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Tous les avis de

Durant la Grande Dépression, trouver un travail relève du miracle. Alors lorsque John Clark, jeune photographe, décroche un contrat pour la FSA (Farm Security Administration), sa joie est immense, d’autant qu’il associe ainsi passion et travail. Pourtant sa mission - aller photographier la misère qui règne dans la région sinistrée d’Oklahoma, ravagée par les tempêtes de poussière - va profondément le bouleverser et le pousser à se remettre en question. Cette œuvre de fiction à caractère historique focalise particulièrement notre attention sur une région des États-Unis très meurtrie par la crise économique des années 1930. Elle met en lumière la dramatique crise climatique provoquée par l’agriculture intensive, plus méconnue. La région du Dust Bowl (« bassin de poussière ») connaît à cette période une grande sécheresse qui aggrave et multiplie les tempêtes de poussière. Ces phénomènes hors norme, inimaginables dans nos contrées, sont dévastateurs. Les terres sont inexploitables et la vie, la survie, relève du miracle. La Farm Security Administration, l’agence gouvernementale américaine créée pour combattre la pauvreté rurale, a développé un programme de documentation photographique d’une ampleur unique, témoignage précieux de la vie des Américains de l’époque. Grâce à cela, Aimée De Jongh livre un récit dur, âpre, qui surprend, questionne et dénonce principalement la manipulation des médias, des images, toujours à la recherche du bon cliché, du sensationnel. Lorsque l’on ferme ce livre, une pensée émue nous traverse pour ces femmes, ces hommes, leur courage et résonnent en nous les mots de John Steinbeck : « ils ont le sang fort ».  - Michaël

Dans un monde peuplé de créatures de toutes sortes, il existe un marteau magique qui apparaît de temps en temps et celui ou celle qui arrive à le brandir fera un voyage qui changera à jamais le cours de sa vie. Nombreu·ses sont celles et ceux qui s’y sont essayé·es, malheureusement il y a peu d’élu·es et pour la personne choisie, une quête mystérieuse à laquelle elle ne peut échapper commence dès lors. Melina, petite fille d’à peine une dizaine d’années, en est aujourd’hui la détentrice. Malgré son jeune âge, elle doit quitter sa famille pour vivre son aventure, il ne peut en être autrement… « Hammerdam » est un énième récit fantastique pour la jeunesse, mais avec un je ne sais quoi en plus, le petit truc qui le place au dessus de tous. Le récit principal est somme toute classique et c’est grâce à l’apport des histoires parallèles des seconds couteaux que ce titre prend tout son relief. Elles et ils sont d’une richesse et d’une originalité folle, aux caractéristiques étonnantes. Cet ensemble éclectique forme une bande détonnante qui fonctionne à merveille. Le personnage principal semble pour le moment bien calme, voir terne, mais on y décèle tout de même une force interne qui pourrait bien se faire jour dans le prochain tome. On ne sait rien du voyage à venir, mais ce n’est pas grave tant ce premier volume est complet, riche de trouvailles fort amusantes. Les illustrations d’Enrique Fernández sont également épatantes. Case après case, il crée un univers aux teintes feutrées, tantôt épuré, tantôt fourmillant de milles détails. Maintenant, hélas, il nous faut attendre le tome deux, mais rassurez-vous nous ne l’oublierons pas.  - Michaël

Des enfants, des adultes, quoi de plus banal. Tout le monde paraît être heureux, mais il n’en est rien. Les silences règnent, les silences pèsent. Certains adultes font du mal aux enfants et dans ce monde, qui ressemble beaucoup au nôtre, les cris de détresse sont rendus inaudibles par une étrange usine, qui s’appelle Grand Silence… « Grand Silence » est un conte pour adultes au sujet tabou, mais dont la médiatisation est de la plus haute importance afin de libérer la parole : celui des violences sexuelles commises sur les enfants. Les autrices, par ce récit poignant, illustrent parfaitement les travers de notre société en révélant les mécanismes moraux et sociaux qui engendrent le mutisme et le déni. Elles dénoncent et expliquent simplement par la métaphore comment une société peut fermer les yeux sur de tels actes et comment, on l’espère, y remédier. Ce titre est une réussite dans le message qu’il transmet. Alors oui, certes, le sujet est difficile, mais voilà, prendre conscience d’une chose, c’est déjà admettre son existence, le premier pas pour faire avancer notre civilisation qui, par certains égards, reste toujours inhumaine. Félicitations donc à ces autrices pour nous offrir matière à réflexion par un récit habilement mené et également illustré de façon remarquable.

Les éditions Martin de Halleux, par un remarquable travail éditorial, font revivre l'oeuvre de Frans Masereel. Ce Belge, un peu oublié aujourd'hui, est l'un des pères du roman sans parole. A la fois peintre, dessinateur, graveur sur bois, il était aussi un artiste engagé, reconnu pour son humanisme et son combat de défense du peuple contre le capitalisme. Pacifiste convaincu, il diffusait ses valeurs grâce à ses livres dont les gravures racontent et dénoncent cette société de l'entre-deux-guerres. Ses livres, qu'il a souhaité accessibles à tous tant dans le fond que la forme, mais aussi par leur prix, ont fait de lui dans les années 1930, un des étendards de la lutte ouvrière allemande. Son oeuvre, aujourd'hui remise en lumière, accompagnée de dossiers explicatifs, éblouit encore par sa réalisation technique titanesque et par le combat de sa vie : la défense des oublié·es, des opprimé·es. Les éditions Martin de Halleux offre à cette œuvre un nouvel et bel écrin qu’il serait dommage d’ignorer. L’Espace COOLturel vous permet de lire les titres à la mode, mais a aussi le rôle de donner à des ouvrages plus intimes, la visibilité, la vitrine qu’ils méritent. C’est chose faite !  - Michaël

Jean, interne à l'hôpital, doit faire un stage en gynécologie aux côtés du docteur Karma. Brillante, elle se destine à la chirurgie et fait de la technique l'acmé de sa pratique. En conséquence, elle ne voit pas ce qu'un médecin comme Karma, passant son temps à écouter les patientes, pourrait bien lui apprendre. Le gynécologue expérimenté, quant à lui, est persuadé qu'il a beaucoup à lui transmettre, notamment dans la relation aux patientes. C'est une jeune praticienne certes difficile, brillante, mais ce dont Karma ne se doute pas, c'est qu'elle aussi porte un regard novateur sur la chirurgie et la sexualité. Deux docteurs atypiques dans le même hôpital... Le destin aurait-il placé Jean sur le chemin de Karma pour une bonne raison ? Dans ce récit, le lecteur, la lectrice, suivent un duo improbable né sous la plume de Martin Winckler et recréé ici en bande dessinée par Aude Mermilliod. L'histoire personnelle de Jean et sa relation avec ce médecin complètement autre constituent la trame narrative de ce récit habilement mené. On y croise de nombreuses femmes, quelques intersexes, des hommes aussi, on y lit leurs histoires, belles, féroces, touchantes... des instants de vie parfois légers, parfois difficiles. La colorisation des planches, la mise en page, tout concourt à une immersion délicate dans la vie intime des personnages. Et lorsque vous sentez que l'auteur·rice aime et comprend celles et ceux raconté·es, maniant les dessins et les mots avec justesse comme le fait Aude Mermilliod, c'est tout simplement un bonheur de lecture.  - Aurélie

Marius adore sa Tata, elle sait tout faire, surtout communiquer son énergie et sa bonne humeur. Pourtant quelque chose le tracasse... sa Tata a de la barbe sous les bras ! Plus que papa et que lui-même, qui n'en a même pas!... Mais quel est donc cet étrange mystère ? Vous l'aurez certainement compris, « Tata a de la barbe sous les bras » est avant tout un album rigolo, sans autre prétention que de nous faire rire. Il tient ce rôle à merveille, pile poil ce qu'il faut pour redonner le sourire aux petits lecteurs de mauvais poil. N'attendons pas un quelconque message ou une bien une morale, si ce n'est caresser dans le sens du poil les féministes et autres adeptes du naturel.
Florence Dollé, qui n'a pas un poil dans la main, nous offre des dessins aussi rafraichissants que le texte. « Tata a de la barbe » est un livre à lire près du poêle, ou ailleurs... Un récit au poil !  - Michaël

La Justice League, la célèbre équipe de super-héroïnes et de super-héros, a beaucoup de travail pour sauver le monde de terribles menaces. Cependant, par moment, ses membres trouvent un peu de temps pour regarder leurs mails et répondre à leurs nombreux admirateur·rices... « Chère Justice League » est un récit jeunesse de « super·es », cependant il n'est en rien comparable avec ce qui se fait habituellement. Oh bien sûr, il va être question d'une menace sur notre planète, d'une bataille pour notre civilisation, mais cette intrigue est relayée au deuxième, voire troisième  plan. Le plus important pour nos personnages est de répondre aux questions des fans et surtout, de répondre sincèrement : Superman fait-il des erreurs ? A force de vivre sous l'eau, Aquaman sent-il le poisson ? Et bien d'autres questions et réponses à découvrir ! Ce titre humoristique ravira petit·es et grand·es lecteur·rices, car aussi drôle que soient les réponses, c'est surtout la façon de les amener qui l'est encore plus. Bien sûr, les illustrations jouent également un rôle majeur dans le rendu général. Wonder Woman, Batman et compagnie sont croqué·es avec un style « cartoon », les visages et les postures, sont légèrement exagéré·es pour donner un effet des plus caustiques. « Chère Justice League » est un titre à part dans ce genre états-uniens, léger et rafraîchissant, il ne procure que du bien-être.  - Michaël

Parler de sexualité est toujours un exercice difficile. Cela ne devrait pas et pourtant lorsque le sujet est abordé, gêne et tabous, mais aussi préjugés prennent inexorablement le dessus. Pourtant, sans vouloir choquer ou offenser l’un·e ou l’autre, quoi de plus naturel que d’en parler !« Sexualité » un seul mot pour réunir différentes notions. Sexualité, pour définir le genre : cisgenre, transgenre ou non binaire. Mais aussi sexualité pour parler de son orientation sexuelle : asexuelle, hétérosexuelle, homosexuelle, bisexuelle et pansexuelle. Sexualité enfin pour parler des pratiques de chacun et chacune. Laura Berlingo, gynécologue de métier, brosse un portrait simple, mais éclairant, des mœurs de notre société. Elle ne parle pas d’une mais de différentes sexualités où chacun·e est libre de se construire et de s’épanouir comme elle/il l’entend. Elle parle  d’éducation, de normes dans une société encore trop patriarcale qui doit faire sa (r)évolution sexuelle, laquelle n’incombe pas qu’aux femmes, évidence qu’il convient de rappeler.   - Michaël

Plecota est une petite chauve-souris qui adore jouer avec ses copains et copines et manger de succulents insectes. Hélas, le froid arrive, le temps de l’hibernation approche : le moment est donc venu de se dire au revoir avant le grand sommeil. Cependant, un accident de vol va lui faire perdre sa colonie et notre pauvre Plecota devra passer un hiver loin de chez elle, accompagnée de bien étranges créatures... Cette bande dessinée jeunesse est une œuvre fictionnelle, mais également un documentaire. Elle fusionne sans difficulté ces deux genres pour nous offrir une histoire tendre et originale. On y apprend beaucoup sur le mode de vie des chauves-souris, leur habitude alimentaire, leur mode de déplacement, etc. Nous côtoyons également différentes espèces de ce chiroptère, de la plus répandue à celle en voie de disparition. D’ailleurs ce titre met l’accent sur l’importance de la protection de l’habitat et de l’environnement des animaux sauvages. Pas moralisatrice, l’autrice fait passer le doux message d’une cohabitation réussie, d’un vivre ensemble possible, harmonieux, entre toutes les créatures. Les illustrations d’Oriane Lassus sont également réussies avec un trait faussement naïf et une palette de couleurs restreintes, elle donne une véritable épaisseur à ses personnages, les rendant ainsi touchants et si vivants. « Les gardiennes du grenier » est un one shot didactique original et on aimerait lire d’autres albums de cet acabit avec des animaux différents.  - Michaël

Lana, le temps d’un court séjour, revient avec son père en baie de l’Aquicorne. C’est en ce lieu qu’elle est née, mais a également perdu sa mère durant une terrible tempête. Ce tragique événement a provoqué son départ pour la ville, loin des agitations de la côte. Pourtant, c’est bien ici qu’elle se sent le mieux, pleinement entière, en parfaite harmonie avec la nature. Hélas, cet environnement est fragile et la pêche intensive provoque des dégâts irrémédiables qu’elle ne saurait ignorer, surtout lorsque les créatures féériques en appellent à son aide...

 

Les éditions Bliss nous font découvrir un nouveau titre d’une jeune autrice néo-zélandaise qui a fait ses armes dans le webcomics : Katie O’Neill. Elle développe, depuis plusieurs années déjà, un univers enfantin, riche de magie et de créatures étranges. Ses récits, toujours bienveillants, parlent de tolérance, d’entraide et d’environnement. Ces thématiques si chères à son cœur, lui sont sources d’inspiration et de partage. L’enfant va découvrir au fil de sa lecture un récit certes captivant, facile de compréhension, mais surtout doté de valeurs positives et universelles.

Katie O’Neill est également une autrice complète, son texte est illustré par ses soins. Son trait, à mi-chemin entre le comic book et le manga, plaira à n’en pas douter au jeune public. « La baie de l’Aquicorne » fait partie de ces livres qui, sans en avoir l’air, transmettent les clés pour un avenir meilleur.