Conseils lecture
Suite à un cancer du sein, Elizabeth subit une mastectomie. Dès lors sa perception d’elle-même, de sa féminité, en est désastreusement touchée. Pire, le regard des autres est néfaste et n’aide en rien à sa reconstruction. Plus rien ne sera pareil, sa vie d’avant s’écroule. De déceptions en désenchantements, ses déboires la conduisent à une nouvelle vie au milieu de marginaux au grand cœur. Voici un titre à recommander de toute urgence, puisqu’il aborde de façon intelligente un sujet ô combien difficile, le cancer et plus précisément, celui du sein. Sans être larmoyant, au contraire, il évoque la maladie sans détour et se concentre sur l’acceptation du corps mutilé, du regard des autres et surtout de soi. Il évoque le courage de ces femmes blessées dans leur féminité, qu’elles doivent réinventer. Ce que fait Elizabeth à sa manière éperdue et joyeuse, révélée par cette épreuve et plus vivante que jamais. Ce récit est mis en image de façon originale dans un pur style cinématographique de type "slapstick", à la façon des films muets des débuts du cinéma avec de courts textes entre les différentes scènes sans parole. Bref, un récit qui étonne et détonne récompensé par le prix Fnac de la BD. - Michaël
Vous pensez connaître l’histoire de Blanche-Neige ? Vous croyez que la princesse serait assez naïve pour croquer dans une pomme offerte par une sorcière ou que ce prince, assez louche, embrasserait, sans son consentement, une jeune fille endormie ? Et les prénoms des sept nains, vous croyez réellement qu’une mère appellerait son enfant Atchoum, Grincheux ou Simplet ? Ce roman va faire fondre vos certitudes !
Le début de ce conte est le même : un chasseur à bien été envoyé par la méchante belle-mère pour tuer Blanche-Neige et lui rapporter son cœur. Pour le reste, on vous a menti !
Dans la version de Côme D’Onnio, Blanche-Neige est une cheffe d’entreprise qui se bat pour de meilleures conditions de travail. Elle est végétarienne et laisse les nains s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine. La belle-mère se retrouve cuisinière d’un « Déj-carriole » (l’ancêtre du food-truck), et espère bien réussir à empoisonner la princesse. Le prince charmant ? eh bien, il n’est finalement pas si important… Je ne vais pas vous en dévoiler plus : pour connaître toute la vérité, croquez vite dans ce livre à pleines dents !
C’est une lecture très drôle à l’humour décapant, avec une histoire originale et moderne qui aborde des thèmes importants comme l’écologie, le respect animal, les stéréotypes, le droit des femmes ou encore le monde social et économique. Les personnages revisités ont de la personnalité, de la persévérance et même la reine se révèle attachante.
En bonus, on trouve à la fin du roman les deux recettes inventées par la reine : « les croquettes de chou-fleur » et « le brownie au chocolat vegan rudement bon ». Miam !
Pour bon nombre d’Etats-Uniens, Chris Kyle est une légende. Sa réputation, il la tient de sa profession de « sniper » pour l’armée américaine. Il est recordman du nombre de cibles homologuées dans toute l’histoire de l’armée américaine : 160 tués « confirmés ». Héros et/ou meurtrier, l’histoire de cet homme ne laisse pas indifférent. Fabien Nury au scénario et Brüno, au dessin, nous présentent ce personnage, produit d’une société construite sur la violence et le rêve américain. Il est difficile de juger la personne, tant l’environnement, le poids du passé sont de fertiles terreaux à un patriotisme exacerbé. Héros, oui, il a sauvé la vie de nombreux soldats (assassins également, peut-être, sûrement), mais aussi victime de son propre pays. Chacun se fera son opinion. La force de ce récit documentaire est surtout de mettre en parallèle deux destins : Chris Kyle, le héros et Eddie Ray Routh, lui-même vétéran de guerre, son assassin. Quand l’un est adulé, l’autre est inexistant aux yeux de la société, voire raillé. Eddy Ray Routh a également fait la guerre d’Irak, n’a pas tué, mais en revient traumatisé. Alors, à son retour au Texas, il n’est personne, à moins que... Cette œuvre est forte, poignante, une analyse sans compromis d’une culture aux codes qui nous échappent. Ce récit met en exergue la fragilité humaine, car rien n’est simple ni facile, et peut être une formidable entrée en matière pour parler d’écopsychologie, concept forgé par Boris Cyrulnik qui affirme que tout ce qui nous entoure nous façonne, in utero et jusqu’à notre mort. De quoi réfléchir. - Michaël
Au XVIIIe siècle, l’Islande est une terre rude. Épidémies, famines, éruptions volcaniques et occupation danoise rendent ce pays invivable. Riche de sagas légendaires, l’Islande n’a plus d’espoir, si ce n’est de se trouver un guide, un héros. Grimr, jeune orphelin, pourrait être celui-ci, à moins qu’il ne devienne un fléau bien pire...
Faire de « La saga de Grimr » l’IDBD de la semaine, cela peut paraître facile puisque cet album a remporté le prix du meilleur album (Fauve d’Or) au festival de bandes dessinées d’Angoulême 2018. Mais sacrebleu ! Il le vaut bien et il serait fort regrettable de ne pas vous en parler. Jérémie Moreau livre une copie parfaite. Partant d’un contexte historique, il développe un récit riche en actions et en émotions. La tension va crescendo jusqu’au final magistral qui ne vous laissera pas indifférent. L’auteur réussit son pari en écrivant et en offrant une vraie saga, digne des plus belles, sublimée par les décors et les aquarelles de cet artiste hors norme. Maintenant, à vous d’aller conter la saga de Grimr ! - Michaël
Marco est un renard qui se pose plein de questions sur le vaste monde. Pourquoi les arbres de parlent pas ? Où va le soleil lorsqu’il disparaît dans l’océan ? Mais lorsqu’il pose la question à ses camarades renard, ceux-ci lui répondent : « mais quel est le rapport avec la blanquette de poulet que nous sommes en train de cuisiner ? »
En quête de réponses, et de sens à sa vie, Marco le renard s’embarque pour un voyage presque sans retour à bord du bateau-cerf. Pour compagnons, il aura un équipage drôlement constitué : des cerfs et des biches qui ne savent pas naviguer, des pigeons qui ont soif d’aventure mais ne savent pas travailler… que va trouver Marco au bout de son aventure ?
A travers cet album, Dashka Slater nous embarque dans une histoire erratique, qui balance le lecteur au gré des questionnements de Marco le renard et des aventures qu’il vit à bord du bateau-cerf. Le récit fait la part belle à l’amitié qui se noue entre les protagonistes : comment faire pour trouver un ami ? se demande Marco. L’histoire lui réponds de plusieurs manières : autour d’un repas, d’une aventure en commun, ou tout simplement en lui posant des questions…
Les illustrations des frères Fan nous rappellent une époque pas tout à fait révolue de la littérature jeunesse : celle d’un dessin assez réaliste, friande d’anthropomorphisme, fourmillant de détails. Les couleurs assez sombres, dans les tons gris / marron, donnent une ambiance mélancolique à l’histoire.
Nos trois auteurs nous offrent un album surprenant, onirique et philosophique, laissant de nombreuses questions ouvertes ; A charge au lecteur, petit ou grand, d’y apporter les réponses qu’il veut.
Dans un monde peuplé de créatures de toutes sortes, il existe un marteau magique qui apparaît de temps en temps et celui ou celle qui arrive à le brandir fera un voyage qui changera à jamais le cours de sa vie. Nombreu·ses sont celles et ceux qui s’y sont essayé·es, malheureusement il y a peu d’élu·es et pour la personne choisie, une quête mystérieuse à laquelle elle ne peut échapper commence dès lors. Melina, petite fille d’à peine une dizaine d’années, en est aujourd’hui la détentrice. Malgré son jeune âge, elle doit quitter sa famille pour vivre son aventure, il ne peut en être autrement… « Hammerdam » est un énième récit fantastique pour la jeunesse, mais avec un je ne sais quoi en plus, le petit truc qui le place au dessus de tous. Le récit principal est somme toute classique et c’est grâce à l’apport des histoires parallèles des seconds couteaux que ce titre prend tout son relief. Elles et ils sont d’une richesse et d’une originalité folle, aux caractéristiques étonnantes. Cet ensemble éclectique forme une bande détonnante qui fonctionne à merveille. Le personnage principal semble pour le moment bien calme, voir terne, mais on y décèle tout de même une force interne qui pourrait bien se faire jour dans le prochain tome. On ne sait rien du voyage à venir, mais ce n’est pas grave tant ce premier volume est complet, riche de trouvailles fort amusantes. Les illustrations d’Enrique Fernández sont également épatantes. Case après case, il crée un univers aux teintes feutrées, tantôt épuré, tantôt fourmillant de milles détails. Maintenant, hélas, il nous faut attendre le tome deux, mais rassurez-vous nous ne l’oublierons pas. - Michaël
Lorsqu'une personne éternue, il est de tradition de dire " à vos souhaits", mais Félix, lui, détourne la chose en disant : "A mes souhaits". Pour quelle raison ? Tout simplement parce que c'est sa collection... Félix collectionne les souhaits des autres ! Il a déjà une belle collection lorsqu'il rencontre Calliope. Cette mystérieuse jeune fille n'a pas de souhait, mais pourquoi ? Loïc Clément nous a écrit un très beau conte, original et poétique. Cette oeuvre est mise en image par Bertrand Gatignol, illustrateur talentueux au trait fin qui donne vie à cette oeuvre d'une grande beauté. La bande dessinée jeunesse est un vivier de récits innovants et de qualité, "Le voleur de souhaits" fait partie des prochains classiques de la littérature. - Michaël
Fred virevolte dans la maison, tout nu. Il virevolte dans sa chambre, dans le couloir, dans la chambre de ses parents, toujours tout nu. Mais soudain, Fred cesse de virevolter. Il jette un coup d’œil dans le dressing, y rentre et découvre les tenues de son papa. Il choisit une chemise, une cravate, des chaussures, pour s’habiller comme lui, mais ça ne lui va pas du tout. Alors il regarde les vêtements de sa maman : il choisit une tunique, un foulard, des chaussures, et ça lui va très bien !
« Fred s’habille » nous montre un petit garçon qui aime se déguiser avec les vêtements de sa maman, en s’affranchissant de toutes les questions de genre. Le·la lecteur·ice adulte ne peut s’empêcher de se demander : que vont dire les parents de Fred en découvrant leur petit garçon habillé comme cela ? Et bien les parents ne disent rien, bien au contraire, et jouent le jeu également. Rapidement, toute la famille se déguise, se maquille et se pare de beaux bijoux : Fred, sa maman, mais aussi son papa et même le chien.
La simplicité avec lequel ce sujet est abordé est très apaisant et n’est pas sans nous rappeler un autre album : « Julian est une sirène » de Jessica Love. Que ce soit dans l’un ou dans l’autre, le verrou des stéréotypes de genre saute avec beaucoup de tendresse. Cela ne pose de problèmes à aucun·e des personnages de voir un petit garçon avec des vêtements féminins.
L’univers graphique est également un régal pour les yeux. Le trait est tout en rondeur, accessible aux enfants, et très coloré. Le rose fluo est omniprésent au fil des pages : encore une autre manière pour l’auteur de fracasser les codes genrés de la littérature jeunesse.
Enfant, ses parents s'occupaient d'elle. Aujourd'hui adulte, c'est elle qui doit s'occuper d'eux. Ils sont âgés, fatigués, dépassés par un monde qui n'est plus vraiment le leur et qui va beaucoup trop vite. Ils ne veulent pas quitter leur doux foyer pour une place en maison de retraite. Alors, régulièrement, elle va les voir, elle prend soin d'eux, elle vérifie que tout se passe bien. Quelquefois, tels des enfants, il faut les sermonner, les cajoler et réparer ce qui semble être irréparable.
Dans ce récit authentique sur la vieillesse, Joyce Farmer nous livre son témoignage sur la difficulté rencontrée lorsque des personnes âgées refusent l'inéluctable : la maladie et la perte d'autonomie. Dure et touchante à la fois, cette histoire dépeint le quotidien de ces familles qui, au jour le jour, vivent dans l'angoisse d'un malheur. Une belle leçon d'humanisme. - Michaël
Les parents de Travis sont séparés, mais du haut de ses 6 ans, il ne comprend pas grand-chose à ces histoires de grands. La plupart du temps il vit avec sa mère et passe quelques rares week-ends avec son père. Cela aurait pu fonctionner ainsi, un bonheur à eux, leur normalité, mais hélas, il en a été autrement : Dave, le père, a en lui un profond désespoir qu'il ne parvient à oublier que par la consommation d'héroïne. Nous n'avons malheureusement pas entre les mains une fiction, mais bel et bien le récit autobiographique de l'auteur qui dès son plus jeune âge a fait face aux ravages de la drogue. Victime innocente et impuissante, il a assisté a des scènes qu'un enfant de son âge ne devrait pas connaître. Il a grandi, s'est construit avec cette enfance cassée, volée. Aujourd'hui, Travis Dandro est devenu auteur et par la puissance du médium bande dessinée, il réussit à évacuer cette souffrance trop longtemps contenue. Il livre ainsi un témoignage rare, sans apitoiement, sans larmoiement sur toutes les victimes de la drogue. Non manichéen, le récit dépeint la vie, composée d'espoirs, mais aussi de désillusions. « Mon père, cet enfer » est une oeuvre riche, écrite et dessinée avec certes le coeur, mais aussi les tripes. - Michaël
Être bandit de grand chemin n’est pas une sinécure, encore plus lorsque l’on est quelque peu distrait et assez gaffeur. Après un braquage réussi avec son frère, Chris a enterré leur butin, mais au petit matin, il ne se rappelle plus où. Du coup que faire, si ce n’est le retrouver coûte que coûte... Lancé comme un train à grande vitesse, ce western parodique ravira petits et grands. Le récit est truffé de scènes humoristiques et surtout inattendues. Nos personnages prennent indéniablement les mauvaises décisions, on le sait, on le sent et pourtant, ils nous surprennent. Graphiquement, le travail de Rémi Farnos est assez étonnant. Il multiplie les cases, offrant sur plusieurs pages des gaufriers chargés en mouvement. Par moment, pour calmer le tout, une illustration pleine page vient casser le rythme, permettant au lecteur un peu de répit et la possibilité de contempler les vastes étendues de l’Ouest américain. Chose rare, nos personnages n’ont pas de visages, leur expressivité vient de leur attitude, de leur comportement, presqu’à la manière des mimes, surjouant, mais jouissifs. « Calfboy » est un titre totalement loufoque que l’on dévore avec délectation et qui, pour ceux qui ont eu la chance de la voir, rappellera la mythique série d’animation « Panique au village ». Un album qui met de bonne humeur ne peut être qu’à partager ! - Michaël