Conseils lecture
Lorsque le jeune Bobby Bailey se présente au centre de recrutement de l’armée des USA, il ne s’attend pas à être envoyé vers un mystérieux programme top secret appelé "projet Prometheus", qui recherche des jeunes recrues sans attaches…
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Débuté dans les années 1980, cette oeuvre monumentale de Barry Windsor-Smith trouve enfin sa conclusion dans un magnifique album d’environ 400 pages. Cet auteur, star dans son pays, reconnu pour son travail sur Conan le barbare et également pour ce qui restera comme l’un de ses chef d’œuvres : Wolverine : l’arme X, revient enfin en France avec ce titre dantesque. Pas de super-héros ici, « simplement » des personnes aux histoires différentes et pourtant liées. « Monstres » est un récit noir, dur, âpre sur l’humanité et cette face monstrueuse dont elle fait parfois, trop souvent, preuve. Cette monstruosité qui prend différentes formes et aux causes multiples. Ce récit brosse le portrait, chapitre après chapitre, de chaque protagoniste du drame qui se joue sous nos yeux. Nous voyageons dans le temps, apprenons à les connaître et lorsque le puzzle est enfin assemblé, à leur dire au revoir dans une fin absolument magnifique. Le scénario est intense et profond, captivant de bout en bout, il ne laisse absolument pas indifférent. Le dessin, tout de noir et blanc, est fidèle au style de l’artiste. Rude et hachuré, il est réalisé à l’encre et à la plume.
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« Monsters » est donc un voyage épique couvrant deux générations d'histoire américaine dont les thèmes - traumatisme, destin, conscience et rédemption - se croisent dans un récit unique et singulier.
Mohammed, d’origine tchadienne, a 14 ans lorsqu’il décide de quitter l’Arabie Saoudite pour étudier l’anglais et l’informatique au Pakistan. Pour lui et sa famille, à la recherche de meilleures conditions de vies et de reconnaissance sociale, il va faire ce voyage vers son Eldorado. Malheureusement, les attentats du 11 septembre 2001 vont bouleverser à jamais ses plans et assombrir son nouvel horizon. Les forces américaines sont prêtes à tout pour obtenir le moindre renseignement : une aubaine pour les policiers pakistanais qui capturent sans scrupule ni vergogne toute personne originaire du Moyen-Orient, qu’ils déclarent terroriste et monnaient 5000 dollars par tête. Mohammed sera ainsi arrêté, vendu et transféré vers la base militaire américaine de Guantánamo Bay, à Cuba. Huit ans de tortures, d’humiliations et de combats s’écouleront avant qu’il ne soit jugé et - enfin - déclaré innocent.
Véritable témoignage choc d’un rescapé de Guantánamo, ce récit nous glace les sangs par sa violence et son inhumanité. « La violence engendre la violence », voici ce qu’affirmait Eschyle en son temps (né vers 525 av. J.-C., mort en 456 av. J.-C.), et qui se vérifie malheureusement encore de nos jours. L’être humain a certes progressé, mais pas à tous les niveaux... La recherche de coupables, de vérité, peut-elle excuser toutes ces exactions ? Non, certainement pas. Mais soumis à la douleur, la peine intense, serions-nous plus fort que la haine ? Tant de questions se posent à la lecture de cet album, qu’il est en soi une source philosophique à étudier.
L’histoire vraie de Mohammed El-Gorani est triste, mais peut-être salutaire, qui sait ? Merci M. El-Gorani d’avoir trouvé la force de raconter votre histoire et espérons que vous ayez trouvé la paix dans votre nouvelle vie. - Michaël
Cette bande dessinée sur la Corée du Nord fait
froid dans le dos. Elle s’inspire d’un ouvrage témoignant d’un homme né
dans un camp de travail en Corée du Nord qui finit, après de nombreuses années, par s’échapper (cf « Rescapé du camp 14 »). Bien documenté, Aurélien Ducoudray nous livre un récit qui a pour ambition de nous immerger dans ce pays à travers le regard d’un enfant. Pour lui l’art de la BD est un moyen comme un autre de nous faire prendre conscience du monde qui nous entoure : « J'ai l'impression, aujourd'hui, de faire davantage mon travail de journaliste en écrivant des fictions. J'étais photo-reporter
et ce qui me plaisait c'était de passer du temps avec les sujets. Et là
c'est pareil, je retrouve cela ; quand on est dans l'écriture pure, on
passe du temps avec les personnages. ». Le pari est réussi car à la
lecture de ce récit nous ne pouvons feindre une certaine tristesse vis à
vis de Jun Sang, protagoniste fictionnel de l’histoire, mais qui, de
toute évidence, est un porte-parole de toutes ces victimes inconnues. -
Michaël
Très loin d'ici, dans le Grand Nord, Nils et Anna écoutent leur papa leur raconter l'histoire de la baleine gigantesque, qui fait 6 fois la taille de leur maison. Leur papa l'a rencontrée une seule fois. Nils aussi veut la rencontrer, alors, il guette, il scrute, et un beau jour, décide de partir en kayak à sa recherche. Mais Anna n'a pas dit son dernier mot et monte à bord incognito ! Les deux enfants embarquent pour un magnifique voyage à travers les paysages glacés de l'Arctique... La mystérieuse baleine est un album empreint de poésie et d'invitation au voyage. A travers le voyage initiatique de Nils et Anna, le thème des relations entre frères et soeurs est très justement abordé. Les illustrations, dans les tons pastel, sont douces et rendent grâce aux couleurs extraordinaires de la mer et du ciel du Grand Nord. Cette belle et douce histoire est à déguster sous une couette, accompagné d'un chocolat chaud, en rêvant à ces endroits sur terre, lointains et extraordinaires
Monsieur Toutenordre est un passionné de ménage. Tous les jours, il range, nettoie et dépoussière sa maison de fond en comble. Après vient le tour de son jardin : il taille, ratisse, passe la piscine au chinois. Mais quelque chose le chiffonne : au fond de son jardin se trouve une forêt ou règne un bazar indescriptible ! M.Toutenordre s’attèle alors à la tâche…
Christopher Ellengard nous livre un conte écologique drôle et original. L’être humain veut parfois arranger la nature à son goût, pour son confort, mais toujours au détriment de l’équilibre fragile qui y règne et impacte tout l’écosystème !
Les illustrations au feutre sont colorées. Les formes géométriques de la maison attestent de la maniaquerie de M.Toutenordre : rien ne dépasse ! Dans la forêt, c’est une autre ambiance : des couleurs, des arbres touffus, Christopher Ellengard nous montre le cocon confortable de cette belle nature.
Avec humour, le message écologique est passé : laissons la nature comme elle est !
Nolwenn
Il y a trois ans, la ville de Poughkeepsie fut l’objet d’une mystérieuse catastrophe. Depuis, la ville est mise en quarantaine. Là-bas la réalité a été altérée et les dangers sont multiples. Malgré cela, Addison est l’une des rares à braver l’interdiction et y pénétrer. Elle prend des clichés de la zone afin de les monnayer à de riches collectionneurs. Vénale, elle ne l’est pourtant pas, cet argent sert à aider sa sœur, une des rares survivantes de la « Spill Zone ». Pourtant Addison va accepter un dernier contrat qui, si elle le réussit, les mettra à l’abri du besoin. La « Spill zone », il est si facile d’y entrer... mais de plus en plus hostile et difficile d’en sortir. Récit complet en deux volumes « Spill zone » est une des bonnes surprises de cette année. L’œuvre est très bien écrite, étrange, inquiétante et pleine de suspense et de rebondissements. A aucun moment on ne s’ennuie, on tourne les pages de l’album avec frénésie tant il est difficile de se détacher du récit. Cette intrigue, si bien ficelée, si bien amenée, est une réussite en terme d’écriture de de narration. L’illustration est également un pan important de l’œuvre puisqu’elle intensifie la tension du récit par son trait unique et une mise en couleur alternant des tons sombres et criards. Voici donc un comics de haute qualité, complet en deux volumes, qui saura séduire le lecteur exigeant. - Michaël
Ce sont des enfants, pour la plupart orphelins, mais tous sans le sou et dans la misère. Ils vont trouver en leur compagnon Colas, un espoir, un guide vers une vie meilleure. Ce nouvel horizon ne pourra cependant se faire sans sacrifices, car en l’année 1212, la foi est omniprésente et la seule « façon » d’atteindre le paradis est de partir en croisade défendre le tombeau du Christ. Ces enfants vont suivre un guide, mais peut-être pas celui qu’ils croyaient...
Inspiré de faits réels, ce fait divers dont très peu d’écrits subsistent, nous est conté par Chloé Cruchaudet et constitue un pan méconnu de l’histoire de France. Si la fin de cette croisade fait encore débat parmi les historiens, l’auteure s’en approprie une version et nous livre un récit épique à la dramaturgie parfaite. L’innocence et la naïveté des enfants sont un élément central de la trame et constituent le fil conducteur du récit. Un rejet du monde adulte, par qui tous les maux arrivent, est une des réflexions de l’œuvre. L’enfant serait-il supérieur à l’adulte du fait de son innocence ? Par delà cette question philosophique, la manipulation des masses du fait de l’ignorance et de l’inculture est également un sujet abordé qui fait écho encore aujourd’hui dans notre société. L’arc narratif est quant à lui savamment écrit, les personnages attachants nous font vivre différentes émotions : on s’attriste, on s’amuse et on s’inquiète. Le tout est parfaitement illustré par un trait fin et précis dont les volumes sont rehaussés d’une palette à l’ambiance « clair obscur » grâce à l’utilisation d’encres et de fusains. 172 magnifiques planches à découvrir dans un récit de haute tenue. - Michaël
Gaspard passe ses vacances chez sa grand-mère, mais très vite l’ennui le gagne. Pour y échapper, il décide, malgré l’interdiction, d’explorer le grenier. Là-haut il découvre une table à dessin et une planche de BD inachevée. C’est alors qu’apparaît le fantôme de son grand-père, qui était auteur de bande dessinée... Voici un titre qui ne paie pas de mine, mais qui est surprenant tant par son histoire que par ses illustrations. Le récit est une fiction aux vertus pédagogiques loin d’être ennuyeuse. On y découvre les rouages de la création d’une bande dessinée. Nous suivons avec Gaspard chaque étape, de la naissance d’une idée à la mise en couleur d’une planche. Ce récit est illustré de façon efficace par Mickaël Roux, adepte des séries humoristiques, au style énergique. « Gaspard et le Phylactère magique » permet, tout en s’amusant, d’apprendre et plus que tout, donne une furieuse envie de se mettre à dessiner. - Michaël
A Attrape-Flèche petite ville du Mississippi, tout le monde est au mieux un peu original, au pire bien cintré. Hydro, jeune homme simplet, tient son surnom de la taille démesurée de sa tête, orphelin de mère, il a pour meilleur ami Louis, enfant au physique porcin délaissé par ses parents.
Sa mère alcoolique invétérée, trompe son mari avec le Kid petit homme à la beauté ravageuse, roi de la gâchette et lui-même abandonné à la naissance. Quant à Léonard, un autre personnage, il soigne sa solitude dans les bras des routiers de passage à la station service du village. Rien de bien reluisant dans le Bayou, on se croirait à Roubaix, jusqu’au jour où deux tueurs décident de braquer la supérette du coin. Cet élément déclencheur, va comme un jeu de domino, révéler en chacun une dose d’amour et de bienveillance à laquelle jamais on ne se serait attendu. Ceux que l’on prenait pour des fous, s’avèrent être des personnes capables d’une grande tolérance et l’on se prête à rêver d’un monde sans jugement où les différences de chacun·e cohabitent en bonne intelligence.
Ce très bel ouvrage, drôle et tendre, barré et original à souhait, nous aide merveilleusement à faire le deuil de nos préjugés. Une occasion de souligner le magnifique travail de la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture qui redonne vie en langue française à des romans américains inédits.
Voici un merveilleux petit roman d’anticipation, réconfortant et bienveillant qui, une fois n’est pas coutume, envisage positivement l’avenir de l’humanité, tout en évitant l’écueil du récit mièvre et sirupeux, dégoulinant de bons sentiments.
Sur Panga dans un avenir lointain les êtres humains vivent en respectant leur environnement. Ils ont développé grand nombre de stratégies et de techniques leur permettant de réduire au minimum leur impact sur la planète. Ici tout est beauté et harmonie et on se laisse, alors, gentiment bercer par l’idée que oui c’est possible ! Et ça fait un bien fou !
Mais tout n’est pas si simple, Dex, moine pourtant émérite, n’est pas réellement convaincu par la vie qu’il mène. Il se lance alors dans une quête existentialiste qui va le pousser à explorer la nature sauvage tout en sondant sa nature profonde. C’est au détour d’une clairière qu’une rencontre inattendue lui permettra de mettre en perspective son rôle et la place de l’humanité dans le monde.
Un texte à la fois doux, drôle et profond, une grande réussite !
A noter : bien qu’il s’agisse du volume 1 de la nouvelle série de l’autrice Becky Chambers, ce récit aurait tout à fait pu se suffire à lui-même, son dénouement n’appelant pas forcement une suite.
Pénélope est médecin pour une organisation humanitaire, elle est régulièrement en mission pendant plusieurs mois dans des zones de combats ou règne la misère. Alors lorsqu’elle rentre chez elle, il n’est pas toujours facile de se replonger dans un quotidien banal, plutôt normal dirons-nous, une vie de famille ou les problèmes ne semblent être que futilités... À la lecture de cet ouvrage, on pense de suite à une bande dessinée de reportage, un récit témoignage livré par un médecin humanitaire : il n’en est rien, ce titre est une fiction, mais qui, sans nul doute, touche au plus près de la réalité tant il sonne et résonne juste. Nous suivons les préoccupations de Pénélope, qui à son retour pense à ceux qu’elle a laissés, à ceux qu’elle a perdus, des fantômes qui l’obsèdent et l’empêchent de vivre sa vie d’ici. Sa vie justement, quelle est-elle ? Cette question l’entête, elle qui navigue entre deux mondes. Bien sûr, sa famille, ses proches ont les mêmes interrogations : un mari qui ne voit jamais sa femme, une enfant qui grandit sans la présence physique de sa mère. Sont-ils tous des étrangers ? Il y a dans cette œuvre une remarquable leçon de choses, psychanalyse de l’être, du moi. Admirablement écrit, subtil et sensible, « Les deux vies de Pénélope » est une œuvre différente qui, à défaut de donner des réponses, met en lumière des femmes, des hommes, hors du commun. - Michaël
C’est l’histoire d’un écureuil, il a un arbre, son arbre. Cet arbre donne des pommes de pin, ses pommes de pin. Tout cela est à lui et à personne d’autre, mais comment protéger ses propriétés face à un ennemi invisible qui menace ?... « C’est mon arbre » est un album jeunesse à double lecture. Une histoire délicieusement absurde pour commencer, mais que l’on comprend dans un second temps, bien plus profonde et philosophique qu’il n’y paraissait. Ici, subtilement, sont abordés les thèmes de la possession, de la propriété mis en opposition au partage et à la liberté. L’ignorance prend une place également importante, car elle est vecteur de peur et de paranoïa. Cette histoire dépeint de façon rare, mais intelligente, notre société et ses abus. Ce livre n’est pas triste pour autant, Olivier Tallec livre une composition astucieuse, emplie d’humour et qui fera rire les enfants comme les adultes. Ses illustrations sont une merveille, pas de grands et beaux décors, mais le strict minimum, juste ce qu’il faut pour offrir à notre écureuil un espace d’expressivité, à la one man show, totalement désopilant. - Michaël