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Béatrice est une jeune femme bien seule dont l’existence est rythmée par des habitudes et un quotidien très banal. D’un naturel discret, elle rêve secrètement de passion, d’aventure et du grand amour. Malheureusement la vie n’est pas vraiment une comédie romantique, c’est pourquoi, pour pimenter ce morne quotidien, elle décide de chaparder discrètement un sac rouge délaissé, abandonné en plein milieu de la gare. Dans ce sac, elle va découvrir un album photo qui va la plonger dans une vie de rêve, mais à quel prix... « Béatrice » est un album étrange, aux frontières du réel et de l’imaginaire. L’histoire, a priori classique et sans surprise, se transforme vite en conte étrange et captivant. Joris Mertens nous balade (littéralement) dans un univers aux multiples facettes, à la fois romantique, poétique, énigmatique et surnaturel. Il distille les ingrédients au fur et à mesure, accentuant ainsi la tension et le mystère tout au long du récit. Il parvient à nous tenir en haleine et surtout, à conclure son histoire par une fin qui nous laisse sans voix, comme cet album dont une des particularité est de ne comporter ni texte ni didascalie. Les illustrations sont juste magnifiques. L’auteur crée ses planches au crayon de papier rehaussé de couleurs vives, qui se révèlent techniques et pleines de détails. Un travail minutieux à saluer comme il se doit. Lire « Béatrice », c’est comme regarder un épisode de « La quatrième dimension » : « Apprêtez-vous à entrer dans une nouvelle dimension, qui ne se conçoit pas seulement en terme d’espace, mais où les portes entrebâillées du temps peuvent se refermer sur vous à tout jamais… ». Bon voyage !
Aujourd’hui, la médecine est une science au service du vivant, mais avant d’être guérisseuse, elle était néfaste. Aux États-Unis, au 19ème siècle, elle était appelée la médecine « héroïque » parce qu’il fallait beaucoup de courage pour supporter les traitements de l’époque, souvent bien pires que les maladies ou les accidents eux-mêmes : saignées, purges au calomel (considéré de nos jours comme du poison), morphine... Stéphane Piatzszek et Benoît Blary nous embarquent dans un voyage à travers le temps en pleine guerre de Sécession durant laquelle un homme, le médecin Andrew Taylor Still, las des morts qui l’entourent, décide de tourner le dos à cette médecine traditionnelle qui ne sauve pas et surtout n’évolue pas. Il va, par différentes rencontres et en étudiant inlassablement l’anatomie humaine, mettre au point une pratique de manipulation du corps permettant le rétablissement des flux internes et des postures. Il crée ce qu’il appellera plus tard l’ostéopathie. Le récit, souffrant peut-être d’un manque de rythme, est néanmoins riche d’informations. Nous apprenons beaucoup sur l’époque, la dureté de la vie et de ces médecins souvent plus charlatans que compétents. L’humanité est également mise à mal dans ce titre où ignorance et intolérance sont des maux bien difficiles à éradiquer et constituent malheureusement un socle à notre condition. Fort heureusement, il y aura toujours des femmes et des hommes pour faire avancer, progresser la société, mais à quel prix... Une bande dessinée documentaire dense et instructive à mettre entre toutes les mains. - Michaël
« Tout a commencé quand tout était au même endroit. », ainsi débute le récit de Catarina Sobral qui, par un album coloré, explique aux plus jeunes - mais aussi aux adultes - la naissance de l'univers, de notre planète et de la vie sur terre. Le sujet est ô combien périlleux car dense et compliqué, mais l'auteure, par un don inouï pour la vulgarisation, réussit à rendre la cosmologie digeste et à la portée de tous. Elle permet ainsi à tout-un-chacun de s'approprier les concepts scientifiques tels le Big Bang, l'infiniment petit ou encore l'infiniment grand. Le récit de nos origines est conté par deux personnages aux tronches humoristiques et qui, comme le récit à portée de tous, peuvent être aisément reproduits par nos chérubins. Ce documentaire est une totale réussite car il s'adresse vraiment à un très grand nombre de lecteurs, dès 5 ans. Il donne les bases, juste ce qu'il faut, et réussit à nous surprendre, nous émerveiller et, qui sait ?, suscitera peut-être des vocations. Un « must have ». - Michaël
« Je m’appelle Taylor Davis, je suis écrivain et il faut que tu saches que tu vis dans un roman... dans mon roman pour être exact... Tu es un personnage de fiction, Stella. » C’est ainsi que Taylor s’adresse à sa création, avec condescendance, jusqu’à ce qu’elle prenne vie et apparaisse devant lui... et tous les autres. Le romancier démiurge jusqu’ici coincé dans une impasse, ne parvenait pas à boucler son scénario. Grâce à l’apparition de Stella, il connaît un véritable succès littéraire et mondain. Mais dénuée d’identité civile et attisant la curiosité, Stella est pourchassée par les autorités. Elle trouve refuge auprès d’un organisme d’étude de la noosphère qui voit en elle un accès pur à la conscience collective. Sur qui peut-elle compter : son créateur qui l’a exposée et s’avère incapable de la protéger ou un organisme qui l’étudie ? Au début de cette lecture, on pense bien sûr à Pygmalion et on imagine une simple romance. C’est d’ailleurs ce qu’avait prévu Taylor Davis : clichés et ennui garantis. Fort heureusement, Cyril Bonin est bien plus malin que cela et nous livre un récit très original. Ayant pris soin de travailler tous ses personnages, jouant de leur intelligence, il donne une profondeur inattendue à l’histoire en multipliant les points de vue. On aurait cependant aimé que certains passages soient un peu plus développés : la question de l’identité ou la découverte de la noosphère par exemple. Malgré cela, on peut dire que l’auteur sait mener sa barque et n’est pas avare de rebondissements. Stella nous tient en haleine jusqu’à la dernière case, livrant une réflexion singulière sur les créateurs où les Galatée et Pygmalion sont protéiformes et surprenants. - Aurélie
En ces temps anciens, la paix est très fragile. Toutes les races - Hommes, Trolls, Dieux etc. - vivent loin les uns des autres, ce qui évite de nombreux conflits. Malheureusement, des signes de mauvaise augure sont annonciateurs de malheurs. Une nouvelle guerre semble sur le point de faire basculer le monde dans les ténèbres. A moins que le courage d’une bande de joyeux lemmings ne chamboule les plans d’un destin qui s’annonce bien sombre. Voici une nouvelle fois un titre jeunesse de grande qualité : de l’action, de l’humour, du suspense et du courage... Bref, de quoi ravir un large public. Crisse, auteur prolifique de sagas fantastiques pour ado/adultes, nous conte, sans raccourci ni facilité, un récit de haute tenue. Les éléments s’enchaînent parfaitement et nous tiennent en haleine jusqu’à la fin de l’album. L’illustration de Fred Besson plaira à n’en pas douter, avec des dessins soignés et classiques, facilement lisibles pour les plus jeunes. Seul petit bémol, devoir attendre la suite ! - Michaël
Comme il est devenu coutume dans le futur, 9 lycéen.es ont été.es sélectionné.es pour un voyage scolaire dans l’espace. Elles et ils seront déposé.es et livré.es à eux-mêmes même durant 5 jours sur la planète McPA, où nos héros ne courent aucun danger. Le but de ce voyage est de créer du lien et pourquoi pas prendre goût à l’exploration spatiale. Malheureusement, alors que tout semble aller pour le mieux, nos jeunes explorateur.trices sont, par une sphère mystérieuse, téléporté.es accidentellement en plein espace... « Astra » est un récit de science-fiction au caractère bien trempé. 9 personnages, 9 personnalités à découvrir au fil de la série. Nos protagonistes, malgré leur jeune âge, ont une histoire, une blessure qu’elles et qu’ils traînent et en font des caractères uniques. Parfois pour le bien de tous.tes, mais parfois pour le malheur de l’équipe. On parle bien ici du vivre ensemble, d’accepter les compromis et d’en retirer le positif. Comme souvent dans les œuvres japonaises pour préados et ados, la tolérance, le courage sont mis en avant. Ce titre ne déroge pas à la règle. Le rythme est soutenu et à aucun moment nous ne nous ennuyons. La richesse des personnages permet à la fois des moments de tensions, d’émotions, mais aussi d’humour. Le suspense est également une source importante de la qualité de ce titre. L’illustration, de facture classique, est sans fouillis, très lisible. Les visages expressifs, mais cela n’est pas une surprise, car n’est-ce pas habituel dans les mangas ? Pour certain.es, ce titre rappellera certainement les séries TV « Perdus dans l’espace » ; je ne sais pas si Kenta Shinohara s’en est inspiré, mais en tout cas, « Astra » en est un bel hommage. - Michaël
Ciprian et sa famille sont des « Ursaris », des dresseurs d’ours. Ils gagnent misérablement leur vie en se produisant dans les villages roumains. Là-bas ils sont peu considérés, voire détestés et maltraités. Piégés par la mafia locale, ils se retrouvent clandestinement en France, à Paris, où il doivent « travailler » pour le compte de ces crapules. Loin de l’idée qu’ils se faisaient de notre pays, ils vont alors toucher le fond et devoir s’humilier pour survivre. Pourtant une lueur d’espoir va naître lorsque Ciprian découvre par hasard un jeu inconnu : les échecs... Adaptation du roman éponyme de Xavier-Laurent Petit, « Le fils de l’Ursari » trouve son inspiration dans notre réalité ; il condense deux faits réels, afin d’en extirper un récit tendre et brutal. L’auteur dénonce l’exploitation humaine et l’inaction de nos politiques face à un système mafieux. Tous cela engendre de la méfiance et bien évidemment la haine de l’autre. Le récit n’est pas triste pour autant car l’auteur nous parle de bonté, de valeurs et du coup d’espoir. Ce récit est un message d’ouverture d’esprit. Il s’adresse aux enfants, à partir de 9 ans, mais a très bien sa place dans les titres pour adultes, tant il est efficace et engendre la réflexion. A sa sortie, le roman a gagné le Prix Sorcières 2017 et le Prix des Lycéens allemands 2018. Nul doute qu’avec cette adaptation en bande dessinée, plus que réussie, le récit a encore de beau jour devant lui et va toucher un plus large public. - Michaël
Ada Müller vit seule avec son père depuis que sa mère les a quittés. Son quotidien à la campagne est dur en cette année 1917, l’hiver s’annonce rude et son père la maltraite, lui impose de nombreux travaux physiques harassants. Ses seules distractions sont sa chienne Gertha, mais également la peinture qu’elle pratique en cachette et qui fait l’objet d’un échange épistolaire avec E(gon). Elle profite d’un déplacement de son père à Vienne pour montrer ses derniers travaux à son correspondant, loin du regard paternel, du moins le pense-t-elle.
Barbara Baldi, qui s’était déjà fait remarquer avec « La Partition de Flintham », récidive en créant un beau personnage d’artiste féminine dont la vocation contrariée ne peut s’éteindre. Son histoire, à la fois terrible et touchante, bénéficie d’un dénouement inattendu. Il faut souligner la patte de l’auteure, la beauté de ses cases peintes, y compris lorsqu’elle reprend certains portraits iconiques de la peinture moderne. Barbara Baldi creuse son sillon dans la bande dessinée, l’écrivant de façon très romanesque et féminine. Cette œuvre vous séduira d’abord par son esthétique picturale avant de vous conquérir définitivement par son histoire, singulière. - Michaël
Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite !
Fraîchement arrivée de Russie, Véra a bien du mal à se faire des amies et à s’intégrer dans la communauté américaine. Pas assez cool, pas assez riche, trop différente... en un mot (deux en fait) : trop russe. L’église orthodoxe devient son refuge, moins par attrait pour la religion que pour le buffet servi en fin de cérémonie. Lorsqu’elle apprend que l’église organise un camp de vacances, Véra y voit l’occasion rêvée de se faire facilement des ami(e)s, russes comme elle. Sa maman l’envoie donc avec son petit frère passer deux semaines en colonie de vacances... De douces illustrations en bichromie, des touches d’humour, de l’amitié, des premières amours, un brin de méchanceté, mais aussi de la solidarité... Bref, un bien joli récit initiatique que l’on devine nourri de la propre expérience de l’autrice. Une bande dessinée à lire dès 8 ans, abrité sous la tente, pelotonné sous la couverture avec sa lampe torche, et surtout pendant les vacances ! - Michaël