Conseils lecture
Lorsqu’il apprend qu’il part vivre chez son père, Shigeo n’est pas très enthousiaste et il y a de quoi ! Lui et son père Hanao n’ont rien en commun. Shigeo est sérieux, studieux et ne pense qu’à son avenir. Hanao quant à lui est un joyeux flemmard de 30 ans, ne travaille pas, ne vit que pour son rêve, devenir joueur de baseball professionnel. Leurs retrouvailles vont être électriques car si Hanao est heureux de retrouver son fils, celui-ci lui voue un mépris considérable. Édité en 1998, ce manga du maître Matsumoto est un vrai plaisir de lecture. Considéré dans la bibliographie de l’artiste comme une œuvre transitoire, il est d’une fraîcheur surprenante et contenterait bon nombre d’auteurs aguerris. « Le rêve de mon père » n’est pas un manga sur le baseball, mais bien un récit familial. De ce fait, il touchera un large public, même peu ou pas habitué à la bande dessinée japonaise. Il touchera également les adultes comme les enfants, un véritable tour de force de notre auteur : écrire pour tous les publics. Ce récit sur les relations père/fils est unique, il retourne les codes en inversant la logique, ici l’enfant est l’adulte et l’adulte, l’enfant. On s’amuse de cette situation et on s’attache aux personnages. Nous sommes tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre. Le dessin, le style de Taiyô Matsumoto est testostéroné comme il se doit, les personnages sont authentiques et expressifs à l’extrême. Mention spéciale au père qui surjoue les scènes, les rendant délicieuses pour nous, mais extrêmement énervantes pour Shigeo. « Le rêve de mon père » est une série japonaise, mais soulignons-le, courte. En seulement trois volumes vous vous immergerez dans cette famille atypique et regretterez qu’il n’y en ait pas plus... - Michaël
L'idée d'une rencontre improbable entre deux êtres que tout oppose paraît d'un romanesque bien banal.
Mais ce serait réducteur de résumer ce beau roman ainsi. Les sentiments des personnages sont si finement décrits qu'on est plus que séduits.
Le rythme s'accélère pour s'approcher du thriller; l'humour cotoie la gravité comme souvent avec Serge Joncour qui ne se prive pas ici de dénoncer les affres du monde de l'entreprise et le pouvoir de la loi du marché. Un roman à la fois intimiste et captivant . Un très bon moment de lecture C.
Grand-mère Doumia se rappelle son enfance à Paris, mais surtout les moments difficiles qu'elle a endurés. Cela la rend triste et mélancolique. Sa petite-fille la surprend dans cet état et ne peut s'empêcher de la questionner. C'est peut-être après tout le moment de tout lui raconter. De lui parler de cette enfance brisée par la guerre, de cette enfance volée par la rafle du Vel' d'Hiv, de cette enfance construite dans la peur et les humiliations d'être née juive durant la Seconde Guerre mondiale. Sans tomber dans le didactisme, Loïc Dauvillier nous livre ici un récit poignant sur la Seconde Guerre mondiale. Il ne montre aucune atrocité, mais sait les suggérer grâce au scénario et à la mise en scène. Un récit juste, sensible et pudique qui s'adresse aux enfants comme aux adultes. - Michaël
Julian voyage dans le métro avec sa Mamita quand soudain il voit passer trois magnifiques femmes habillées en sirène. Admiratif, il rêve alors lui aussi d’en devenir une. Arrivé chez sa Mamita, il entreprend de se confectionner un magnifique costume avec les rideaux et plantes d’intérieur, et Mamita le surprends ! Que va-t-elle penser de lui ? Elle pense qu’il est temps de l’amener à la grande parade des sirènes. Jessica Love nous offre un magnifique récit ancré dans la modernité et dans les questionnements actuels de la société. Julian, un petit garçon, qui rêve de s’habiller en sirène ? et pas d’adultes pour lui dire qu’il n’a pas le droit de le faire ? cela fait du bien ! Le message d’amour et de tolérance de la Mamita pour son petit-fils est touchant de tendresse. Les illustrations prennent vie sous nos yeux. Les postures et gestes des personnages sont magnifiquement illustrées et la vie d’un quartier afro-américain mis en scène avec humour, fourmillant de petits détails. Entre ces scènes de la vie quotidienne se glissent des pages plus oniriques, ou Julian donne libre cours à son imagination du monde aquatique. Cet album est un régal tant dans la justesse du récit que dans le thème abordé ; les illustrations elles, nous vont droit au cœur. Il est assurément, l’un de mes plus grands coups de cœur de cette année 2020.
Le Grass Kingdom, est le nom donné aux terres des frères Robert, Bruce et Ashur. Sur cette étendue, ils accueillent à bras ouvert qui le souhaite, mais avec quelques règles tout de même : le respect et l’entraide. Depuis de nombreuses années, ils vivent ainsi, en totale autarcie, refusant les lois et le monde extérieurs. Alors que les problèmes se multiplient avec le shérif du comté, une vieille affaire sordide refait surface. Dans cette communauté où l’entraide et la loyauté sont de mise, tout laisse à penser que se cacherait parmi eux un tueur en série... Lorsque l’on parle de bandes dessinées américaines, on pense inévitablement aux super-héros, oubliant que le comics est avant tout une multitude de genres et de styles. Bien sûr les Américains ont inventé les super-héros, mais ils ont également développé le média bande dessinée en apportant des codes et une narration modernes. Matt Kindt est l’un des auteurs du Nouveau Monde les plus en vue actuellement. Il compose une œuvre qui jusqu’à présent est un sans faute, et avec toujours plus d’exigence. Grass Kings dépeint le quotidien d’Américains moyens, plongés dans une utopie, mais rattrapés par la réalité. Chaque personnage, chaque témoin a son histoire, différente, mais liée au Grass Kingdom. Ces terres sont d’ailleurs un personnage à part entière, car tel un cours passionnant, nous assistons au début des différents chapitres à son histoire. Terres peuplées par les indiens, puis par les colons, terres nourries par la violence et le sang des hommes. Le récit est passionnant, brutal sans être dénué de réflexion et de compassion. Vous aimerez également le travail pictural d’un tout jeune illustrateur qui, sans copier ses illustres prédécesseurs, nous rappelle le travail de Jeff Lemire (à découvrir rapidement si vous ne le connaissez pas). Un travail remarquable utilisant la technique de l’aquarelle. Grass Kings est en polar sérieux qui vous fera vibrer et dont l’intégralité se tient en trois volumes. - Michaël
Que se cache-il dans les œufs du manchot empereur, de la seiche ou encore du phasme ?
Cet album documentaire met en valeur une vingtaine d’animaux ovipares et leurs œufs.
C’est l’occasion pour le jeune lecteur de satisfaire sa curiosité grâce à un système de volets à soulever, et de découvrir que d’autres animaux que les oiseaux pondent des œufs.
L’illustration colorée nous montre la beauté de ces coquilles d’œufs et de leurs petits habitants, ainsi que leurs parents préparant leur venue.
Un régal pour les passionnés d’animaux.
N.
Professeur Goupil a tout ce qu'il veut : une grande maison, une piscine privée, une bibliothèque privée, une salle de cinéma privée, dont il profite à loisir durant la journée. De plus, le professeur Goupil est un "chercheur", et donc, il doit chercher. Pour trouver, il se livre à toutes sortes d'experiences bizarres, jusqu'au jour où tout dérape...
Le professeur Goupil est un personnage particulièrement attachant, qui va apprendre rapidement que la vie est plus jolie lorsqu'on a des amis avec qui la partager. Les illustrations sont douces et maîtrisées, le texte est original : nous n'en attendions pas moins du talentueux duo de la très belle bande-dessinée "le temps des mitaines"... Nolwenn
Lorsque les parents se séparent, il n’est pas toujours facile pour un enfant de trouver sa place, surtout quand on a deux maisons pour deux nouvelles vies… Melanie Walsh, par cet album tendre et réfléchi, décrit simplement, en quelques mots, la vie des enfants de parents séparés. Les thèmes habituels de la douleur ou de l’absence sont volontairement absents de ce récit qui se concentre sur des aspects plus « prosaïques », mais pas moins importants.
Du coup, ce titre n’est pas plombant, au contraire, il est même positif et rassurant pour l’enfant. Par un système de rabats-surprises, l’autrice joue à nous faire découvrir la vie chez l’un, puis chez l’autre, sans jamais donner un jugement de valeur. Elle conclut son histoire avec douceur et laisse entrevoir la multitude de facettes que peut prendre l’amour familial. « Chez papa et chez maman » est un album incontournable sur la thématique de la séparation qui ne l’expliquera pas, mais qui saura rassurer nos enfants sur le quotidien, leur avenir et l'amour que leur portent leurs parents. Et c’est bien cela le plus important. - Michaël
Une petite fille japonaise nous parle de sa grand-mère Hanabishi. C’est le nom qu’on donne aux personnes qui fabriquent des feux d’artifice. C’est une des rares femmes à pratiquer ce métier, dangereux, technique, et artistique aussi. Alors, la petite fille la questionne sans s’arrêter et sa grand-mère lui explique : les feux d’artifice, mais aussi la physique et l’astronomie, et également sa propre histoire.
Hanabishi nous offre un beau récit sur la transmission et le lien intergénérationnel. Cet album nous donne l’occasion également d’en savoir plus sur cet art japonais, le hanabi, et ces personnes qui exercent le métier d’artificier. Il s’agit de créer des œuvres d’art dans le ciel, en mélangeant les couleurs et les formes ; la grand-mère hanabishi fait alors ses recherches et ses essais à la peinture, sur une feuille noire. Il faut ensuite faire des calculs mathématiques complexes et maîtriser les lois de la physique pour tirer ces feux d’artifices et produire exactement ce qui était prévu.
Le sujet permet à l’illustratrice de s’exprimer à l’aquarelle et au crayon à travers une belle palette de couleurs ; elle s’inspire également de la flore japonaise afin de nous faire voyager dans ce beau pays : On retrouve au fil des pages l’érable rouge ou encore le cerisier du Japon.
Ce bel album nous émerveille, nous attendrit et nous fait découvrir un art et une culture. Une grande réussite !
Aude, 24 ans, commence une nouvelle et jolie histoire avec Christophe. Un coup de foudre puis une relation à distance, qui semble une évidence. Sans qu’elle s’en rende compte, le cours de sa vie a pourtant pris un tournant : malgré ses précautions, elle est enceinte. Après la stupeur, le déni, la colère, vient le parcours médical. Et la décision qu’il faut prendre : Aude opte pour l’avortement. Ce récit se fait à deux voix : celle qui a vécu cette épreuve, l’auteure, et celui qui accompagne, qui soigne, en la personne de Martin Winckler. Ce dernier livre son expérience médicale à double titre : du praticien de ce geste si particulier qu’est l’IVG, et du soignant empathique à l’écoute des nombreuses et si diverses patientes qu’il a assistées dans ce parcours. Le témoignage de l’auteure est à lire aussi bien par les femmes, concernées ou non, que par les hommes car il éclaire les mécanismes complexes qui entrent en jeu dans ce deuil. Rien n’est épargné au lecteur : le tourbillon émotionnel de la grossesse puis de l’avortement, la solitude de certaines femmes face à cette situation, la douleur de la fausse couche ou encore la lente et difficile réappropriation de son corps. Des larmes et du sang. Beaucoup… et la nécessaire bienveillance du corps médical et soignant. Une histoire de femme(s) racontée de manière à la fois délicate et violente, d’une sincérité bouleversante. - Michaël
Lou a 50 ans. Antiraciste, bouddhiste et ancien professeur d’université, il est aujourd’hui chauffeur de taxi dans le Mississippi protestant et conservateur du Ku Klux Klan. Bien sûr Lou a tout du anti-héros, il est forcément aigri (on le serait pour moins que ça), légèrement tendu (faut dire qu’il s’enquille des journées de 12 à 15 heures dans une caisse pourrie en buvant du Redbull) et passe donc son temps à faire des doigts d’honneur à tout-va (ce qui vous me direz n’est pas très politiquement correcte pour un bouddhiste).
Donc Lou pourrait-être un abruti lambda vulgaire, détestable et violent car sa situation personnelle n’est vraiment pas reluisante et qu’il faut bien trouver un exutoire quelque part. Mais Lou est tout l’inverse car il est plein de paradoxes et que fondamentalement il est dépourvu de méchanceté mais pas de dérision. C’est ce qui rend ce personnage fort attachant et c’est pour ça que je vous invite à partager quelques courses avec lui.
Partez à la rencontre de passagers plus déglingués les uns que les autres, à la découverte de l’Amérique ultra-libérale et de ses laissés-pour-compte ! Laissez-vous conduire par Lee Durkee, à la manière d’un John Fante ou d’un William Faulkner contemporain, sur les routes désargentées du Sud des Etats-Unis !
Dans le même esprit je vous invite, également, à découvrir l’œuvre de John Fante et notamment « demande à la poussière » et à voir « Taxi Driver » de Martin Scorsese ou « Taxi Blues » de Pavel Lounguine. Enfin, Rayon BD vous pouvez aussi emprunter à la Médiathèque « Taxi ! » d’Aimée De Jongh et « Yellow Cab » de Chabouté (adapté du roman éponyme de Benoît Cohen).
Bon voyage au pays de Donald et Mickey sous méthamphétamine (âmes sensibles s’abstenir).