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Tous les avis de

Dans un royaume lointain, vit une petite princesse très intelligente. Elle passe ses journées enfermée dans sa tour à dévorer des livres. Ses parents s’en inquiètent : « qui va prendre en charge le royaume quand nous ne serons plus là ? et notre retraite ? ». Ils aimeraient lui présenter un prince à marier mais la petite princesse en baskets ne s’y intéresse pas. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que leur fille, dans ses livres, apprend beaucoup de choses, comme vaincre un dragon ou fabriquer un antipoison ! Bien vite, la princesse va devoir mettre ses compétences à profit car voilà qu’un énorme monstre poilu à 6 yeux débarque et attaque le château… « Encore une histoire de princesses » me direz-vous ; oui, mais originale ! Par le prisme de la passion pour la lecture et du féminisme, on s’attache particulièrement à notre héroïne. Cette princesse n’a pas besoin de prince pour l’aider à faire ses choix ou à prendre en charge le royaume ! Indépendante, sûre d’elle et pleine de ressources, c’est un beau modèle de personnage qui est proposé aux enfants dans cet album. Les illustrations de Tristan Gion sont un régal pour les yeux. On y retrouve une palette de couleurs vives et très harmonieuses en même temps ; son dessin est rempli de références à l’histoire ou à la mythologie nordique et nous fait voyager. De plus, avec ses cheveux bleus et sa clé à molette dans la poche, aucun doute, notre petite lectrice est vraiment ancrée dans l’ère du temps !
Cette belle histoire parlera assurément aux amoureu.se.s des livres, en tout cas, moi, elle me touche droit au cœur !

La chouette, le rouge-gorge, le mulot, le hérisson et l’écureuil sont des amis pour la vie, unis comme les cinq doigts d’une patte. Ils passent leur temps ensemble à jouer, à discuter. Mais à partir de novembre, le hérisson se mets en quête d’un nid pour hiberner tout l’hiver… et ses amis sont terriblement tristes de ne pas pouvoir passer noël avec lui ! plusieurs solutions vont être abordées mais finalement la meilleure reste encore de fêter Noël au printemps, tous les 5 réunis ! Ce grand et bel album de Thierry Dedieu nous plonge dans une belle atmosphère empreinte de vivre ensemble et surtout d’amitié, la vraie, celle pour qui on peut décaler Noël au printemps. Ces animaux ressentent tellement d’amitié que la séparation de l’un d’entre eux les plonge dans une grande tristesse. Ces 5 amis animaux, si attachants, sont magnifiquement mis en scène dans des illustrations au style très réaliste, si expressives que l’on croirait que des vrais animaux prennent vie sous nos yeux. Thierry Dedieu est un auteur illustrateur avec tant de styles différents que l’on peine à reconnaître ses travaux du premier coup : ici encore, il parvient à nous toucher avec la justesse de ses dessins. Tant l’histoire que les images en font un magnifique conte de noël, à déguster en attendant que le Père Noël passe à la maison… Même si ce n’est qu’au printemps ! Une possibilité qui aurait bien pu se présenter à nous en cette drôle d’année 2020…

Olive et Léandre ont pour point commun qu’ils se sentent terriblement seuls. Un jour, ils ont la même idée : voyager et aller voir ailleurs. Olive le poulpe part vers le nord et Léandre l’ours part vers le sud. Arrivés à mi-chemin, ils vont droit devant et ne se voient même pas. Alors Olive arrive chez Léandre et Léandre arrive chez Olive, mais ils sont toujours aussi seuls… Le texte d’Alex Cousseau ondule du nord au sud comme les animaux de l’océan. Le système d’échange épistolaire entre Léandre et Olive est savoureux et empreint de poésie ; nous ressentons avec force la mélancolie de nos deux héros qui passent leur chemin sans prendre le temps de regarder la beauté qui les entoure et connaître les autres habitants de l’océan. L’illustration de Janik Coat complète parfaitement le propos : son trait précis et ciselé, travaillé nettement à l’ordinateur, ses beaux camaïeux et ses oppositions de couleurs chaudes ou froides viennent ajouter du rythme et du sens à ces échanges sans fin entre nos deux protagonistes. De plus, c’est sans compter les détails foisonnants sur la vie des fonds marins qui permettent de lire et relire avec gourmandise cet album en ayant toujours quelque chose de nouveau à découvrir.

Iris et Jada sont deux soeurs jumelles : elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau, une seule chose les distingue : leur couleur de peau. Celle d'Iris est claire comme l'acacia, et attire de nombreux compliments de tous les habitants du village. Celle de Jada est aussi foncée que le cacao et tout le monde l'appelle « L'enfant de la nuit ». Lors d'une partie de cache-cache qui s'éternise, Jada, lasse de ces remarques, s'en va dans la forêt, à la rencontre d'un de ces enfants de la nuit à qui elle ressemblerait tant. Iris, très inquiète de ne pas voir sa soeur chérie revenir, s'en va alors à sa recherche... Après Comme des milliers de papillons noirs, Laura Nsafou revient nous livrer un bel album sur la couleur de peau et la différence. Comme cela fait du bien de voir des petites héroïnes à la peau noire, largement sous-représentées dans les albums ! Le récit écrit à la manière d'un conte africain est touchant et aborde avec justesse les différences et les comparaisons dans une même fratrie. Les illustrations de Barbara Brun nous offrent de beaux paysages, une palette de couleurs douces et complètent poétiquement le récit. Le sujet abordé, ainsi que le texte subtil en font un album qui apporte un vent de fraîcheur en littérature jeunesse.

Quatre canards vont se baigner au lac. L’un d’entre eux, Eric, n’est pas rassuré : « Il y a un monstre dans le lac », alerte-il ses camarades. « Un monstre ? bien sûr que non ! » répondent ses trois compagnons. « Ce ne sont que des histoires, Eric. Il y a juste des poissons et des grenouilles sans intérêt. » Mais ont-ils bien prêté attention à ce qui vit au fond ?

Leo Timmers est vraiment constant dans sa production d’albums tous aussi réussis. Nous retrouvons tous les ingrédients qui font la recette d’histoires savoureuses : Son humour grinçant, ces personnages un peu bêtes et suffisants, les illustrations colorées au style bien identifiable de l’auteur.

Dans cet album, une fois encore, les personnages ne font attention à rien de ce qui les entoure. L’auteur se fait complice des jeunes lecteur.ices car en réalité, c’est tout un monde qui vit sous le lac : il y a bien des monstres, ils sont même très nombreux ! Mais ils ne semblent vraiment pas agressifs.

Le foisonnement des illustrations sous-marines est un régal à observer. Le.la lecteur.ice pourra s’amuser à étudier longuement tout cet écosystème qui fourmille de détails. Les illustrations colorées parleront également aux plus petit.e.s.

Il est possible qu’un jour, je me lasse des histoires hilarantes de Leo Timmers ; mais ce jour-là n’est pas encore arrivé !

Fred virevolte dans la maison, tout nu. Il virevolte dans sa chambre, dans le couloir, dans la chambre de ses parents, toujours tout nu. Mais soudain, Fred cesse de virevolter. Il jette un coup d’œil dans le dressing, y rentre et découvre les tenues de son papa. Il choisit une chemise, une cravate, des chaussures, pour s’habiller comme lui, mais ça ne lui va pas du tout. Alors il regarde les vêtements de sa maman : il choisit une tunique, un foulard, des chaussures, et ça lui va très bien !

« Fred s’habille » nous montre un petit garçon qui aime se déguiser avec les vêtements de sa maman, en s’affranchissant de toutes les questions de genre. Le·la lecteur·ice adulte ne peut s’empêcher de se demander : que vont dire les parents de Fred en découvrant leur petit garçon habillé comme cela ? Et bien les parents ne disent rien, bien au contraire, et jouent le jeu également. Rapidement, toute la famille se déguise, se maquille et se pare de beaux bijoux : Fred, sa maman, mais aussi son papa et même le chien.

La simplicité avec lequel ce sujet est abordé est très apaisant et n’est pas sans nous rappeler un autre album : « Julian est une sirène » de Jessica Love. Que ce soit dans l’un ou dans l’autre, le verrou des stéréotypes de genre saute avec beaucoup de tendresse. Cela ne pose de problèmes à aucun·e des personnages de voir un petit garçon avec des vêtements féminins. 
L’univers graphique est également un régal pour les yeux. Le trait est tout en rondeur, accessible aux enfants, et très coloré. Le rose fluo est omniprésent au fil des pages : encore une autre manière pour l’auteur de fracasser les codes genrés de la littérature jeunesse. 
 

Quelque part en Amérique, aux portes de la ville de New-York, se trouve un lieu qui s’appelle Jamaica Bay. C’est une baie qui aurait pu être un joli lieu de promenade, si certain·es n’avaient pas décidé d’en faire une décharge géante à ciel ouvert. A l’entrée de cette décharge se trouve un petit cabanon et dans ce cabanon se trouve Monsieur Johnson. Cette décharge pue, pollue, les ordures tombent dans l’océan : cela rend Monsieur Johnson très malheureux. Un dimanche, il décide de se rendre au grand marché aux fleurs de la ville de New York, et il se met à planter des graines sur les montagnes d’ordures. Et peu à peu, Jamaica Bay va se transformer en réserve merveilleuse pour faune et flore extraordinaires…

« La bonne idée de Monsieur Johnson » donne à découvrir ce personnage discret, et peu connu du grand public. Cette histoire n’a pas fait le tour du monde, et pourtant Herbert Johnson, petit pas après petit pas, dans son coin, a beaucoup œuvré pour l’écologie et la biodiversité.
Les illustrations de Rémi Saillard sont très parlantes, et le lecteur voit bien la dualité entre l’avant (la décharge est illustrée dans les tons gris, noirs, avec des couleurs sombres) et l’explosion de couleurs qu’on retrouve sur les plantes et les oiseaux qui reviennent nicher à Jamaica Bay après le travail engagé par Monsieur Johnson.

Le thème de l’écologie est un sujet abondamment traité ces dernières années en littérature jeunesse, mais cet album se distingue par son ton nullement moralisateur, au contraire, et véhicule le message que chacun·e, à sa hauteur, peut apporter sa pierre à l’édifice de la sauvegarde de la biodiversité.

Un lundi, un petit garçon trouve un tout petit ours polaire dans son jardin. Si petit qu’il tient dans sa main. Le mardi, le tout petit ours a un peu grandi : alors le petit garçon le dépose dans sa poche. Arrivé au mercredi, ne tient plus dans la poche : il est temps de ramener petit ours chez lui. Alors nos deux amis s’en vont faire un long voyage…

Tout petit ours est un album d’une très grande tendresse. Richard Jones signe une très jolie histoire d’amitié entre ce petit garçon et ce petit ours. L’amour qu’ils se portent l’un à l’autre les fait grandir tous les deux : l’ours grandit physiquement, et le petit garçon s’émancipe également. Même quand notre ours polaire aura atteint sa taille adulte, dépassant depuis longtemps le petit garçon, il restera « Mon tout petit ours ».

Les illustrations à la gouache ainsi que le choix des couleurs pastel appuient le propos très doux du récit. A travers les expressions du garçon et de l’ours, le lecteur saisit toute la force de la relation indéfectible qui lie les deux personnages.

« Il était si petit qu’il tenait dans ma main. Je sentais son cœur battre sous sa fourrure de nuage blanc. »

Aujourd’hui, Julian et sa grand-mère sont invité·es à un mariage. Le petit garçon rencontre Marisol, une petite fille venue avec sa grand-mère également. Un mariage, c’est pour fêter l’amour ! Les enfants s’amusent, jouent sous les tables, dans le jardin, et même avec le chien des mariées. Oh non, Marisol a sa robe toute tâchée ! mais Julian à une idée…

Après le très remarqué « Julian est une sirène », Jessica Love revient avec un autre album de Julian, tout aussi réussi que le premier opus. Les personnages, issu·es de la communauté afro-américaine, sont grandement inspiré·es par les influences culturelles de l’autrice. Le sujet du mariage homosexuel n’en est pas un tant le récit ne semble pas justifier ce choix. De la même manière, Julian aime mettre de jolies robes, et cela ne pose de problèmes à personne (c’était déjà le cas dans Julian est une sirène). Le message du récit est ouvert et chaleureux.

Du côté de l’illustration, les expressions faciales des personnages valent le détour. Iels sont croqué·es avec beaucoup de justesse, d’humour et de douceur. Le travail d’illustration autour des vêtements reste, comme dans le premier album, remarquable, que ce soit au niveau des couleurs ou bien des étoffes. Les protagonistes sont tous et toutes habillé·es avec beaucoup de style.

Cet album est une ode à la joie de vivre et à l’acceptation de l’autre : il fait beaucoup de bien.

Le petit Arthur joue au bord du torrent quand de gros nuages noirs envahissent le ciel. Plic-ploc fait la pluie dans le bocal de l’enfant ! la pluie tombe de plus en plus fort et forme partout de petits ruisseaux. Arthur court sous l’averse en riant et vide son bocal dans le torrent. « L’eau de mon bocal se trouve quelque part dans ce tumulte », se dit Arthur. Il décide alors de la suivre, au gré du long voyage de l’eau qui va venir gonfler le lit de la rivière, traverser champs et campagnes, les villes où vivent les hommes et les femmes qui ont tant besoin d’elle et se jeter dans l’océan.

« Le rythme de la pluie » nous saisit tout d’abord par ses illustrations sublimes. Le travail de la couleur, tout d’abord, est incroyable : l’illustrateur arrive à rendre avec beaucoup de justesse les teintes subtiles que prend l’eau en fonction de son environnement. Il joue avec la transparence au fil des pages, utilise de nombreuses techniques (gouache, aquarelle) pour peindre au fil des pages un décor magnifique.

Ce livre aborde avec beaucoup de poésie le cycle de l’eau. Une goutte de pluie se forme, tombe dans la rivière, celle-ci parcours les paysages, et se jette dans l’océan. Là, sous l’effet de la chaleur du soleil, elle va s’évaporer puis devenir nuage, et enfin redevenir pluie. La boucle est bouclée. A travers son voyage on découvre que tout le monde a besoin d’eau. L’humanité, bien sûr : celles et ceux qui n’en prennent pas beaucoup soin, celles et ceux qui en manquent ; les animaux aussi, celles et ceux qui la boivent ou qui y vivent, comme la grande baleine bleue ; mais finalement c’est tout l’écosystème de la planète qui vit au fil de l’eau.


Après plusieurs lectures du rythme de la pluie, je ne me lasse pas d’en observer les illustrations et de replonger dans cet univers coloré, aquatique et onirique. Cet album est un véritable régal pour les yeux.