Aller au contenu principal

Conseils lecture

Vous rappelez-vous d’Humpty Dumpty, l’œuf perché en haut d’un mur dans « Alice au pays des merveilles » de Lewis Carroll ? Eh bien figurez-vous qu’il vient de tomber du mur ! Cet accident n’est pas très grave, mais il va radicalement changer sa vie… A partir de cet étrange postulat de départ, Dan Santat s’empare d’un personnage bien étrange et énigmatique qui est apparu dans une comptine du 16e siècle et immortalisé bien plus tard par Lewis Carrol : Humpty Dumpty. Dans cette version, le côté étrange du personnage a disparu, il est devenu un doux rêveur que son accident va mettre en difficulté, en détresse. Le doute, la peur sont dorénavant son quotidien, il devra faire un temps avec, puis les affronter pour enfin renaître. Ce récit sur la fragilité de l’être est magnifique, certes par moment triste, mais tellement porteur d’espoir qu'il en est en une véritable leçon de vie. Après un accident ou un échec, il est normal de douter, d’ailleurs par moment, ne faut-il pas se perdre pour se retrouver ? Le final est tout simplement magistral, tellement beau que l’émotion submerge n’importe quel·le lecteur·rice. Le récit est magnifié par le travail scénique et pictural de l’artiste, plongée, contre plongée, gros plans, plans d’ensembles, un véritable travail cinématographique qui donne du rythme et de la dramaturgie à l’ensemble. « Après la chute » est un album incontournable, résolument positif, à mettre entre toute les mains…  - Michaël

Il y a 20 ans, par une singulière journée, le Roi a mystérieusement disparu. Castelmaure, le château, s’est entouré d’une tempête maléfique et des milliers d’enfants sont étrangement né·es... Cette histoire, conte oral, doit être retranscrite pour ne pas être oubliée. Cette mission de collecte est celle du mythographe, qui parcourt le pays en tous sens à la recherche des contes et légendes des campagnes. Pourtant, cette fois, il pourrait bien faire partie de l’histoire... Lewis Trondheim et Alfred, artistes talentueux, s’associent pour nous livrer une fresque fantastique, moyenâgeuse et diaboliquement efficace. Le récit, truffé de rebondissements, nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. Chaque personnage est guidé·e par son innocence et/ou un sentiment de rédemption, et emprunte des chemins escarpés. Au final, toutes ces routes n’en formeront plus qu’une, pour le meilleur ou pour le pire, dans une conclusion éclatante. Les illustrations d’Alfred fleurent bon le Moyen âge, décors et costumes, sans oublier sa palette de couleurs, nous imprègnent de cette époque pour nous immerger complètement dans le récit. Diantre ! Que voici une œuvre promptement menée, qui n’attend qu’un peu d’attention de votre part, alors n’hésitez pas, accordez-lui un peu de votre temps.  - Michaël

Les parents de Travis sont séparés, mais du haut de ses 6 ans, il ne comprend pas grand-chose à ces histoires de grands. La plupart du temps il vit avec sa mère et passe quelques rares week-ends avec son père. Cela aurait pu fonctionner ainsi, un bonheur à eux, leur normalité, mais hélas, il en a été autrement : Dave, le père, a en lui un profond désespoir qu'il ne parvient à oublier que par la consommation d'héroïne. Nous n'avons malheureusement pas entre les mains une fiction, mais bel et bien le récit autobiographique de l'auteur qui dès son plus jeune âge a fait face aux ravages de la drogue. Victime innocente et impuissante, il a assisté a des scènes qu'un enfant de son âge ne devrait pas connaître. Il a grandi, s'est construit avec cette enfance cassée, volée. Aujourd'hui, Travis Dandro est devenu auteur et par la puissance du médium bande dessinée, il réussit à évacuer cette souffrance trop longtemps contenue. Il livre ainsi un témoignage rare, sans apitoiement, sans larmoiement sur toutes les victimes de la drogue. Non manichéen, le récit dépeint la vie, composée d'espoirs, mais aussi de désillusions. « Mon père, cet enfer » est une oeuvre riche, écrite et dessinée avec certes le coeur, mais aussi les tripes.  - Michaël

Godan Stankovic n’est pas un mauvais bougre, il souhaite travailler, se faire un peu d’argent pour aider la famille et surtout gâter sa petite fille chérie à la santé fragile. Cependant, malgré toute sa bonne volonté, les portes se ferment : son permis de conduire n’étant plus en règle, il ne trouve plus de travail. Sauf un petit plan facile, sans risque avec un max de blé à la clé, mais avouons-le, ce n’est pas très légal. Malheureusement pour Godan, le plan tourne au fiasco et il est arrêté par la PJ. Cet événement va dès lors marquer un tournant dans sa vie. Sous la pression, il n’a d’autre choix que de devenir... un indic’, au péril de sa vie... « GoSt111 » a remporté cette année le Fauve Polar SNCF, il le mérite bien tant le récit est solide et réaliste. Normal, me direz-vous, puisque le scénario a été coécrit avec un ancien commissaire. Son savoir, ses connaissances donnent une véritable authenticité à cette histoire de flics et de truands, dont l’atmosphère prenante, pesante vous embarque littéralement dans un monde empli de « survivants ». Le ton et les dialogues sont justes, pas de diatribe dithyrambique à n’en plus finir pour cacher la faiblesse d’un scénario, non ici tout est à sa place, les mots, les répliques, les silences... On s’attache bien sûr à Goran, qu’aurions-nous fait à sa place ? Comment donner un sens à une vie si difficile, sans espoir ? Marion Mousse, l’illustrateur, réalise quant à lui des planches somme toute d’aspect classique, sobre, mais très efficace, donnant encore plus de réalisme à ce destin. « GoSt111 » est un polar, une fiction, une œuvre qui étend, sans peut-être le vouloir à la base, son rôle de pure divertissement à celui d’étude sociologique et/ou philosophique de notre société. Alors ne serait-ce que pour cela, félicitations !  - Michaël

Souvent on me demande si nous avons des « romans graphiques », ce à quoi je réponds systématiquement : « De la bande dessinée, mais bien sûr ! ». Vous l'aurez compris, pour moi ce terme est souvent inapproprié et est surtout employé pour se détacher du terme générique « bande dessinée » qui véhicule malheureusement encore aujourd'hui de nombreux clichés. Mais il arrive parfois qu'entre nos mains nous détenions un livre hybride, doté d'un délicat mélange de textes et d'illustrations, imbriqués les uns aux autres et ne pouvant exister l'un sans l'autre. « Radioactive » fait partie de ces livres qui sont le parfait exemple de ce qu'est le vrai « Roman graphique ». Son esthétisme, son partie pris graphique, composé de peintures, de photographies et de cyanotypes en fait une oeuvre éblouissante et inspirante. Son propos, une biographie de Marie et Pierre Curie, est passionnant. Nous suivons ce couple hors du commun, de leur rencontre jusqu'à leur mort. Nous réalisons la grandeur de leurs travaux, de leurs découvertes et comprenons pourquoi encore aujourd'hui, ils sont admirés dans le monde entier. Certes par moment, le texte peut paraître technique, scientifique, mais il reste tout de même abordable. Le fil conducteur de l'oeuvre est de mettre en parallèle deux forces invisibles, la radioactivité et l'amour, cela fonctionne plutôt bien, même si scientifiquement parlant, elles ne sont pas comparables. « Radioactive » est une oeuvre rare, exigeante et profondément humaine qui a été le premier roman graphique sélectionné dans la catégorie non-fiction du National Book Award.

Il y a quelques années, dans un pays voisin, un homme qui aimait les carrés plus que tout prit le pouvoir par la force. Ce jour là, les rectangles, les ronds, les triangles, tous ceux qui n’étaient pas carrés, disparurent. Le pays sombra alors dans le malheur, jusqu’à ce qu’enfin… Ximo Abadia, talentueux auteur espagnol, nous raconte une histoire qui n’est certes pas la nôtre, mais dont le message est universel : celle de la liberté. Vous l’aurez compris, cet album parle, sans le nommer, du militaire Franco qui imposa de 1936 à 1975 un régime dictatorial en Espagne et fit de nombreuses victimes. Bien évidemment, l’auteur utilise l’art de la métaphore, de la parabole pour en livrer une version simplifiée mais efficace. Il dénonce ce drame, mais avertit également que le monde est fragile et qu’il peut vite, si l’on n’ y prend pas garde, sombrer facilement dans l’obscurantisme.

Ximo Abadia est un artiste à l’œuvre unique et reconnaissable entre toutes. Illustrateur graphiste, il joue avec les couleurs, les formes et les matières, rendant un ensemble étrange, mais cohérent, dynamique et époustouflant. 

« Le Dictateur » est une œuvre de mémoire nécessaire et dont le positionnement est rare en littérature jeunesse.

Jean-Loup est un jeune garçon un peu atypique et solitaire. Il est plein de tics et de tocs, fait des fiches sur tout mais surtout, il a beaucoup d’imagination et se découvre un talent unique de conteur. Jean-Loup a aussi un secret qu’il garde enfoui en lui, tellement profondément qu’il en a presque oublié son existence... et pourtant. « Incroyable ! » est une oeuvre douce et poétique dont l’humour belge donne un côté absurde à une histoire bien loin de l’être. La mise en couleurs donne un style très rétro à cette bande dessinée, comme une vieille photo de famille au bords crénelés que l’on regarde avec nostalgie. On tourne les pages de cet album avec entrain, grâce à un personnage principal attachant, des personnages secondaires hauts en couleurs et un découpage de cases rythmé. On accompagne Jean-Loup dans ses pérégrinations et l’on ne souhaite qu’une chose à la fin : le prendre dans ses bras pour lui faire un câlin. Et lorsque vous aurez fait connaissance avec Jean-Loup, cela ne vous paraîtra pas si incroyable, finalement.  - Aurélie

Au petit matin, c'est la stupeur, la panique, l'effroi pour les habitant·es de la petite ville. D'étranges animaux sauvages ont fait leur apparition et apparemment, ils ne sont pas décidés à s'en aller... « La savane emménage » est un titre mignon tout plein, tant par son écriture que par ses illustrations ! L'histoire est pleine d'humour, mais construite autour d'un mystère dont le suspense va crescendo.
Sans trop, ni trop peu de texte, l'auteur trouve un équilibre parfait entre prose et illustration, permettant ainsi à ces deux types de narration d'être totalement complémentaires assurant une grande fluidité à l'histoire.
D'ailleurs, les illustrations sont merveilleuses. Elles revêtent à première vue un caractère simpliste, mais ne le sont absolument pas car pour arriver à un tel résultat, aussi expressif et dynamique, il faut une connaissance approfondie des arts graphiques et de la mise en scène. Bien au-delà, ce bel album traite d'un sujet important : la place de plus en plus étroite que notre société laisse au monde sauvage et animal et d'un équilibre, d'une cohabitation qu'il faudra bien arriver à trouver...  - Michaël

Devenir footballeur professionnel est le rêve de nombreux jeunes. Les plus doués frôleront ce rêve, mais ce ne sera qu’une élite qui le vivra réellement. Le Pôle Espoirs de la Ligue de Football des Pays de la Loire accompagne durant deux années quelques rares privilégiés à atteindre (ou pas) ce milieu professionnel. Pendant ce laps de temps, ces jeunes s’entraîneront, joueront bien évidement, mais suivront également le programme scolaire et devront apprendre à accepter les codes de la vie en collectivité. Le Pôle Espoirs forme des footballeurs, mais comme dirait le génial Ted Lasso (série que je vous recommande également) : « Le succès ne dépend pas des victoires ou des défaites... Le succès c’est d’aider les jeunes à devenir une meilleure version d’eux-mêmes sur et en dehors du terrain ». 
« Les valeurs du football » est un recueil écrit par 15 de ces jeunes apprentis footballeurs. 15 récits ou leçons de vie, qui les ont armé à mieux affronter le monde adulte. Une œuvre originale réalisée en partenariat avec l’Espace COOLturel, médiathèque de Divatte-sur-Loire.  - Michaël

Dans un futur pas si éloigné que cela, la société « Tomorrow Foundation » met au point un procédé révolutionnaire dans l’intelligence artificielle : elle crée les premiers humanoïdes doués de conscience. Carbone et Silicium sont les premiers d’une longue série de robots, mais peut-on encore être considéré comme une machine lorsque l’on a des émotions et des envies de liberté ?... Mathieu Bablet s’attaque à un sujet maintes fois évoqué dans la littérature de science-fiction. Loin de s’en détacher, il tire pourtant son épingle du jeu en réalisant une œuvre dense et emplie d’une certaine sagesse. Pas de combats de genre ou d’intelligence artificielle collective, mais une réflexion sur ce qu’est l’humanisme. Il met en exergue notre nature profonde réfrénée, policée et en contradiction avec le concept sociétal du vivre ensemble. Carbone et Silicium vont, sur près de 300 ans, apprendre de leurs pairs, choisir chacun des chemins différents, mais pour quelle conclusion ? Mathieu Bablet est un auteur dit « complet », il réalise également les illustrations de ce pavé d’environ 260 pages. Son style est classique et réaliste et son découpage sobre. L’ensemble forme une œuvre remarquable rehaussée par le choix d’une édition de toute beauté au dos toilé. Bien plus qu’une fiction, cette œuvre est un vrai sujet de philo à méditer...  - Michaël