Bandes dessinées de reportage
Thomas Pesquet est pilote de ligne, mais son rêve est de devenir astronaute. Ce rêve va devenir réalité après une sélection drastique parmi moult candidats et un entraînement hors norme. Sur la station spatiale, il va vivre l’aventure de sa vie… Ce récit nous est conté par Marion Montaigne qui a scénarisé et mis en images cette formidable épopée. Avec son humour et sa faculté de vulgarisation, elle réalise une œuvre passionnante et abordable. Son dessin - au semblant minimaliste - est une merveille : dynamique et expressif. Ce titre rentre dans la mouvance de la bande dessinée de reportage, nous y apprenons beaucoup et nous nous amusons tout autant. Parmi la galaxie des parutions BD, celle-ci est une étoile singulièrement brillante, à partager. - Michaël
Afin d’échapper à la guerre qui frappe le pays, Selma et sa famille, réfugiés palestiniens, fuient la Syrie à la recherche d’une terre en paix et d’une vie meilleure. Sur un bateau de fortune, ils traversent la Méditerranée en compagnie de soixante-dix autres migrants. Durant ce périple, Selma subit un grave traumatisme crânien et reste plusieurs jours à demi consciente. A son arrivée en Italie, elle est rapidement prise en charge par les médecins, mais il est malheureusement déjà trop tard. Sans laisser le temps au deuil, les proches de Selma doivent prendre une décision importante : autoriser, ou non, le prélèvement de ses organes. Inspiré d’une histoire vraie, ce récit italien est une véritable leçon de fraternité et de partage, bien loin du manichéisme ordinaire véhiculé par les médias. Un exemple certainement sur la voie à prendre et sur ce que chacun peut apporter à l’autre. Ugo Bertotti, par son travail remarquable, nous dépeint le quotidien de ces urgentistes de l’extrême et de leur course folle contre la montre. Puis dans la seconde partie de cette bande dessinée documentaire, il passe du côté des receveurs. Ceux-ci témoignent de leur vie passée à attendre une greffe, ne sachant si elle viendra. Ils s’ouvrent à nous en parlant d’espoir et/ou de désespoir, notamment lorsque le greffon ne prend pas. Nous sommes les témoins de leurs questionnements ; accepter l’organe d’un autre n’est pas chose facile. Chaque témoignage se termine par une gratitude éternelle envers ces donneurs qui resteront à jamais anonymes. Voici un très beau titre à découvrir et qui œuvre pour le bien commun. - Michaël
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Lila a toujours souffert d’un certain mal-être. Sa souffrance s’est accentuée à l’adolescence, elle, ou plutôt il, veut être lui-même, le vrai, pas celle dont le nom est inscrit à l’état civil. Lila souffre de dysphonie de genre, elle a le corps d’une femme, mais est homme au plus profond de son être. Comment faire accepter cela à ces proches, sa famille, ses amis ? Comment vivre dans ce corps qui vous dégoûte ? Comment lutter contre les préjugés, la méconnaissance ? Lila devient Nathan et entame un dur combat qui le mènera à vivre des moments douloureux, mais au final, à une libération... « Appelez-moi Nathan » est un titre à part, à classer parmi les œuvres documentaires. Le récit, mené par Catherine Castro, grand reporter pour « Marie-Claire », est clair, précis et vulgarisateur. Oui le sujet, assez rare en littérature, peut être difficile à appréhender, mais ici nos esprits s’éveillent à ce mal-être et le récit nous permet de comprendre une histoire qui peut, n’ayons pas peur des mots, nous dépasser. Si cette bande dessinée est aussi précise dans son propos, c’est que l’auteur a construit sa trame narrative à partir du témoignage du héros, bien réel, de cette histoire. Tous est vrai ici et on le ressent : les émotions, les insultes, la perte de repères, pour Nathan comme pour ses proches. Nous sommes totalement immergés dans ce combat pour l’acceptation. Les illustrations de Quentin Zuttion servent à merveille ce reportage par un trait fin et délicat accessible à tous et par une mise en couleur façon aquarelle. Ce titre est une œuvre salutaire pour ouvrir les esprits et parler librement, sans tabou, de transsexualité. A recommander. - Michaël
Depuis des dizaines d’années, le littoral breton est envahi d’étranges algues vertes. Ici et là, elles apparaissent, transformant d’innocentes promenades bucoliques en un combat de vie ou de mort. Ces algues, en se décomposant, diffusent de l’hydrogène sulfuré dont l’odeur d’œuf pourri est incommodante, mais pire que la gène olfactive, c’est un véritable poison pour toute créature l’inhalant. Depuis les années 80, elles font des victimes. Des femmes et des hommes ont alerté les autorités compétentes, mais - et c’est peut-être cela le véritable drame -, ils se heurtent à l’appareil d’État, bien désireux d’étouffer l’affaire et de protéger certains intérêts... Si cela avait été une fiction, nous serions devant un récit captivant et nous nous dirions, non ce n’est pas possible, c’est trop gros, pas en France... Malheureusement, tout est vrai. Cette enquête détaillée, minutieuse, nous plonge dans la honte, la colère et l’écœurement. Inès Léraud, journaliste et autrice de ce documentaire, nous dévoile les rouages d’un système gangréné par les connivences entre le monde politique et le monde industriel (ici agroalimentaire). L’un et l’autre se protégeant, l’un pour le pouvoir, l’autre pour le profit. Les questions environnementales et/ou de santé public sont balayées, relayées au second plan alors qu’elles devraient être la base de toutes les constructions, évolutions de la société. « Algues vertes » revient également sur l’histoire du monde agricole, qui a connu une transformation radicale après la Seconde Guerre mondiale. Le récit n’incrimine donc pas les agriculteurs et/ou éleveurs, qui sont également victimes d’un système qui les emprisonnent, les broient et dont nous, consommateurs, sommes complices. « La revue dessinée » réalise un travail remarquable de vulgarisation et d’information. Ces initiatives doivent être encouragées afin d’éveiller et d’éduquer à l’analyse et à la critique un public noyé dans l’information commerciale d’internet et des chaînes de télévision. Si nous souhaitons une société plus juste, éveiller les consciences comme le fait cette revue et son petit frère « Topo » est un enjeux majeur pour notre futur. - Michaël