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Tous les avis de

Depuis 118 ans, un fantôme hante un immeuble parisien. C’est un travail à plein temps, d’être l’esprit frappeur de ce beau bâtiment. Il en a vu défiler, des choses étranges, émouvantes, des scènes de ménage, des cambriolages, des baisers passionnés, des ascenseurs coincés ! Rien ne changera jamais dans sa vie d’esprit. Jusqu’à… ce que quelqu’un d’autre meure et vienne s’installer dans l’immeuble ! C’est une jeune fille d’aujourd’hui, les cheveux pleins de soleil, qui dit hello aux résidents et fais des tope-là aux bébés. Notre fantôme tombe alors amoureux… mais lui, vieux de 118 ans, comment pourrait-il lui plaire ? Quelle belle histoire que ce fantôme parisien qui tombe amoureux ! Clémentine Beauvais et Gerald Guerlais nous offrent un magnifique tour de force : aborder le thème des fantômes avec légèreté, poésie, et joie. Le texte, facétieux, ne tarit pas de jeux de mots bien sentis autour de la mort et retranscrit avec force les émotions de notre héros bien maladroit. L’illustration, sublime, rend grâce à la beauté des toits haussmanniens et nous fait voyager tout droit vers Paris. Sous les crayons de Gérald Guerlais, les personnages tourbillonnent, virevoltent, se cherchent et se découvrent. "Les esprits de l’escalier" est un conte romantique plein d’amour, de tendresse, un moment de poésie suspendu.

Elle aime les fraises et les feux de bois, lui aime le camembert et la plage… mais surtout, ils s'aiment et sont heureux tous les deux, si bien qu'un beau jour arrive un tout petit. Il renverse leur monde de fraises, de plages, de camembert et de feux de bois. Il y a des jours noirs, à cause de douleurs ou de chagrins, mais aussi de très beaux jours, remplis de sourires de petites dents, de roulades dans l'herbe et de cueillette de violettes : ainsi, page après page, tous les trois écrivent leur propre histoire. Ce bel album est édité aux éditions 3oeil, petite maison d'édition attachée au dessin manuel et férue de gravure sur bois. L'autrice Alice Brière-Haquet jongle avec les mots, les assemble pour en faire des textes à mi-chemin entre histoire et poésie. Olivier Philiponneau (qui nous a fait l'honneur de mener un atelier artistique en visioconférence le 14 avril dernier) et Raphaële Enjary nous offrent à partir de leurs gravures, des illustrations aux couleurs primaires éclatantes, qui transmettent avec justesse toutes les émotions que procure une naissance. Les personnages, représentés sous forme de carrés, sont étonnamment expressifs et superbement mis en scène. On retrouve avec amusement les scènes quotidiennes que traversent les jeunes parents : « ils roulent dans la grande ronde des biberons ». Cet album nous rappelle que quelques mots bien choisis et de belles illustrations aux couleurs chatoyantes valent mieux qu'un long discours pour représenter le bouleversement qu'est l'arrivée d'un petit être sur terre.

Bob et Marley, malgré le titre qui peut nous induire en erreur, n’est pas une série d’albums sur la culture rastafarie. Bob et Marley sont deux amis ours qui prennent vie à travers une série d’albums courts et avec peu de texte. Bob est plus petit que Marley, plutôt naïf et pose beaucoup de questions. Marley est plus grand que Bob, plus sage aussi et tente de répondre aux multiples questions que Bob lui pose. De plus Bob et Marley sont très drôles. Même si le plus souvent, c’est bien malgré eux… A travers leurs personnages d’ours, Frédéric Marais et Thierry Dedieu abordent de nombreux sujets et thématiques philosophiques. Les jeux sur les mots, le décalage parfois absurde entre texte et illustration apportent une touche d’humour à plusieurs niveaux de compréhension, qui amusera les parents comme les enfants. L’illustration nous rappelle ce que Thierry Dedieu avait déjà proposé dans sa série documentaire et humoristique des Tatsu Nagata : une illustration efficace, des aplats de couleurs tranchés en guise de décor qui vont de pair avec le rythme efficace et enlevé de chaque aventure vécue par nos oursons Bob et Marley.

Cinq minutes, c'est long. Surtout quand il faut attendre pour entrer au parc d'attractions ou que maman ait fini à la poste. Mais cinq minutes c'est si vite passé, quand on patiente avec angoisse chez le dentiste ou quand on s'amuse bien ! A travers cet album rempli d'humour, les auteurs donnent à voir la relativité du temps qui passe, parfois très lentement, parfois trop rapidement. Cette expression qui revient comme une ritournelle au fil des pages, « dans 5 minutes » ou bien « juste 5 minutes », les adultes l'utilisent toute la journée, parfois sans même s'en apercevoir ! Les illustrations nous montrent des situations du quotidien dans lesquelles tous les enfants vont se reconnaître. Olivier Tallec fait naître dans les gestes et sur le visage de son petit héros toutes les émotions liées au temps : la frustration, l'ennui, ou encore l’excitation et le trépignement lors d'une attente insoutenable. On retrouve avec beaucoup de justesse et d'humour ces postures parfois étranges que prennent les enfants lorsqu'ils patientent. Le temps est avant tout une histoire de perception... et cet album nous le montre bien !

Georges et Bébert sont deux rescapés d’un naufrage. Ils naviguent sur ce qu'il leur reste de bateau. Bébert est plutôt agacé de la situation, qui ne fait qu’empirer : il commence à pleuvoir, une nuée de poissons volants leur passe au-dessus, un orage éclate, des sirènes surgissent des vagues pour chanter une chanson qui reste dans la tête ! Bébert, lui, relativise par sa phrase favorite : « Ça pourrait être pire ». A travers cet album très coloré, Einat Tsarfati mets dos à dos deux personnages aux caractères opposés. Avec de nombreuses touches d’humour, le lecteur assiste impuissant à la dégradation de la situation : nous ne pouvons être qu’impressionnés devant le calme et la joie inébranlables de Georges ! Mais tout optimisme a ses limites… Le passage par les fonds marins est l’occasion pour l’autrice-illustratrice d’utiliser toute une palette de couleurs expressives. Le lecteur savoure les détails fourmillants de la vie aquatique. Cet album nous rappelle qu’il faut savoir positiver, car dans n’importe quelle situation, ça pourrait être pire !

Une petite fille s’apprête à toucher un papillon posé sur une fleur, mais l’auteur la prévient : elle risque de déclencher des catastrophes en séries ! on appelle ça l’effet papillon… Cet album très rythmé et plein de situations rocambolesques explique aux enfants comment un simple battement d’ailes de papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout de la planète. Si cette notion peut leur paraître floue, ils s’amuseront néanmoins de l’enchainement des circonstances, amenées avec humour. Les illustrations sont joyeuses et colorées, contrebalançant efficacement les situations catastrophiques qui s’enchainent avec fatalisme sur nos pauvres animaux (très expressifs). Le genre du conte de randonnée est exploité avec brio par Philippe Jalbert, qui clôt cet album avec une chute délicieuse. A déguster de toute urgence !

David Merveille n’en est pas à son coup d’essai en ce qui concerne Monsieur Hulot, le personnage emblématique et bien connu du réalisateur Jacques Tati.
S’inspirant des films cultes « Mon oncle » ou encore « Les vacances de Monsieur Hulot », il nous offre avec son dernier album « Hulot Domino » un livre empli de poésie et de petits mystères. Dans cet album sans texte, nous retrouvons Monsieur Hulot dans sa vie et ses activités quotidiennes : lecture, bronzage à la plage, promenades… Chaque moment se termine par une découpe au laser en ombre chinoise, ellipse qui entraîne Monsieur Hulot dans une tout autre situation. Toutes ces petites scénettes humoristiques sont habilement liées par des strips à la manière de la bande dessinée. Les découpes en ombre chinoise viennent se superposer aux pages superbement colorisées et soulignent le décalage de notre personnage et l’humour de notre auteur-illustrateur. David Merveille nous offre un album à contempler, à lire à relire, où l’on retrouve pour notre plus grande joie Monsieur Hulot, son imperméable, sa pipe, son parapluie, mais aussi son étourderie et sa magie.

Des enfants et leur professeur s’en vont en classe verte. Verte ? Grise plutôt ! Car notre petit groupe part visiter la lune ! Pendant que ses camarades et son enseignant explorent cet astre, une petite fille, un peu lunaire justement, en profite pour croquer la terre vue de son satellite et finit par s’assoupir. A son réveil, la classe est repartie sans elle ! C’est alors qu’elle va faire une bien étrange rencontre… Classe de Lune est un album sans texte, poétique, qui prends son temps pour nous parler de contemplation et d’imagination. Les illustrations à la peinture supportent efficacement le récit et le contraste en noir et blanc des paysages lunaires permettent de détacher les petits détails de la rencontre du 3e type qui se déroule sous nos yeux. Avec notre petite héroïne, nous traversons merveilleusement toutes les émotions qu’elle peut ressentir grâce à une illustration subtile et maîtrisée : la peur, la curiosité, la mélancolie… De plus, John Hare réussit le tour de force de ne pas utiliser les expressions faciales car notre petite astronaute garde sa combinaison spatiale pendant presque toute l’histoire. Enfin, le thème original (une classe verte sur la lune, qui n’en rêverait pas ?) ravira les enfants,  petits et grands, qui ont la tête dans les étoiles.

Très loin d'ici, dans le Grand Nord, Nils et Anna écoutent leur papa leur raconter l'histoire de la baleine gigantesque, qui fait 6 fois la taille de leur maison. Leur papa l'a rencontrée une seule fois. Nils aussi veut la rencontrer, alors, il guette, il scrute, et un beau jour, décide de partir en kayak à sa recherche. Mais Anna n'a pas dit son dernier mot et monte à bord incognito ! Les deux enfants embarquent pour un magnifique voyage à travers les paysages glacés de l'Arctique... La mystérieuse baleine est un album empreint de poésie et d'invitation au voyage. A travers le voyage initiatique de Nils et Anna, le thème des relations entre frères et soeurs est très justement abordé. Les illustrations, dans les tons pastel, sont douces et rendent grâce aux couleurs extraordinaires de la mer et du ciel du Grand Nord. Cette belle et douce histoire est à déguster sous une couette, accompagné d'un chocolat chaud, en rêvant à ces endroits sur terre, lointains et extraordinaires

Des camions et des caravanes arrivent dans un pré puis les forains installent leurs attractions à la lisière d’une forêt. Le jour, la fête foraine bat son plein ; puis la nuit tombe, le gardien fait une dernière ronde et le lieu se vide en attendant de recommencer le lendemain. Vraiment ? Non… car les animaux qui observent depuis leur forêt sont bien décidés à profiter eux aussi de ce lieu féérique, plein de sensations fortes et de sucreries à déguster ! "La nuit de la fête foraine" est un album qui donne à voir avec délice, un univers magique, une bulle ou le temps n’est dédié qu’à l’amusement. Sans texte, l’illustration de Mariachiara Di Giorgio réussit à parler à tous nos sens : on entend la musique des manèges se mélanger les unes aux autres, on sent le goût de la barbe à papa fondre dans la bouche. On se plonge sans retenue dans ce monde sucré et doux, aux lumières étincelantes et aux couleurs éclatantes. Les ours, sangliers, biches et autres loups sont représentés avec décalage et beaucoup d’humour dans des attractions peu adaptées à leurs morphologie, mais peu leur importe. Leurs regards sont si expressifs qu’on retrouve le plaisir d’être là et la joie dans leurs yeux. Un coup de nostalgie assuré pour les grands enfants que sont les adultes et d’émerveillement pour les plus jeunes qui assurément, auront hâte de retrouver leur fête foraine dès que celles-ci rouvriront leurs portes.