Carroll, Emily (1983-....)
Masha, jeune adolescente, ne sait plus très bien qui elle est. En manque de repères, elle décide de répondre à une bien étrange annonce « URGENT, RECHERCHE ASSISTANT(E) : compétences en transport, cuisine et nettoyage exigées. Doit savoir obéir aux ordres. Avoir des pouvoirs magiques est un plus. Ne pas avoir le vertige est impératif. Entrez dans la maison de la Baba Yaga pour postuler. »... « L’assistante de la Baba Yaga » est un comics, bande dessinée américaine, destiné aux enfants. Ce récit complet mêle habilement irréel et quotidien grâce à différents niveaux de lecture. Loin d’être une simple histoire de sorcière, ce titre aborde des thèmes importants de (re)construction de soi. Le thème du deuil est sous-jacent, mais permet d’introduire la notion des origines et de l’importance de savoir qui l’on est afin de pouvoir devenir. Marika McCoola, avec une écriture limpide, livre un récit sans temps mort, avec du mystère, mais aussi et surtout du positivisme. Elle est aidée par les illustrations épurées et colorées d’Emily Carroll, renforçant l’atmosphère chaleureuse de l’ensemble. La bande dessinée jeunesse a fait sa mue et propose en parallèle aux récits humoristiques des titres au ton plus grave, plus subtil, aux univers riches et variés d’une grande force narrative. Si vous en doutez encore, je vous invite à lire mes anciens posts pour vous en convaincre. Les toutes jeunes éditions Kinaye ont bien compris cette évolution, qui se reflète dans leur catalogue. D’ailleurs voici leur ligne éditoriale : « notre maison d’édition a pour but de faire connaître aux enfants francophones des histoires inédites empreintes de modernité, construites autour de thèmes forts qui privilégient les valeurs humanistes avec une représentation des diversités, sans discrimination. Nous sélectionnons les ouvrages de notre catalogue pour leurs qualités aussi bien narrative qu’artistique, tout en veillant à ce qu’ils valorisent l’intelligence et la curiosité des enfants ». Cela semble bien alléchant, alors si tous ces titres à venir sont du même acabit que celui-ci, votre Espace COOLturel sera heureux de vous les faire découvrir.
Depuis une certaine soirée, Mélinda est devenue une paria dans son lycée. Jour après jour elle subit les brimades de ses camarades et l’aveuglement de ses professeurs. Ses seuls moments de paix se passent dans un local d’entretien désaffecté où elle s’est créé un nid douillet et a érigé en dieu protectrice « Maya Angelou », artiste et militante américaine pour les droits civiques. Lorsqu’elle rentre au domicile familial, elle ne trouve pas non plus le soutien dont elle a besoin. Restant dans un certain mutisme, ses parents ne lui reprochent que ses faibles résultats scolaires et son manque de travail, sans réellement voir sa détresse. Pourtant, loin de faire une crise d’adolescence, Mélinda cache un drame, une histoire dont elle ne peut parler, mais qui la ronge à petit feu... Adapté du roman éponyme, l’histoire de Mélinda ne nous laisse pas indifférent. Elle traite d’un sujet grave et difficile : le viol. L’action se situe quelques semaines après le crime et dépeint le quotidien de la victime, enfermée dans son mutisme par peur, par honte. Nous assistons à sa chute vertigineuse dans les abysses du cauchemar, à sa coupure avec le monde. Si le récit nous parait si juste c’est qu’il raconte la véritable histoire de l’auteure, Laurie Halse Anderson, violée à l’âge 13 ans, mais qui a réussi à surmonter cette horreur. Elle nous livre donc ici un témoignage puissant, mais loin d’être dans le mélodrame, il donne une leçon de force et de courage. Il dépeint le quotidien de ces victimes d’actes odieux, mais nous livre aussi un message d’espoir, de reconstruction. « Speak » est une œuvre salutaire, à prescrire tant il est source de compréhension et de force. Alors, grand merci Madame Laurie Halse Anderson, pour toutes ces femmes que vous rendrez libres. - Michaël