Conseils lecture
L'idée d'une rencontre improbable entre deux êtres que tout oppose paraît d'un romanesque bien banal.
Mais ce serait réducteur de résumer ce beau roman ainsi. Les sentiments des personnages sont si finement décrits qu'on est plus que séduits.
Le rythme s'accélère pour s'approcher du thriller; l'humour cotoie la gravité comme souvent avec Serge Joncour qui ne se prive pas ici de dénoncer les affres du monde de l'entreprise et le pouvoir de la loi du marché. Un roman à la fois intimiste et captivant . Un très bon moment de lecture C.
Dans un appartement bourgeois Parisien, au cœur de la chaleur d’aout, deux couples se retrouvent autour d’un dîner. L’invitation vient d’Etienne, un avocat érudit, sûr de lui, séducteur et prêt à tout pour obtenir ce qu’il désire.
Claudia, sa femme, timide maladive, a passé la journée aux fourneaux. Autant pour servir un repas parfait à ses hôtes, que pour cacher son mal-être. Elle est terrorisée à l’idée de participer à cette soirée. « Elle se demande si elle parviendra un jour à résoudre cette contradiction : elle voudrait se rendre invisible et pourtant, elle leur en veut terriblement à tous de la rendre invisible ».
Les invité·es, des ami·es d’Etienne, ne semblent pas très enthousiastes non plus. Iels arrivent d’ailleurs séparément. Johar est une femme de pouvoir, carriériste. Tunisienne d’origine modeste, elle a gravi tous les échelons de la réussite. Rémi, lui, est professeur d’économie en prépa. Mariés depuis plusieurs années, leur relation qui s’est ancrée entre routine et vie professionnelle s’effiloche.
Dans ce huis clos pesant, les personnages sont également prisonnier·es de leurs vies respectives. De l’apéritif au dessert, tout ne va pas être si parfait. La tension monte, chacun et chacune, rumine ses objectifs, ses secrets… Les rares échappées sur le balcon pour prendre l’air, fumer ou téléphoner, suffiront-elles à faire redescendre la température et l’atmosphère épicée ?
Cécile Tlili, nous brosse aussi le portrait de deux femmes en apparence totalement opposées, mais qui finalement se rejoignent dans la prise en main de leur destin.
Un premier roman très intense. Sororité, sexisme, maternité, vie de couple, travail, trahisons, mensonges, secrets et remises en question, sont les ingrédients subtilement dosés de « Simple dîner ». Un régal.
« Un simple Diner » a reçu le prix littéraire Gisèle Halimi 2023.
Toni n’a pas de supers pouvoirs, n’est pas plus intelligent que la moyenne et n’a pas non plus de terrible secret. C’est un jeune garçon normal qui va à l’école, a des ami·es et aime beaucoup jouer au football. Il a pourtant un petit quelque chose, trois fois rien, vraiment rien, juste une obsession... posséder les « Renato Flash », une toute nouvelle chaussure de foot avec fonction clignotant, sensée permettre de marquer plus de buts. Hélas pour lui, ce modèle est cher, très cher... « Toni » est un album jeunesse, complet en un volume, plein d’humour et de fraîcheur. Il se démarque de la production actuelle, sagas fantastiques à rallonges, et cela fait vraiment du bien. Pas de « mystérieux mystères mystérieux », non, juste la vraie vie et beaucoup de débrouillardise de la part de notre héros. Les personnages, qu’ils soient de premier plan ou simples seconds couteaux, résonnent avec justesse. Découpé en différents chapitres, le récit, un brin enjolivé, sent le vécu. Il nous rappelle forcément nos enfants ou à défaut notre jeunesse. Nous suivons Toni dans sa quête de godasses et prenons plaisir à découvrir les différents stratagèmes qu’il met en place pour gagner de l’argent, encore plus lorsqu’il le perd trop facilement. Les illustrations sont minimalistes, mais étonnamment vivantes et font penser aux illustrations de Sempé sur le « Petit Nicolas », dont « Toni » est un digne descendant. Cette bande dessinée est bon enfant, un « feel good » pour la jeunesse. - Michaël
Llewellyn est un collectionneur : il entrepose toutes sortes de choses dans des jarres, tels des plumes ou des cailloux. Lorsqu’il rencontre Evelyn, ils se mettent à collectionner des choses extraordinaires, comme un arc-en-ciel ou encore le son de l’océan... Les jarres leur permettent alors de se souvenir de ces moments précieux passés ensemble. Jusqu’à ce qu’Evelyn déménage. Comment les deux amis vont-ils réussir à continuer leur collection magique si loin l’un de l’autre ?
A travers cet album poétique, l’autrice nous invite à redécouvrir la beauté de ce qui nous entoure au quotidien. A picorer des sensations, des sons, des paysages…pour le plaisir des yeux et du cœur.
Et vous, quel trésor mettriez-vous en bocal ?
Dans la vie, Monsieur Grumpf aspire à une seule chose : sa tranquillité. Alors, lorsqu’il désire simplement balayer l’amoncellement de feuilles qui s’accumule devant chez lui et que, toutes les cinq minutes ses voisins viennent le déranger : l’agacement se fait sentir... Voici une petite bande dessinée très agréable à lire, une véritable promenade automnale. Ce titre est destiné aux plus jeunes à partir de 5 ans. Bien sûr, l’enfant devra être accompagné dans sa découverte de l’album. En effet, même si ce titre a été conçu sans texte, quelques dialogues animent tout de même l’ensemble. L’enfant y découvrira les valeurs de l’amitié, de l’entraide et de la générosité. De façon ludique, il abordera aussi le thème des saisons. Pour ce premier tome d’une série de quatre, l’automne est la trame de fond. Avec subtilité et tendresse, Dav évoque les changements qui s’opèrent dans la nature : hibernation, chute des feuilles... Le tout distillé dans une histoire touchante, dont le héros grognon a peut-être un plus gros cœur qu’on ne le croit. L’auteur peaufine l’œuvre par des illustrations animalières efficaces, au trait sûr et expressif teinté d’un bel orange de saison. - Michaël
Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est la tête de turc des gamins du quartier. Cela, il le cache à ses parents, de toute façon trop occupés par leurs incessantes disputes. Cette vie pas vraiment folichonne va vite devenir un grand n’importe quoi le jour où il remporte plus de 16 millions de livres en pariant sur une course hippique…
Si le script de départ à l’air assez classique, il n’en est pourtant rien. Ce récit, drame familial burlesque, est un régal de lecture. Les situations s’enchaînent à un rythme effréné et les dialogues ciselés fusent avec malice pour notre plus grand bonheur. Cette comédie dramatique est huilée comme il le faut, d’une fluidité et d’une limpidité d’orfèvre.
Cependant, ce qui fait la vraie originalité de ce titre, ce n’est pas son histoire, mais bien le traitement graphique choisi par son auteur. Oubliez le style franco-belge, japonais ou états-uniens, les aquarelles et autres lavis aux nuances infinies… Bienvenue à l’ère du « stylisé » ! Le récit est illustré d’un point de vue inhabituel : les scènes d’intérieur et d’extérieur nous sont rendues en mode aérien, où transitent des personnages réduits à un cercle de couleur, reliés par un trait à des zones de dialogues. Déroutant… peut-être un peu au début, mais le procédé fonctionne tellement bien que l’on se l’approprie rapidement.
Textes et illustrations sont étroitement liés, la mise en scène novatrice de Martin Panchaud est un tour de force bluffant !
Quatre canards vont se baigner au lac. L’un d’entre eux, Eric, n’est pas rassuré : « Il y a un monstre dans le lac », alerte-il ses camarades. « Un monstre ? bien sûr que non ! » répondent ses trois compagnons. « Ce ne sont que des histoires, Eric. Il y a juste des poissons et des grenouilles sans intérêt. » Mais ont-ils bien prêté attention à ce qui vit au fond ?
Leo Timmers est vraiment constant dans sa production d’albums tous aussi réussis. Nous retrouvons tous les ingrédients qui font la recette d’histoires savoureuses : Son humour grinçant, ces personnages un peu bêtes et suffisants, les illustrations colorées au style bien identifiable de l’auteur.
Dans cet album, une fois encore, les personnages ne font attention à rien de ce qui les entoure. L’auteur se fait complice des jeunes lecteur.ices car en réalité, c’est tout un monde qui vit sous le lac : il y a bien des monstres, ils sont même très nombreux ! Mais ils ne semblent vraiment pas agressifs.
Le foisonnement des illustrations sous-marines est un régal à observer. Le.la lecteur.ice pourra s’amuser à étudier longuement tout cet écosystème qui fourmille de détails. Les illustrations colorées parleront également aux plus petit.e.s.
Il est possible qu’un jour, je me lasse des histoires hilarantes de Leo Timmers ; mais ce jour-là n’est pas encore arrivé !
Márcia est infirmière. Elle vit dans une favela de Rio et comme tous et toutes, elle a du mal à joindre les deux bouts. Pourtant sa vie n’est pas si mal, si ce n’est sa relation avec Jaqueline, sa fille, qui fricote dangereusement avec les dealers du coin…
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« Écoute, jolie Márcia » est un titre brésilien au fort goût d’authenticité, celle de la vie difficile dans les bidonvilles de « L'éternel pays d'avenir ». On y croise des personnages aux forts caractères, mais au courage essentiel pour survivre dans cette société pétrie de violence. Tout au long de cette lecture, on découvre des portraits de femmes et on comprend le rôle qu’elles jouent dans l’ombre, ô combien important pour maintenir un peu d’humanité dans la société brésilienne. Au-delà, cette oeuvre est aussi une histoire de famille, celle du combat d’une mère pour offrir à sa fille un meilleur avenir.
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Marcello Quintanilha possède un style graphique propre, aux volumes et aux couleurs généreuses, pleines de vie et de passion, sans nul doute, à l’image de son pays.
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« Écoute, jolie Márcia » est un récit remarquablement écrit, au suspense intenable qu’il sera difficile d’oublier.
Ce sont des enfants, pour la plupart orphelins, mais tous sans le sou et dans la misère. Ils vont trouver en leur compagnon Colas, un espoir, un guide vers une vie meilleure. Ce nouvel horizon ne pourra cependant se faire sans sacrifices, car en l’année 1212, la foi est omniprésente et la seule « façon » d’atteindre le paradis est de partir en croisade défendre le tombeau du Christ. Ces enfants vont suivre un guide, mais peut-être pas celui qu’ils croyaient...
Inspiré de faits réels, ce fait divers dont très peu d’écrits subsistent, nous est conté par Chloé Cruchaudet et constitue un pan méconnu de l’histoire de France. Si la fin de cette croisade fait encore débat parmi les historiens, l’auteure s’en approprie une version et nous livre un récit épique à la dramaturgie parfaite. L’innocence et la naïveté des enfants sont un élément central de la trame et constituent le fil conducteur du récit. Un rejet du monde adulte, par qui tous les maux arrivent, est une des réflexions de l’œuvre. L’enfant serait-il supérieur à l’adulte du fait de son innocence ? Par delà cette question philosophique, la manipulation des masses du fait de l’ignorance et de l’inculture est également un sujet abordé qui fait écho encore aujourd’hui dans notre société. L’arc narratif est quant à lui savamment écrit, les personnages attachants nous font vivre différentes émotions : on s’attriste, on s’amuse et on s’inquiète. Le tout est parfaitement illustré par un trait fin et précis dont les volumes sont rehaussés d’une palette à l’ambiance « clair obscur » grâce à l’utilisation d’encres et de fusains. 172 magnifiques planches à découvrir dans un récit de haute tenue. - Michaël
Après "Déluge" et "Marmelade" ou encore "La fête des crêpes", nous retrouvons l’autrice illustratrice suédoise Cecilia Heikkilä avec beaucoup de bonheur.
Un matin, petit ours interroge son grand-père ours à propos d'une carte postale accrochée sur son frigo. « C’est un endroit merveilleux », répond grand-père ours, « il se situe de l’autre côté de la mer, entre des montagnes de glace et des lacs sans fond. Il s’agit… du dernier avant-poste. » Petit ours a alors très envie d’y aller. Grand-père est d’accord, mais il faut un peu de préparation pour partir à l’aventure. Et un beau matin, les voilà embarqués pour le plus beau voyage de leur vie…
Ce bel album nous parle de voyage, de lien intergénérationnel, de désillusion aussi, et d’écologie. Il invite à la rêverie. Il donne envie de quitter sa maison et de s’en aller vers des endroits lointains et inconnus. Partir en voyage, c’est se confronter à la réalité des choses, parfois assez éloignée de ce qu’on avait imaginé. C’est aussi faire des rencontres et découvrir des lieux merveilleux.
Les illustrations toutes en douceur nous transportent à travers des paysages magnifiquement illustrés, aux sublimes couleurs pastel. Au fil des pages qui se tournent, on ressent comme une belle bouffée d’oxygène.
Cet album paisible, réconfortant, est un petit nuage très agréable à déguster en ce froid mois de février.
Vidal Balaguer est un peintre espagnol du 19ème siècle. Artiste talentueux, il n’a jamais souhaité vendre ses œuvres les plus personnelles prétextant qu’elles étaient une partie de lui. Son attitude, sa mystérieuse disparition et le peu de tableaux conservés à ce jour ont contribué à son oubli. Natures mortes nous fait découvrir ou redécouvrir cet artiste, au talent indéniable. Avec justesse et tendresse, Zidrou a concocté un récit captivant sur les affres de la création, aidé et sublimé par les peintures d’Oriol qui a su se hisser au niveau de l’artiste raconté. Un pur moment de magie qui a, en plus, le mérite de nous faire découvrir le milieu de la peinture espagnole du 19ème siècle.