Conseils lecture
Il existe une multitude de guides de voyage, plus ou moins semblables, nous présentant un pays, une région ou encore une ville, et il existe les « guides » de la collection « Corail » des éditions Maison Éliza. Ceux-ci ont la faculté magique, via de magnifiques aquarelles et des textes courts, de nous faire vivre, ressentir un pays. « Un Portugal » ne déroge pas à cette règle et nous transporte littéralement chez nos amis Lusitaniens. Nous parcourons ce pays du nord jusqu'au sud, s'arrêtant tantôt pour admirer une enceinte fortifiée, tantôt un parc naturel ou encore pour goûter aux délicieuses « pasteis de nata ». Nous nous imprégnons également des coutumes et autres traditions locales. Tout cela sans effort, puisque le documentaire est construit comme si on nous racontait une histoire. Arrivés à la dernière page, nous refermons le livre et ressentons un peu de cette 'saudade' qui berce l'esprit portugais.
Il y a des formes : carrée, ronde… Il y a des couleurs : grise, rouge… Mais surtout il y a des animaux cachés, à découvrir au fur et à mesure de la lecture ! Richard Marnier et Aude Maurel nous proposent un merveilleux album au contenu classique, mais à l’approche somme toute originale. L’enfant, accompagné de l’adulte, découvre page après page différentes formes géométriques. Il apprend également à différencier les couleurs car ces structures sont toutes pleines d’un aplat de couleur distinct. Ce n’est pas tout, l’ensemble de l’œuvre est structurée par un fil conducteur qui nous pousse à feuilleter l’album jusqu’à sa fin. Les animaux sont ce lien, cachés dans un premier temps, ils se découvrent pour nous entraîner sur une autre scène, une autre forme, une autre couleur… Graphiquement très épuré, des formes de couleur sur fond blanc, les illustrations en vectoriel sont très efficaces pour permettre à l’enfant de concentrer son regard et ainsi obtenir une meilleure mémorisation. Une certaine magie, voire poésie, se dégage de ce livre ; la chute laisse libre cours à l’imagination et nous entraîne dans un récit « spirale ». - Michaël
Lou a 50 ans. Antiraciste, bouddhiste et ancien professeur d’université, il est aujourd’hui chauffeur de taxi dans le Mississippi protestant et conservateur du Ku Klux Klan. Bien sûr Lou a tout du anti-héros, il est forcément aigri (on le serait pour moins que ça), légèrement tendu (faut dire qu’il s’enquille des journées de 12 à 15 heures dans une caisse pourrie en buvant du Redbull) et passe donc son temps à faire des doigts d’honneur à tout-va (ce qui vous me direz n’est pas très politiquement correcte pour un bouddhiste).
Donc Lou pourrait-être un abruti lambda vulgaire, détestable et violent car sa situation personnelle n’est vraiment pas reluisante et qu’il faut bien trouver un exutoire quelque part. Mais Lou est tout l’inverse car il est plein de paradoxes et que fondamentalement il est dépourvu de méchanceté mais pas de dérision. C’est ce qui rend ce personnage fort attachant et c’est pour ça que je vous invite à partager quelques courses avec lui.
Partez à la rencontre de passagers plus déglingués les uns que les autres, à la découverte de l’Amérique ultra-libérale et de ses laissés-pour-compte ! Laissez-vous conduire par Lee Durkee, à la manière d’un John Fante ou d’un William Faulkner contemporain, sur les routes désargentées du Sud des Etats-Unis !
Dans le même esprit je vous invite, également, à découvrir l’œuvre de John Fante et notamment « demande à la poussière » et à voir « Taxi Driver » de Martin Scorsese ou « Taxi Blues » de Pavel Lounguine. Enfin, Rayon BD vous pouvez aussi emprunter à la Médiathèque « Taxi ! » d’Aimée De Jongh et « Yellow Cab » de Chabouté (adapté du roman éponyme de Benoît Cohen).
Bon voyage au pays de Donald et Mickey sous méthamphétamine (âmes sensibles s’abstenir).
L'auteur, autiste Asperger, nous raconte avec humour sa participation au jeu de Questions pour un champion. Roman drôle construit sur le rythme de l'émission télévisée, situation cocasses. Le lecteur se glisse aussi dans les coulisses de l'émission. Clins d'oeil critiques de la part de ce personnage, sans ihnibition qu'est l'auteur. Et, pour ceux qui aiment : l'occasion de répondre aux multiples questions. Un réel divertissement, mais aussi l'occasion d'aborder la différence à travers le vécu d'Olivier Liron
C.
Gilles Rochier est un auteur autodidacte, arrivé sur le tard en bandes dessinées. Dix ans après ses débuts, il décroche en 2012 le prix Révélation à Angoulême pour TMLP. Son leitmotiv : nous conter la banlieue, sans pathos ni exagération. Cette fois-ci, nous faisons la connaissance de Tonio, qui erre dans le quartier en fauteuil roulant, en attente d’une opération qui lui retirera la seule jambe qu’il lui reste. Enfant, il était un véritable casse-cou ne refusant jamais un défi. Ce parallèle entre présent et passé nous permet de comprendre la personnalité quelque peu marginale de Tonio, ainsi que celle de son ami d’enfance, prêt à tout pour l’aider. Mais Tonio part en roue libre... Comment faire pour le sortir de cette colère qui ne le lâche plus depuis son accident, lui que la douleur tenaille chaque jour et que le spectre de son opération terrorise ? Une histoire qui respire l’authenticité, sans doute parce que l’auteur ne se contente pas de nous raconter la banlieue, il y vit... Gilles Rochier, avec ce titre touchant, nous donne une véritable leçon de vie et d’amitié, bien loin des clichés habituels sur les banlieusards. - Michaël
Comme l’écrivaient si justement les deux merveilleux poètes urbains de Seine Saint-Denis, Joe Star et Kool Shen, mieux connus sous le doux acronyme d’NTM : « Tout n’est pas si facile, tout ne tient qu’à un fil ». Autrement dit souvent la vie est dure et il suffit d’un détail infime pour que tout bascule vers le néant. Et à l’inverse un fil aussi ténu qu’il soit, pour un peu qu’on s’y accroche comme à un rêve, peut dévier le cours de votre existence vers des horizons plus cléments.
C’est à l’un de ces moments charnières que se situe le personnage du roman, à son commencement. La trentaine, il vient de se faire remercier (quelle expression de merde !) d’un emploi où il végétait faute de mieux, loin de ses espérances de jeunesse. Lui qui n’avait déjà pas beaucoup d’ambition, même de ce boulot au rabais, on l’a viré. Mais ce n’est que le début du parcours du combattant, car perdre un emploi c’est beaucoup plus facile que d’en retrouver un, surtout quand on a ni qualification, ni vraiment d’estime de soi. Commence alors un long calvaire, pour ce type gentil, à qui personne n’a donné les armes pour affronter la barbarie du monde. Tout va de mal en pis jusqu’au jour où il recueille ce chat étrange qui semble lui parler.
C’est avec beaucoup de délicatesse, d’humour, de poésie et de second degré qu’Olivier Mak-Bouchard nous dépeint le destin de ce personnage, dont un acte aux apparences insignifiantes va bouleverser l’existence. Une très belle chronique sociale jamais misérabiliste pleine de surprises, une fois de plus un récit original et étonnant merveilleusement construit et raconté par l’auteur. Et de surcroît se déroulant dans le paysage enchanteur des ocres de Rustrel, ce qui ne gâche rien ! Bon d’accord ça ne vaut pas les tours du 93, mais quand même.
Saul Karoo est un homme respecté dans son travail. Il est « script doctor » : on fait appel à lui pour améliorer le scénario d’un film. Un éventuel navet peut, sur ses conseils, se transformer en véritable chef-d’œuvre. Aussi brillant soit-il, il est un domaine où il n’excelle pas : les relations humaines. Son mariage est un échec, il ne parle pas à son fils et son penchant pour l’alcool et sa désinvolture en font un personnage difficilement fréquentable. Sa vie va basculer le jour où il découvre, en visionnant les rushs d’un film à sauver, une actrice qui sans le vouloir va lui rendre une force qu’il ne soupçonnait plus et donner un nouveau but à sa vie... Frédéric Bézian adapte avec talent le roman à succès « Karoo » de Steve Tesich. On y retrouve la même tonalité, les mêmes ressentis que dans le récit original, l’histoire d’une vie et du chemin à mener pour lui donner sens. En quelque sorte notre histoire à tous, mais chacun avec ses propres démons. Saul pense trouver le repos et réécrivant, manipulant l’histoire de ses proches comme si son métier lui donnait le pouvoir de jouer avec les destins de chacun. Cependant, la vie n’est pas un scénario que l’on peut modifier à souhait ; elle est surprenante, incontrôlable et il va l’apprendre à ses dépens. Si le récit est captivant, le style graphique de Bézian l’est tout autant : trait fin, haché, voire nerveux à l’image du personnage. Quelques aplats de couleurs viennent rompre par moment la monotonie du noir et blanc dominant et créent la sensation de rythme. La partie graphique est en parfaite adéquation avec le texte, l’un et l’autre se sublimant. « Karoo » est un récit subtil sur l’âme humaine et une œuvre romanesque à découvrir. - Michaël
Maman manchot part chercher le dîner, pendant que bébé manchot reste avec son papa.
Bébé manchot est très impressionné par sa maman : elle est trop forte pour nager, pour sauter, ou pour escalader ! mais pour rentrer, il faut passer devant les phoques sans faire de bruit…va-t-elle y arriver ?
Nous n’avons plus besoin de présenter Chris Haughton tant il est devenu un auteur incontournable de la littérature jeunesse ces dernières années. Si les derniers albums qu’il a sortis m’avaient un peu lassé, ce « Bravo, maman manchot ! » me réconcilie avec son univers.
L’organisation sociétale des manchots est assez unique dans le règne animal : le mâle reste couver l’œuf tandis que la femelle s’en va chasser pour reconstituer ses réserves, et revenir nourrir son petit à son tour. C’est l’occasion pour l’auteur de montrer un nouveau schéma d’organisation familiale qui apporte beaucoup de fraîcheur.
Tous les ingrédients d’un album de Chris Haughton sont réunis : les mouvements des manchots, un peu maladroits et assez drôles dans la réalité, sont illustrés avec beaucoup de justesse et d’humour ; le suspense et la tension narrative atteint son paroxysme lorsque la maman doit passer devant les phoques.
Enfin, les illustrations accessibles et très colorées sont très présentes dans cet album comme dans tous les autres, pour le plus grand bonheur des lecteur·rices.
Voici un titre des plus étranges, difficile à classer ou à destiner à un public en particulier. Sa narration est composée de saynètes aux chutes rigolotes, mais parfois, voire les deux en même temps, mélancoliques. Nous découvrons donc Maya, une jeune fille de 8 ans qui vit avec son oncle (ses parents ayant disparu avec le vol BW 404). Personne ne sait s’iels ont survécu et cette question sera le fil conducteur de l’album. Cette question on la ressent en Maya, elle flirte avec le désespoir et l’espoir, ce dernier, pourtant si faible, l’empêche de sombrer.
Tout au long de l’album, elle se questionne sur le monde, comment il fonctionne, pourquoi sommes-nous là ? Elle interroge son oncle, son ami Léonardo, sur la place de l’humanité eu égard aux végétaux et autres formes de vies animales. Chacun·e apporte sa pensée, sa vision des choses, mais également des faits scientifiques. Ce mélange de science et de philosophie fonctionne à merveille, nous nous attachons à tous·tes les protagonistes jusqu’à cette fin, véritable claque scénaristique qui nous laisse sans voix, stupéfait, branlant et déjà en manque de la suite…
Dans un village croate, le jeune Jacob vie une enfance des plus banale jusqu’au jour où son frère David disparaît.
Adapté d’une nouvelle de Olja Savicevic Ivancevic, « Les Pédés » est un drame familial. Entre non-dits et innocence, le récit nous entraîne dans une famille déchirée par l’incompréhension et les silences. Les auteurs nous livrent une œuvre forte, dure, mais ô combien nécessaire pour lutter contre les discriminations. Pour finir, un petit mot sur les magnifiques illustrations en noir et blanc de Danijel Zezelj qui valent à elles seules la peine d’ouvrir cet album. - Michaël
June a grandi enfermée dans son palais, loin du monde, attendant le jour, l’évènement magique au cours duquel elle va tenter de ne faire qu’un avec l’Animal : son totem. Ses cheveux ont été nattés, une belle parure a été posée sur ses épaules. Elle a été préparée depuis la naissance pour ce jour : tel est son destin. Son enveloppe charnelle reste dans le palais et son esprit s’entremêle à son animal totem. Elle va quitter le palais pour la première fois de sa vie. Le lien va-t-il se créer ? Ce conte chamanique nous fait voyager dans un univers mystique et mystérieux. June est très attachante car une grosse attente pèse sur ses épaules, une mission qui la dépasse. Elle a été protégée, choyée, emprisonnée presque dans cet ultime objectif, lier son esprit à l’animal. Son corps, son emploi du temps, son esprit ne lui appartiennent pas, comme une critique féministe en filigrane qui revisite la figure archétypale de la princesse des contes de fée. L’épreuve se passe, June réussit haut la main et pourtant, un goût amer lui reste. Sa vie tout entière était dédiée à ce moment : une fois passé, que lui reste-il ? Les couleurs très flash, en opposition, rose fluo sur fond bleu de l’illustration rendent bien l’opposition entre la princesse/fillette « objet » et ce qu’elle traverse et découvre pendant son épreuve : la vie sauvage, les grands espaces. Les illustrations de Justine Brax se déploient sur toute une page comme l’esprit de la princesse. Elles sont puissantes, évocatrices, et rendent hommage à la culture chamanique de nombreux peuples à travers le monde. Par son message métaphorique et son texte poétique mais parfois un peu dense, cet album sera à proposer à des enfants à partir de 6 ans.
Françoise, la cinquantaine bien passée, est au chômage. Elle peine à trouver un travail, pas formée et surtout trop âgée. Elle est mariée, mais des années de vie commune et un mari un peu trop autocentré ont eu raison de cette passion. Que lui reste-t-il vraiment pour se sentir vivante ? Pas grand chose, pour ne pas dire rien. Alors, lorsque son amie Rose lui propose, pour un temps, de s’occuper d’une parcelle de jardin solidaire, elle ne refuse pas. Loin de savoir ce qui l’attend, elle va découvrir bien plus que du jardinage... « Le jardin de Rose » est une bande dessinée de type « feel good », c’est à dire qu’elle fait du bien par sa thématique et par ce qu’elle dégage : tendresse et émotion. Le récit est comme son personnage principal, calme, posé, mais dont émane une certaine force intérieure qui nous pousse à interroger nos comportements avec l’autre. Un brin mélancolique certes, peut-être contemplatif à sa façon, cette histoire est universelle et saura trouver écho auprès d’un large public. Hervé Duphot nous gratifie également de magnifiques aquarelles aux tons de circonstance. Un très beau titre donc qui réchauffe un temps, mais c’est déjà bien, nos petits cœurs. - Michaël
Conseils lecture
Une mère s’adresse à son enfant tout au long de son premier jour de classe. Elle évoque leur séparation, et toutes les activités qu’elles feront chacune de leur côté. Toutefois, elles seront liées ensemble par le fil des pensées qu’elles s’enverront durant la journée.
Cet album permet d’aborder le sujet de la séparation avec beaucoup de poésie, et de rassurer l’enfant lors de son entrée à l’école. Il trouve son originalité dans le parallèle fait sur chaque double page : on y voit d’une part la maman au travail, et de l’autre, la petite fille dans sa classe.
Les illustrations au crayon de couleur et le choix des couleurs pastel apportent beaucoup de douceur à l’album. Cela crée une ambiance feutrée, comme un cocon, qui apaise et rassure. On ressent à travers les personnages de la maman et de la petite fille toute la tendresse et l’amour qui transcende les lieux et qui les lie tout au long du récit.
« Peu importe où tu seras… Je penserai à toi. Je t’enverrai un bisou. Tu me le renverras »
Après 3 ans d’absence, l’auteur du très remarqué « Saudade », nous revient avec un album d’une toute autre teneur. « Faille temporelle » est un recueil d’illustrations atypiques réalisées à l’origine pour un challenge personnel : faire 200 dessins en 200 jours. Ce défi, Fortu l’a brillamment relevé en y apportant une touche supplémentaire, distillant à chacune de ses toiles une âme unique, rendant le tout indépendant, mais pourtant indissociable. Grâce à ses scénettes, Fortu nous interpelle, nous interroge et nous questionne sur le monde et notre humanité. C’est par moment drôle, quelquefois offusquant, souvent absurde, mais toujours écrit avec subtilité et intelligence. Chaque illustration, d’un noir et blanc sobre et au trait photographique épuré, est un appel à la réflexion. « Faille temporelle » est album qui fait réfléchir et qui est présenté pour la première fois dans une médiathèque, votre Espace COOLturel. - Michaël
Dans quartier ordinaire, on trouve une rue ordinaire, et dans cette rue ordinaire, des maisons les unes à côté des autres. Et dans chaque maison, il y a des habitants qui ne se connaissent pas. Au n°15, il y a Camille, chez qui il y a un boucan d’enfer, qui n’ose pas parler à M.Rivières, grand avocat prestigieux ; de l’autre côté il y a un énorme dragon, qui en réalité est une souris qui se déguise, effrayée par le voisin d’en face, un chat (végan). Mais un beau jour, une suite d’événements vont faire se rencontrer tous ces voisins remplis de craintes et de préjugés les uns sur les autres…
Merci voisin est un album dans l’aire du temps. Aujourd’hui, chacun d’entre nous vit sa petite vie, dans son petit chez soi, sans prendre le temps d’aller vers ceux que nous côtoyons au quotidien. Nous préférons nous juger les uns les autres plutôt que de tisser des liens.
Dans cette rue, chacun est un peu solitaire et malheureux dans son coin ; la méfiance que ressentent ces voisins les uns vis-à-vis des autres les isolent. Le jour où enfin, ils osent faire un pas vers l’autre, ils se rendent alors compte qu’ils peuvent être heureux tous ensemble.
Les illustrations, sans être très originales, sont accessibles et les personnages animaux plutôt attachants.
Cet album sympathique véhicule de belles valeurs sur l’entraide, la découverte des autres, les rencontres.
Maman manchot part chercher le dîner, pendant que bébé manchot reste avec son papa.
Bébé manchot est très impressionné par sa maman : elle est trop forte pour nager, pour sauter, ou pour escalader ! mais pour rentrer, il faut passer devant les phoques sans faire de bruit…va-t-elle y arriver ?
Nous n’avons plus besoin de présenter Chris Haughton tant il est devenu un auteur incontournable de la littérature jeunesse ces dernières années. Si les derniers albums qu’il a sortis m’avaient un peu lassé, ce « Bravo, maman manchot ! » me réconcilie avec son univers.
L’organisation sociétale des manchots est assez unique dans le règne animal : le mâle reste couver l’œuf tandis que la femelle s’en va chasser pour reconstituer ses réserves, et revenir nourrir son petit à son tour. C’est l’occasion pour l’auteur de montrer un nouveau schéma d’organisation familiale qui apporte beaucoup de fraîcheur.
Tous les ingrédients d’un album de Chris Haughton sont réunis : les mouvements des manchots, un peu maladroits et assez drôles dans la réalité, sont illustrés avec beaucoup de justesse et d’humour ; le suspense et la tension narrative atteint son paroxysme lorsque la maman doit passer devant les phoques.
Enfin, les illustrations accessibles et très colorées sont très présentes dans cet album comme dans tous les autres, pour le plus grand bonheur des lecteur·rices.
Mars 1956, un enfant vient au monde, un garçon. Avril 2026, il s’éteint, laissant derrière lui une vie bien remplie... Voilà comment on pourrait résumer très rapidement l’œuvre de Tom Haugomat, mais ce serait lui faire injustice au regard des multiples qualités de cet album. Sur près de 180 pages et environ 70 doubles pages, nous sommes les témoins privilégiés de la vie d’un homme sans nom. Chaque année de sa vie est représentée par un moment décisif qui va définir ses choix et influer sur son destin. Ces moments tantôt joyeux, tantôt dramatiques, s’enchaînent : s’égrène devant nos yeux le fil d’une existence en mode accéléré. Les points de vue narratifs alternent : nous sommes à la fois des témoins extérieurs de cette vie et le personnage principal, assistant aux mêmes scènes, à sa vie, « à travers » ses yeux. Une prouesse graphique et scénariste qui nous laisse admiratif, tant le travail est remarquable. Pas de texte, ou si peu : ce récit est contemplatif. L’idée est étonnante et à mettre en place, d’une complexité absolue. Pourtant l’artiste rend un travail d’une lisibilité et d’une fluidité absolument parfaites, tant et si bien qu’il peut être lu également par des enfants. Cette œuvre est une réflexion sur la vie en générale, elle est catalyseur de méditation et de bien-être. Les illustrations de Tom Haugomat sont très d’une grande beauté, colorées dans une palette restreinte aux tons primaires, bleu, rouge et jaune. « À travers » est un album unique, et en un mot, beau. - Michaël
Comment supporter d’avoir une chance insolente, échappant à toute logique, alors même que l’on est statisticien et que l’on considère cette science comme le fondement de sa propre vie ? Voilà la question existentielle que pose avec beaucoup d’humour ce roman rocambolesque. Comment expliquer l’inexplicable ? Et à quel saint se vouer ? Nous suivons les péripéties du héros à travers Londres à la rencontre de gourous et psychiatres en tous genres. L’occasion de nous décrire avec force sarcasmes et dérision nos penchants contemporains pour les maîtres à penser.
Il y a dans ce personnage un peu de Belmondo dans « Les tribulations d’un Chinois en Chine », une pincée de Monty Python pour le sens de l’absurde et beaucoup de Hugh Grant (dans ses meilleurs films) pour l’autodérision, le flegme et cet humour « so british » (même si l’auteur est italien) omniprésent tout au long du récit. Je vous recommande fortement cet ouvrage, très mouvementé, drôle et intelligent, dans lequel on ne s’ennuie jamais. Un roman feel-good d’une grande qualité.
J’aurais pu dire aussi, si j’avais travaillé à la grande librairie : « Entre fable philosophique et conte burlesque, le livre de Fabio Baca nous invite à une déambulation existentielle dans les rues de Londres. Il nous accompagne, finalement, à la découverte de notre subconscient. Et, par son approche à la fois comique et socratique, nous pousse à accoucher dans la douceur de notre propre interprétation de l’au-delà ».
Alléluia mes frères ! Et bonne lecture.
Souvent on me demande si nous avons des « romans graphiques », ce à quoi je réponds systématiquement : « De la bande dessinée, mais bien sûr ! ». Vous l'aurez compris, pour moi ce terme est souvent inapproprié et est surtout employé pour se détacher du terme générique « bande dessinée » qui véhicule malheureusement encore aujourd'hui de nombreux clichés. Mais il arrive parfois qu'entre nos mains nous détenions un livre hybride, doté d'un délicat mélange de textes et d'illustrations, imbriqués les uns aux autres et ne pouvant exister l'un sans l'autre. « Radioactive » fait partie de ces livres qui sont le parfait exemple de ce qu'est le vrai « Roman graphique ». Son esthétisme, son partie pris graphique, composé de peintures, de photographies et de cyanotypes en fait une oeuvre éblouissante et inspirante. Son propos, une biographie de Marie et Pierre Curie, est passionnant. Nous suivons ce couple hors du commun, de leur rencontre jusqu'à leur mort. Nous réalisons la grandeur de leurs travaux, de leurs découvertes et comprenons pourquoi encore aujourd'hui, ils sont admirés dans le monde entier. Certes par moment, le texte peut paraître technique, scientifique, mais il reste tout de même abordable. Le fil conducteur de l'oeuvre est de mettre en parallèle deux forces invisibles, la radioactivité et l'amour, cela fonctionne plutôt bien, même si scientifiquement parlant, elles ne sont pas comparables. « Radioactive » est une oeuvre rare, exigeante et profondément humaine qui a été le premier roman graphique sélectionné dans la catégorie non-fiction du National Book Award.
Le roi avait tout. Mais vraiment vraiment tout. Tous les jours, il commençait de nouvelles collections puis les rangeait, les classait et les numérotait pendant des heures. Il ne lui manquait presque rien. Ou plutôt, il lui manquait RIEN. Mais où pourrait-il trouver RIEN ?
Dans « Le roi et rien », Olivier Tallec répond avec humour et philosophie à la question : « qu’est-ce que rien ? » Une interrogation bien épineuse sur laquelle adultes et enfants se sont cassés les dents !
A travers ce roi qui a tout et qui veut avoir absolument ce qu’il n’a pas (Rien), l’auteur questionne la société de consommation et notre capacité à accumuler objets et biens qui ne nous sont bien souvent pas très utiles.
C’est un thème qu’il avait déjà abordé lors de ces précédents albums, notamment « C’est mon arbre » et « Un peu beaucoup ». Ici, il trouve un nouvel angle pour aborder ce sujet.
Les illustrations d’Olivier Tallec sont reconnaissables du premier coup d’œil et on retrouve son style caractéristique, accessible et drôle. J’ai aimé le personnage du roi, tout petit, habillé en survêtement jaune et bleu.
Cet album nous offre un message assez limpide : nous possédons bien assez de choses comme ça !
Depuis une certaine soirée, Mélinda est devenue une paria dans son lycée. Jour après jour elle subit les brimades de ses camarades et l’aveuglement de ses professeurs. Ses seuls moments de paix se passent dans un local d’entretien désaffecté où elle s’est créé un nid douillet et a érigé en dieu protectrice « Maya Angelou », artiste et militante américaine pour les droits civiques. Lorsqu’elle rentre au domicile familial, elle ne trouve pas non plus le soutien dont elle a besoin. Restant dans un certain mutisme, ses parents ne lui reprochent que ses faibles résultats scolaires et son manque de travail, sans réellement voir sa détresse. Pourtant, loin de faire une crise d’adolescence, Mélinda cache un drame, une histoire dont elle ne peut parler, mais qui la ronge à petit feu... Adapté du roman éponyme, l’histoire de Mélinda ne nous laisse pas indifférent. Elle traite d’un sujet grave et difficile : le viol. L’action se situe quelques semaines après le crime et dépeint le quotidien de la victime, enfermée dans son mutisme par peur, par honte. Nous assistons à sa chute vertigineuse dans les abysses du cauchemar, à sa coupure avec le monde. Si le récit nous parait si juste c’est qu’il raconte la véritable histoire de l’auteure, Laurie Halse Anderson, violée à l’âge 13 ans, mais qui a réussi à surmonter cette horreur. Elle nous livre donc ici un témoignage puissant, mais loin d’être dans le mélodrame, il donne une leçon de force et de courage. Il dépeint le quotidien de ces victimes d’actes odieux, mais nous livre aussi un message d’espoir, de reconstruction. « Speak » est une œuvre salutaire, à prescrire tant il est source de compréhension et de force. Alors, grand merci Madame Laurie Halse Anderson, pour toutes ces femmes que vous rendrez libres. - Michaël
Stress a 37 ans, il est réalisateur et a une idée en tête, concevoir un film sur son quartier « Le panier », ou plus exactement sur ce qu’il était avant la « gentrification », quand sa bande et lui zonaient sur un banc en fumant des joints, un quartier populaire. Celui qui accueillait toute la misère de Marseille, loin des clichés d’aujourd’hui, vitrine de l’office de tourisme.
Stress, il voudrait tirer le portrait de cette époque révolue, retrouver ses potes et leur demander de témoigner, avant que son ancien quartier ne devienne définitivement un Disneyland pour les touristes que vomissent les paquebots chaque jour. Seulement Stress passe ses soirées de fêtes en fêtes vaguement à la recherche de financements pour son projet, parce que le fond du problème c’est qu’il est trop intransigeant avec les autres et pas assez avec lui-même… En attendant, quand il a besoin de thune il filme des mariages orientaux dans les quartiers nord.
Un merveilleux voyage à Marseille et dans le temps, fait d’allers-retours entre la ville d’hier et celle d’aujourd’hui. Une écriture percutante à l’image de ce personnage sans concessions. Un récit qui vous emporte et une force narrative du quotidien, les odeurs, la bouffe, les fringues, la musique, des habitudes et des attitudes décryptées à la loupe. Deux sociétés antagonistes, celle des pauvres d’hier, sans papiers, et des riches d’aujourd’hui, bobos, artistes, Parisiens immigrés, qui cohabitent à quelques années de distance. Un travail d’ethnographe moderne et une grande histoire d’amour, celle du héros et de sa ville qu’il voit changer, comme lui à l’aube de la quarantaine, et peu à peu oublier son passé. Un magnifique roman empreint de la nostalgie de celui qui quitte son pays malgré lui.
En 2050, la robotique est présente partout. Les hommes ont développé une « intelligence artificielle » évolutive, réactive aux stimuli qui l’entoure. De ce fait, chaque programme est unique, chaque robot possède et développe sa propre perception, mais également prend conscience de son existence. Cela n’est pas sans conséquence, car dans un monde où l’Homme brutalise, asservit les minorités, les tensions montent entre les deux mondes. Apparu au début du 20e siècle et vulgarisé par Isaac Asimov dans une série de nouvelles et de romans, la robotique est devenue depuis un thème récurrent de la science-fiction. Ces récits, pour la plupart, abordent le thème du grand remplacement, avec des guerres meurtrières entre Hommes et Machines. Ici rien de tel, l’intrigue est plus originale et subtile. L’auteur nous entraîne dans le subconscient des humanoïdes et pose les bases d’une réflexion intéressante sur ce qu’est l’Âme : est-elle simplement l’apanage de l’espèce humaine ? Nous explorons également les facettes obscures de nos sociétés : la surconsommation, la violence et ce besoin de domination, source de conflits. Loin d’être manichéenne, l’histoire est une parabole de notre civilisation, du pluralisme identitaire et de la place de chacun.
Jorge Fornés illustre le récit avec clarté et de légères nuances rétro rendent un hommage appuyé aux pulps d’antan. Les cadrages et les gaufriers sont variés, leur exploitation intelligente donne une fluidité au récit et le rend extrêmement dynamique. Vous l’aurez compris avec cette œuvre, pas de bastonnades à n’en plus finir, mais une réelle introspection sur nous-même. Brillant ! - Michaël
Un nouvel album du duo Leroy/Maudet est toujours un bonheur. « Nous, quand on sera grands » ne déroge pas à la règle. Il est drôle, inventif et magnifiquement illustré. Á sa lecture, nous ne savons pas où nous allons, jusqu'à cette formidable chute. Alors, une fois terminé, on se dit, mais oui, mais bien sûr et pourquoi pas ? Le début de tout... Bref j'adore ! - Michaël
À la mort de son père, un homme revient sur les terres qui l'ont vu grandir. Les odeurs, l'atmosphère et la maison familiale font ressurgir de nombreux souvenirs... De bons, mais également de plus sombres étrangement oubliés. Que s'est-il passé quelques années auparavant ? Quel est ce mystérieux secret, enfoui au plus profond de son âme, qui semble vouloir refaire surface ? Est-il lié à la maison des Hempstock et de cette vieille femme seule porteuse de la vérité ? Il y a parfois des portes qu'on ne devrait plus ouvrir, il n'en a pas tenu compte et va devoir faire face à une horrible réalité : le monde n'est pas ce qu'il semble être et les créatures démoniaques sont bien réelles.
Ce nouveau roman de Neil Gaiman est une merveille, il s'adresse aux adultes comme aux adolescents. Une écriture dynamique, vivante, associée à une intrigue complexe rendent ce récit fantastique captivant. Encore une pépite de Neil Gaiman qui n'en finit pas de nous surprendre et de produire des chefs d’œuvres.
Ce roman nous parle du cachemire qui est devenu une manne pour les chinois peu scrupuleux; Des coutumes ancestrales, de la culture des nomades mongols vouée à disparaître. L'écriture est sensible, et nous offre de très beaux passages à la hauteur de la beauté de la steppe, et de la beauté des belles matières, à l'image du cachemire. C'est aussi une belle histoire d'amitié, de reconnaissance et de liberté. Je vous invite donc à partir aux côtés de Bolormaa, l'héroïne de ce beau roman. - Catherine