Conseils lecture
Une petite fille s’apprête à toucher un papillon posé sur une fleur, mais l’auteur la prévient : elle risque de déclencher des catastrophes en séries ! on appelle ça l’effet papillon… Cet album très rythmé et plein de situations rocambolesques explique aux enfants comment un simple battement d’ailes de papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout de la planète. Si cette notion peut leur paraître floue, ils s’amuseront néanmoins de l’enchainement des circonstances, amenées avec humour. Les illustrations sont joyeuses et colorées, contrebalançant efficacement les situations catastrophiques qui s’enchainent avec fatalisme sur nos pauvres animaux (très expressifs). Le genre du conte de randonnée est exploité avec brio par Philippe Jalbert, qui clôt cet album avec une chute délicieuse. A déguster de toute urgence !
Béa est une jeune fille anxieuse, mais volontaire. Elle vit avec son grand-père et l’aide à préparer de nombreuses potions. Elle a toujours vécu avec celui qui l’a adoptée toute petite, sa seule famille. Alors, lorsque celui-ci part secrètement pour une mystérieuse mission, elle décide de tout abandonner pour le retrouver. Hélas, le monde extérieur est bien déroutant et sa rencontre avec Cad, créature aussi étrange qu’insouciante, va la propulser dans une aventure pleine de dangers et de surprises... « Lightfall » est la nouvelle pépite américaine proposée par les éditions Gallimard. Il faut dire que ce titre a tous les ingrédients pour plaire à un large public et devenir un véritable succès. On y trouve un univers riche, original, baigné de légendes ancestrales et de secrets intrigants qui vont alimenter le récit et nous tenir en haleine du début jusqu’à la fin. Les principaux protagonistes sont charismatiques, différents, mais complémentaires. Ils ne sont pas lisses, pas trop parfaits, ont des blessures qui les rendent « vrais », attachants. Tim Probert n’est pas qu’un excellent conteur, il est également un illustrateur doué. Ses planches sont de toute beauté, lumineuses ou sombres, drôles ou graves, selon l’humeur du récit. L’ensemble forme une œuvre à la forte puissance narrative dont le tonus est communicatif. - Michaël
Dans un futur proche les holdings se substituent aux Etats, les pays en faillite sont rachetés par des entreprises et démantelés. On rapatrie l’appareil de production, dont les habitants font partie intégrante, sur son propre territoire, où ils deviennent des cilariés, un mélange de salariés et de citoyen dans un nouveau modèle de société régi par le travail et le profit. Une société inégalitaire où une minorité profite des richesses du monde au détriment de la majorité.
De la science-fiction ? Pas tant que cela finalement !
Zem, le héros, est un de ces hommes arrachés de force à son pays ruiné : la Grèce. Flic apatride il a touché le fond d’une vie qui ne lui appartient plus. Il déambule dans le marasme putride de son quartier de dernière zone, jusqu’au matin où il est appelé dans un terrain vague pour constater un meurtre. Un crime qui va trouver une résonance particulière dans son existence.
Un ouvrage d’une grande maîtrise, qui visite avec maestria différents genres littéraires : policier, roman noir, anticipation, dystopie et tragédie. Un sens aigu de la narration, dans ce récit où s’entrechoquent les voyages introspectifs dans la noirceur abyssale du héros et le rythme disco d’une enquête aux multiples facettes. Une bande originale merveilleusement orchestrée où « Les Smiths » reprendraient les tubes des « Village People ».
Ce roman est, également, une critique acerbe et très juste du monde contemporain et de ses errements : l’ultralibéralisme, la corruption, l’asservissement, la pollution, le cynisme des classes dirigeantes, la privation de liberté, le contrôle des masses par les technologies…. Et enfin, une réflexion profonde sur l’immigration et le déracinement, sur ce qui constitue l’identité d’un individu et sa culture.
Un texte d’une très grande richesse !
Sacha et Charlie sont frères, ils ne s’entendent pas très bien. Enfin, c’est surtout Sacha qui ne supporte pas la présence de son petit frère et lui fait bien savoir. Un accident va les séparer, tous deux vont se retrouver dans un monde étrange, peuplé de monstres, et où leur survie ne dépendra que d’une seule chose : le pardon...
A regarder cet ouvrage et principalement les illustrations, nous pourrions facilement penser qu’il s’agit d’un titre destiné à un jeune lectorat. Détrompez-vous : même si le duo d’auteurs a déjà œuvré avec brio pour la littérature jeunesse, ce titre est destiné à tous les publics. L’intrigue est extrêmement bien ficelée, jouant sur deux narrations : on suit l’errance de Sacha puis celle de Charlie, à tour de rôle. L’ambiance est inquiétante voir pesante, tant on sent que quelque chose de plus profond est sous-jacent. Chaque récit se lie à l’autre, chaque action influe sur la destinée de l’un pour au final, les réunir. Une fin qui nous fait sortir de l’imaginaire pour nous renvoyer la réalité en pleine face. Une fin qui aborde un thème difficile et nous propose, non pas une solution ou une réponse, mais une voie à suivre. Alors lorsque l’on regarde à nouveau les magnifiques aquarelles d’Anne Montel, on se dit que les auteurs ont sciemment proposé ce style juvénile pour lier le monde des adultes à celui des enfants afin de faire lecture commune et ainsi permettre le partage, le débat. Un récit maîtrisé de bout en bout qui ne vous laissera pas insensible par son rythme, ses illustrations et sa thématique. - Michaël
C’est l’histoire d’un jeune homme qui a tout perdu. Alors sur les conseils d’un escargot, il décide d’aller voir « celui-qui-sait-tout », un vieil ermite vivant en haut de la montagne. En chemin, il va faire d’étranges rencontres, mais rien ne pourra le détourner de sa quête : retrouver sa chance... Que voici un album étonnant ! Destiné à un public jeunesse, il s’adresse également aux plus grand·es. Certain·es y verront une bonne petite comédie alors que d’autres y décèleront un message beaucoup plus subtil. Car ne vous y trompez pas, ce titre, certes court, invite à une certaine réflexion. La chance, ou par extension le bonheur, sait-on simplement le reconnaître et le saisir lorsqu’il se présente à nous ? Une question bien philosophique qui ne trouvera pas de réponse en seulement 30 planches, mais que ce charmant récit éveille. Pozla illustre son propos de façon dynamique, pas de gaufrier apparent, mais des vignettes sans bord et parfois sans décors donnant rythme et aération. Le trait est également vif, nerveux, rehaussé d’un lavis de couleurs restreintes. « L’homme qui courait après sa chance » fait partie de l’excellente collection jeunesse « Les enfants gâtés » de Delcourt, une histoire complète dans un format de récit court dont les pages très grandes, laissent plus de place à l’émerveillement. - Michaël
« Ils font de petits pas, les vieux, et traversent toujours au feu … Allez vite, c’est dangereux, on pourrait se casser en deux… Souvent ils souffrent dans leur corps, ils résistent encore et encore et combattent le mauvais sort… ».
Le ton est donné, avec humour et tendresse, l’autrice dresse le portrait de ces personnes âgées qui nous entourent. Leur vie quotidienne, pas toujours évidente, leurs petits bobos, leur solitude … Mais aussi leur combativité, leurs moments de bonheur et leurs souvenirs. Un texte poétique tout en rimes, où deux parties se répondent au fil des pages. La/le narrateur·rice qui évoque un cliché préconçu et un·e vieux·eilles qui lui répond en exposant son expérience et ses sentiments.
Les illustrations aux tons pastel sont douces et apaisantes. Les visages des personnages sont très expressifs. Les différentes situations sont représentées d’une manière joyeuse et drôle. L’équilibre entre le texte parfois triste, mélancolique et les dessins à contre-pied en font un album très touchant. On ne peut s’empêcher de penser aux instants passés avec nos grands-parents. Se dire qu’il faut profiter de chaque petit plaisir partagé en compagnie de nos proches.
« Vieillir n’est pas une maladie, c’est vivre une très longue vie. »
Barbara n’est pas une adolescente comme les autres. Solitaire et parfois violente, elle ne fait pas l’unanimité dans son école. Ses histoires de géants et autres créatures n’arrangent rien, la faisant passer pour folle aux yeux de ses camarades. La blessure qu’elle cache en elle pourrait expliquer son comportement, mais comment la comprendre, l’approcher, elle qui se bat si furieusement contre des moulins à vent... IKG est un comics sans super-héros, mais avec une héroïne du quotidien qui lutte contre les tourments de la vie. Sans rien en dévoiler, l’intrigue est maligne, nous entraînant sur une fausse piste pour mieux nous ramener à la réalité. Barbara est étonnante de caractère, de furie et de tendresse. Elle est merveilleusement bien croquée par l’artiste Ken Niimura qui insuffle une énergie folle à cette œuvre originale. Un très bon moment de lecture qui engendrera à n’en pas douter discussion et débats. - Michaël
Dans un futur pas si éloigné que cela, la société « Tomorrow Foundation » met au point un procédé révolutionnaire dans l’intelligence artificielle : elle crée les premiers humanoïdes doués de conscience. Carbone et Silicium sont les premiers d’une longue série de robots, mais peut-on encore être considéré comme une machine lorsque l’on a des émotions et des envies de liberté ?... Mathieu Bablet s’attaque à un sujet maintes fois évoqué dans la littérature de science-fiction. Loin de s’en détacher, il tire pourtant son épingle du jeu en réalisant une œuvre dense et emplie d’une certaine sagesse. Pas de combats de genre ou d’intelligence artificielle collective, mais une réflexion sur ce qu’est l’humanisme. Il met en exergue notre nature profonde réfrénée, policée et en contradiction avec le concept sociétal du vivre ensemble. Carbone et Silicium vont, sur près de 300 ans, apprendre de leurs pairs, choisir chacun des chemins différents, mais pour quelle conclusion ? Mathieu Bablet est un auteur dit « complet », il réalise également les illustrations de ce pavé d’environ 260 pages. Son style est classique et réaliste et son découpage sobre. L’ensemble forme une œuvre remarquable rehaussée par le choix d’une édition de toute beauté au dos toilé. Bien plus qu’une fiction, cette œuvre est un vrai sujet de philo à méditer... - Michaël
L’histoire commence dans une bergerie, entre la plaine et les hauts sommets. Un homme, « Le berger », en soigne un autre, « L’assassin », blessé par balle à la cuisse. Des deux protagonistes, nous n’en saurons pas beaucoup plus, si ce n’est qu’ils vont devoir s’entraider pour survivre et traverser la montagne, sur fond de Seconde guerre mondiale.
Henri Meunier entraine les lecteur·rices dans un récit fort et poignant. Avec ses non-dits, il nous pousse aux questionnements sur la confiance en autrui, la notion de bien et de mal, et le fascisme. L’écriture et les dialogues sont empreints de poésie et d’une certaine philosophie.
Grâce à ses magnifiques illustrations pleine page, Régis Lejonc donne vie à un troisième personnage : « La montagne ». L’illustrateur la connait bien, puisqu’il y passé son enfance et son adolescence à la contempler au pied de La Tourette en Haute Savoie. Il la dessine ici sous tous ses différents aspects. Parfois verdoyante, rouge, enneigée, au clair de lune ou bien encore dans la pénombre menaçante.
L’atmosphère est particulière et pesante, on ressent la tension engendrée par la situation. La cordée formée par les deux héros symbolise l’équilibre qu’ils doivent maintenir entre eux. Si l’un fait un pas de travers, il entraine l’autre dans sa chute. Leurs destins sont liés.
« Le berger et l’assassin » est un très beau roman au format album A4, à couper le souffle. On y retrouve les thèmes de la confiance, du dépassement de soi et de l’instinct.
Je le conseillerai à partir de 10 ans pour des enfants déjà à l’aise avec la lecture, mais il plaira tout autant aux adultes, notamment aux amateur·rices de romans graphiques.
Capitaine Fripouille, la nouvelle idole des jeunes ? Qui sait ? Peut-être ? Voici en tout cas un personnage tonitruant à forte humeur bien déjantée dont on devine un passé aventureux. L’épaisseur scénaristique du héros donne tout le charme à l’album, des scènes au vitriol, de la réflexion et un final en apothéose, de quoi ravir petit et grands… Au dessin nous retrouvons Alfred qui pour les besoins du récit a rendu son trait plus nerveux, plus sec et a multiplié les cases pour dynamiser le récit. Olivier Ka et Alfred un duo à (re)découvrir… - Michaël
Le cadeau idéal pour la Saint-Valentin !
« Lover Dose », la nouvelle bande dessinée de Fortu, est une compilation de scénettes humoristiques dont le point commun est la vie de couple.
Tout y est abordé, rien n’est oublié, et chacun, chacune en prend pour son grade, mais saura très certainement s’y retrouver… un peu, beaucoup, à la folie !
Parfois absurde, parfois sarcastique, ou encore dans l’exagération, l’humour de Fortu fait mouche. Il livre ici un registre comique complet, axé sur l’observation et écrit avec esprit.
Conseils lecture
Dans un royaume lointain, vit une petite princesse très intelligente. Elle passe ses journées enfermée dans sa tour à dévorer des livres. Ses parents s’en inquiètent : « qui va prendre en charge le royaume quand nous ne serons plus là ? et notre retraite ? ». Ils aimeraient lui présenter un prince à marier mais la petite princesse en baskets ne s’y intéresse pas. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que leur fille, dans ses livres, apprend beaucoup de choses, comme vaincre un dragon ou fabriquer un antipoison ! Bien vite, la princesse va devoir mettre ses compétences à profit car voilà qu’un énorme monstre poilu à 6 yeux débarque et attaque le château… « Encore une histoire de princesses » me direz-vous ; oui, mais originale ! Par le prisme de la passion pour la lecture et du féminisme, on s’attache particulièrement à notre héroïne. Cette princesse n’a pas besoin de prince pour l’aider à faire ses choix ou à prendre en charge le royaume ! Indépendante, sûre d’elle et pleine de ressources, c’est un beau modèle de personnage qui est proposé aux enfants dans cet album. Les illustrations de Tristan Gion sont un régal pour les yeux. On y retrouve une palette de couleurs vives et très harmonieuses en même temps ; son dessin est rempli de références à l’histoire ou à la mythologie nordique et nous fait voyager. De plus, avec ses cheveux bleus et sa clé à molette dans la poche, aucun doute, notre petite lectrice est vraiment ancrée dans l’ère du temps !
Cette belle histoire parlera assurément aux amoureu.se.s des livres, en tout cas, moi, elle me touche droit au cœur !
Une petite fille japonaise nous parle de sa grand-mère Hanabishi. C’est le nom qu’on donne aux personnes qui fabriquent des feux d’artifice. C’est une des rares femmes à pratiquer ce métier, dangereux, technique, et artistique aussi. Alors, la petite fille la questionne sans s’arrêter et sa grand-mère lui explique : les feux d’artifice, mais aussi la physique et l’astronomie, et également sa propre histoire.
Hanabishi nous offre un beau récit sur la transmission et le lien intergénérationnel. Cet album nous donne l’occasion également d’en savoir plus sur cet art japonais, le hanabi, et ces personnes qui exercent le métier d’artificier. Il s’agit de créer des œuvres d’art dans le ciel, en mélangeant les couleurs et les formes ; la grand-mère hanabishi fait alors ses recherches et ses essais à la peinture, sur une feuille noire. Il faut ensuite faire des calculs mathématiques complexes et maîtriser les lois de la physique pour tirer ces feux d’artifices et produire exactement ce qui était prévu.
Le sujet permet à l’illustratrice de s’exprimer à l’aquarelle et au crayon à travers une belle palette de couleurs ; elle s’inspire également de la flore japonaise afin de nous faire voyager dans ce beau pays : On retrouve au fil des pages l’érable rouge ou encore le cerisier du Japon.
Ce bel album nous émerveille, nous attendrit et nous fait découvrir un art et une culture. Une grande réussite !
Caroline du Nord, Smoky Mountains, 1930. Après trois mois d’absence, George Pemberton revient de Boston, fraîchement marié. La jeune épouse citadine s’acclimatera-t-elle à son nouvel environnement ? Les hommes de l’exploitation forestière Pemberton en doutent, mais c’est méconnaître Serena, superbe rousse au tempérament de feu et à la volonté de fer. Son ambition n’a d’égal que son intelligence, et il n’est de problème auquel Serena ne trouve de solution... Ne connaissant pas le roman de Ron Rash, qui est à l’origine de cette bande dessinée, je ne peux en faire la comparaison. Malgré tout, si le récit est à la hauteur de l’adaptation réalisée par Pandolfo et Risbjerg, il ne faut pas hésiter à se jeter dessus. Car oui, nous avons entre les mains un roman graphique d’une exceptionnelle intensité. Sur une trame historico-économique, celle des Etats-Unis des années trente, Pandolfo et Risbjerg tissent une toile emplie de personnages charismatiques. Chaque fil, chaque ‘noeud’ de l’histoire converge vers le point final, l’issue, implacable. Les dessins apportent une touche contemporaine à ce roman graphique, noir, dur, à la fois très américain par son côté far-west et intemporel, universel par ses thèmes principaux : la passion et l’ambition. Alors, laissez-vous séduire par Serena la rousse, en lisant cet excellent roman, noir et graphique. - Michaël
Jules vit seul dans son terrier. Il n’en est pas pour autant triste, c’est comme ça et il s’en accommode bien volontiers. Avoir une vie sociale, très peu pour lui, les autres sont si compliqués... Et en plus, avoir des amis pourrait le rendre moins attentif aux dangers qui l’entourent, il n’est qu’une fragile petite souris après tout. C’est bien ce que se dit le filou renard qui le surveille et aimerait bien en faire son repas. Par le plus malchanceux des hasards, le carnassier se retrouve coincé la tête dans le terrier de Jules : impossible de s’en retirer. S’engage alors entre eux une bien étrange relation... « Jules et le renard » est un album à part. Sa différence, il la cultive dans la singularité de l’histoire dans laquelle il nous plonge et dans le bien-être qu’il nous procure. Une masterclass pour tout amoureux de récits et d’illustrations, tant ici les deux arts sont insécables. Joe Todd-Stanton écrit son récit au passé simple tels les contes de notre enfance, mais en adoptant un ton moderne aux dialogues savoureux, pour traiter en filigrane de notre société, de l’individualisme et de l’égoïsme qui y règnent. Ses illustrations transpirent la douceur grâce à son trait délicat et aux couleurs harmonieuses qu’il distille dans ses toiles. Il mélange les plans, les points de vues, tant tôt de loin, tant tôt de près, voir de très très près et emprunte également à la bande dessinée, dans ses cadrages et sa mise en page. Enfin, les personnages qu’il a créés sont d’un charisme rare : ils ne sont ni parfaits ni mauvais, comme dans la vraie vie en sorte, permettant de s’identifier à eux. Voici un très très bel album à découvrir, dont la magie nous émeut et nous réconforte. Bravo l’artiste. - Michaël
Être orphelin à l’âge de 8 ans n’est pas chose facile, mais penser que rien ne puisse-être pire est une fâcheuse erreur ! Notre jeune héros va l’apprendre à ses dépends lorsqu’une malheureuse rencontre va le transformer en souris. Toutefois, pour surmonter toutes ces épreuves, il pourra compter sur son exubérante mamie qui lui réserve bien des surprises... Classique jeunesse de la littérature écrit en 1983, « Sacrées sorcières »captive encore de nos jours les enfants. Pour cela Roald Dahl a utilisé une recette magique à base d’émotions, d’humour, d’héroïsme et de magie. Il a saupoudré le tout d’effluves de mystères et de frissons, pour en faire une œuvre culte et appréciée par tous les enfants, petits et grands. Adapté ce chef d’œuvre sans en perdre le parfum n’est pas forcément aisé, mais Pénélope Bagieu s’en est sorti à merveille. Le ton du récit adapté est bien présent, les ingrédients sont tous là et il ne restait qu’à rendre ce monde tangible à travers des illustrations. Cette fois encore, elle réussit à donner corps et vie aux personnages, sans les dénaturer. Les sorcières sont effrayantes et les souris trop mignonnes. Une belle performance d’autrice qui n’a pas eu peur de s’attaquer à un monstre de la littérature jeunesse. - Michaël
Dans la cour de l’école, derrière le gymnase, il y a un trou, pas un petit, mais pas un trop profond non plus. Un juste de la bonne taille pour que toute la classe d’Emma s’y sente bien et décide d’en faire un super espace de jeux.
Les histoires d’Emma Adbåge ont un parfum unique, celui de l’authenticité. Ses histoires sentent bon l’enfance et se projeter dedans éveille inévitablement nos souvenirs. Ce titre en est une parfaite illustration puisqu’il nous renvoie directement dans la cour de l’école. Pas de magie, ni de monstre ou autre créatures fantasque, non, ce qui est mis en exergue est le pouvoir de l’imagination dont font preuve les enfants. Ce pouvoir qu’une fois adulte nous perdons. Cela donne une légère brise mélancolique, mais qui ne souffle pas sur les plus jeunes lecteur.rices, trop occupé.es à s’imaginer poursuivre l’aventure avec leurs ami.es. Les illustrations d’Emma Adbåge sont, comme à son habitude, subtiles et délicates. Son style graphique bien particulier et sa palette de couleur nous éblouissent à chaque page si on y prête suffisamment attention. De multiples détails, des traits et des lignes de fuite qui souvent se chamaillent, mais qui rendent l’ensemble cohérent, à la frontière entre le monde de l’enfance et celui des adultes. Comme si Emma n’avait pas su choisir. Une autrice/illustratrice suédoise à suivre... - Michaël
Élodie Font nous partage sa vie sentimentale dans cette bande dessinée grâce aux crayons de Carole Maurel.
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Les amateur·rices de podcast ont peut-être déjà écouté Élodie leur raconter une partie de son histoire sur Arte radio : celle de son long coming in. Coming in ?… Le coming out, c’est se déclarer homosexuel·le, le dire à ses ami·es, sa famille… le coming in, c’est le reconnaître, de soi à soi. Et pour Élodie Font, qui détestait le mot lesbienne, cette acception a été un cheminement difficile, parsemé d’idées noires, mais aussi terriblement lumineux. Elle nous le raconte ici avec beaucoup d’humour, faisant des allers retours entre les pensées et la vie de la jeune Élodie d’hier et celle d’aujourd’hui.
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L’adaptation graphique de ce récit de vie par Carole Maurel ajoute, à coups de couleurs savamment dosées, un surplus de vie et d’universalité à cette histoire très personnelle et touchante. Car si pour certain·es, s’aimer est inné, pour d’autres (et iels sont nombreux·ses) c’est le travail de toute une vie ou d’une grande partie de celle-ci, que d’apprendre à s’aimer…
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C’est aussi pourquoi nous avons parfois le plaisir de découvrir, de lire leurs histoires à la fois douloureuses, magnifiques et magnifiées, comme c’est le cas dans cette bande dessinée.
A Paris, à la Belle Époque, on fête la victoire, la musique des orchestres remplace le son du canon. Pourtant, même avec une coupe de champagne, pour certains la pilule est dure à avaler. Le héros, un ancien combattant estropié au champ d’honneur, a du mal à tourner la page. Alors pour oublier ce que la guerre lui a fait subir, pour réparer ses injustices, il propose son aide aux familles d’anciens soldats dans la détresse.
Un matin de 1925 il est contacté par une riche héritière afin de retrouver son fils. Après quelques jours il découvre que le destin du jeune homme est intimement lié à celui d’une femme dont il est follement amoureux. Commence alors un merveilleux voyage à la recherche de ses amants disparus où l’on découvre peu à peu l’infini pureté de leurs sentiments.
La noblesse de leurs âmes comme une réponse à la brutalité de la guerre et à sa barbarie, avec tout au long du récit cette question suspendue : « l’amour et la poésie pourront-ils suffire à surmonter l’atrocité et l’absurdité des combats ? »
Une histoire d’une grande sensibilité, pleine de surprises et de rebondissements, une danse onirique menée tambour battant, au rythme des cœurs bouleversés, sous le tonnerre des bombes. "Roméo et Juliette" dans les tranchées, inspiré par Boris Vian et filmé par Tim Burton.
Une jolie petite princesse, tout de rose vêtue, à côté de son élégant carrosse assorti à sa tenue, est en pleine réflexion : « il est joli, mais… ».
Notre héroïne y apporterait bien quelques modifications. Un changement de couleur, du bleu par exemple, des roues plus adaptées aux chemins boueux… La fillette prend ses outils et n’hésite pas à se lancer elle-même dans les travaux. Au fil des pages nous assistons à la transformation du véhicule en un engin volant tout terrain.
Les illustrations sont drôles et bien détaillées, le texte simple convient parfaitement à la compréhension des tout·es petit·es.
Séverine Huguet nous offre un album qui balaye les stéréotypes de genre.
Qui a dit que les princesses ne savent pas bricoler ?
Dans la même collection et le même esprit vous aimerez aussi « Ma poupée » de Annelise Heurtier.
Lire du Renaud Dillies c’est pénétrer un monde onirique et poétique. C’est faire la rencontre de personnages torturés, romantiques et bien souvent musiciens. Loupne déroge pas à cette règle, mais n’en est pas moins un récit original. Nous sommes transportés, baladés par le récit, doux et romanesque. Le personnage principal est torturé par sa mémoire et nous l’accompagnons dans son aventure jusqu’au dénouement. Les illustrations sont également au diapason de l’œuvre,bien souvent épurées, confinées dans un gaufrier de six images par age et cadrées en plan moyen, elles permettent de donner un rythme lent, lancinant et mélancolique. Renaud Dillies nous livre une nouvelle fois un récit riche et touchant, pour les grands romantiques.
Depuis le départ de Clara, Paul n’est plus bon à grand chose. La vie le lasse et il s’obstine à se terrer chez lui, fuyant la compagnie de ses proches. Musicien, il ne peut plus honorer ses contrats, son inspiration et son talent se sont évaporés. Pourtant, à de rares moments, des éclaircies percent sa morosité... One shot semi-fantastique, « Inversion » est un récit atypique, mélangeant différents genres, différentes thématiques. Récit d’une part sur le chagrin amoureux et d’autre part sur l’inspiration artistique. Le tout est savamment saupoudré d’un brin de fantastique qui rend l’intrigue différente et mystérieuse. Un suspense s’installe doucement dans le récit et nous entraîne avec bonheur jusqu’à sa conclusion. Je parlerais également de l’illustration, dont le trait faussement hésitant nous dévoile des planches d’une grande technicité, par exemple les pages 25 et 39, pour ne citer qu’elles. Des prises de vue rares en bande dessinée, qu’on ne peut qu’apprécier. - Michaël
Llewellyn est un collectionneur : il entrepose toutes sortes de choses dans des jarres, tels des plumes ou des cailloux. Lorsqu’il rencontre Evelyn, ils se mettent à collectionner des choses extraordinaires, comme un arc-en-ciel ou encore le son de l’océan... Les jarres leur permettent alors de se souvenir de ces moments précieux passés ensemble. Jusqu’à ce qu’Evelyn déménage. Comment les deux amis vont-ils réussir à continuer leur collection magique si loin l’un de l’autre ?
A travers cet album poétique, l’autrice nous invite à redécouvrir la beauté de ce qui nous entoure au quotidien. A picorer des sensations, des sons, des paysages…pour le plaisir des yeux et du cœur.
Et vous, quel trésor mettriez-vous en bocal ?
Sacha et Charlie sont frères, ils ne s’entendent pas très bien. Enfin, c’est surtout Sacha qui ne supporte pas la présence de son petit frère et lui fait bien savoir. Un accident va les séparer, tous deux vont se retrouver dans un monde étrange, peuplé de monstres, et où leur survie ne dépendra que d’une seule chose : le pardon...
A regarder cet ouvrage et principalement les illustrations, nous pourrions facilement penser qu’il s’agit d’un titre destiné à un jeune lectorat. Détrompez-vous : même si le duo d’auteurs a déjà œuvré avec brio pour la littérature jeunesse, ce titre est destiné à tous les publics. L’intrigue est extrêmement bien ficelée, jouant sur deux narrations : on suit l’errance de Sacha puis celle de Charlie, à tour de rôle. L’ambiance est inquiétante voir pesante, tant on sent que quelque chose de plus profond est sous-jacent. Chaque récit se lie à l’autre, chaque action influe sur la destinée de l’un pour au final, les réunir. Une fin qui nous fait sortir de l’imaginaire pour nous renvoyer la réalité en pleine face. Une fin qui aborde un thème difficile et nous propose, non pas une solution ou une réponse, mais une voie à suivre. Alors lorsque l’on regarde à nouveau les magnifiques aquarelles d’Anne Montel, on se dit que les auteurs ont sciemment proposé ce style juvénile pour lier le monde des adultes à celui des enfants afin de faire lecture commune et ainsi permettre le partage, le débat. Un récit maîtrisé de bout en bout qui ne vous laissera pas insensible par son rythme, ses illustrations et sa thématique. - Michaël
Anya est une jeune adolescente comme les autres, avec des préoccupations propres à son âge et d’autres liées à ses origines russes. Rien de bien méchant mais sa vie va changer du tout au tout le jour où elle tombe accidentellement dans un puit abandonné. Celui-ci est hanté par Emily, une petite fille morte depuis plus de 90 ans. Les deux jeunes demoiselles vont alors développer une connivence pour le moins étrange... Nous revoici avec un récit de Vera Brosgol, qui nous avait enchantés avec son titre « Un été d’enfer ». Ce titre, antérieur mais jusque-là inédit en France, avait remporté en 2011 un prestigieux Eisner Award, grand prix de la bande dessinée américaine. Il le mérite amplement car une nouvelle fois action et émotions sont au rendez-vous dans ce récit complet pour la jeunesse. Au-delà du récit fantastique, Vera Brosgol, nous dévoile une partie de sa jeunesse, le choc des cultures et la difficulté d’intégration et d’acceptation de l’étranger. Elle aborde également le thème de l’adolescence, des préoccupations liées à cette étape et de l’importance qui tient l’amitié. Bien sûr la partie « fantastique » est du même niveau, excellent, et inattendu. On pense tout d’abord à une histoire quelque peu classique, mais bien vite elle sort des sentiers battus. Un titre jeunesse que l’on va réserver au plus de 10 ans tant certaines scènes peuvent être flippantes pour un trop jeune lecteur. Encore une fois, l’éditeur « Rue de Sèvres » nous fait découvrir un très bon titre, cela devient récurrent, pour notre plus grand bonheur. Merci ! - Michaël