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Tous les avis de

Plecota est une petite chauve-souris qui adore jouer avec ses copains et copines et manger de succulents insectes. Hélas, le froid arrive, le temps de l’hibernation approche : le moment est donc venu de se dire au revoir avant le grand sommeil. Cependant, un accident de vol va lui faire perdre sa colonie et notre pauvre Plecota devra passer un hiver loin de chez elle, accompagnée de bien étranges créatures... Cette bande dessinée jeunesse est une œuvre fictionnelle, mais également un documentaire. Elle fusionne sans difficulté ces deux genres pour nous offrir une histoire tendre et originale. On y apprend beaucoup sur le mode de vie des chauves-souris, leur habitude alimentaire, leur mode de déplacement, etc. Nous côtoyons également différentes espèces de ce chiroptère, de la plus répandue à celle en voie de disparition. D’ailleurs ce titre met l’accent sur l’importance de la protection de l’habitat et de l’environnement des animaux sauvages. Pas moralisatrice, l’autrice fait passer le doux message d’une cohabitation réussie, d’un vivre ensemble possible, harmonieux, entre toutes les créatures. Les illustrations d’Oriane Lassus sont également réussies avec un trait faussement naïf et une palette de couleurs restreintes, elle donne une véritable épaisseur à ses personnages, les rendant ainsi touchants et si vivants. « Les gardiennes du grenier » est un one shot didactique original et on aimerait lire d’autres albums de cet acabit avec des animaux différents.  - Michaël

Nicolas Keramidas, auteur de bande dessinée, délaisse, le temps d’un album, la fiction pour un récit autobiographique poignant et pédagogique. Alors âgé d’un an, il fut l’un des premiers bébés opérés à cœur ouvert pour malformation cardiaque. Quarante-trois ans plus tard, il doit repasser sur la table d’opération... Ces événements, surtout le dernier bien entendu, le poussent aujourd’hui à se confier, à décrire dans un journal de bord son hospitalisation présente. Livre exutoire, il dévoile sans pudeur, mais non sans humour, ses angoisses et cette peur de la mort omniprésente. Il nous parle de son enfance, de sa construction autour de sa maladie. Il décrit son quotidien, d’examens en opérations et nous livre aussi, en parallèle, les sentiments de ses proches, les peurs, les pleurs de ceux qui tiennent à lui. Nicolas Keramidas n’oublie pas non plus les services hospitaliers, présents tout au long du récit, qui réalisent chaque jour des miracles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « À cœur ouvert » n’est pas triste, au contraire, cette bande dessinée nous dit d’aimer la vie et c’est bien ce que nous allons faire...  - Michaël

Pour bon nombre d’Etats-Uniens, Chris Kyle est une légende. Sa réputation, il la tient de sa profession de « sniper » pour l’armée américaine. Il est recordman du nombre de cibles homologuées dans toute l’histoire de l’armée américaine : 160 tués « confirmés ». Héros et/ou meurtrier, l’histoire de cet homme ne laisse pas indifférent. Fabien Nury au scénario et Brüno, au dessin, nous présentent ce personnage, produit d’une société construite sur la violence et le rêve américain. Il est difficile de juger la personne, tant l’environnement, le poids du passé sont de fertiles terreaux à un patriotisme exacerbé. Héros, oui, il a sauvé la vie de nombreux soldats (assassins également, peut-être, sûrement), mais aussi victime de son propre pays. Chacun se fera son opinion. La force de ce récit documentaire est surtout de mettre en parallèle deux destins : Chris Kyle, le héros et Eddie Ray Routh, lui-même vétéran de guerre, son assassin. Quand l’un est adulé, l’autre est inexistant aux yeux de la société, voire raillé. Eddy Ray Routh a également fait la guerre d’Irak, n’a pas tué, mais en revient traumatisé. Alors, à son retour au Texas, il n’est personne, à moins que... Cette œuvre est forte, poignante, une analyse sans compromis d’une culture aux codes qui nous échappent. Ce récit met en exergue la fragilité humaine, car rien n’est simple ni facile, et peut être une formidable entrée en matière pour parler d’écopsychologie, concept forgé par Boris Cyrulnik qui affirme que tout ce qui nous entoure nous façonne, in utero et jusqu’à notre mort. De quoi réfléchir.  - Michaël

Françoise, la cinquantaine bien passée, est au chômage. Elle peine à trouver un travail, pas formée et surtout trop âgée. Elle est mariée, mais des années de vie commune et un mari un peu trop autocentré ont eu raison de cette passion. Que lui reste-t-il vraiment pour se sentir vivante ? Pas grand chose, pour ne pas dire rien. Alors, lorsque son amie Rose lui propose, pour un temps, de s’occuper d’une parcelle de jardin solidaire, elle ne refuse pas. Loin de savoir ce qui l’attend, elle va découvrir bien plus que du jardinage... « Le jardin de Rose » est une bande dessinée de type « feel good », c’est à dire qu’elle fait du bien par sa thématique et par ce qu’elle dégage : tendresse et émotion. Le récit est comme son personnage principal, calme, posé, mais dont émane une certaine force intérieure qui nous pousse à interroger nos comportements avec l’autre. Un brin mélancolique certes, peut-être contemplatif à sa façon, cette histoire est universelle et saura trouver écho auprès d’un large public. Hervé Duphot nous gratifie également de magnifiques aquarelles aux tons de circonstance. Un très beau titre donc qui réchauffe un temps, mais c’est déjà bien, nos petits cœurs.  - Michaël

Lui ne désirait être qu’un paisible berger, vivant en paix avec femme et enfants, mais en ces temps troubles et obscurs, même les rêves les plus simples peuvent devenir de vrais cauchemars. Aussi, les drames qui le toucheront, éveilleront en lui sa véritable nature et la face du monde pourrait bien en être changée à jamais... La bande dessinée, pour faire simple, est une succession d’images, organisée pour raconter une histoire. Stanislas Moussé applique donc à merveille cette définition puisque son récit d’aventures fantastiques n’est composé que d’une seule illustration par planche, le tout sans aucun dialogue et/ou parole. Cela fonctionne parfaitement puisque nous nous plongeons sans aucune difficulté dans ce monde étrange. Page après page, nous découvrons le destin de ce berger. Nous vibrons à ses aventures et mésaventures car oui, l’émotion est bien présente. Elle est diffusée par une narration maîtrisée, jouant sur des temps épiques, parfois contemplatifs et par moment de recueillement. Cette succession de scènes ne laisse aucun répit au lecteur et l’entraîne inexorablement vers la fin... du livre. Les illustrations, qui ont un rôle prépondérant, sont uniques, au style incomparable. En noir et blanc, les dessins fourmillent de détails, de hachures, mais sont d’une lisibilité surprenante. On n’ose imaginer le temps de travail sur chaque page. Le résultat est pourtant bien réel et surtout bluffant, je ne saurais que trop vous conseiller cet OVNI du neuvième Art.  - Michaël

Bianca est promise à Giovanni, un beau parti âgé de seulement quelques années de plus qu’elle. Elle devrait s’en réjouir mais désespère de ne pouvoir connaître son futur époux qu’une fois mariée. Sa tante lui confie alors un secret de famille : un héritage insolite et précieux… une peau d’homme nommée Lorenzo. Bianca, sous les traits d’un charmant jeune homme, va donc découvrir Giovanni dans son élément naturel, la ville, la nuit et s’éprendre de celui qui sera plus tard son mari. Lorenzo aime Giovanni, et Giovanni tombe bien vite amoureux de Lorenzo le facétieux. Tout s’annonce pour le mieux… sauf qu’il faut redevenir Bianca et reprendre la place étriquée que lui laisse la société vénitienne, dont Giovanni se révèle être un digne représentant. Ce récit, Hubert l’a souhaité après les débats du mariage pour tous. Mais il lui aura fallu du temps pour que la colère tombe et se magnifie en un conte joyeux et positif sur la tolérance. Le dessin de Zanzim, tout en souplesse et en arabesques, confère élégance et dynamisme au propos pétillant d’Hubert. Le scénario, empli de rebondissements et de quiproquos, interroge finement les relations de couple, la place de la femme au sein du carcan étriqué du mariage et de façon globale, les relations humaines. La dernière BD d’Hubert, qui nous a malheureusement quitté, est un beau cadeau et un pur délice.  - Aurélie

Andrew et Suzie, sa petite sœur, accompagnent leur mère dans ce qui semble être davantage un pèlerinage familial que de véritables vacances. À Kingdom Fields, petite bourgade de bord de mer, il n’y a rien à faire, sinon tromper l’ennui en se créant ses propres souvenirs.⠀

Lire les œuvres de Jon McNaught, c’est redécouvrir et réapprendre les codes de la bande dessinée. C’est se dire que ce média est tellement inspirant et libre qu’il est source d’innovation constante. Cet artiste est de cette trempe, celle des innovateurs : il a compris la force narrative du neuvième art, se l’est accaparé pour nous en proposer sa version, sa vision. Il offre ainsi des œuvres riches en émotions, contemplatives et/ou tout simplement méditatives. Elles sont rythmées par une gestion du temps anormalement lente, de la « slow attitude » pour ainsi dire. Attention, on ne s’ennuie pourtant dans ses histoires, à aucun moment. « L’été à Kingdom Fields » ne déroge pas à la règle et ce qu’on pourrait penser comme un banal récit de vacances est bien plus. Telle une madeleine de Proust, il ouvre une porte sur nos souvenirs, notre passé. Les personnages du récit parlent peu : un ado qui voudrait être ailleurs, une mère qui a besoin de se retrouver et une petite encore innocente, bref, des portraits que l’on connaît, qui nous parlent. Oui, il y a peu ou pas de dialogue, pourtant le récit n’est pas muet pour autant, la bande son est bien présente, sous forme d’onomatopées, elle occupe l’espace scénique à la manière d’un quatrième personnage. Comme dans la vraie vie où les sons et les bruits nous entourent, mais que nous n’entendons plus par habitude, l’auteur les retranscrit et accentue ainsi encore plus cet effet d’immersion. Jon McNaught utilise, pour dessiner son histoire, des gaufriers de 20 petites cases, entrecoupées par moment d’illustrations pleines pages. Il se permet de zoomer sur des détails, écouter des gouttes tomber de la paroi d’une grotte, afin de créer cette ambiance unique. Sa palette de couleur est limitée à un jeu d’ombres et de lumières, oscillant entre des nuances de bleu et de saumon. ⠀

« L’été à Kingdom Fields » est une douceur à savourer autant de fois que possible.  - Michaël

Au 18e siècle, un homme déambule dans la ville qui ne s’appelle pas encore Tokyo, mais Edo, afin d’en faire la cartographie. A pas mesurés, il arpente les rues et se laisse émerveiller par les splendeurs de la nature, adoptant tour à tour le regard de la tortue, de l’oiseau ou du chat. Se laisse aussi séduire par la mélodie des haikus d’Issa, citant Bashô ou créant ses propres vers. On pense évidemment à L’Homme qui marche ou au Gourmet solitaire en lisant Furari. On y retrouve les mêmes errances contemplatives du héros, les mêmes plaisirs, la même trame. Pas de surprise dans cette lecture. Pour autant, en ces temps si particuliers, si anxiogènes, c’est un vrai plaisir de retrouver Jiro Taniguchi, de se balader tranquillement, sereinement et de s’extasier avec lui devant o-hanami, les cerisiers en fleur. Du grand air, de la douceur, de la poésie, de la liberté… une lecture apaisante qui fait l’effet d’une grande bouffée d’air frais printanier. Et ça fait du bien, tout simplement.  - Aurélie

Béatrice est une jeune femme bien seule dont l’existence est rythmée par des habitudes et un quotidien très banal. D’un naturel discret, elle rêve secrètement de passion, d’aventure et du grand amour. Malheureusement la vie n’est pas vraiment une comédie romantique, c’est pourquoi, pour pimenter ce morne quotidien, elle décide de chaparder discrètement un sac rouge délaissé, abandonné en plein milieu de la gare. Dans ce sac, elle va découvrir un album photo qui va la plonger dans une vie de rêve, mais à quel prix... « Béatrice » est un album étrange, aux frontières du réel et de l’imaginaire. L’histoire, a priori classique et sans surprise, se transforme vite en conte étrange et captivant. Joris Mertens nous balade (littéralement) dans un univers aux multiples facettes, à la fois romantique, poétique, énigmatique et surnaturel. Il distille les ingrédients au fur et à mesure, accentuant ainsi la tension et le mystère tout au long du récit. Il parvient à nous tenir en haleine et surtout, à conclure son histoire par une fin qui nous laisse sans voix, comme cet album dont une des particularité est de ne comporter ni texte ni didascalie. Les illustrations sont juste magnifiques. L’auteur crée ses planches au crayon de papier rehaussé de couleurs vives, qui se révèlent techniques et pleines de détails. Un travail minutieux à saluer comme il se doit. Lire « Béatrice », c’est comme regarder un épisode de « La quatrième dimension » : « Apprêtez-vous à entrer dans une nouvelle dimension, qui ne se conçoit pas seulement en terme d’espace, mais où les portes entrebâillées du temps peuvent se refermer sur vous à tout jamais… ». Bon voyage !

Vouloir être un bon papa, ce n'est pas toujours facile, surtout lorsque le fiston est très demandeur et qu'on ne sait pas dire non !

Il aura fallu pas moins de six mains et donc trois auteur·rices pour confectionner cette surprenante histoire. Le résultat est une création à nulle autre pareille. Loin des traditionnels albums jeunesse, aux belles histoires et à la morale irréprochable, « Papa ! Papa ! Papa ! » nous entraîne dans un récit où l'absurde et l'humour sont de mise. Cela fonctionne et nous rions à voir ce pauvre papa répondre, tant bien que mal, aux différentes sollicitations de son garnement. Nous nous esclaffons lorsqu'enfin arrive le dénouement, avec une chute qui se montre également très attendrissante. Parents comme enfants seront pris d'une irrésistible envie de rire. Ce livre est donc à déconseiller pour une lecture du soir, mais totalement prescrit pour une lecture matinale afin de s'assurer d'une joyeuse journée. Les illustrations d'Anouk Ricard, au style faussement naïf, collent parfaitement au ton et à l'humeur du texte. Elles sont colorées et cocasses et les personnages amuseront les enfants.

« Papa ! Papa ! Papa ! » est un album, certes court, mais qui donne une satanée banane.  - Michaël