·es ne cessent de se disputer ! Alorspour tromper l’ennui et peut-être un mal-être bien plus profond, il se réfugie dans son imaginaire assez sinistre…
⠀
Il aura fallu plus de 8 ans à Brandon Jelinek pour réaliser cette oeuvre monumentale. Huit années d’un travail acharné, entre écriture et illustration, pour construire un récit psychologique et métaphorique. Au final, grand bien lui en a fait, puisqu’il remportera le "Grand prix" du festival international de bande dessinée de Pologne en 2015 et les prix Muriel Awards dans les catégories "Meilleur livre original" et "Meilleur scénario original 2016". Cependant, la lecture de cette bande dessinée n’est pas chose aisée, son côté sombre, voire glauque, pourra être rédhibitoire pour certain·es lecteur·rices, de même que la frontière entre rêves et réalité est souvent ténue, et au final un trouble persiste. Quoi du vrai, quoi du faux ? Peut-être que l’important n’est pas là, peut-être qu’il ne faut y voir qu’un moment onirique dont l’essence est l’imagination du personnage, mais aussi et surtout la nôtre…
⠀
Quoi qu’il en soit, « Oskar Ed » ne laisse pas indifférent. Ce road trip nous entraîne dans un voyage surprenant, allant de surprises en révélations. L’histoire est addictive et nous scotche totalement avec sa conclusion.
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Karen Reyes, une gamine de dix ans, tient un journal intime et y dessine sa fascination pour les monstres. Elle grandit dans le Chicago des années 1960 entourée de sa mère et son frère Deeze, qu’elle adore. Lorsque sa voisine, Anka, est retrouvée morte d’une balle dans le cœur le jour de la Saint-Valentin, Karen décide d’enquêter. Elle finit par découvrir des cassettes dans lesquelles Anka Silverberg raconte son enfance et des monstres d’une toute autre nature se font jour.
Difficile de résumer les 400 pages de cette bande dessinée en forme de journal intime. Les histoires se superposent et se croisent dans cet objet littéraire et graphique fascinant. La première chose qui frappe, c’est bien sûr sa forme. Imaginez une feuille blanche et un tout bête stylo bic : voici les outils utilisés par Emil Ferris pour dessiner et composer son récit. Certains portraits sont magnifiques et émouvants, d’autres pages plus simplement griffonnées au gré du récit. Pour autant, ce qui reste en mémoire à la lecture de cette œuvre, ce n’est pas tant cette prouesse artistique que la profondeur et l’ampleur du récit. Emil Ferris nous embarque dans son monde et brasse des références artistiques, mythologiques et populaires avec aisance pour mener à bien son propos, dont on attend de lire la suite et fin avec grande impatience... Merci Monsieur Toussaint Louverture, heureux éditeur de ce succès monstre, de nous faire. découvrir ce fabuleux roman graphique. - Michaël
Tom a peur, c’est son premier jour dans sa nouvelle école. Alors, pour le rassurer son papa lui dit maladroitement : « Les grands garçons ne pleurent pas. » Fort de ce conseil, Tom ne pleura pas, mais en chemin… Jonty Howley nous offre une histoire touchante, pleine de tendresse et d’émotion. Il décrit simplement, mais avec justesse, l’image que notre société nous impose de la masculinité. Un homme ça doit être fort, ça ne montre pas ses émotions et surtout ça ne pleure pas ! Poncif qui a la vie dure ! Et pourtant, en quelques pages Jonty Howley réussit à détruire ce modèle archaïque. Il laisse les hommes, les garçons s’exprimer et montre toute leur sensibilité. Loin des clichés, il dépeint une relation sans préjugés entre un père et son fils, saine et surtout sincère. Cet album ne s’arrête pas là, car l’enfant apprendra également que les larmes versées ne sont pas toujours de tristesse, mais qu’elles peuvent être de natures différentes selon les situations. Jonty Howley illustre également son récit et nous transmet toute sa sensibilité par des dessins tendres à la technique irréprochable. Pas de « larmes de crocodile » avec ce titre, mais un réel coup de cœur. - Michaël
Une mère s’adresse à son enfant tout au long de son premier jour de classe. Elle évoque leur séparation, et toutes les activités qu’elles feront chacune de leur côté. Toutefois, elles seront liées ensemble par le fil des pensées qu’elles s’enverront durant la journée.
Cet album permet d’aborder le sujet de la séparation avec beaucoup de poésie, et de rassurer l’enfant lors de son entrée à l’école. Il trouve son originalité dans le parallèle fait sur chaque double page : on y voit d’une part la maman au travail, et de l’autre, la petite fille dans sa classe.
Les illustrations au crayon de couleur et le choix des couleurs pastel apportent beaucoup de douceur à l’album. Cela crée une ambiance feutrée, comme un cocon, qui apaise et rassure. On ressent à travers les personnages de la maman et de la petite fille toute la tendresse et l’amour qui transcende les lieux et qui les lie tout au long du récit.
« Peu importe où tu seras… Je penserai à toi. Je t’enverrai un bisou. Tu me le renverras »
Il est des livres rares qu’il nous semble toujours avoir connus parce qu’on s’y sent bien et parce qu’ils ont quelque chose d’universel en eux. Le roman que je vous propose de découvrir aujourd’hui fait partie de ces livres.
Il est comme les premiers jours de printemps, la douceur et la liberté retrouvée. Une petite brise qui délicatement vous soulève et vous fait vous sentir léger, un élan du cœur qui vous donne des envies de voyages et d’évasion. Le doux sentiment de pouvoir faire ce que l’on veut sans avoir de compte à rendre. Un parfum d’école buissonnière.
« Fup, l’oiseaux canadèche » c’est l’histoire de trois personnages atypiques, un vieillard « Jake », son petit-fils « Titou » et un canard apprivoisé (ou presque) « Canadèche ». Des êtres hors norme qui justement n’en ont que faire de la norme, ce qui les rend particulièrement attachants.
Le grand-père fait du whisky de contrebande et va jouer au poker quand il a besoin d’argent. Le jeune garçon passe son temps à planter des piquets et à faire des clôtures pour son propre plaisir et sans but aucun. Quant au canard il ne vole pas, mange énormément et se prend pour un chien de chasse.
Trois héros, marginaux qui évoluent dans un cadre champêtre au gré de leurs envies, on est pas loin du jardin d’Eden et d’ailleurs si je devais adopter une religion, je pense que ce livre serait ma bible et les vitraux des églises, les magnifiques illustrations de Tom Haugomat qui mettent en couleurs cette belle histoire. Cerise sur le gâteau ou orange sur le canard ce livre est illustré de 100 magnifiques planches épurées et lumineuses (au sens propres comme au sens figuré).
Ce roman est une merveilleuse fable « sans la morale chiante et bien-pensante à la fin » ajouterait le vieux pépé Jake.
Pour poursuivre l’expérience je vous propose de regarder cette captation de la lecture à deux voix du livre par Jim Caroll et Nicolas Richard, illustrée en direct par Tom Haugomat et mise en musique par Rubin Steiner (un maître de la musique électronique française, durée 44 minutes).
Lorsqu'une personne éternue, il est de tradition de dire " à vos souhaits", mais Félix, lui, détourne la chose en disant : "A mes souhaits". Pour quelle raison ? Tout simplement parce que c'est sa collection... Félix collectionne les souhaits des autres ! Il a déjà une belle collection lorsqu'il rencontre Calliope. Cette mystérieuse jeune fille n'a pas de souhait, mais pourquoi ? Loïc Clément nous a écrit un très beau conte, original et poétique. Cette oeuvre est mise en image par Bertrand Gatignol, illustrateur talentueux au trait fin qui donne vie à cette oeuvre d'une grande beauté. La bande dessinée jeunesse est un vivier de récits innovants et de qualité, "Le voleur de souhaits" fait partie des prochains classiques de la littérature. - Michaël
Dans la clairière d'un bois, une souris rencontre un écureuil : « Je fais les plus belles crottes du monde ! » lui dit-elle. Et pour prouver ses dires, elle dépose une petite crotte sur un brin d'herbe. L'écureuil n'est pas de cet avis : c'est lui qui fait les plus belles crottes du monde. C'est alors que la belette, le putois, le renard, le loup, et même le cerf se mêlent à ce concours de la plus belle crotte ! Soudain, l'épervier fend les airs : « Le chasseur arrive ! » Mais ce dernier met sans faire exprès le pied dans la crotte de souris, glisse, tombe le genou dans la crotte de renard, et ainsi de suite... finalement, c'est bien lui la plus belle crotte du monde ! Ce bel album à la couverture brillante de Marie Pavlenko et Camille Garoche trouve son originalité dans le thème abordé. En effet, le concours de crotte est l'occasion de montrer une typologie des crottes des animaux : les descriptions, sans tomber dans l'extrême, sont détaillées et pédagogiques. Marie Pavlenko, sous couvert d'humour et d'un sujet qui peut prêter à sourire, voit là l'occasion de passer un message pour la défense de la cause animale.
Camille Garoche nous propose des illustrations colorées et documentées que ce soit sur la forme des différentes crottes, ou sur les animaux qui les produisent. La forêt qui prend forme sous son pinceau est accueillante, remplie de biodiversité, et tranche avec les pages dédiées au chasseur, colorées du rouge de la violence. Un album léger et didactique sur un sujet ô combien important pour les jeunes enfants, et qui ravira également les parents par sa chute et son message écologique. - Nolwenn
Gaspard passe ses vacances chez sa grand-mère, mais très vite l’ennui le gagne. Pour y échapper, il décide, malgré l’interdiction, d’explorer le grenier. Là-haut il découvre une table à dessin et une planche de BD inachevée. C’est alors qu’apparaît le fantôme de son grand-père, qui était auteur de bande dessinée... Voici un titre qui ne paie pas de mine, mais qui est surprenant tant par son histoire que par ses illustrations. Le récit est une fiction aux vertus pédagogiques loin d’être ennuyeuse. On y découvre les rouages de la création d’une bande dessinée. Nous suivons avec Gaspard chaque étape, de la naissance d’une idée à la mise en couleur d’une planche. Ce récit est illustré de façon efficace par Mickaël Roux, adepte des séries humoristiques, au style énergique. « Gaspard et le Phylactère magique » permet, tout en s’amusant, d’apprendre et plus que tout, donne une furieuse envie de se mettre à dessiner. - Michaël
« Retour à l’Eden » est l’histoire vraie d’une photo, ou plus précisément d’une femme, la mère de Paco Roca. En déménageant, une photo s’égare, un détail… et pourtant ce cliché, Antonia y tient comme à la prunelle de ses yeux. Dès lors, elle sombre dans un abîme de tristesse.
Il ne reste plus pour Paco et ses frères qu’à retrouver cette photo pour comprendre cet attachement.
Paco Roca est auteur de bandes dessinée, mais aussi un véritable historien des petites histoires qui font la grande. Une nouvelle fois, il nous livre un récit familial sensible et émouvant. Ce cliché égaré fonctionne comme une machine à remonter le temps jusque sous le régime franquiste. Nous y retrouvons Antonia, enfant, accompagnée de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs… Iels vont rire, s’aimer, se disputer comme dans n’importe quelle famille, mais ensemble, iels vont connaître la dictature, l’appauvrissement et la faim. Durant ces années sombres ou patriarcat et religion réservaient une place bien limitée aux femmes, Antonia connaîtra également les humiliations liées à son statut imposé.
Alors cette photographie… qu’a-t-elle de spécial me direz-vous ? Eh bien pour le savoir je vous invite chaudement à lire « Retour à l’Eden », une tranche de vies d’autrefois, intime et émouvante.
Le petit Arthur joue au bord du torrent quand de gros nuages noirs envahissent le ciel. Plic-ploc fait la pluie dans le bocal de l’enfant ! la pluie tombe de plus en plus fort et forme partout de petits ruisseaux. Arthur court sous l’averse en riant et vide son bocal dans le torrent. « L’eau de mon bocal se trouve quelque part dans ce tumulte », se dit Arthur. Il décide alors de la suivre, au gré du long voyage de l’eau qui va venir gonfler le lit de la rivière, traverser champs et campagnes, les villes où vivent les hommes et les femmes qui ont tant besoin d’elle et se jeter dans l’océan.
« Le rythme de la pluie » nous saisit tout d’abord par ses illustrations sublimes. Le travail de la couleur, tout d’abord, est incroyable : l’illustrateur arrive à rendre avec beaucoup de justesse les teintes subtiles que prend l’eau en fonction de son environnement. Il joue avec la transparence au fil des pages, utilise de nombreuses techniques (gouache, aquarelle) pour peindre au fil des pages un décor magnifique.
Ce livre aborde avec beaucoup de poésie le cycle de l’eau. Une goutte de pluie se forme, tombe dans la rivière, celle-ci parcours les paysages, et se jette dans l’océan. Là, sous l’effet de la chaleur du soleil, elle va s’évaporer puis devenir nuage, et enfin redevenir pluie. La boucle est bouclée. A travers son voyage on découvre que tout le monde a besoin d’eau. L’humanité, bien sûr : celles et ceux qui n’en prennent pas beaucoup soin, celles et ceux qui en manquent ; les animaux aussi, celles et ceux qui la boivent ou qui y vivent, comme la grande baleine bleue ; mais finalement c’est tout l’écosystème de la planète qui vit au fil de l’eau.
Après plusieurs lectures du rythme de la pluie, je ne me lasse pas d’en observer les illustrations et de replonger dans cet univers coloré, aquatique et onirique. Cet album est un véritable régal pour les yeux.
Faith est une jeune fille particulière qui partage son existence entre deux mondes. Un monde imaginaire peuplé d’amis animaux anthropomorphes où elle se sent heureuse et celui de la réalité, avec ses soucis familiaux et sa maladie qui l’isole de plus en plus. Chaque jour qui passe est une victoire sur la mort, mais la maladie progresse et les deux mondes en sont bouleversés, se chevauchant dangereusement... Les éditions Delcourt nous proposent un titre très étrange, voire déroutant par moment, mais si intrigant qu’il nous tient à la lecture jusqu’à la dernière page. Même une fois le livre refermé, la magie opère encore, questions et interprétations jaillissent. Chacun avec sa sensibilité, son histoire pourra entrevoir sa vérité, mais il s’agit bien avant tout d’un récit sur la perte d’innocence lorsque l’on entre dans l’âge adulte. « Dans la forêt des lilas » est un récit initiatique qui se situe à la frontière entre deux étapes de la vie. Il traite de la peur de perdre ceux qu’on aime, de l’apprentissage des limites et de la solitude. Les illustrations au style onirique sont magnifiques de délicatesse. Un roman graphique pour les plus de 12 ans, émouvant et saisissant. - Michaël