Tous les avis de
Bob et Marley, malgré le titre qui peut nous induire en erreur, n’est pas une série d’albums sur la culture rastafarie. Bob et Marley sont deux amis ours qui prennent vie à travers une série d’albums courts et avec peu de texte. Bob est plus petit que Marley, plutôt naïf et pose beaucoup de questions. Marley est plus grand que Bob, plus sage aussi et tente de répondre aux multiples questions que Bob lui pose. De plus Bob et Marley sont très drôles. Même si le plus souvent, c’est bien malgré eux… A travers leurs personnages d’ours, Frédéric Marais et Thierry Dedieu abordent de nombreux sujets et thématiques philosophiques. Les jeux sur les mots, le décalage parfois absurde entre texte et illustration apportent une touche d’humour à plusieurs niveaux de compréhension, qui amusera les parents comme les enfants. L’illustration nous rappelle ce que Thierry Dedieu avait déjà proposé dans sa série documentaire et humoristique des Tatsu Nagata : une illustration efficace, des aplats de couleurs tranchés en guise de décor qui vont de pair avec le rythme efficace et enlevé de chaque aventure vécue par nos oursons Bob et Marley.
Cinq minutes, c'est long. Surtout quand il faut attendre pour entrer au parc d'attractions ou que maman ait fini à la poste. Mais cinq minutes c'est si vite passé, quand on patiente avec angoisse chez le dentiste ou quand on s'amuse bien ! A travers cet album rempli d'humour, les auteurs donnent à voir la relativité du temps qui passe, parfois très lentement, parfois trop rapidement. Cette expression qui revient comme une ritournelle au fil des pages, « dans 5 minutes » ou bien « juste 5 minutes », les adultes l'utilisent toute la journée, parfois sans même s'en apercevoir ! Les illustrations nous montrent des situations du quotidien dans lesquelles tous les enfants vont se reconnaître. Olivier Tallec fait naître dans les gestes et sur le visage de son petit héros toutes les émotions liées au temps : la frustration, l'ennui, ou encore l’excitation et le trépignement lors d'une attente insoutenable. On retrouve avec beaucoup de justesse et d'humour ces postures parfois étranges que prennent les enfants lorsqu'ils patientent. Le temps est avant tout une histoire de perception... et cet album nous le montre bien !
Après Plein Soleil, Pleine Lune, et Pleine Neige, Antoine Guillopé nous transporte au sein d’une île abritant des magnifiques trésors naturels… enfouis sous l’eau, dans les profondeurs des fonds marins. Jade est une plongeuse exceptionnelle, une aventurière de l’océan, une chercheuse de trésors que rien n’arrête. Antoine Guillopé nous offre donc une descente en apnée dans les fonds marins si beaux et si fragiles, remplis de coraux éblouissants et de poissons aux mille couleurs. Tout comme Jade, cet album nous coupe le souffle tant il est extraordinairement beau et délicat. Nous le savons depuis quelques albums maintenant, L’auteur maîtrise l’art de la découpe à la perfection, si finement qu’il fait de ses pages de la dentelle. Ces découpes sont loin d’être uniquement esthétiques car elles appuient le propos du texte et l’illustration qui nous transporte dans un univers presque féérique mais finalement plutôt méconnu : le lecteur se cache dans la forêt de plancton, se surprend à nager avec les raies manta, si légères et aériennes… Nous pourrions nous lasser de ce système maintenant bien connu mais par l’utilisation de couleurs vives, voir flashy, Antoine Guillopé prend le contrepied de ce qu’il a pu proposer dans ses autres albums, c’est-à-dire le jeu du noir et blanc, du clair-obscur, de l’ombre et lumière qui lui réussit si bien. L’utilisation de la couleur fluo, comme ce rose des palmes de Jade, peut nous surprendre au départ mais finalement tisse un fil rouge (ou rose, devrais-je dire) au fil de l’exploration de Jade comme un fil d’Ariane pour ne pas la perdre. Un album à déguster en famille, attention toutefois à ne pas le laisser seul entre des petites mains parfois trop enthousiastes… un accident est vite arrivé ! Comme le dit si bien notre artiste lui-même, que le spectacle commence !
Rebecca Dautremer est une autrice illustratrice que l’on ne présente plus. Son travail a été de multiples fois primé dans de nombreux salons, et la réputation de la maman de L’amoureux, de Princesses ou encore de Cyrano n’es pas galvaudée. Son travail, subtil, poétique, se reconnaît du premier coup d’œil. Elle signe avec son dernier album, Les riches heures de Jacominus Gainsborough, un véritable coup de maître. Dans cet album, Rebecca Dautremer nous donne à voir le récit d’une vie, celle de Jacominus Gainsborough. Ce petit lapin va grandir à son rythme et trouver sa place petit à petit dans le monde. Il traverse des joies et des peines, des moments de doutes, des blessures mais fait aussi de belles rencontres. A la manière d’une fresque philosophique, l'autrice nous brosse la vie bien remplie d’un héros ordinaire. Jacominus est bien entouré, d’une famille nombreuse, d’amis présents et de l’amour de sa vie. Il n’a pas vécu que des moments faciles, mais quand au crépuscule de sa vie, Jacominus se retourne, il peut être heureux du moment qu’il a passé auprès de ces êtres qui lui sont chers. Les illustrations sont d’une maîtrise incroyable et pleines de références picturales, littéraires qui pour certaines nous échappent certainement ; la mise en couleur, douce et équilibrée, les détails foisonnants font que nous pouvons nous plonger des heures dans cet album hors du commun, le relire 10 fois, nous aurions toujours quelque chose de nouveau à découvrir. L’équilibre avec le texte, empli de mélancolie, de mots justes, et bien sûr de poésie, fonctionne merveilleusement. Voici un album tel que vous aurez peu l’occasion d'en voir : tout un univers riche et foisonnant qui nous laisse un goût doux amer quand l’on referme, trop tôt, la dernière page du livre de la vie de Jacominus Gainsborough.
Georges et Bébert sont deux rescapés d’un naufrage. Ils naviguent sur ce qu'il leur reste de bateau. Bébert est plutôt agacé de la situation, qui ne fait qu’empirer : il commence à pleuvoir, une nuée de poissons volants leur passe au-dessus, un orage éclate, des sirènes surgissent des vagues pour chanter une chanson qui reste dans la tête ! Bébert, lui, relativise par sa phrase favorite : « Ça pourrait être pire ». A travers cet album très coloré, Einat Tsarfati mets dos à dos deux personnages aux caractères opposés. Avec de nombreuses touches d’humour, le lecteur assiste impuissant à la dégradation de la situation : nous ne pouvons être qu’impressionnés devant le calme et la joie inébranlables de Georges ! Mais tout optimisme a ses limites… Le passage par les fonds marins est l’occasion pour l’autrice-illustratrice d’utiliser toute une palette de couleurs expressives. Le lecteur savoure les détails fourmillants de la vie aquatique. Cet album nous rappelle qu’il faut savoir positiver, car dans n’importe quelle situation, ça pourrait être pire !
Dans un château vit toute une armée. Ce château n'ayant jamais été attaqué, personne ne se soucie plus de le protéger. Seule une chevalière reste sur le qui-vive, et se prépare en cas d'attaque ; le reste de l'armée est bien moins motivé : ça danse, ça joue aux cartes, ça fait la sieste et ça raconte des blagues. La chevalière essaie d'entraîner ses collègues à la bataille, mais sans succès ! Elle prend alors une autre option : ne rien faire, d'accord, mais au moins que ce soit bien fait ! L'armée se met à pratiquer de drôles d'exercices : comment bien se balancer dans un hamac, comment installer des chaises longues efficacement, ou encore faire de belles bulles de chewing-gum. Jusqu'au jour où notre chevalière voit un bataillon ennemi à l'horizon... Avec un ton humoristique très présent, l'autrice met en scène une armée uniquement constituée de chevalières. Elles ne sont pas moins paresseuses que leurs homologues masculins, mais avec de la suite dans les idées ! Les illustrations feront rire aux éclats les jeunes lecteurs qui découvrent l'album : l'insouciance des chevalières et leur paresse sont croquées avec beaucoup de dérision. La maison d'édition Talents Hauts est connue pour son engagement contre toutes les discriminations et le sexisme, et cet album ne fait pas exception : pas forcément princesses à sauver, pas forcément guerrières valeureuses, parfois simplement drôles et vivantes... Eh oui, les filles aussi ont le droit d'être imparfaites !
Une petite fille s’apprête à toucher un papillon posé sur une fleur, mais l’auteur la prévient : elle risque de déclencher des catastrophes en séries ! on appelle ça l’effet papillon… Cet album très rythmé et plein de situations rocambolesques explique aux enfants comment un simple battement d’ailes de papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout de la planète. Si cette notion peut leur paraître floue, ils s’amuseront néanmoins de l’enchainement des circonstances, amenées avec humour. Les illustrations sont joyeuses et colorées, contrebalançant efficacement les situations catastrophiques qui s’enchainent avec fatalisme sur nos pauvres animaux (très expressifs). Le genre du conte de randonnée est exploité avec brio par Philippe Jalbert, qui clôt cet album avec une chute délicieuse. A déguster de toute urgence !
Des enfants et leur professeur s’en vont en classe verte. Verte ? Grise plutôt ! Car notre petit groupe part visiter la lune ! Pendant que ses camarades et son enseignant explorent cet astre, une petite fille, un peu lunaire justement, en profite pour croquer la terre vue de son satellite et finit par s’assoupir. A son réveil, la classe est repartie sans elle ! C’est alors qu’elle va faire une bien étrange rencontre… Classe de Lune est un album sans texte, poétique, qui prends son temps pour nous parler de contemplation et d’imagination. Les illustrations à la peinture supportent efficacement le récit et le contraste en noir et blanc des paysages lunaires permettent de détacher les petits détails de la rencontre du 3e type qui se déroule sous nos yeux. Avec notre petite héroïne, nous traversons merveilleusement toutes les émotions qu’elle peut ressentir grâce à une illustration subtile et maîtrisée : la peur, la curiosité, la mélancolie… De plus, John Hare réussit le tour de force de ne pas utiliser les expressions faciales car notre petite astronaute garde sa combinaison spatiale pendant presque toute l’histoire. Enfin, le thème original (une classe verte sur la lune, qui n’en rêverait pas ?) ravira les enfants, petits et grands, qui ont la tête dans les étoiles.
David Merveille n’en est pas à son coup d’essai en ce qui concerne Monsieur Hulot, le personnage emblématique et bien connu du réalisateur Jacques Tati.
S’inspirant des films cultes « Mon oncle » ou encore « Les vacances de Monsieur Hulot », il nous offre avec son dernier album « Hulot Domino » un livre empli de poésie et de petits mystères. Dans cet album sans texte, nous retrouvons Monsieur Hulot dans sa vie et ses activités quotidiennes : lecture, bronzage à la plage, promenades… Chaque moment se termine par une découpe au laser en ombre chinoise, ellipse qui entraîne Monsieur Hulot dans une tout autre situation. Toutes ces petites scénettes humoristiques sont habilement liées par des strips à la manière de la bande dessinée. Les découpes en ombre chinoise viennent se superposer aux pages superbement colorisées et soulignent le décalage de notre personnage et l’humour de notre auteur-illustrateur. David Merveille nous offre un album à contempler, à lire à relire, où l’on retrouve pour notre plus grande joie Monsieur Hulot, son imperméable, sa pipe, son parapluie, mais aussi son étourderie et sa magie.
Le vent, la marée et le soleil l’indiquent. Il est l’heure de partir. L’heure de partir pour le sud, vers les pays chauds, mais avant, un long périple les attend… A travers les yeux d’un oiseau migrateur, « Vers le sud » nous parle de ces longs voyages de plusieurs milliers de kilomètres que font ces volatiles deux fois par an. Cet album aux magnifiques couleurs pastels et aux illustrations simples nous donne à voir les paysages qui défilent et nous raconte l’expérience de la migration : tenir le rythme, utiliser les courants aériens pour se laisser porter et finalement arriver au bout d’un périple difficile, à la terre promise. Et entre temps, survoler les activités bien étranges des humains, encore plus vues du ciel... Un album court et accessible qui permet d’introduire avec justesse la notion de migration ornithologique auprès des enfants.