Conseils lecture
Depuis la mort de son père, Pierre est le « Veilleur des brumes », le seul capable d’entretenir le barrage protégeant la ville d’un mortel brouillard. Sa responsabilité et son savoir pourraient en faire un citoyen respecté, mais il n’en est rien. Le temps a passé depuis la grande catastrophe et les mémoires se sont peu à peu effacées, aujourd’hui il n’est surtout considéré que comme un enfant timide, le fils d’un fou. Pourtant, la brume est bien réelle, toujours là et lorsqu’elle réussit une percée dans le barrage, Pierre est le seul préparé à la stopper... Adaptation d’un court métrage aux multiples récompenses « Le veilleur des brumes » est un récit fantastique échevelé aux nombreux rebondissements. Proposé comme un titre jeunesse, son intrigue et ses différents niveaux de lectures, en font en réalité un album tout public. Chacun·e trouvera en lui une résonance familière, propre à sa sensibilité. Famille, amitié, mais aussi courage et responsabilité sont quelques-uns des thèmes abordés au détour de cette palpitante aventure. Au fil de l’histoire, le mystère s’épaissit et l’intensité dramatique va crescendo. On vibre à chaque page, envahi d’émotions, tantôt gaies, tantôt tristes. Le repos émotionnel ne nous sera accordé qu’au clap de fin et encore puisque les effluves de ce moment passé resteront en vous quelques temps après. Les illustrations, peintures numériques, sont merveilleuses. Elles sont indissociables du texte et représentent un élément narratif d’une rare puissance combiné à une mise en scène cinématographique. Plongez sans hésiter dans cette saga étrange, unique, un classique en devenir. - Michaël
Caroline du Nord, Smoky Mountains, 1930. Après trois mois d’absence, George Pemberton revient de Boston, fraîchement marié. La jeune épouse citadine s’acclimatera-t-elle à son nouvel environnement ? Les hommes de l’exploitation forestière Pemberton en doutent, mais c’est méconnaître Serena, superbe rousse au tempérament de feu et à la volonté de fer. Son ambition n’a d’égal que son intelligence, et il n’est de problème auquel Serena ne trouve de solution... Ne connaissant pas le roman de Ron Rash, qui est à l’origine de cette bande dessinée, je ne peux en faire la comparaison. Malgré tout, si le récit est à la hauteur de l’adaptation réalisée par Pandolfo et Risbjerg, il ne faut pas hésiter à se jeter dessus. Car oui, nous avons entre les mains un roman graphique d’une exceptionnelle intensité. Sur une trame historico-économique, celle des Etats-Unis des années trente, Pandolfo et Risbjerg tissent une toile emplie de personnages charismatiques. Chaque fil, chaque ‘noeud’ de l’histoire converge vers le point final, l’issue, implacable. Les dessins apportent une touche contemporaine à ce roman graphique, noir, dur, à la fois très américain par son côté far-west et intemporel, universel par ses thèmes principaux : la passion et l’ambition. Alors, laissez-vous séduire par Serena la rousse, en lisant cet excellent roman, noir et graphique. - Michaël
Morino est un jeune taureau qui adore les vacances. Pour la première fois sans ses parents, il part à l’aventure et dépose sa caravane dans un endroit assez tranquille, du moins le pense-t-il... En pleine nuit, une envie bien pressante l’oblige à se lever et à se soulager par la trappe de la caravane, mais ce qu’il ne sait pas c’est que juste en dessous repose Claude le squelette. Réveillé par cette humidité inattendue, Claude va rendre visite à ce jeune impoli. Adrien Albert, auteur d’albums pour la jeunesse, s’essaie avec « Claude et Morino » à la bande dessinée. Adapté à un public très jeune, ce récit à la narration et au découpage simplifiés est un vrai vent de fraîcheur. L’histoire est drôle et originale. Les personnages aux caractères différents sont complémentaires et forment un duo attendrissant. L’illustration aux grands aplats de couleur est minimaliste, mais fait preuve de caractère, de vie par l’expressivité des personnages. Ce titre est a classer parmi la catégorie « Mes premières bandes dessinées » et constitue un bon point de départ à un public encore peu ou pas habitué aux codes narratifs de la bande dessinée. - Michaël
Un indien, un cowboy, face à face tendu pour un duel au soleil qui s’annonce sanguinaire... Enfin peut-être... À moins que... Sauf si... « Duel au soleil » est plutôt considéré comme un album jeunesse, mais je le place bien volontiers dans la catégorie de « Mes premières bandes dessinées ». Pourquoi ? Parce qu’il possède de nombreux codes narratifs des 9e et 7e arts. Je m’explique, lorsque l’on ouvre l’album, on découvre de très belles illustrations pleine planche dont les cadrages varient de page en page. Tantôt « plan d’ensemble », tantôt « gros plan », voire « très gros plan », Manuel Marsol dynamise son récit par cette narration particulière qui permet d’installer un certain suspense. Très peu de texte utilisé, placé à la manière de phylactère, mais sans la bulle. Tout est visuel et permet aux plus jeunes et aussi aux plus vieux de comprendre que la lecture n’est pas faite que de lettres et de mots : elle se trouve également dans l’organisation des différentes illustrations. Cette mise en scène technique pour raconter une histoire est une réussite. La trame narrative est quant à elle originale, ce duel tourne à l’absurde et nous sommes touchés par ces deux personnages, si différents et si proches à la fois... « Duel au soleil » est à découvrir car il vous fera rire et est par ailleurs une bonne approche pour comprendre l’art de la mise en scène, trop peu souvent étudié et pourtant sans doute bien plus important que l’illustration elle-même. - Michaël
Dans certains récits, il arrive que des enfants disparaissent dans des mondes étranges et fantastiques où ils endossent le rôle de sauveur. Ils y deviennent des légendes et l’histoire ce termine en happy-end. Très bien... mais entre temps que s’est-il passé pour les parents, les proches de ces enfants disparus ?
« Ceux qui restent » est une histoire singulière et étonnante qui prend le contre-pied des œuvres fantastiques classiques. Cette fois, nous ne voyageons pas avec les enfants mais restons à quai avec ces parents morts d’inquiétude et suspectés de choses atroces par la police et une certaine presse à scandale. Tous les ingrédients d’une BD réussie sont réunis dans cette fable oscillant entre polar et fantastique. L’histoire est habillement écrite, ménageant des moments forts en suspense et émotions. Vous serez également charmé par les illustrations d’Alex Xöul, fluides et agréables, qui adoucissent l’atmosphère inquiétante du récit. Un récit envoûtant et inattendus en provenance de la belle Espagne. -Michaël
Wilfrid Lupano, connu pour ses récits à destination des adultes, nous livre une « charmante » histoire sur le totalitarisme. Écrit pour la jeunesse, mais avec subtilité, il dépeint en quelques pages le grotesque de ces régimes despotiques. Aux pinceaux, Stéphane Fert est parfait. Son style, savant mélange de gouache et de peinture numérique (Photoshop), est tout simplement une merveille et colle parfaitement à la loufoquerie du récit. La collection Les enfants gâtés s’enrichit une nouvelle fois d’une belle pépite. - Michaël
Sam n’a pas de travail, c’est un artiste, un peu rêveur, un peu glandeur aussi... Pour l’aider à reprendre sa vie en main, sa mère lui trouve un poste de commercial auprès d’un cousin éloigné. Il fera désormais équipe avec cet étrange Keith Nutt, qui a placé le travail au cœur de sa vie. Une bien étrange relation va naître, pleine de partages et d’incompréhensions... Petit bijou de sensibilité, « Courtes distances » est une œuvre remarquable autant par son fond que par sa forme. Par sa forme car, l’objet livre est d’un format inhabituel, un grand carré jaune, avec de belles illustrations aux allures de crayonnés. Par son fond, par les propos qu’elle véhicule. Véritable satire sociale sur l’opposition transgénérationnelle, elle nous immerge dans le quotidien de personnalités que tout oppose, mais qui ont ce point commun d’être en marge de la société du fait d’un manque : celui d’un père, d’un fils, d’une cellule familiale structurante. L’opposition des protagonistes n’est pas manichéenne, chacun des deux hommes tentant d’intégrer l’autre à son univers, sans jamais vraiment y parvenir. Une œuvre fine et forte sur la différence, à lire et à faire lire à tous. - Michaël
C’est l’histoire d’un homme et d’une femme. Tous deux connaissent des troubles de la personnalité et sont de ce fait de tristes marginaux. Le destin va les réunir, leur redonner goût à la vie, mais d’une façon bien déroutante... Étrange et originale, « Les petites distances » est une comédie romantique teintée d’un brin de fantastique. Nous suivons les personnages dans leur quotidien jusqu’au moment où l’inexplicable surgit. Et de là, l’histoire se démarque et nous entraîne dans un monde sans logique, mais captivant. L’illustratrice Camille Benyamina traite le sujet avec finesse et délicatesse. Grâce à l’aquarelle, elle déploie des tons doux et légers, voir transparents... Un très beau titre à lire le soir pour faire de doux rêves. - Michaël
En 2010, le Centre Pompidou-Metz ouvre ses portes. Outre le musée, une librairie d’art parachève cet établissement. Malgré un sérieux manque d’expérience et de compétences, Charlie est embauché en tant que libraire. Il va découvrir le métier : commander, réceptionner, gérer les stocks, gérer la clientèle, mais surtout vendre ! Il va également faire la connaissance d’un univers décalé, hors réalité, celui des musées, des conservateurs et autres médiateurs culturels. Un choc des cultures qui va faire des étincelles. Voici l’un des titres les plus drôles de cette année 2018 ! A la manière de la culture blog, Charlie Zanello raconte son expérience au centre Pompidou-Metz. Nous y découvrons les coulisses de ce musée qui était à l’époque la première expérience de décentralisation d’un établissement culturel public national. Par son regard juste et amusé, il nous raconte ses rencontres accidentelles avec des artistes contemporains, dont la démarche artistique lui est parfois - et même souvent - difficile à appréhender. Cela crée ce savoureux décalage qui anime l’esprit de ce titre. Il nous fait également pénétrer dans l’univers de la médiation culturelle, qui elle-même s’avère être un exercice « d’art moderne ». Il n’oublie pas son métier de libraire, ses relations avec ses collègues et surtout la clientèle. L’illustration de l’ouvrage est d’une excellente maîtrise, sans fioriture graphique, Charlie Zanello parvient à faire passer nombre d’émotions. Le tout est habillement mis en scène par un découpage précis donnant rythme et dynamisme aux scènettes humoristiques. Chapeau donc à cet artiste pour nous avoir ouvert un monde plus ou moins hermétique. - Michaël
Gilles Rochier est un auteur autodidacte, arrivé sur le tard en bandes dessinées. Dix ans après ses débuts, il décroche en 2012 le prix Révélation à Angoulême pour TMLP. Son leitmotiv : nous conter la banlieue, sans pathos ni exagération. Cette fois-ci, nous faisons la connaissance de Tonio, qui erre dans le quartier en fauteuil roulant, en attente d’une opération qui lui retirera la seule jambe qu’il lui reste. Enfant, il était un véritable casse-cou ne refusant jamais un défi. Ce parallèle entre présent et passé nous permet de comprendre la personnalité quelque peu marginale de Tonio, ainsi que celle de son ami d’enfance, prêt à tout pour l’aider. Mais Tonio part en roue libre... Comment faire pour le sortir de cette colère qui ne le lâche plus depuis son accident, lui que la douleur tenaille chaque jour et que le spectre de son opération terrorise ? Une histoire qui respire l’authenticité, sans doute parce que l’auteur ne se contente pas de nous raconter la banlieue, il y vit... Gilles Rochier, avec ce titre touchant, nous donne une véritable leçon de vie et d’amitié, bien loin des clichés habituels sur les banlieusards. - Michaël