Conseils lecture
En protégeant la Terre, Abraham Slam, Golden Gail, Barbalien, le Colonel Weird et son robot Talky-Walky, Madame Dragonfly et Black Hammer, ont trouvé la mort dans une terrible explosion. 10 ans après, ces super-héros ne sont plus qu’un lointain souvenir, des légendes urbaines, des histoires que l’on racontent aux enfants... Et pourtant, loin de notre monde, ils sont là, résignés, prisonniers d’un univers prison, n’espérant qu’une seule chose, qu’on vienne les délivrer... S’il y a un comics de super-héros à lire absolument en ce moment, c’est bien la série Black Hammer. Pourquoi ce titre et pas plutôt un issu du mainstream ? Parce qu’elle possède de nombreux atouts. Pour commencer, elle est écrite par Jeff Lemire qui est certainement l’un des plus, si ce n’est le plus talentueux, scénaristes de bandes dessinées de ces 10 dernières années. Chaque récit qu’il développe est un bijou d’actions et d’émotions. Black Hammer ne déroge pas à cette règle. L’histoire est captivante et se découvre d’album en album sous le prisme des différents personnages. Nous découvrons page après page la personnalité de nos héros, certain plus mystérieux et/ou inquiétants que d’autres. Chaque vie, destin est un récit dans le récit, des histoires qui alimentent l’Histoire. Nous retrouvons donc des personnages aux destins variés qui n’ont, à par être des super-héros, rien en commun, mais qui vont devoir apprendre à vivre ensemble pour le meilleur comme pour le pire. Voilà ce qui rend cette aventure unique. Loin d’être manichéenne, la trame est subtile et elle nous plonge dans la psyché humaine, une véritable analyse de nous-même. Cette série est, pour le lecteur averti, un hommage aux illustres séries de super-héros. On y retrouve un peu de l’âme de Spider-Man, de Daredevil, du Batman, de Swamp Thing et de bien d’autres encore. Des références disséminées par-ci par-là, mais qui ne nuisent pas à la compréhension de l’œuvre. Jeff Lemire s’est associé à Dean Ormston pour le dessin. Cet illustrateur fait des merveilles avec un style rétro, mais surtout un découpage dynamique et efficace. Pour terminer, Black Hammer a remporté en 2017 l’Eisner award de la meilleur nouvelle série aux Etat-Unis, preuve - s’il en est encore besoin - de sa qualité. Alors, si vous aimez les bandes dessinées de super-héros, vous allez adorer, et si vous n’aimez pas, vous allez adorer quand même. - Michaël
C’est l’été dans la grande maison familiale située en bord de mer. Edda et ses trois sœurs regardent la télé, vont se baigner, s’amusent pendant leurs vacances sous l’œil omniprésent du patriarche. Un maillot trop échancré lui déplaît, il faudra en racheter un autre. Les sœurs usent de stratagèmes habiles pour se soustraire à cette autorité, sous l’œil complice de leur mère. La belle harmonie familiale se fendille sous nos yeux lors d’un dîner : Edda annonce avoir passé et réussi le concours d’entrée à la haute école de médecine... ce qui ne rentre pas dans le plan élaboré par le grand-père. La guerre des générations est déclarée et l’émancipation des filles en marche. Dans cette BD, Lucie Quéméner dessine avec brio le portrait sur quatre générations d’une famille issue de l’immigration chinoise, certainement avec authenticité puisqu’elle-même est franco-chinoise. Pour autant, il s’agit bel et bien d’une fiction autour des notions d’héritage et d’émancipation. La kyrielle de personnages crée un univers dont les lignes se rejoignent très habilement et donnent à voir de multiples possibilités autour d’une même problématique. L’autrice a aussi eu l’excellente idée de développer l’histoire de chaque génération, moins pour expliquer des comportements que pour nous raconter des parcours de vies dont les multiples facettes échappent au premier regard, à la première lecture. Dans sa première bande dessinée, Lucie Quéméner nous offre un beau récit plein de force et de sagesse, qui met du baume au cœur. Espérons qu’elle récidive bientôt... - Aurélie
Hervé, un sexagénaire fraîchement retraité, s’ennuie ferme et dépérit dans sa petite vie morose avec comme seule perspective un caveau au fond de l’allée du cimetière. Faut dire qu’Hervé il en a des raisons de déprimer ! Heureusement il y a ses deux bouées, son amour d’une vie, sa femme Elisabeth et son bichon qui l’aide à avaler cette pilule amère : ce quotidien sans but ni illusion. Les jours se succèdent, ainsi, monotones, jusqu’au décès de la petite vieille du dessus qu’un jeune couple avec enfants va remplacer.
C’est une immersion au cœur de ce personnage fragile et cabossé que nous propose l’autrice. Elle décrit avec finesse sa psychologie et ses états d’âme. Peu à peu nous comprenons pourquoi Hervé en est là aujourd’hui, on comprend aussi qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il bascule, et que d’autres, sûrement, l’auraient déjà fait à sa place.
Tout au long du roman nous accompagnons ce personnage, sur un fil, en équilibre en nous demandant s’il va tomber. Un homme attachant (ou presque) qui se débat avec son quotidien et son passé. Un très beau roman noir bouleversant, mené de main de maître, où à la finesse de l’analyse psychologique, répond la justesse de l’analyse sociale. Une intrigue très bien menée servie par un style à la fois fluide et rythmé, loin des stéréotypes du polar.
Une merveilleuse découverte, un coup de maître pour un premier roman.
Attention ! Je vous déconseille fortement de lire la quatrième de couverture qui en dit beaucoup trop de mon point de vue.
En 1973, Glenn a 13 ans lorsque ses parents décident, à cause de résultats scolaires moyens, de l’envoyer en pensionnat au manoir Chartwell, école privée reconnue pour son sérieux et sa rigueur. Là-bas il va apprendre la vie en collectivité, se faire des amis, mais également découvrir la face sombre de l’humanité. À l’instar de ses camarades, il sera victime de pédocriminalité : une proie bien trop facile pour le directeur d’établissement dont les boniments et le charisme n’éveilleront jamais aucun soupçon…
Il fallait beaucoup de courage à Glenn Head pour enfin dévoiler son histoire, son drame et tous ces drames. Il a eu cette force, cette volonté de révéler au monde entier son mal-être, cette blessure profonde qui ne guérira peut-être jamais. Œuvre exutoire, elle est aussi œuvre de salut public, puisqu’elle permet de comprendre, de mieux appréhender et donc de mieux aider les victimes de pédocriminalité. L’auteur nous parle du manoir et de son monstre, mais il ne s’arrête pas là puisqu’il continue son récit jusqu’à plus tard, en 2011, ou à cinquante ans, il trouve enfin un peu de repos dans son esprit et son corps meurtris. Voilà une des forces de ce témoignage, ne pas ce contenter d’un moment, mais bien de suivre au fil des années Glenn Head dans sa construction en tant qu’homme, en tant qu’individu. Il décrit ses relations avec ses parents et leur déni de toute cette histoire. Il nous parle de son mal-être qu’il oubliera régulièrement, à la faveur d’une bonne cuite. Il évoque, sans équivoque, ses relations avec la gente féminine, qu’il ne saura jamais vraiment aimer, accepter. Par moment, nous recroisons également d’anciens camarades de Glenn et tout comme lui, les années ont passé, sans la moindre flamme, éteinte trop rapidement.
Oui, il fallait du courage, mais aussi beaucoup de talent pour s’ouvrir de la sorte et partager ces horreurs dans un album sans voyeurisme et à la portée de tous et toutes.
La Justice League, la célèbre équipe de super-héroïnes et de super-héros, a beaucoup de travail pour sauver le monde de terribles menaces. Cependant, par moment, ses membres trouvent un peu de temps pour regarder leurs mails et répondre à leurs nombreux admirateur·rices... « Chère Justice League » est un récit jeunesse de « super·es », cependant il n'est en rien comparable avec ce qui se fait habituellement. Oh bien sûr, il va être question d'une menace sur notre planète, d'une bataille pour notre civilisation, mais cette intrigue est relayée au deuxième, voire troisième plan. Le plus important pour nos personnages est de répondre aux questions des fans et surtout, de répondre sincèrement : Superman fait-il des erreurs ? A force de vivre sous l'eau, Aquaman sent-il le poisson ? Et bien d'autres questions et réponses à découvrir ! Ce titre humoristique ravira petit·es et grand·es lecteur·rices, car aussi drôle que soient les réponses, c'est surtout la façon de les amener qui l'est encore plus. Bien sûr, les illustrations jouent également un rôle majeur dans le rendu général. Wonder Woman, Batman et compagnie sont croqué·es avec un style « cartoon », les visages et les postures, sont légèrement exagéré·es pour donner un effet des plus caustiques. « Chère Justice League » est un titre à part dans ce genre états-uniens, léger et rafraîchissant, il ne procure que du bien-être. - Michaël
Au royaume des Six-Ponts la vie s’écoule plus ou moins paisiblement pour Anne, la tavernière. Son établissement est en reconstruction et sera fin prêt à recevoir tous les convives invités pour le mariage de son amie d’enfance, la fille du roi. François, l’ancien forgeron, maintenant soldat, n’est enfin plus amoureux d’elle, ouf... La reine, acariâtre personnage, semble elle aussi faire profil bas. Bref tout va bien... Sauf que non, en vérité, en coulisse un terrible drame se joue et va frapper pour changer à jamais la destinée de tous nos protagonistes... C’est avec joie que nous retrouvons les aventures de Anne. Débuté en 2009, notre chère tavernière a égaillé l’espace de 6 albums la vie de vos chérubins et de tous les lecteurs qu’elle a croisés. Véritable petit ovni à sa sortie par le fait d’une écriture différente pour l’époque, par son style humoristique sans pareil, « le royaume » s’est rapidement imposé comme un incontournable jeunesse. Ce dernier volume, car oui, les meilleures choses ont une fin, est différent des albums précédents. Pour commencer, il peut être lu séparément, il forme à lui seul un tout, mais peut également faire office de suite et de conclusion à la saga. L’histoire plus sombre, plus complexe, mais dont l’atmosphère générale est toujours aussi légère et drôle, est truffée de mystères et de rebondissements. A aucun moment l’ennui n’est présent. L’histoire est partagée entre des scènes d’actions, d’humour et d’émotions, le tout savamment équilibré. Jamais méchant, mais subtil et intelligent, le récit s’adresse aux enfants comme aux adultes, les deux y trouveront leur bonheur et peut-être même des moments de partage. Pour terminer je parlerais volontiers de l’illustration car pour moi, Benoît Feroumont est aussi un immense illustrateur. Son trait respire la vie, ses personnages sont charismatiques, les contours fins et précis permettent une lecture de l’image avec clarté. Il est adepte du gaufrier et des plans moyens concentrant au maximum l’attention sur la scène et l’action en cours. Une réussite pour une œuvre devenue un classique de la bande dessinée et un auteur talentueux que j’espère un jour recevoir dans votre Espace COOLturel ! - Michaël
Dans un château vit toute une armée. Ce château n'ayant jamais été attaqué, personne ne se soucie plus de le protéger. Seule une chevalière reste sur le qui-vive, et se prépare en cas d'attaque ; le reste de l'armée est bien moins motivé : ça danse, ça joue aux cartes, ça fait la sieste et ça raconte des blagues. La chevalière essaie d'entraîner ses collègues à la bataille, mais sans succès ! Elle prend alors une autre option : ne rien faire, d'accord, mais au moins que ce soit bien fait ! L'armée se met à pratiquer de drôles d'exercices : comment bien se balancer dans un hamac, comment installer des chaises longues efficacement, ou encore faire de belles bulles de chewing-gum. Jusqu'au jour où notre chevalière voit un bataillon ennemi à l'horizon... Avec un ton humoristique très présent, l'autrice met en scène une armée uniquement constituée de chevalières. Elles ne sont pas moins paresseuses que leurs homologues masculins, mais avec de la suite dans les idées ! Les illustrations feront rire aux éclats les jeunes lecteurs qui découvrent l'album : l'insouciance des chevalières et leur paresse sont croquées avec beaucoup de dérision. La maison d'édition Talents Hauts est connue pour son engagement contre toutes les discriminations et le sexisme, et cet album ne fait pas exception : pas forcément princesses à sauver, pas forcément guerrières valeureuses, parfois simplement drôles et vivantes... Eh oui, les filles aussi ont le droit d'être imparfaites !
Selon sa tante, Miyo est une bonne à rien, pourtant elle va réussir à décrocher un emploi dans la boutique de M. Momotoshi, un marchand excentrique spécialisé dans l’importation de toutes sortes de babioles. Une nouvelle vie commence donc pour la jeune orpheline qui va devoir apprendre de nouveaux codes de conduite mais également mettre à profit son talent de divination...
Que voici un manga fort sympathique qui devrait trouver un plus large public que celui habitué au genre. Nous sommes sur un récit de type « seinen », destiné aux adultes, mais qui présentement peut être lu par un plus jeune public tant l’histoire est délicate et délicieuse. Nous suivons donc Miyo, tendre et attendrissante avec ses côtés un peu gauche et sa timidité propres aux personnes ayant été dévalorisées dans leur enfance. Même si cela ne constitue pas la trame principale, on devine que Miyo va s’épanouir en trouvant écoute et stimulation auprès de cet étrange M. Momotoshi. Cette intrigue, qui sera le fil conducteur de cette œuvre en 6 volumes, est distillée dans les nombreuses histoires que nous proposent le manga. Les différents chapitres proposent à chaque fois la découverte d’un objet occidental de la fin du 19e siècle et une fiche explicative de son fonctionnement. Loin d’avoir livré tous ses secrets dans ce premier volume, nous attendons avec impatience d’en savoir plus sur le don de divination de Miyo, qui devrait par la suite se montrer d’une extrême importance…
Dans la froideur du monde polaire, Petit Ours dort. Mais à quoi peut-il bien rêver ? Cet album aux couleurs douces et bleutées dégage à lui seul une force incroyablement apaisante et sereine. Il est en cela un compagnon, telle une peluche ou une veilleuse, idéal pour accompagner l'enfant jusqu'aux pays des rêves. Les illustrations de Paul Schmid sont également d'une redoutable efficacité. Ces ours polaires sont beaux, ils sont mignons, ils sont attachants et l'enfant peut facilement s'identifier à eux. De même que les parents, car l'auteur a pris soin de ne pas sexuer les personnages. L'histoire est somme toute classique à cela près qu'elle est une ouverture à l'imagination et une invitation au sommeil. « Petit Ours rêve » est un excellent album pour passer un délicieux moment avec ses enfants. - Michaël
Ce matin Pablo l’éléphanteau est triste, il ne se trouve pas beau et voudrait changer de couleur, en finir avec le gris. Il profite d’une balade dans la savane avec son ami l’oiseau, pour lui demander son avis concernant le pelage qui lui irait le mieux. Sur chaque double page, nous découvrons la nouvelle envie de Pablo (girafe, serpent, vache…) accompagnée de la réaction de son compagnon. Le fil de l’histoire est très simple à suivre et crée l’impatience de voir la prochaine transformation. Les illustrations sont colorées et dynamiques. Ce duo improbable apporte une véritable bonne humeur.
Cet album plein de tendresse est très touchant et drôle. Il nous rappelle, au travers des personnages, nos inquiétudes et questionnements vis-à-vis du paraître et de la quête d’identité. Serions-nous plus belle·aux, plus apprécié·es sous une autre apparence ? Ces pensées concernent aussi la vie des enfants.
L’amitié est également bien présente entre les deux héros. Le petit oiseau n’hésite pas à donner son avis à Pablo avec sincérité quitte à parfois le vexer.
Finalement, le plus important est d’être entouré·e par l’amour de ces proches, quels que soient nos choix.
Les géants ne sont plus, leur règne de terreur est à peine achevé que déjà un nouvel ordre émerge, mais nul ne sait s’il en sera meilleur. De ce passé récent il ne reste que Petit, dernier géant encore en vie. Il est l’objet de nombreuses convoitises politiques, lui qui a toujours été un paria parmi les siens du fait de sa petite taille, est aujourd’hui parmi les hommes un objet de convoitise et de violence... Troisième volume de cette formidable saga qu’est « Les Ogres-dieux », on retrouve ici tous les ingrédients qui ont fait le succès des premiers volumes : action, suspense, émotion et réflexion sont toujours au rendez-vous ! Bien évidemment le récit se renouvelle, on prend plaisir à retrouver des personnages familiers, mais qui du fait d’événements tragiques, changent et deviennent différents, pour le meilleur comme pour le pire. Sous couvert de récit fantastique, cette œuvre est une véritable analyse de la psyché humaine : l’œuvre du scénariste Hubert est un reflet de notre société contemporaine, où l’ambition et la cupidité politique, mais également individuelle, sont le véritable danger de toute civilisation. Heureusement certaines valeurs survivent et donnent l’espoir d’un monde meilleur. Cet univers est délicatement mis en image par Bertrand Gatignol, dont le talent n’est plus à redire. Son style, à la fois classique, mais également moderne, fait que son travail sera apprécié par un large public. Sa colorisation noir et blanc et la précision de son trait siéent à merveille au récit de Hubert. Courez vite découvrir cette saga qui n’en finit pas de séduire ! - Michaël
Monsieur Toutenordre est un passionné de ménage. Tous les jours, il range, nettoie et dépoussière sa maison de fond en comble. Après vient le tour de son jardin : il taille, ratisse, passe la piscine au chinois. Mais quelque chose le chiffonne : au fond de son jardin se trouve une forêt ou règne un bazar indescriptible ! M.Toutenordre s’attèle alors à la tâche…
Christopher Ellengard nous livre un conte écologique drôle et original. L’être humain veut parfois arranger la nature à son goût, pour son confort, mais toujours au détriment de l’équilibre fragile qui y règne et impacte tout l’écosystème !
Les illustrations au feutre sont colorées. Les formes géométriques de la maison attestent de la maniaquerie de M.Toutenordre : rien ne dépasse ! Dans la forêt, c’est une autre ambiance : des couleurs, des arbres touffus, Christopher Ellengard nous montre le cocon confortable de cette belle nature.
Avec humour, le message écologique est passé : laissons la nature comme elle est !
Nolwenn
Conseils lecture
Papa Ours est heureux avec sa fille Elma, ils vivent au jour le jour dans un univers d’amour et de paix. Malheureusement cette quiétude est mise à mal le jour des 7 ans de la petite humaine. Il est temps pour Papa Ours, malgré ses peurs, d’accompagner Elma pour un long voyage... Beaucoup d’émotions se dégagent de ce magnifique album. De par ses illustrations qui sont d’une incroyable beauté. Sur papier coloré, Léa Mazé utilise gouaches, crayons de couleur et encres afin de donner vie et d’insuffler des ambiances particulières à chaque scène. Son trait est fin et délicat, il enchantera bon nombre de lecteurs. Enfin le scénario est mystérieux et tendre à la fois. Nous accompagnons Papa Ours et sa petite Elma dans un voyage dont nous ne connaîtrons pas tout de suite le dénouement (suite et fin dans le tome 2). De très petits indices ponctuent le récit, mais ne laissent pas la place à de hâtives conclusions. Au delà de cette frustration, nous sommes touchés de plein fouet par l’amour que se portent les deux personnages. Les marques d’affections se multiplient aux grés des événements et nous ressentons cette complicité, cette connivence familiale. À regarder Papa Ours perdu dans ses pensées, ses craintes et ses peurs, vous comprendrez qu’Ingrid Chabbert, par son écriture et sa mise en scène, a réussi à rendre ces personnages bien vivants. Tellement vivants que nous tremblons pour eux. « Elma, une vie d’ours » est à n’en pas douter un futur classique de la bande dessinée jeunesse. - Michaël
Grand-mère Doumia se rappelle son enfance à Paris, mais surtout les moments difficiles qu'elle a endurés. Cela la rend triste et mélancolique. Sa petite-fille la surprend dans cet état et ne peut s'empêcher de la questionner. C'est peut-être après tout le moment de tout lui raconter. De lui parler de cette enfance brisée par la guerre, de cette enfance volée par la rafle du Vel' d'Hiv, de cette enfance construite dans la peur et les humiliations d'être née juive durant la Seconde Guerre mondiale. Sans tomber dans le didactisme, Loïc Dauvillier nous livre ici un récit poignant sur la Seconde Guerre mondiale. Il ne montre aucune atrocité, mais sait les suggérer grâce au scénario et à la mise en scène. Un récit juste, sensible et pudique qui s'adresse aux enfants comme aux adultes. - Michaël
1916, Elisabeth Freeman est une suffragette, elle milite pour le droit de vote des femmes états-uniennes. Lorsque le sociologue William Du Bois lui propose de profiter de son voyage à Waco pour enquêter en toute discrétion sur ce qui est arrivé au jeune Jesse Washington disparu après son interpellation par le shérif, Elisabeth n’hésite pas un instant… Son combat pour l’égalité et la liberté est universel !
Une nouvelle page d’histoire nous est proposée par l’excellente collection documentaire « Karma » de chez Glénat. Bien sûr, elle est peu reluisante : elle dénonce une société patriarcale violente envers les femmes désireuses d’émancipation, mais aussi les horreurs de ce sud états-unien, arriéré et sanglant, où la justice n’est qu’un vain mot. Pourtant, malgré cette brutale réalité, on ressort tout de même rassuré par ces femmes et ces hommes qui combattent au péril de leurs vies l’injustice et l’intolérance. Une lueur d’espoir, certes faible tant la bêtise semble omniprésente et contagieuse, mais bien présente et qu’il nous faut absolument entretenir.
Personnellement, je ne connaissais pas Elizabeth Freeman, maintenant si ! et j’en suis heureux car s’enrichir de modèles aux valeurs positives n’est que trop important pour donner le courage de faire de notre société un monde meilleur.
A partager à tous et toutes !
Manga de type Seinen, pour un public donc ado/adulte, Man in the window est un récit mélangeant le polar et le fantastique et traite de façon originale du voyage dans le temps. Ici pas de machine, pas de cabine ou de trou de verre… Non juste une fenêtre qui fait le lien entre deux époques et un seul et même protagoniste, à deux âges différents. Le récit est haletant, complexe, mais compréhensible par tous. Le dessin, en noir et blanc, est précis et efficace, il ajoute parfaitement à l’ambiance mystérieuse du titre. Cerise sur le gâteau, ce titre est complet en trois volumes seulement. - Michaël
A l’école, des andouilles ont décrété que Kate était la petite fille la plus moche de l’école. Ils la surnomment « Kate Moche ». Ils se moquent d’elle toute la journée, et disent qu’elle n’est pas très maligne. Alors, quand Kate rentre de l’école, elle se regarde dans le miroir et pense qu’il y a mille autres façons de la décrire !
Elle s’imagine être une scientifique expérimentée, une doctoresse dévouée, une astronaute adroite ou encore une ninja acrobate. Un jour, Kate aura des rues à son nom, comme Simone Veil, Simone Signoret ou Simone de Beauvoir. Car Kate peut tout faire, oui, vraiment tout !
Cet album véhicule un joli message sur l’acceptation de soi et le pouvoir de l’imagination. Malgré ce qu’elle subit dans la cour de l’école, Kate garde la tête haute et confiance en soi en se réfugiant dans ses rêves. Il aborde donc le difficile sujet du harcèlement scolaire, avec beaucoup de tact mais aussi beaucoup de franchise, sans édulcorer la méchanceté que peuvent parfois avoir les enfants les uns envers les autres.
Les illustrations de Magali le Huche sont remplies d’humour, notamment celles qui mettent en scène Kate dans sa salle de bain, à fond dans son univers. Les couleurs vives donnent du tonus au récit et appuient le caractère ferme et bien trempé de la petite héroïne.
Ce livre est un rappel utile à transmettre à toutes les petites filles (et les petits garçons aussi !) : peu importe ce que les autres en disent, vous pouvez devenir qui vous voulez !
Lorsque les parents se séparent, il n’est pas toujours facile pour un enfant de trouver sa place, surtout quand on a deux maisons pour deux nouvelles vies… Melanie Walsh, par cet album tendre et réfléchi, décrit simplement, en quelques mots, la vie des enfants de parents séparés. Les thèmes habituels de la douleur ou de l’absence sont volontairement absents de ce récit qui se concentre sur des aspects plus « prosaïques », mais pas moins importants.
Du coup, ce titre n’est pas plombant, au contraire, il est même positif et rassurant pour l’enfant. Par un système de rabats-surprises, l’autrice joue à nous faire découvrir la vie chez l’un, puis chez l’autre, sans jamais donner un jugement de valeur. Elle conclut son histoire avec douceur et laisse entrevoir la multitude de facettes que peut prendre l’amour familial. « Chez papa et chez maman » est un album incontournable sur la thématique de la séparation qui ne l’expliquera pas, mais qui saura rassurer nos enfants sur le quotidien, leur avenir et l'amour que leur portent leurs parents. Et c’est bien cela le plus important. - Michaël
Doruntine, Albanaise, s’est mariée il y a trois ans avec un homme d’une lointaine contrée de Bohême. Une nuit sans lune, elle réapparait dans son village natal, affirmant avoir fait le voyage avec son frère Konstantin, or celui-ci est mort depuis deux ans. Au cimetière, sa tombe est ouverte.
Stres, capitaine et dépositaire de l’autorité princière, est missionné pour résoudre ce mystère. Dans une atmosphère entre « Sleepy Hollow » (film de Tim Burton 1999) et « Le nom de la rose » (fim de Jean-Jacques Annaud, 1986), il va devoir faire la part des choses entre fantômes, rumeurs et pouvoir religieux.
A la fois roman policier et fantastique, cet ouvrage n’en est pas moins profondément politique. Il offre plusieurs niveaux de lectures. Au-delà du divertissement que constitue l’enquête menée par Stres, le livre pose des questions fondamentales : celle du libre arbitre, de la vérité et de son travestissement par le pouvoir, de la souveraineté d’un pays face aux puissances extérieures, mais aussi de l’ouverture au monde, de la rumeur et de la manipulation. Autant de sujets qui ont une forte résonnance dans le monde et la société actuelle.
Dernier point : alors que son action se déroule au Moyen Age, il a été écrit en 1979 dans un des pires régimes autoritaires de l’époque, et constitue une critique ouverte du totalitarisme. Il dénonce aussi la domination des pays du bloc soviétique par l’URSS et l’obligation pour les pays d’Europe au cours de la deuxième moitié du XXème siècle de choisir entre capitalisme et communisme, sans pouvoir inventer leur propre modèle.
Ce livre a été interdit à sa publication en Albanie jusqu’à la chute de la république populaire socialiste.