Roman français
Eté 1913, Valdas a 15 ans, dans une riche demeure du bord de mer, sa vie se dessine. Le monde des adultes, auquel il n’appartient pas tout à fait, lui paraît être un vaste théâtre où tout n’est que faux-semblants, alors la nuit il s’enfuit renifler la côte, ses embruns, un parfum de liberté. Il y vit ses premiers émois et se confronte au monde extérieur, plus pauvre, plus dépouillé loin du confort de sa classe bourgeoise vaguement contestataire.
De retour à St Pétersbourg la vie s’emballe, une promesse de fiançailles, l’armée, la guerre, la révolution, le choix du mauvais camp, puis l’exil, Paris, la misère, une autre guerre et la solitude. Un siècle de barbarie dont il est le témoin, et au milieu de cet océan de cruauté, un écrin de beauté, une île où affleure l’amour. Une parenthèse de vingt jours d’un bonheur intense qui lui permettront toute sa vie de résister.
Voilà ce que raconte merveilleusement ce livre, comment un amour même éphémère peut être éternel. Comment dans un monde sauvage et violent, il vous donne la force d’être juste et bon, de rester humain.
Encore, un magnifique roman, tout en pudeur, d’Andreï Makine, dont la langue, si belle, si douce à l’oreille est un enchantement.
Le personnage principal du roman est un jeune homme issu de la classe populaire du nord de la France. Dans sa famille, les études c’est pour les autres ; aussi, après une expérience avortée à la fac, parce qu’il faut bien gagner sa vie et surtout pour échapper au garage miteux de son oncle, il devient livreur à domicile. Il enchaîne les courses à vélo, de moins en moins bien payées, accélère la cadence, grille les feux, les stops, tout en ravalant sa dignité face aux clients pour obtenir sa note de 5 étoiles, condition sine qua non pour que l’algorithme de la plateforme informatique vous donne du travail. Les jours s’enchaînent à écraser les pédales dans la nuit, sous la pluie, jusqu’au risque de trop : le crash, éparpillé sur la chaussée.
Désormais le vélo c’est fini pour lui. Alors en convalescence, il rumine, tourne en rond, cherche une solution, jusqu’à la révélation : un soir devant la pâleur bleutée de son écran, un reportage à Marseille, où une femme chargée de vérifier la qualité d’un restaurant est cliente mystère. Commencent alors pour le jeune homme une nouvelle carrière, puis les rêves d’ascension sociale et la spirale infernale s’enclenche, avec en point de mire une myriade de questions : jusqu’où peut-on aller pour satisfaire son ambition ? Qu’est-ce que la morale ? Peut-on échapper à sa conscience ? Et surtout ne sommes-nous pas tous des pions écrasés par les rouages du grand capital ?
Une critique de la société et de la dérive actuelle du monde du travail très pertinente. Un style singulier à la fois rapide, incisif et poétique, où tout est décortiqué par l’œil, une vision exacerbée du quotidien et parfois des fulgurances de beauté. Un premier roman très réussi dans lequel fond et forme sont parfaitement en osmose. Pour prolonger l’expérience je vous conseille, également, la lecture du roman « En salle » de Claire Baglin, ayant fait l’objet d’un autre coup de cœur.
C’est la fin de la colonie de vacances, le dernier jour, plus précisément. Il y a dans l’air une ambiance particulière, celle des derniers moments ensemble, avant la séparation, avant le retour au quotidien, au banal. C’est un moment suspendu, un moment d’éternité, sous un ciel bleu azur immense, intense qui a quelque chose d’irréel.
Alors on baisse la garde, on se laisse aller, on célèbre l’instant, l’excitation est palpable. On pique-nique et on plonge, on éclabousse, on bouscule l’équilibre sensible du fleuve. Oui mais dans la Loire on ne se baigne pas ! Dans la Loire, souvent, on se noie !
Lentement, la trame du drame se dessine ? Le fleuve sera-t-il clément ? Laissera-t-il à ces adolescents le temps de vivre ? Le souhaitent-ils d’ailleurs vraiment ?
Une écriture à fleur de peau, qui tend vos nerfs, qui charge l’air comme un jour d’orage, jusqu’à l’explosion. Un remarquable sens du rythme, et une analyse très fine, de cet âge, si particulier, qui hésite entre deux mondes.
Un roman avec une magnifique gueule d’atmosphère, qu’on embrasse à pleine bouche et qui vous laisse, sur les lèvres, un goût doux-amer, celui des années révolues, celles où tout était une première fois.