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Tous les avis de

Dans « Femme rebelle », Peter Bagge retrace le parcours de Margaret Sanger, fondatrice du planning familial et militante radicale et controversée de la condition féminine. Le titre de cette bande dessinée biographique se réfère au journal fondé par cette infirmière en 1914, intitulé « The Women Rebel » et sous-titré « Ni dieux, ni maîtres ». Dans ces pages, Margaret Sanger s’adressait directement aux femmes en leur fournissant des informations sur le contrôle des naissances : culotté dans l’Amérique conservatrice du début du 20e siècle... au point pour l’autrice de devoir s’exiler quelques temps sous pseudonyme au Royaume-Uni. De retour aux USA, Margaret se servira de son influence médiatique, de ses déboires et malheurs personnels pour servir son combat - le contrôle du corps des femmes par elles-mêmes. Combat qu’elle parviendra à porter hors des frontières américaines, influençant par exemple la réflexion sur la création du planning familial en France... dans les années 1950. Il fallait bien le style et la verve satyriques de Peter Bagge pour retracer un tel parcours sans faire l’impasse sur les zones d’ombre de cette féministe. Il évite l’hagiographie en enrichissant son travail graphique d’un imposant propos complémentaire. Il y explicite ses choix (de son sujet jusqu’à la couverture de la BD), précise certains points et donne en dernier lieu la parole à la biographe française de Margaret Sanger, Angeline Durand-Vallot, qui situe historiquement l’apport du combat de Sanger et rappelle à quel point celui-ci demeure d’actualité...   - Aurélie

Thomas Pesquet est pilote de ligne, mais son rêve est de devenir astronaute. Ce rêve va devenir réalité après une sélection drastique parmi moult candidats et un entraînement hors norme. Sur la station spatiale, il va vivre l’aventure de sa vie… Ce récit nous est conté par Marion Montaigne qui a scénarisé et mis en images cette formidable épopée. Avec son humour et sa faculté de vulgarisation, elle réalise une œuvre passionnante et abordable. Son dessin - au semblant minimaliste - est une merveille : dynamique et expressif. Ce titre rentre dans la mouvance de la bande dessinée de reportage, nous y apprenons beaucoup et nous nous amusons tout autant. Parmi la galaxie des parutions BD, celle-ci est une étoile singulièrement brillante, à partager.  - Michaël

Gaspard passe ses vacances chez sa grand-mère, mais très vite l’ennui le gagne. Pour y échapper, il décide, malgré l’interdiction, d’explorer le grenier. Là-haut il découvre une table à dessin et une planche de BD inachevée. C’est alors qu’apparaît le fantôme de son grand-père, qui était auteur de bande dessinée... Voici un titre qui ne paie pas de mine, mais qui est surprenant tant par son histoire que par ses illustrations. Le récit est une fiction aux vertus pédagogiques loin d’être ennuyeuse. On y découvre les rouages de la création d’une bande dessinée. Nous suivons avec Gaspard chaque étape, de la naissance d’une idée à la mise en couleur d’une planche. Ce récit est illustré de façon efficace par Mickaël Roux, adepte des séries humoristiques, au style énergique. « Gaspard et le Phylactère magique » permet, tout en s’amusant, d’apprendre et plus que tout, donne une furieuse envie de se mettre à dessiner.  - Michaël 

 

Elie Wiesel, prix Nobel de la paix en 1986, a dit : « Vous qui qualifiez les étrangers d’illégaux, vous devez comprendre qu’aucun être humain n’est « illégal ». C’est un contre sens. Les êtres humains peuvent être beaux, voire très beaux, ils peuvent être gros ou minces, ils peuvent avoir raison ou tort, mais « illégal », comment un être humain peut-il être « illégal » ? ». Ainsi commence le récit de Ebo, jeune Ghanéen de 12 ans, qui avec son frère décide de partir pour l’Europe, loin de la misère locale. Dans ce périple, la mort les menace à chaque étape. Du désert du Sahara à la violence des rue de Tripoli jusqu’à la traversée de la Méditerranée, ils devront surmonter leur peur, oublier leur innocence pour devenir, bien trop vite, des adultes sans rêves... Cette histoire est une fiction, mais chaque détail qui la compose est authentique car les auteurs ont collecté et assemblé les témoignages de rescapés pour nous livrer ce récit bouleversant. Véritable mise en lumière des conditions de vie inhumaines que subissent les migrants pendant leur exil, ce titre est à de nombreux égards une œuvre documentaire à mettre entre toutes les mains, même les plus réfractaires à la cause migratoire.  - Michaël

Le Dr Dunne pourrait-être un dentiste comme les autres s’il n’avait un penchant pour la douleur… Son sadisme aurait pu rester dans l’ombre s’il n’avait pas rencontré cette jeune fille au charmant sourire ferraillé… Passion, crimes et rebondissements rythment ce récit à l’illustration rétro, mais au charme certain. Augustin Ferrer Casas, par son récit, réussit à nous tenir en haleine jusqu’au bout. Il joue avec nos nerfs en nous envoyant sur de fausses pistes. Alors si vous ne savez pas quoi lire pendant les vacances, mettez-vous cette histoire « sous la dent », elle vous comblera, à n’en pas douter.

En protégeant la Terre, Abraham Slam, Golden Gail, Barbalien, le Colonel Weird et son robot Talky-Walky, Madame Dragonfly et Black Hammer, ont trouvé la mort dans une terrible explosion. 10 ans après, ces super-héros ne sont plus qu’un lointain souvenir, des légendes urbaines, des histoires que l’on racontent aux enfants... Et pourtant, loin de notre monde, ils sont là, résignés, prisonniers d’un univers prison, n’espérant qu’une seule chose, qu’on vienne les délivrer... S’il y a un comics de super-héros à lire absolument en ce moment, c’est bien la série Black Hammer. Pourquoi ce titre et pas plutôt un issu du mainstream ? Parce qu’elle possède de nombreux atouts. Pour commencer, elle est écrite par Jeff Lemire qui est certainement l’un des plus, si ce n’est le plus talentueux, scénaristes de bandes dessinées de ces 10 dernières années. Chaque récit qu’il développe est un bijou d’actions et d’émotions. Black Hammer ne déroge pas à cette règle. L’histoire est captivante et se découvre d’album en album sous le prisme des différents personnages. Nous découvrons page après page la personnalité de nos héros, certain plus mystérieux et/ou inquiétants que d’autres. Chaque vie, destin est un récit dans le récit, des histoires qui alimentent l’Histoire. Nous retrouvons donc des personnages aux destins variés qui n’ont, à par être des super-héros, rien en commun, mais qui vont devoir apprendre à vivre ensemble pour le meilleur comme pour le pire. Voilà ce qui rend cette aventure unique. Loin d’être manichéenne, la trame est subtile et elle nous plonge dans la psyché humaine, une véritable analyse de nous-même. Cette série est, pour le lecteur averti, un hommage aux illustres séries de super-héros. On y retrouve un peu de l’âme de Spider-Man, de Daredevil, du Batman, de Swamp Thing et de bien d’autres encore. Des références disséminées par-ci par-là, mais qui ne nuisent pas à la compréhension de l’œuvre. Jeff Lemire s’est associé à Dean Ormston pour le dessin. Cet illustrateur fait des merveilles avec un style rétro, mais surtout un découpage dynamique et efficace. Pour terminer, Black Hammer a remporté en 2017 l’Eisner award de la meilleur nouvelle série aux Etat-Unis, preuve - s’il en est encore besoin - de sa qualité. Alors, si vous aimez les bandes dessinées de super-héros, vous allez adorer, et si vous n’aimez pas, vous allez adorer quand même.  - Michaël

 

Elle vit cachée, cloîtrée dans un océarium. Privée de liberté par son geôlier de père adoptif, qui l’utilise comme appât à touristes, elle rêve de plein air, d’une vie de jeune fille de son âge. Fish Girl est son nom, ou plutôt son nom de scène car elle n’est pas, au sens physique du terme, vraiment humaine, non, elle est sirène. Une rencontre impromptue va lui donner la force et le courage d’affronter son gardien et peut-être enfin, de savoir qui elle est réellement...

Ce roman graphique pour la jeunesse a été déniché par les éditions « Le Genévrier » peu habituées à publier de la bande dessinée. Grand bien leur en a fait, puisqu’ils ont déniché une véritable pépite. Loin des formats habituels avec humour, action et bastonnades à n’en plus finir, Fish Girl est écrit et mis en scène de façon calme et émouvante. Il y a bien sûr de l’action, mais le lecteur, enfant comme adulte, retiendra surtout les moments d’échanges, de contemplation et de liberté. Le duo scénariste/illustrateur atteint ici son paroxysme tant l’ensemble fonctionne à merveille : une heureuse plongée dans de la pure magie ! Lorsque l’on referme ce livre, on se sent plus apaisé et serein.  -Michaël

 

Mohammed, d’origine tchadienne, a 14 ans lorsqu’il décide de quitter l’Arabie Saoudite pour étudier l’anglais et l’informatique au Pakistan. Pour lui et sa famille, à la recherche de meilleures conditions de vies et de reconnaissance sociale, il va faire ce voyage vers son Eldorado. Malheureusement, les attentats du 11 septembre 2001 vont bouleverser à jamais ses plans et assombrir son nouvel horizon. Les forces américaines sont prêtes à tout pour obtenir le moindre renseignement : une aubaine pour les policiers pakistanais qui capturent sans scrupule ni vergogne toute personne originaire du Moyen-Orient, qu’ils déclarent terroriste et monnaient 5000 dollars par tête. Mohammed sera ainsi arrêté, vendu et transféré vers la base militaire américaine de Guantánamo Bay, à Cuba. Huit ans de tortures, d’humiliations et de combats s’écouleront avant qu’il ne soit jugé et - enfin - déclaré innocent.
Véritable témoignage choc d’un rescapé de Guantánamo, ce récit nous glace les sangs par sa violence et son inhumanité. « La violence engendre la violence », voici ce qu’affirmait Eschyle en son temps (né vers 525 av. J.-C., mort en 456 av. J.-C.), et qui se vérifie malheureusement encore de nos jours. L’être humain a certes progressé, mais pas à tous les niveaux... La recherche de coupables, de vérité, peut-elle excuser toutes ces exactions ? Non, certainement pas. Mais soumis à la douleur, la peine intense, serions-nous plus fort que la haine ? Tant de questions se posent à la lecture de cet album, qu’il est en soi une source philosophique à étudier. 
L’histoire vraie de Mohammed El-Gorani est triste, mais peut-être salutaire, qui sait ? Merci M. El-Gorani d’avoir trouvé la force de raconter votre histoire et espérons que vous ayez trouvé la paix dans votre nouvelle vie.  - Michaël

Depuis la mort de son père, Pierre est le « Veilleur des brumes », le seul capable d’entretenir le barrage protégeant la ville d’un mortel brouillard. Sa responsabilité et son savoir pourraient en faire un citoyen respecté, mais il n’en est rien. Le temps a passé depuis la grande catastrophe et les mémoires se sont peu à peu effacées, aujourd’hui il n’est surtout considéré que comme un enfant timide, le fils d’un fou. Pourtant, la brume est bien réelle, toujours là et lorsqu’elle réussit une percée dans le barrage, Pierre est le seul préparé à la stopper... Adaptation d’un court métrage aux multiples récompenses « Le veilleur des brumes » est un récit fantastique échevelé aux nombreux rebondissements. Proposé comme un titre jeunesse, son intrigue et ses différents niveaux de lectures, en font en réalité un album tout public. Chacun·e trouvera en lui une résonance familière, propre à sa sensibilité. Famille, amitié, mais aussi courage et responsabilité sont quelques-uns des thèmes abordés au détour de cette palpitante aventure. Au fil de l’histoire, le mystère s’épaissit et l’intensité dramatique va crescendo. On vibre à chaque page, envahi d’émotions, tantôt gaies, tantôt tristes. Le repos émotionnel ne nous sera accordé qu’au clap de fin et encore puisque les effluves de ce moment passé resteront en vous quelques  temps après. Les illustrations, peintures numériques, sont merveilleuses. Elles sont indissociables du texte et représentent un élément narratif d’une rare puissance combiné à une mise en scène cinématographique. Plongez sans hésiter dans cette saga étrange, unique, un classique en devenir.  - Michaël

Caroline du Nord, Smoky Mountains, 1930. Après trois mois d’absence, George Pemberton revient de Boston, fraîchement marié. La jeune épouse citadine s’acclimatera-t-elle à son nouvel environnement ? Les hommes de l’exploitation forestière Pemberton en doutent, mais c’est méconnaître Serena, superbe rousse au tempérament de feu et à la volonté de fer. Son ambition n’a d’égal que son intelligence, et il n’est de problème auquel Serena ne trouve de solution... Ne connaissant pas le roman de Ron Rash, qui est à l’origine de cette bande dessinée, je ne peux en faire la comparaison. Malgré tout, si le récit est à la hauteur de l’adaptation réalisée par Pandolfo et Risbjerg, il ne faut pas hésiter à se jeter dessus. Car oui, nous avons entre les mains un roman graphique d’une exceptionnelle intensité. Sur une trame historico-économique, celle des Etats-Unis des années trente, Pandolfo et Risbjerg tissent une toile emplie de personnages charismatiques. Chaque fil, chaque ‘noeud’ de l’histoire converge vers le point final,  l’issue, implacable. Les dessins apportent une touche contemporaine à ce roman graphique, noir, dur, à la fois très américain par son côté far-west et intemporel, universel par ses thèmes principaux : la passion et l’ambition. Alors, laissez-vous séduire par Serena la rousse, en lisant cet excellent roman, noir et graphique.  - Michaël