Benjamin Grossman, pense qu'on vient de lui voler son portable, outil plus qu'indispensable pour ce dirigeant d'une plateforme concurrente de Netflix. Il poursuit le jeune voleur et quelques bousculades sont échangées. Plus tard, il apprend que ce jeune homme est retrouvé mort. Une vidéo circule, montrant une policière donnant quelques coups de pied au cadavre. Affrontements entre police et jeunes des cités : la spirale de la violence est lancée et la récupération des faits aussi.

Ce roman très cinématographique (et pour cause, Négar Djavani est scénariste) a tous les ingrédients du polar mais sans « flingues ». Là, les armes ce sont les téléphones portables, les tweet, les vidéos... L'obsession de Benjamin (est-ce moi qui l'ai tué?) nous fait entrer dans ces quartiers de l'Est parisien actuel où l'ambiance est très tendue entre les codes des cités, le rôle des réseaux sociaux, les comportements politiques manipulateurs. L'auteure qu'on sent proche du monde de l'image, nous abreuve de noms de séries, de stars... et j'avoue que ce n'est pas ce qui m'a séduite. Mais elle a réussi à me happer.

Finalement peut-être par les mêmes techniques que celles des séries. Chaque chapitre se termine en cliffhanger, fin ouverte destiné à créer une forte attente. Alors, installez-vous et « entrez dans l'Arène ».

Le colibri raconte la vie de Marco , ophtalmologue, à travers ses amours, ses amitiés, ses liens familiaux. Sur un ton tragi-comique, Veronesi dresse le portrait de cet homme dont la vie est remplie de tragédies.

C'est souvent émouvant et franchement drôle par moments, surtout dans les dialogues du héros avec le psychanalyste de sa femme, venu lui annoncer qu'il est en danger, et devenu peu à peu une sorte de confident. Parsemé de lettres, courriels et échanges téléphoniques, qui ne se suivent pas chronologiquement (de 1960 à 2030), ce roman peut paraître, au début, assez déroutant. Mais cela devient secondaire puisqu'on est vraiment tenu par le suspense : quel danger l'attend ? Il est question de destin, de hasard, du rôle des « psy »...

C'est riche, foisonnant, cependant je ne le conseillerais pas aux amateurs de récits linéaires. Pour les autres de bons moments de lecture, assurément.

A lire pour la beauté de l'écriture et pour la réflexion que ce roman suscite sur ce sujet malheureusement toujours cruellement d'actualité : les épreuves des migrants clandestins. Laurent Gaudé imagine, avec force et poésie l'autocritique et le destin d'un garde côte à Lampedusa ... 

Marie Charrel nous entraîne sur les traces de deux couples à plus de 70 ans d'intervalle.
Le premier, celui de Sylvin Rubinstein, ayant réellement existé et de sa sœur Maria. Leur vie tragique est à elle seule un véritable roman. Ayant réussi à fuir la Révolution russe et l'antisémitisme avec leur mère, les deux enfants connaîtrons un succès international en devenant danseurs prodiges de flamenco.

Rattrapés par la folie meurtrière de l'Allemagne nazie, Sylvin entre dans la Résistance pour venger sa sœur disparue. Le deuxième couple est contemporain. Lukas et Iva, Roms, à la jeunesse difficile et troublée se rencontrent sur une des scènes où Sylvin avait dansé jadis. Iva ressent au plus profond de sa chair le besoin de danser le flamenco. Elle entraîne Lukas dans cette passion folle qui va jusqu'à les mettre en danger tous les deux. Império et Dolorès viennent de naître. Sylvin Rubinstein, l'androgyne qui se travestissait en femme pour tuer des nazis, fascine Império-Lukas qui, lui, est à la recherche de son identité sexuelle. Sur la trace du danseur et de sa sœur, Lukas et Iva susciteront eux aussi la fascination du public mais également l'intolérance, le racisme, la violence, le rejet des étrangers, des errants, des « non définis » ... A la suite d'une photo prise à l'improviste, et de l'emballement des réseaux sociaux, ils deviennent sans le savoir les icônes internationales des luttes contre le capitalisme et toutes les menaces que font planer les adorateurs de l'ordre et du bâton sur nos libertés.

L'autrice danse avec les mots pour nous transmettre la sensualité de la danse et tout particulièrement la grâce fiévreuse, sauvage et puissante du flamenco ; le « duende ». Elle évoque la quête de genre, et l’obscurantisme aussi présent dans l'époque actuelle que dans le passé.

Un roman puissant où le Flamenco est symbole de résistance.

Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d'un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d'un drame que l'auteur connaît bien, ce très beau premier roman est parcouru d'ombres, de tragique mais aussi de lumière et de beaucoup d'humour.

Les personnages, tous à leur manière, tentent désespérément de survivre à la tragédie