Tous les avis de
Monsieur Henri vit dans un arrêt de bus depuis déjà très longtemps. Tellement longtemps que plus personne ne le remarque vraiment. Un jour, par le plus étrange des hasards, un éléphanteau vient s’asseoir à côté de lui.
Qu’il est beau ce petit éléphant, mais comme il a l’air triste… C’est décidé, Monsieur Henri va l’aider à retrouver sa famille même si pour cela il doit, un temps, quitter son abri…
« L’arrêt de bus » est un très joli album sur l’amitié et l’entraide. L’autrice délivre un texte certes court, mais empli d’une abondance d’émotions. D’une grande sensibilité, par moment mélancoliques, ces mots nous enveloppent d’une couverture de bien-être.
Ils sont en parfaite harmonie avec les délicieuses illustrations, au style « anglais » de Juliette Lagrange. Un travail pictural remarquable tant par le trait, fin et délicat, que par la mise en couleur : des aquarelles savamment travaillées, aux couleurs justes et équilibrées.
Leur travail de mise en scène est également à souligner, mélangeant allègrement illustrations pleine page, magnifiques de détails et saynètes plus intimistes, propices à l’émotion.
« L’arrêt de bus » est un très bel album, tout en retenue, propice à la lecture en famille.
En 1907, un riche mécène engage l’égyptologue Howard Carter pour explorer la Vallée des Rois. Fouillée de fond en comble, celle-ci a déjà livré d’inestimables trésors. Sans doute ne reste-t-il plus grand chose à découvrir mais Carter est un homme de terrain avisé et opiniâtre, très intransigeant sur les méthodes de travail. En 1917, il décide de concentrer ses efforts sur la piste d’un obscur pharaon, tombé dans l’oubli. Au bout de cinq années de vaines recherches, une ultime campagne de fouilles est financée…
Pour nous faire vivre « de l’intérieur » cette quête obstinée, les auteurs s’attachent à en décrire de façon minutieuse tous les obstacles et les enjeux : négociations en coulisses, rivalités entre Britanniques, Français et Egyptiens, afflux insupportable des touristes, pression des journalistes, protection et conservation des objets, défis techniques…
Le scénario très documenté a été écrit avec l’aide d’une égyptologue mais reste fluide et passionnant jusqu’au bout, même pour les non initiés. Le dessin, réaliste et précis, et la « patine « un peu rétro de la mise en couleurs ajoutent au charme de cette astucieuse BD-docu, joliment ficelée.
Bédéiste depuis déjà une vingtaine d’années, Anouk Ricard officie dans un registre classique, mais ô combien difficile, celui de l’humour. Cependant, contrairement à beaucoup de ses collègues, elle écrit ses récits avec un humour dénoué de méchanceté et/ou de moqueries, jouant plutôt sur les situations et autres quiproquos… Cela fait donc de chaque album une œuvre à partager en famille, grâce à différents niveaux de lecture. Ce titre en est la parfaite illustration : « Animan », de son vrai nom Francis, a le pouvoir de se transformer en n’importe quel animal ! Un super pouvoir qui l’aide à résoudre des enquêtes, mais il s’en sert aussi dans sa vie de tous les jours. Il vit en couple avec une grenouille qui un jour se fait kidnapper par son ennemi juré, le terrible Objecto…
Un récit drôle et plein de suspense, constitué de récits courts, entrecoupés de peintures et formant au final une histoire complète : un subtil « n’importe quoi », entre humour, polar, superhéros et chronique familiale…
Absolument indéfinissable, bourré de charme et hilarant !
Adam Strange, super-héros terrien, est connu pour ses exploits sur la planète Rann. Là-bas, il a endossé le rôle de chef de guerre, luttant et vainquant une terrifiante invasion extraterrestre. Son histoire et ses combats, il les raconte dans un livre au succès fulgurant. Cependant, la véracité de ses dires est mise à défaut par un lecteur, lui reprochant l’omission de nombreux massacres d’innocent·es… Quelques heures plus tard, ce même lecteur est retrouvé assassiné.
« Strange adventures » n’est pas un récit de super-héros traditionnel, non, il s’apparente plus à un récit de guerre dont il est difficile de parler sans trop en dévoiler. Cependant, lorsque l’on referme cette œuvre monumentale de 364 pages d’enquête, de rebondissements et d’émotions, nous restons sans voix, épuisé·es par cette lecture exigeante, par la trame implacable qui nous tient et ne nous libère que bien après avoir refermé ce livre. Cette force narrative est l’apanage des auteur·rices états-unien·nes qui jouent avec nos nerfs pour mieux les tordre, mieux nous essorer. « Strange adventures » est une étude, un questionnement sur la guerre, les choix, les actes et leurs conséquences.
Côté illustrations, deux artistes se partagent le travail : l’un pour la partie du récit se déroulant dans le présent, l’autre pour la partie située dans le passé. Cette dualité de style permet aux lecteur·rices de voyager facilement dans le temps, mais aussi d’apprécier en parallèle, le travail de deux artistes de qualité.
« Strange adventures » est un bien plus qu’un récit de super-héros, il est un questionnement sur notre humanité… rien que cela !
Voici un titre des plus étranges, difficile à classer ou à destiner à un public en particulier. Sa narration est composée de saynètes aux chutes rigolotes, mais parfois, voire les deux en même temps, mélancoliques. Nous découvrons donc Maya, une jeune fille de 8 ans qui vit avec son oncle (ses parents ayant disparu avec le vol BW 404). Personne ne sait s’iels ont survécu et cette question sera le fil conducteur de l’album. Cette question on la ressent en Maya, elle flirte avec le désespoir et l’espoir, ce dernier, pourtant si faible, l’empêche de sombrer.
Tout au long de l’album, elle se questionne sur le monde, comment il fonctionne, pourquoi sommes-nous là ? Elle interroge son oncle, son ami Léonardo, sur la place de l’humanité eu égard aux végétaux et autres formes de vies animales. Chacun·e apporte sa pensée, sa vision des choses, mais également des faits scientifiques. Ce mélange de science et de philosophie fonctionne à merveille, nous nous attachons à tous·tes les protagonistes jusqu’à cette fin, véritable claque scénaristique qui nous laisse sans voix, stupéfait, branlant et déjà en manque de la suite…
Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est la tête de turc des gamins du quartier. Cela, il le cache à ses parents, de toute façon trop occupés par leurs incessantes disputes. Cette vie pas vraiment folichonne va vite devenir un grand n’importe quoi le jour où il remporte plus de 16 millions de livres en pariant sur une course hippique…
Si le script de départ à l’air assez classique, il n’en est pourtant rien. Ce récit, drame familial burlesque, est un régal de lecture. Les situations s’enchaînent à un rythme effréné et les dialogues ciselés fusent avec malice pour notre plus grand bonheur. Cette comédie dramatique est huilée comme il le faut, d’une fluidité et d’une limpidité d’orfèvre.
Cependant, ce qui fait la vraie originalité de ce titre, ce n’est pas son histoire, mais bien le traitement graphique choisi par son auteur. Oubliez le style franco-belge, japonais ou états-uniens, les aquarelles et autres lavis aux nuances infinies… Bienvenue à l’ère du « stylisé » ! Le récit est illustré d’un point de vue inhabituel : les scènes d’intérieur et d’extérieur nous sont rendues en mode aérien, où transitent des personnages réduits à un cercle de couleur, reliés par un trait à des zones de dialogues. Déroutant… peut-être un peu au début, mais le procédé fonctionne tellement bien que l’on se l’approprie rapidement.
Textes et illustrations sont étroitement liés, la mise en scène novatrice de Martin Panchaud est un tour de force bluffant !
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Karen Reyes, une gamine de dix ans, tient un journal intime et y dessine sa fascination pour les monstres. Elle grandit dans le Chicago des années 1960 entourée de sa mère et son frère Deeze, qu’elle adore. Lorsque sa voisine, Anka, est retrouvée morte d’une balle dans le cœur le jour de la Saint-Valentin, Karen décide d’enquêter. Elle finit par découvrir des cassettes dans lesquelles Anka Silverberg raconte son enfance et des monstres d’une toute autre nature se font jour.
Difficile de résumer les 400 pages de cette bande dessinée en forme de journal intime. Les histoires se superposent et se croisent dans cet objet littéraire et graphique fascinant. La première chose qui frappe, c’est bien sûr sa forme. Imaginez une feuille blanche et un tout bête stylo bic : voici les outils utilisés par Emil Ferris pour dessiner et composer son récit. Certains portraits sont magnifiques et émouvants, d’autres pages plus simplement griffonnées au gré du récit. Pour autant, ce qui reste en mémoire à la lecture de cette œuvre, ce n’est pas tant cette prouesse artistique que la profondeur et l’ampleur du récit. Emil Ferris nous embarque dans son monde et brasse des références artistiques, mythologiques et populaires avec aisance pour mener à bien son propos, dont on attend de lire la suite et fin avec grande impatience... Merci Monsieur Toussaint Louverture, heureux éditeur de ce succès monstre, de nous faire. découvrir ce fabuleux roman graphique. - Michaël
Natan n’est pas né au bon endroit. Il est Érythréen et pour oublier la misère et la dictature, son père et lui fuient en Éthiopie. Là-bas, les conditions de vie sont les mêmes : misère, famine et violences étatiques. Alors, une nouvelle fois, il se résigne à partir, mais pour l’Europe. Hélas, ce voyage va être également source de bien des malheurs…
Bande dessinée, coup de poing, coup de gueule, « Khat » est un récit violent, un miroir qui nous projette notre inhumanité en pleine face. Inspiré des récits de migrants, Ximo Abadía raconte ces êtres dont les vies ne sont que souffrances et tortures… et cela encore et toujours au 21ème siècle !?
Cette bande dessinée s’adresse à tous les publics, enfants comme adultes, elle agit comme un rappel à la tolérance et à l’entraide, mais surtout interroge nos comportements, notre société.
Au-delà du sujet, ce titre est écrit et illustré de façon remarquable. Ximo Abadía utilise peu de mots pour conter, mais nous entraine dans son univers via sa mise en scène de couleurs, de formes et sa virtuosité à manipuler les pastels. Le tout forme un album de 144 pages dont chacune est une œuvre d’art.
« Khat » est une œuvre puissante et engagée dont la portée va au-delà du 9ème art.
Jen n’a eu d’autre choix que de partir vivre avec sa maman à la campagne... Et en plus pour s’occuper d’une ferme… Mais le pire de tout, elle doit habiter avec le nouveau compagnon de sa mère et ses deux filles dont une insupportable « Mademoiselle-je-sais-tout »…
Cette bande dessinée américaine, inspirée par la propre vie de l’autrice, est une vraie bouffée d’air frais. Le récit, malgré la thématique classique du changement de vie, arrive à nous surprendre et à nous captiver jusqu’à la fin. Cela est dû au travail d’écriture qui rend les personnages vrais et vivants par des dialogues de la vie de tous les jours.
Les sentiments de Jen évoluent au fur et à mesure des situations : tantôt désabusée, tantôt pleine d’espoir, en colère ou triste. Une cartographie complète de ce qu’est l’adolescence.
Estampillé jeunesse, ce récit feel-good est à prescrire à tous et toutes tant il est porteur de bien-être.
Lorsqu'une personne éternue, il est de tradition de dire " à vos souhaits", mais Félix, lui, détourne la chose en disant : "A mes souhaits". Pour quelle raison ? Tout simplement parce que c'est sa collection... Félix collectionne les souhaits des autres ! Il a déjà une belle collection lorsqu'il rencontre Calliope. Cette mystérieuse jeune fille n'a pas de souhait, mais pourquoi ? Loïc Clément nous a écrit un très beau conte, original et poétique. Cette oeuvre est mise en image par Bertrand Gatignol, illustrateur talentueux au trait fin qui donne vie à cette oeuvre d'une grande beauté. La bande dessinée jeunesse est un vivier de récits innovants et de qualité, "Le voleur de souhaits" fait partie des prochains classiques de la littérature. - Michaël