Conseils lecture
Il y a 20 ans, par une singulière journée, le Roi a mystérieusement disparu. Castelmaure, le château, s’est entouré d’une tempête maléfique et des milliers d’enfants sont étrangement né·es... Cette histoire, conte oral, doit être retranscrite pour ne pas être oubliée. Cette mission de collecte est celle du mythographe, qui parcourt le pays en tous sens à la recherche des contes et légendes des campagnes. Pourtant, cette fois, il pourrait bien faire partie de l’histoire... Lewis Trondheim et Alfred, artistes talentueux, s’associent pour nous livrer une fresque fantastique, moyenâgeuse et diaboliquement efficace. Le récit, truffé de rebondissements, nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. Chaque personnage est guidé·e par son innocence et/ou un sentiment de rédemption, et emprunte des chemins escarpés. Au final, toutes ces routes n’en formeront plus qu’une, pour le meilleur ou pour le pire, dans une conclusion éclatante. Les illustrations d’Alfred fleurent bon le Moyen âge, décors et costumes, sans oublier sa palette de couleurs, nous imprègnent de cette époque pour nous immerger complètement dans le récit. Diantre ! Que voici une œuvre promptement menée, qui n’attend qu’un peu d’attention de votre part, alors n’hésitez pas, accordez-lui un peu de votre temps. - Michaël
Qui est Dara, cette belle inconnue qui fréquente assidûment le « BOOK bar » ? Seuls indices, son nom d’artiste et les planches de BD qu’elle écrit et dessine chaque mois pour le magazine « Fluide Glacial ». Pour en savoir un peu plus, Manon et Joshua, les gérant·es du bar, décortiquent et analysent chaque nouveau numéro et se partagent leurs extrapolations sur la personnalité de Dara.
Récit complet en un volume, « Dans la tête de l’inconnue du bar » est une bande dessinée humoristique de style feelgood, si l’on ne tient pas compte des récits « gores » de Dara. Car l’originalité de ce titre est que nous lisons une BD dans la BD, nous suivons à la fois les aventures de nos tenancier·es curieux·ses et celle d’une multitude de personnages issu·es de l’imagination fertile de Dara. Cette imagination va nourrir et alimenter les débats, un jeu du savoir sans savoir en quelque sorte.
Jonathan Munoz propose donc un concept assez jouissif, se moquant tendrement de tous·tes ces penseur·euses qui pour exister se doivent de toujours analyser, chercher un sens caché aux choses, encore plus en matière d’arts alors que la création n’est souvent qu’une inspiration du moment... et c’est déjà beaucoup.
« Dans la tête de l’inconnue du bar » est une bande dessinée pleine de charme et d’humour, mais aussi une belle histoire d’amour.
« Goupil ou face » est l’histoire vraie de Lou Lubie, autrice/illustratrice qui se bat chaque jour contre sa maladie : la cyclothymie. Ce trouble de l’humeur est de la famille des maladies bipolaires. Avec pudeur, mais sans compromission, elle nous dévoile son quotidien, que beaucoup aurait dissimulé, jonglant constamment entre euphorie et dépression. Le récit débute à ses 16 ans, aux premières manifestions de ce mal qui ne sera alors que peu considéré par le corps médical, et se termine par sa vie d’aujourd’hui, diagnostiquée et soignée. Elle nous parle d’elle, de ses émotions, de son comportement, de son évolution dans la société. Au travail, en famille ou encore en couple, tout est abordé avec clarté et limpidité. Le récit intimiste est par ailleurs complété par des explications médicales, ici encore le travail de vulgarisation est remarquable. « Goupil ou face » est une bande dessinée instructive et passionnante racontée avec beaucoup d’humour et dont les illustrations sont expressives et limpides. - Michaël
Cette bande dessinée est la biographie — enfin, une partie de la vie — du célèbre journaliste américain Randy Shilts, qui fut le premier journaliste américain à exercer en défendant ouvertement son homosexualité.
Son combat contre les rédactions homophobes de l’époque (années 70/80) est abordé, mais ne constitue pas le sujet principal du récit, qui n’est autre que l’apparition de cette effroyable maladie appelée à l’époque le « cancer gay » : le SIDA.
Ce titre retrace donc l’enquête menée par Randy Shilts, qui découvre accidentellement l’existence de cette maladie et des pressions exercées par le gouvernement américain afin de dissimuler la pandémie aux médias et au public.
Il va se heurter à l’indifférence, la censure et aux pouvoirs politiques.
Sa déontologie va le mener dans un combat titanesque pour que la vérité éclate au grand jour, jusqu’à se renier lui-même en utilisant l’arme de la fake news.
Eunice Kathleen Waymon vint au monde le 21 février 1933, dans la petite ville de Tryon, en Caroline du Nord. Elle apprend à chanter avant de savoir marcher et à jouer du piano sur les genoux de son père. En grandissant elle se rend compte que son talent ne suffit pas. Sa couleur de peau lui ferme plusieurs portes, mais la jeune fille ne renonce pas. Eunyce se fait engager dans des bars comme pianiste, puis chanteuse. Elle trouve sa voix, se découvre un style original, mêlant musique classique et sacrée à des tubes du moment auxquels elle ajoute son timbre brut et parfois triste.
Traci N. Todd nous immerge dans l’histoire incroyable de Nina Simone, talentueuse chanteuse de jazz et ambassadrice de la lutte contre le racisme. L’écriture simple et fluide s’adapte bien aux jeunes lecteur·rices .
Christian Robinson illustre merveilleusement cet album en utilisant peinture et collages.
A la fin, on trouve un petit dossier complémentaire sur la vie de l’icône.
Un livre magnifique et puissant pour faire découvrir aux enfants la lutte contre le racisme à travers le destin d’une des plus grandes voix du jazz. Cet ouvrage ravira également les plus grand·es. Il ne manque plus à ce petit bijou, que le son, car il n’est jamais trop tôt, ni trop tard pour écouter ou réécouter Nina Simone.
Dans ce roman autobiographique, Maria Larrea, fille d’immigré·es espagnoles, nous invite à grimper dans son arbre généalogique. Une ascension, pas toujours simple mais au combien passionnante, où il faut se frayer un chemin entre les parcours tumultueux et rugueux de ses aïeul·les. Où l’on côtoie la misère, terreau d’ancêtres mauvais·es comme du chiendent. Un arbre dans lequel les branches sont parfois brisées comme les destins ; où l’on porte souvent son héritage comme un fardeau.
C’est de cette histoire, de la rencontre de deux êtres mal-aimés, qu’éclos Maria un beau jour de 1979 sous le soleil de Bilbao. Elle grandit dans la petite loge de ses parent·es, concierges au théâtre de la Michodière à Paris et c’est un vrai plaisir d’assister au spectacle de cette enfant devenant adulte et à son tour mère. Maria a fait des études prestigieuses, elle est maintenant installée, mais persiste en elle une petite faille, qu’elle ne parvient pas à s’expliquer. Comme une question restée sans réponse qui résonne en elle. Puis soudain tout bascule !
Un très beau roman, sur l’identité où l’on découvre page à page qui est Maria, un voyage introspectif, rythmé et émouvant et enfin pour les natifs des années 70, dont je fais partie, une belle Madeleine de Proust.
Paris, rédaction de Gringoire, octobre 1933. Suite à la demande du rédacteur en chef, Xavier de Hauteclocque, journaliste germanophile, se voit confier une enquête sur la nouvelle Allemagne, celle qui a élu voilà six mois Hitler au rang de chancelier, et qui s’apprête à voter de nouveau aux législatives en novembre. L’ Allemagne, notre reporter la connaît très bien ; il en revient d’ailleurs, parle couramment la langue et y a un solide réseau d’indics. Dès son arrivée à Berlin, l’ambiance est nauséabonde : intimidation de la population, disparitions inquiétantes se multipliant, voyage encadré pour la presse étrangère… Une chape de plomb est tombée sur l’Allemagne en seulement quelques semaines. Difficile pour Xavier de Hauteclocque de mener son enquête : l’omerta règne. En quête de vérité, celui-ci persévère et prend des risques pour comprendre les rouages du nouveau régime nazi.La Tragédie brune, c’est avant tout le titre du récit publié dès 1934 par Xavier De Hautecloque, dans lequel il alerte sur le danger nazi. C’est aussi cette bande dessinée qu’en ont tiré Thomas Cadène et Christophe Gaultier où l’on suit un homme virevoltant au gré de ses investigations grâce au dessin incarné de Christophe Gaultier. Le trait, épais, souligne la noirceur de cet automne 1933, ô combien glaçant et annonciateur des malheurs à venir. Thomas Cadène se fait discret dans son récit sur la biographie de notre héros : il choisit de se concentrer sur l’enquête en s’appuyant sur le texte original (dont le début est reproduit en appendice). Hommage est ainsi rendu non seulement à un homme, mais aussi au journalisme d’investigation et à sa quête de vérité. Avis aux amateurs de L’Ordre du jour d’Eric Vuillard – et aux autres - : ne passez pas à côté de ce titre ! - Michaël
A l’heure des fake news et de la désinformation, l’Espace COOLturel vous propose de découvrir deux titres qui traitent de sujets médiatiques et sociopolitiques : “Pour une télé libre” et “Touche pas à mon peuple”.
“Pour une télé libre” de Julia Cagé, critique la logique d’un empire médiatique, en particulier le système Bolloré et appelle à la création de médias véritablement libres pour garantir la survie d’une pensée libre.
“Touche pas à mon peuple” de Claire Sécail, est un essai qui examine le populisme de Cyril Hanouna et son impact sur les principes du débat public et de la démocratie. L’autrice aborde la désinformation et la banalisation de la violence dans les échanges humains et citoyens.
Ces deux titres soulèvent des problématiques liées aux médias, à la démocratie et à la liberté d’expression. Ils invitent à la réflexion sur l’importance d’une information indépendante, libre et de qualité et d’une télévision qui serve l’intérêt public et non pas une propagande.
Nicolas Keramidas, auteur de bande dessinée, délaisse, le temps d’un album, la fiction pour un récit autobiographique poignant et pédagogique. Alors âgé d’un an, il fut l’un des premiers bébés opérés à cœur ouvert pour malformation cardiaque. Quarante-trois ans plus tard, il doit repasser sur la table d’opération... Ces événements, surtout le dernier bien entendu, le poussent aujourd’hui à se confier, à décrire dans un journal de bord son hospitalisation présente. Livre exutoire, il dévoile sans pudeur, mais non sans humour, ses angoisses et cette peur de la mort omniprésente. Il nous parle de son enfance, de sa construction autour de sa maladie. Il décrit son quotidien, d’examens en opérations et nous livre aussi, en parallèle, les sentiments de ses proches, les peurs, les pleurs de ceux qui tiennent à lui. Nicolas Keramidas n’oublie pas non plus les services hospitaliers, présents tout au long du récit, qui réalisent chaque jour des miracles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « À cœur ouvert » n’est pas triste, au contraire, cette bande dessinée nous dit d’aimer la vie et c’est bien ce que nous allons faire... - Michaël
Habitué à donner vie à des musiciens dans ses bandes dessinées noir et blanc, Frantz Duchazeau change de style et s’attaque à un monument : Mozart. Loin du cliché facile du génie à qui tout réussit, l’auteur a choisi de s’attarder sur un épisode assez piteux de la carrière du plus célèbre des musiciens : son installation fugace à Paris en 1778. Wolgang Amadeus Mozart, 22 ans, quitte Salzbourg afin de prendre son envol loin de son père, Léopold. Il découvre Paris, y étincelle et tente de se faire une place parmi les musiciens à la mode. Mais son caractère orgueilleux et son manque d’entregent le cantonnent à donner des leçons de piano. Il s’impatiente et ne rêve que de deux choses : composer un opéra et retrouver sa dulcinée, la cantatrice Aloysia Weber. Frantz Duchazeau nous offre une bande dessinée subtile et poétique sur la difficulté pour les artistes d’éclore et vivre librement de leur art. Cette biographie montre Mozart terriblement moderne, libre, faillible et touchant, soumis comme tout un chacun à des échecs. Un être attachant, et qui, chemin faisant, rencontres aidant, sublimera peines et malheurs grâce à son art, génial et enchanteur. - Michaël